Me voici déjà de retour avec une nouvelle Dramione. Elle est très différente de ma précédente fiction, puisqu'elle se passe lors de la 7ème année à Poudlard de Hermione et Drago. La guerre n'est pas présente ici, mais c'est un tout autre sujet, qui me tient à cœur et qui est selon moi tout aussi triste : la maladie.

La Vie est une chienne, est donc ma nouvelle fiction, et ne fera que onze chapitres, je vous laisse deviner pourquoi. J'espère qu'elle vous plaira, car elle est sensiblement différente de La Couleur de l'Equinoxe. On y découvrira une Hermione sans limite, fataliste et sombre, à l'instar d'un Drago déboussolé et à la recherche d'identité.

On ne sait jamais comment réagir quand la mort s'abat sur l'un de nos proches, et quand ça nous tombe dessus, on n'a plus que nos yeux pour pleurer. Je dédie cette fiction à ma Marraine, que la maladie à emporté.

Portez vous bien, chers lecteurs, et bonne lecture.

Il est des vies qui mériteraient d'être plus longues, plus exaltantes ou même plus paisibles. Des vies si longues qu'on ne pense jamais à ce qui pourrait les achever. Mais la vie n'est pas méritocratique. Elle est vile et cruelle, et emporte avec elle les âmes les plus innocentes. Elle arrache des larmes de douleur aux orphelins et plante une dague brûlante dans le cœur des parents. La vie est une chienne, et Hermione Granger allait l'apprendre à ses dépends.

Assise de manière très digne sur cette chaise en bois dur, elle attendait, telle une statue, que la sentence tombe. L'épée de Damoclès au dessus de sa chevelure auburn semblait peser terriblement lourd, mais la fierté de la sorcière l'empêchait de courber l'échine. Ses mains jointes sur ses genoux étaient animées de tics nerveux, tandis que ses paupières clignaient de manière si peu régulière qu'on venait à douter qu'elle fut vraiment humaine. Mais une statue ne respire pas, n'est-ce pas ? Or, Hermione respirait avec application, laissant sa poitrine se lever douloureusement à chaque fois que ses poumons s'emplissaient d'air.

Enfin, après de longues minutes d'attente, un homme en blouse blanche entra dans la chambre immaculée, et s'approcha à pas pressé de la jeune femme. Il était charmant, avec sa chevelure poivre et sel et son sourire lumineux. C'était un homme entre deux âges, qui semblait vivre pour son métier. Quand il arriva à la hauteur d'Hermione, il s'assit sur la chaise vide à côté d'elle et posa une main fraîche sur l'épaule dénudée de sa patiente. Celle-ci frissonna doucement et tourna légèrement la tête en direction du médicomage. La sentence allait tomber.

—Nous avons vos résultats, Hermione, commença le médecin de sa voix basse et sereine.

Mais ce n'était qu'un masque. Un foutu masque que les médecins portaient, la tête haute, les épaules droites. Un masque de douceur et de sollicitude. Un masque de mensonge. Hermione n'était pas dupe, elle pouvait se targuer d'une intelligence supérieure à la moyenne, et il était hors de question de la prendre pour une simplette.

—Ils ne sont pas bons, n'est-ce pas ?

Elle aurait du paraître horrifiée, et sans doute l'aurait-elle été si elle ne s'était pas déjà préparée au pire. Elle tenta de sourire, en vain, son corps refusait d'accueillir une si terrible nouvelle. Hermione hocha doucement la tête pour encourager le médecin à en dire plus sur ces fameux résultats.

—La tumeur a grossi depuis votre dernière visite, il y a trois mois de ça. Les potions n'ont eut aucun effet.

Un vague sourire ironique se dessina sur les lèvres carmin de la mourante – car c'était ce qu'elle était. C'était la première fois de sa vie qu'elle loupait des examens. C'était une bien mauvaise note qu'elle venait d'obtenir, et la punition serait sans appel : la mort. Cette garce.

—Nous nous en doutions, Professeur. Combien de temps ?

