Chapitre I.
Haunted Mansion
Les pas résonnent dans le couloir, l'écho déformant le bruit des êtres de chairs qui peuplent désormais les jardins et le rez-de-chaussée. Haletant, Ayano refuse pourtant de s'arrêter, qu'arrivera-t-il si les autres l'attrapent ? Mourra-t-il comme eux ? Reviendra-t-il pour hanter à son tour les lieux qu'il a un jour chéris ? C'est un risque qu'il refuse de prendre, c'est une idée qu'il refuse de croire. Le manoir, situé sur une colline, a réduit l'invasion des infectés, mais des rescapés, secourus plus tôt dans la journée, mordus par ces êtres bestiaux, se sont rapidement transformés et de l'ensemble des employés et de la famille qui vivaient ici sont décédés sous leurs crocs acérés. Le jeune homme, à peine majeur, s'était vu offrir le travail de travailler pour cette riche famille, payé convenablement et ayant un toit où dormir, il n'avait pas pu refuser. Habitué à vivre difficilement dans la rue, cette proposition avait été une aubaine pour lui, une chance inespérée de repartir sur de bonnes bases.
Habitant dans les combles, lieu qu'il avait lui-même choisi à cause de la lunette ronde qui donnait une vue impressionnante, il avait été protégé du début de l'attaque, réveillé par les cris des autres servants. La lucarne qu'il avait choisi pour la vue décida de son sort, le prévenant de descendre de son perchoir. Il y serait resté si la voix de la seconde fille du château n'avait pas résonné dans les couloirs pour lui parvenir. Elle était celle qui lui avait permis de rentrer dans le manoir, elle était sa sauveuse et Ayano se sentait responsable, l'impression étrange d'avoir une dette envers elle. Avant de descendre de son grenier, il s'était emparé d'une vielle crosse de hockey qui trainait là-haut. Bien qu'il est eu l'habitude de se battre, l'idée même l'en répugnait, ces jours sont derrière moi, pensait-il.
Les quelques semaines passées dans la résidence lui avait permis d'en apprendre la grande majorité des couloirs et salles qui forment un véritable dédale pour ceux qui n'y sont pas initiés. La chambre d'Inamo se situe à l'opposé même de l'endroit d'où se situe la trappe qui permet d'accéder au grenier. Il faut traverser l'aile ouest, réservée aux servants, avant de passer par la salle de conférence, avant de ressortir dans l'aile est, où sont les chambres de la famille Tsukinuchi. Ayano, descendu dans le couloir, n'arriva pas à en croire ses yeux. Les murs, habituelles si chaleureux de leur couleur brune claire, étaient recouvert de sangs, les cadavres de ceux qu'il appelait désormais ses amis jonchant le sol. Plus que la vue, ce fut l'odeur qui souleva le cœur du pauvre jeune homme et s'il réussit à se contenir ici, la limite de l'acceptable n'était pas loin d'être atteinte. Enjambant la servante maîtresse dont l'identification ne fut possible que par la tenue, Ayano n'attendit pas plus longtemps et partit en direction du cri.
A peine le croisement du couloir fut franchi qu'Ayano comprit la triste situation. Au bas des escaliers, un attroupement de ces monstres, leurs grognements formant un brouhaha inaudible, semblables à des lamentations, la personnification de la Peur elle-même. Saisi de panique à la vue de cette horreur, loin des cadavres déjà puants de ses anciens confrères, loin de l'odeur grandissante des corps meurtris, la vue de ces monstres, de ces visages connus déformés, d'une couleur si pâle, aux multiples blessures, les yeux roulés dans les orbites. Reculant de quelques pas, le jeune homme trébucha sur un corps tombé en travers du chemin. La crosse tomba en brisa les lamentations du rez-de-chaussée. Qu'avait-il bien pu se passer, pensa Ayano, pour que les choses soient dans cet état. Il savait des choses sur les zombies, bien évidemment, comme tout jeune de cette époque. Revenus à la vie à cause d'une fuite biologique d'un laboratoire pour la plus probable au manque de place aux Enfers pour les plus religieux, le nombre de théorie en était d'ailleurs devenu ridicule. Se redressant, il attrapa sa crosse et, sans même regarder l'attroupement de revenants qui tentaient de monter les marches sans y parvenir, continua d'avancer pour retrouver Inamo.
S'il avait cru un instant que traverser le manoir serait une partie de plaisir, Ayano avait depuis longtemps rangé cette idée au fond de son esprit. Il n'avait pour le moment croisé aucun monstre à l'étage, seulement des cadavres complétement déchiquetés, mais où sont passés ceux qui mirent ces gens en pièces. La salle de conférence, une grande salle dont deux portes, à l'est et à l'ouest, permettent de traverser rapidement, une grande baie vitrée donnant sur le jardin, spectacle d'apocalypse à l'ordre du jour. Si la porte donnant sur l'aile Est était bloquée, il lui serait toujours donné de faire le tour en passant par le Grand Hall, mais cela signifierait passer au-dessus de l'Entrée qui, à l'heure actuelle, doit être totalement infesté de ces monstres.
Si l'étage était si calme, il y avait une bonne raison et l'ouverte de la porte est découvrit le mystère : une dizaine de monstres étaient en train de vagabonder devant les chambres, probablement attirés, comme Ayano, par le cri de la jeune femme. Partir ainsi au travers d'eux pouvant s'avérer dangereux, le jeune homme eu une bien meilleur idée. Du moins, c'est ce qu'il pensait. Frappant contre la porte en bois avec sa crosse, bon nombre d'infectés se retournèrent pour lui faire face.
- Allez, venez ! Venez par-là ! cria-t-il tout en reculant vers l'intérieur de la salle de conférence. D'un pas lent, les