Le médicomage scruta Hermione de longues secondes avant de répondre. Voilà des mois qu'elle avait appris qu'elle était malade, et jamais il ne l'avait vu flancher. Elle n'avait jamais pleuré, ni eut de crise de panique ou d'hystérie. Elle était toujours venue seule, sans aucun soutien pour l'aider à surmonter cette épreuve. Elle s'était toujours montrée calme, cherchant à comprendre ce qui avait bien pu arriver. Les tumeurs ne se justifient pas, elles arrivent, sans prévenir et logent dans le cerveau des sorciers jusqu'à les vider lentement de la vie. A dix-sept ans, elle ne s'était pas attendue à cela, mais elle avait accepté les traitements les plus lourds sans sourciller. C'était une femme forte, indépendante, qui ne souhaitait en aucun cas se laisser terrasser par quelque mauvaise nouvelle que ce fusse.

—Une dizaine de mois, tout au plus. Et si vous continuez à prendre votre traitement, finit par répondre le médecin d'une voix empreinte de compassion.

—Dix mois, répéta Hermione, comme pour jauger de ce que dix mois signifiaient.

Elle écarta ses mains devant elle, et observa attentivement ses dix doigts. Le temps qu'il lui restait se comptait sur les doigts de deux mains. Hermione resta silencieuse un long moment, absorbant cette nouvelle comme une éponge, un liquide. Elle s'en imprégna douloureusement. Dix mois, c'était si peu de temps. Elle était trop jeune pour mourir, et pourtant, elle n'avait plus le choix.

—On peut commencer les injections aujourd'hui, et pour le reste, vous prendrez une potion par semaine, pour empêcher la tumeur de se répandre trop vite.

—Bien, commençons alors.

—La première injection dure dix heures, vous serez libre de rentrer chez-vous par la suite. Y-a-t-il quelqu'un qui puisse vous tenir compagnie pendant tout ce temps ?

Hermione resta silencieuse. Non, il n'y avait personne. Ou du moins, elle ne voulait personne. Ni ses parents, ni ses amis. Elle ne voulait pas de leur regard de pitié, ni même de leurs larmes salées. Elle voulait être seule, pour ne blesser personne. Elle hocha finalement la tête et le médecin n'insista pas. Il quitta la chambre en demandant à Hermione de s'allonger sur le lit, le temps qu'il aille chercher ce qu'il fallait pour l'injection.

Hermione s'exécuta et s'installa confortablement dans le lit. Elle croisa ses longues jambes devant elle et ajusta ses coussins pour pouvoir se tenir droite. De là où elle se trouvait, elle avait une vue imprenable sur Londres. Devant elle, Big Ben et Westminster s'érigeaient comme de véritables œuvres d'art. C'était une belle journée, pour une fin d'été. Le mois d'août avait été chaud et agréable, mais à présent, le vent d'automne semblait reprendre sa place. Le ciel était un peu moins bleu et le soleil un peu plus pâle, mais il faisait bon vivre et les londoniens profitaient de leurs derniers congés pour aller pique-niquer à Saint James Park avec leur famille.

Quelques minutes plus tard, le médecin revint, les bras chargés de flacons, et installa tout le nécessaire à la transfusion. Quand l'aiguille magique transperça sa chair, Hermione ne put réprimander une grimace jusqu'à ce que la douleur ne soit plus qu'un mauvais souvenir. Elle n'avait pas le temps de souffrir, elle s'en rendait tout juste compte.

—Tout est prêt, Hermione, déclara le médicomage.

—Allons-y, dans ce cas.

L'aiguille était reliée à deux longs fils qui trempaient dans deux flacons différents. Les deux potions entraient alors dans ses veines de manière tout à fait indolore.

—Dans dix heures, les flacons seront vides. Nous vous garderons une heure supplémentaire en observation, pour voir comment vous réagissez au traitement, puis vous pourrez rentrer chez vous. Je repasserai vous voir dans quatre heures.

—A toute à l'heure, Docteur.

Les heures passèrent lentement mais sûrement. Hermione regrettait de ne pas avoir apporté un livre avec elle, mais elle ne voulait pas demander à l'un de ses amis de venir lui en amener un. Elle passa donc son temps à regarder par la fenêtre, sans jamais détourner son regard des passants. Perdue dans ses réflexions, elle semblait sereine et paisible, comme si la vie n'était pas sur le point de lui être retirée. Dans moins d'une semaine, elle ferait sa septième rentrée à Poudlard. Elle savait qu'elle ne finirait pas l'année, et soudain ses examens et toutes ses révisions lui semblèrent bien futiles.

C'était à cela que sa vie s'était résumée : des livres, des rouleaux de parchemins, des corrections, des devoirs. Elle n'était pas certaine de vouloir passer les dix derniers mois de sa vie, le nez dans les livres de magie. Il y avait tant de choses qu'elle n'avait pas faites et qu'elle aurait aimé faire avant de s'en aller. Alors, Hermione commença à élaborer une liste. Elle ne voulait pas que les derniers mois de son existence soient régis par les règlements et les examens. Elle voulait vivre pour elle, et profiter de ces derniers instants. Elle se promit de ne rien se refuser et dire ce qu'elle pensait à tout moment. Elle se jura de vivre tous les excès. Elle avait dix mois pour apprendre à vivre et à mourir, et elle n'avait pas une seconde à perdre.

Quarte heures plus tard, le médecin revint s'assurer que tout allait bien. Et tout allait bien. Alors il repartit, non sans avoir donné quelques confiseries à Hermione. Mais celle-ci n'y toucha pas. L'appétit semblait l'avoir abandonnée, au même titre que la vie qui la quittait peu à peu. Quand plus de six heures se furent écoulées, Hermione s'autorisa à fermer les yeux. L'endroit était si calme, que le sommeil ne tarda pas à l'emporter.

Elle ne sut combien de temps elle dormit, mais elle fut réveillée en sursaut par un claquement de porte. Hermione ouvrit de grands yeux et scruta de longues secondes l'intrus qui venait de faire irruption dans sa chambre. Elle ne tarda pas à le reconnaître, car sa chevelure blonde et ses yeux d'acier ne lui étaient plus inconnus depuis bien longtemps.

Drago Malefoy parut cependant surpris de la trouver là. En réalité, il parut surpris de trouver quelqu'un dans cette chambre, tout court. Sans dire un mot cependant, il tourna le verrou et les enferma tous les deux dans la chambre d'hôpital, puis il se retourna, son éternel sourire goguenard suspendu aux lèvres.

—Malefoy, soupira Hermione.

—Granger, répliqua l'intéressé en s'approchant de sa démarche féline.

—Que me vaut l'honneur de ta présence dans ma chambre d'hôpital ?

—Si j'avais su que tu t'y trouvais, sois certaine que je ne serais pas entré. Mais cette imbécile de Daphnée Greengrass me suit comme un petit chien depuis qu'elle m'a vu dans l'hôpital.

Hermione le regarda d'un air interdit. Pensait-il vraiment que ses petits états d'âmes l'intéressaient ? Elle le regarda prendre ses aises, s'installer sur le fauteuil près du lit et se passer une main dans les cheveux. Elle crut l'entendre grommeler que ce n'était pas son jour de chance, mais elle n'était pas d'humeur à discuter avec Malefoy.

Ce dernier semblait cependant très intéressé par les potions qui s'infiltraient doucement dans le bras d'Hermione, et se permit même de jeter un coup d'œil à l'étiquette portant le nom du remède. Finalement, il demanda de sa voix traînante :

—Qu'est-ce que c'est ?

—Comme si ça t'intéressait, Malefoy.

—On est de mauvaise humeur, Miss Parfaite ?

Le sourire goguenard de Malefoy s'élargit sur ses lèvres pâles. Sans attendre la réponse d'Hermione cependant, il s'empara de la feuille de santé de la patiente qui était suspendue au pied du lit. Ses yeux parcoururent lentement les annotations du docteur, mais au fur et à mesure qu'il avançait dans sa lecture, son sourire pâlissait, jusqu'à n'être plus qu'un rictus.

—Et oui, Malefoy. Dans dix mois, tu seras débarrassé de la vermine que je suis.

Malefoy leva son regard argenté sur Hermione et la dévisagea comme s'il la voyait pour la première fois. Il reposa sans un mot le papier qu'il tenait dans la main et regarda une fois encore les potions qui trônaient sur le guéridon.

—J'ignorai que tu étais malade, dit-il d'une voix basse.

—Tout le monde l'ignore. Mais maintenant que tu es au courant, ça ne sera plus un secret très longtemps.

—Tu ne peux pas être soignée ? demanda Malefoy comme si Hermione n'avait jamais parlé.

—Non, la tumeur est trop grosse, il n'y a plus rien à faire.

Elle ne savait comment, mais Hermione avait réussi à garder une voix détachée. Ses yeux étaient secs, elle s'était promis de ne pas pleurer, et aucun tremblement dans sa voix ne laissait paraître qu'elle avait peur de la mort. Elle n'avait pas peur, elle était juste triste, triste de quitter un monde qu'elle ne connaissait pas assez. Malgré sa force et son courage, elle ne voulait pas parler de cela, et encore moins avec son ennemi de toujours.

—Et toi, qu'est-ce que tu faisais ici ? demanda-t-elle avec une curiosité feinte.

Malefoy la jaugea du regard, avant de s'étaler un peu plus sur son fauteuil et de répondre :

—Vérifier si je n'ai pas de MST.

Hermione ne s'était pas attendue une seule seconde à ce qu'il réponde, et encore moins à ce qu'il fut aussi sincère. Cela dut se voir sur son visage, car Malefoy eut un petit sourire satisfait.

—Mais rassure-toi, je n'en ai pas.

—Tant mieux pour toutes les filles que tu as sautées, dans ce cas.

—Que de vilains mots dans la bouche d'une si jolie fille.

En d'autres circonstances, Hermione aurait sans doute rougi de honte devant le regard si ironique de Drago, et sans doute lui aurait-elle jeté une injure à la figure avant de le congédier, mais elle était fatiguée de se battre contre lui, et se contenta de lui adresser un regard indifférent.

Les secondes passèrent en silence. Hermione avait rivé son regard sur la fenêtre, mais elle sentait celui de Drago lui brûler la peau. Elle fit comme si elle ne l'avait pas remarqué, et se contenta de regarder un oiseau qui venait de se poser sur le rebord de sa fenêtre. Si beau, si innocent, elle enviait la liberté de ce moineau.

—Tu peux ouvrir la fenêtre, s'il te plait, murmura-t-elle à l'adresse de Malefoy.

Celui-ci sembla d'abord surpris par une telle requête, mais il ne dit rien et se contenta d'hausser les épaules et de s'exécuter. La brise vint cajoler le visage d'Hermione à l'instant même où la fenêtre s'ouvrit, et elle s'autorisa à fermer les yeux pour mieux en profiter. C'était si agréable qu'elle en aurait oublié la fatalité.

—Tu comptes revenir à Poudlard ? demanda Malefoy après l'avoir laissé profiter de l'air frais.

—Oui.

—Les études avant tout, hein Granger ? grogna Malefoy en levant les yeux au ciel.

—Pas vraiment. Je ne vivrai pas assez longtemps pour passer mes ASPICs, mais au moins, Poudlard me permettra de penser à autre chose, plutôt que de m'apitoyer sur mon sort.

Malefoy la regarda, surprit. Tant de sincérité et de fatalité dans la voix de la meilleure élève de Poudlard, cela lui faisait froid dans le dos.

—Tu as peur ?

Hermione le scruta un instant, surprise par une telle question. Elle ne s'était jamais demandé si elle devait avoir peur ou non de la mort. Elle n'avait pas peur, c'était ainsi. Tout le monde devait mourir un jour ou l'autre, elle était seulement triste que cela arrive aussitôt.

—Pas de mourir.

—De quoi alors ? souffla Malefoy.

—Du temps.

Elle craignait de ne pas avoir le temps de faire tout ce qu'elle voulait avant de partir. Dix mois c'était à la fois si long et si court à la fois. Elle n'était pas certaine que cela suffise, cependant. Elle devait faire en moins d'une année ce qu'elle comptait faire en toute une vie. Hermione avait toujours été une fille pleine de vie, mais elle n'avait jamais soupesé le véritable cadeau qu'était l'existence. A présent qu'il lui en restait si peu, elle goûtait avec amertume au caractère éphémère de celle-ci.

—Potter et Weasley ne sont pas au courant ?

—Non.

Elle n'avait pas encore réussi à se convaincre de leur dire. Elle n'était pas certaine de profiter des derniers instants, si ses deux meilleurs amis portaient sans cesse un regard de compassion et de tristesse sur elle. Mais à côté de cela, elle ne trouvait pas juste de ne pas les préparer à son départ. Sans doute le leur dirait-elle bientôt, mais elle n'avait pas encore décidé de la manière dont elle s'y prendrait.

—Mais ne te donne pas la peine de le leur dire. Je m'en chargerai moi-même, déclara Hermione.

—Ah, tu me connais, Granger, je suis une tombe.

Le jeu de mot fit sourire Hermione. Une tombe. Voilà où elle se trouverait dans dix mois. Et pourtant, au lieu de pleurer de cette plaisanterie de mauvais goût, Hermione ne put s'empêcher de la trouver drôle. Drago Malefoy venait de la faire sourire, elle. C'était inattendu. Mais elle ne mit guère de temps à comprendre pourquoi. L'indifférence de Malefoy lui faisait du bien. Pas de compassion, pas de pitié dans son regard anthracite. Il était égal à lui-même, le petit fils à papa insolent et bien peu concerné par les problèmes des autres. Elle aurait aimé qu'Harry et Ron réagissent comme lui, afin de la laisser profiter de ces derniers mois.

Malefoy parut satisfait de sa petite blague, mais ne le montra pas. Il se contenta d'afficher son éternel sourire en coin, et de regarder Hermione avec attention. Elle n'avait pas changé, elle avait toujours sa longue chevelure brune et ses yeux noisettes n'avaient pas perdu de leur vivacité. Ses lèvres roses et pleines s'étiraient en rictus comme elles l'avaient toujours fait et sa peau, quoiqu'un peu pâle, semblait toujours aussi soyeuse. S'il ne l'avait pas découvert, Malefoy n'aurait sans doute jamais deviné qu'Hermione était à l'article de la mort. Se sentant dévisagée, Hermione tourna légèrement la tête en direction de Malefoy et le scruta avec mépris.

—Tu veux mes yeux, peut être ?

—Non, garde les, il ne te reste déjà pas grand-chose, répliqua Malefoy au tac-au-tac.

Et sans doute cette phrase aurait du être une lance dans le cœur d'Hermione, pourtant, elle se contenta de sourire. Il avait raison, bien sûr. Il ne lui restait rien, si ce n'était dix petits mois à vivre. Dix mois durant les quels elle s'était promis de faire tout ce qu'elle désirait.

Après de longues secondes de silence, Malefoy prit la parole de sa voix basse.

—Je ne dirai rien, tu sais ?

Hermione le regarda un moment, jaugeant de sa sincérité. Non, il ne dirait rien, parce que cela ne lui rapporterait rien : il n'aurait aucune satisfaction à tirer d'une telle information. Elle ne savait pourquoi, mais elle sentait que l'annonce de sa maladie avait particulièrement choqué Malefoy. Peut être qu'il n'avait jamais pensé qu'elle mourrait d'une façon si commune, ou peut être que la mort proche d'Hermione lui renvoyait sa propre vulnérabilité à la figure. Mais pour être certaine qu'il se taise, Hermione répondit d'une voix douce :

—Je sais. Tu ne diras rien si tu ne veux pas que toutes les filles de Poudlard découvrent que tu as une MST particulièrement virulente.

—Tu n'oserais pas ? s'offusqua Malefoy d'un air théâtral.

Hermione s'autorisa un nouveau sourire devant l'air outré de Malefoy. Elle n'avait jamais été très friande de ragots, car elle en avait bien souvent été la victime. Mais à présent que plus rien ne comptait vraiment, elle se demanda si au contraire elle ne se régalerait pas à divulguer ce genre d'information sur le compte de son pire ennemi.

Les secondes passèrent dans un silence paisible, et Hermione en profita pour fermer les yeux. Elle était fatiguée. La tumeur l'affaiblissait plus qu'elle ne voulait l'admettre. Elle voulait dormir, mais elle ne voulait pas le faire en présence de Malefoy. Non pas qu'elle avait peur de lui, mais elle ne voulait en aucun cas se montrer si vulnérable. Elle était sur le point de le congédier, quand celui-ci reprit la parole :

—N'y pense même pas, Granger. Greengrass doit toujours me chercher, et il est hors de question que je m'en aille.

Avait-il lu dans ses pensées ? Hermione en doutait. Elle s'était entrée de longues heures à l'occlumancie et était presque certaine que Malefoy n'avait pas fait tomber ses barrières mentales. Non, de toute évidence, Malefoy était juste doté d'un sixième sens particulièrement affûté.

—Très bien, soupira Hermione, mais déverrouille la porte, au cas où le médicomage doive me parler.

Malefoy sortit sa baguette d'une poche intérieure de sa veste et la pointa vers la porte jusqu'à ce qu'un cliquetis métallique retentisse. Il rangea ensuite sa baguette à sa juste place et s'installa confortablement dans son fauteuil.

Depuis combien de temps était-il là ? se demanda Hermione. Etrangement, le temps était passé vite, en sa compagnie, et jamais elle n'aurait pensé sourire en présence de Drago Malefoy. Elle se décida à jeter un coup d'œil à sa montre, à l'instant même où le Médicomage entrait dans la pièce.

Ce dernier jeta un coup d'œil à Malefoy et adressa un sourire à Hermione :

—Je suis ravi qu'un ami soit venu vous tenir compagnie. La solitude n'a jamais été un remède acceptable, affirma-t-il. Surtout à votre âge, vous devez profiter.

Puis il se retourna vers Malefoy qui abordait une mine faussement compréhensive.

—Je compte sur vous pour faire passer du bon temps à Hermione.

Malefoy eut un large sourire, accompagné d'un regard lubrique, et répondit en rivant ses yeux sur Hermione :

—Comptez sur moi, docteur.

Le médicomage ne sembla pas remarquer le regard amusé de Malefoy ni celui, froid, d'Hermione. Il se contenta de jeter un coup d'œil à l'aiguille qui transfusait Hermione et de vérifier sa tension à l'aide d'un sort de médecine.

—Bien, reprit le médecin en regardant avec attention les fioles de potion, je vois que ça avance bien. Plus que deux petites heures, et vous pourrez partir.

—Merci, Professeur, répondit Hermione d'une voix claire.

Le médicomage lui sourit et adressa un clin d'œil enjoué à Malefoy avant de quitter la pièce, laissant derrière lui une odeur de menthe et de camphre. Malefoy avait l'air de particulièrement s'amuser, quant à Hermione, elle ne trouvait pas la situation très drôle. Voilà que le médecin s'imaginait des choses entre Malefoy et elle. Comme si elle n'avait pas assez de soucis comme cela.

Fatiguée, elle sentit ses paupières s'alourdir, et bientôt, elle se laissa bercer par la brise et le souffle lent de Malefoy. Elle sombra et s'endormit instantanément, plongeant dans le monde des songes avec délice. Il n'y avait plus qu'en dormant qu'elle parvenait à vivre une vie normale. Malgré tout, l'idée qu'il faudrait un jour prévenir Harry et Ron, la taraudait plus qu'elle ne voulait l'admettre. Les parents d'Hermione étaient les seuls au courant, et leur réaction avait suffit à Hermione pour la dissuader d'en parler à qui que ce soit d'autre. Sa mère avait beaucoup pleuré et son père avait exigé qu'elle rencontre les meilleurs médecins. Ce qu'elle avait fait. Mais quand, trois mois plutôt, le verdict était tombé, ses parents ne s'en étaient pas remis. Alors, elle s'était juré de ne plus aborder le sujet. Elle disait suivre son traitement magique, et sentir des améliorations… Mais à chaque rendez-vous, elle venait seule, pour être certaine de ne pas voir la souffrance dans les yeux de ses proches.

Hermione ne sut combien de temps elle s'était endormie, mais quand elle fut réveillée en sursaut par le grincement de la porte, le ciel arborait une couleur rose orangée, preuve que le soleil terminait sa course dans le ciel. Ses yeux mirent quelques secondes à s'habituer à la clarté de la pièce et très vite, son regard se posa sur les yeux verts d'Harry et la chevelure rousse de Ron. Derrière ce dernier, se trouvaient Mr et Mrs Weasley, ainsi que Ginny.

Le regard de ses meilleurs amis se posa simultanément sur la chevelure blonde de Drago Malefoy qui n'avait pas bougé d'un cil et observait la scène avec un air amusé.

—Qu'est-ce que vous faites là ? s'étonna Hermione.

—Comme tu ne répondais pas à nos hiboux depuis plusieurs semaines, et qu'on commençait à s'inquiéter, on a appelé tes parents pour savoir si tu allais bien. Ce qui les a surprit, puisque tu étais en vacances chez les Weasley, selon eux, expliqua Harry sans détourner ses yeux de Malefoy.

Hermione baissa les yeux un court instant, avant d'oser affronter le regard accusateur de ses deux amis. Ginny fit deux pas en avant, afin de pénétrer dans la chambre et s'approcha doucement d'Hermione. Elle regarda avec inquiétude les potions qui entraient péniblement dans le bras de son amie avant d'oser poser la question :

—Alors c'est vrai ? Tes parents nous ont appris que tu étais malade… Je n'arrive pas à croire que tu nous aies caché ça.

—C'est vrai, Hermione, ajouta Ron. Pourquoi ?

Hermione resta silencieuse un moment. Harry et Ron étaient comme deux frères pour elle, et si on lui avait dit qu'elle leur cacherait quelque chose, un jour, elle n'y aurait sûrement pas cru. Pourtant à présent qu'elle se trouvait au pied du mur, elle ne trouvait pas les mots. Bien sûr, Harry avait Ginny et Ron, Gabrielle Delacour, mais elle était presque certaine que leur trio ne survivrait pas à un tel secret. Elle les regarda longuement avant de détourner les yeux et de murmurer :

—Pour éviter cette pitié qui luit déjà dans vos regards.

Ron et Harry restèrent bouche bée, et se regardèrent avec inquiétude. Hermione savait déjà ce qu'il se tramait dans leur esprit : pouvaient-ils survivre sans elle ? De la même manière qu'elle n'aurait jamais pu vivre sans l'un d'eux.

—Et lui, qu'est-ce qu'il fait là ? demanda brusquement Ron en désignant Malefoy.

—Un malheureux hasard a fait qu'il est venu se cacher dans ma chambre, et malgré mes demandes, il s'obstine à rester là.

Malefoy ne se sentit pas du tout gêné, au contraire, il regardait la scène avec un sourire satisfait, comme s'il était trop heureux de voir souffrir les amis d'Hermione. En effet, malgré leurs remontrances, on pouvait lire dans le regard de chacun d'entre eux l'inquiétude et la douleur de voir leur amie aussi malade. Finalement, c'est Harry qui posa la question fatale :

—C'est grave, Hermione ?

—C'est une tumeur. Elle prend beaucoup de place dans mon cerveau, expliqua-t-elle d'un air docte, comme s'il s'agissait d'un exposé de sciences.

Sa bouche s'assécha néanmoins quand elle ajouta :

—Il ne me reste qu'une dizaine de mois.

Le verdict eut pour effet d'accabler l'assemblée. Molly Weasley eut un hoquet de surprise, vite transformé en sanglot. Elle ne tarda pas à sortir un mouchoir blanc de sa poche pour s'essuyer les yeux. Arthur, quant à lui, se contenta de prendre son épouse dans les bras et de regarder Hermione avec tristesse. Des larmes silencieuses coulèrent sur les joues pâles de Ginny, tandis que Ron et Harry restaient figés sur place, comme incapables d'assimiler ce qu'ils venaient d'apprendre.

Hermione tourna les yeux vers Malefoy, et quand leurs regards se croisèrent, elle eut la vague impression que les choses étaient différentes entre eux, désormais.

—Je pense que tu peux partir, soupira-t-elle.

—Oh tu sais, contrairement à toi, j'ai beaucoup de temps à perdre, répliqua-t-il.

Ses mots choquèrent profondément les autres, mais Hermione sourit à nouveau devant tant d'ingratitude et d'irrespect. Ron esquissa même quelques pas en direction de leur ennemi dans l'espoir de lui coller son poing dans la figure, mais Hermione l'en empêcha d'un regard. Malefoy finit par se lever et par se diriger vers la porte. Hermione pensa qu'il partirait sans un mot, mais finalement avant de franchir le seuil il se retourna et la regarda un long moment.

—On se voit à Poudlard.

Et il quitta la pièce. Qu'est-ce que cela signifiait ? Il avait dit cela comme s'il avait hâte de la revoir, ou peut être préparait-il un mauvais coup, une dernière blague de mauvais goût à lui faire avant qu'elle ne quitte définitivement Poudlard… Hermione n'en était pas certaine, mais ces paroles avaient le goût d'une promesse, comme s'ils étaient les seuls détenteurs d'un petit secret. Personne ne fit de commentaire cependant, et chacun s'approcha du lit de la patiente pour mieux profiter du peu de temps qu'il leur restait.

Ron vint s'asseoir à la place de Malefoy et prit la main d'Hermione dans la sienne. Toute couleur avait déserté son visage, et ses yeux luisaient plus que d'habitude.

—Dix mois, répéta-t-il lentement. Depuis quand sais-tu que tu es malade ?

—Depuis trois mois. Madame Pomfresh m'a fait faire des examens en juin, à cause de mes pertes de mémoires et mes absences, tu te souviens ?

Ron hocha la tête.

—Je suis allée à Sainte Mangouste et ils ont diagnostiqué une tumeur magique. J'ai eu un traitement jusqu'à aujourd'hui, mais les analyses sont mauvaises. Je n'ai appris qu'aujourd'hui qu'il ne me restait que si peu de temps.

Molly s'approcha d'elle et posa une main maternelle sur son front frais.

—Oh ma chérie…

—Mrs Weasley, je vous en prie. Ne faites pas ça. Ne pleurez pas.

Mrs. Weasley hocha la tête et laissa perler une énième larme au coin de ses yeux bleus. Elle tenta de lui sourire, mais finit par abandonner et s'écarta légèrement pour laisser place à Ginny.

—Que comptes-tu faire ? demanda Ginny d'une voix blanche.

—Retourner à Poudlard et profiter de mes amis jusqu'au bout. Je passerai le dernier mois avec mes parents, expliqua Hermione qui avait déjà réfléchi à la question.

Personne n'osa la contredire, et chacun affirma d'une petite voix que c'était une bonne idée. Finalement, les Weasley et Harry passèrent l'heure qui restait avec Hermione, mais celle-ci les supplia de ne plus aborder ce sujet pour le reste des vacances. Malgré leurs yeux brillants, et les sanglots dans leur voix, tous firent l'effort de parler d'autre chose. Harry et Ron se lancèrent dans la description du dernier match du Quidditch de la saison, Ginny lui raconta les derniers ragots de Poudlard (Millicent Bulstrode faisait les yeux doux à Seamus Finnigan depuis le printemps dernier, tu te rends compte ?) et Molly et Arthur se contentèrent d'écouter leurs enfants discuter. Ils convièrent cependant Hermione à venir passer la dernière semaine des vacances au Terrier, ce qu'elle accepta avec plaisir.

Cette année allait être difficile, mais Hermione se jura qu'elle la rendrait inoubliable. Elle avait la chance de connaître la date de sa mort, et c'était à elle de tout faire pour profiter de ces derniers instants. Après tout, elle avait assez vécu pour les autres, elle voulait faire ce que bon lui plaisait, à présent. Dix mois, cela suffisait. Tout ce qu'elle espérait, c'était que personne ne se mette en travers de son chemin.

Voici la fin du premier chapitre. Pour l'instant, il ne s'y passe pas grand-chose, mais les dès sont jetés : il ne reste plus que dix mois à vivre à Hermione, et elle va devoir subir le chagrin des autres, tout en vivant à l'excès le peu de temps qu'il lui reste.

J'espère qu'il vous a plu, mais le meilleur arrive bientôt. Dès le prochain chapitre, on verra ce qu'Hermione entend par vivre sa vie à fond. N'oubliez pas de laisser une trace de votre passage, ça fait toujours chaud au cœur de l'auteur, et surtout portez vous bien, parce que vraiment, La Vie est une chienne ,).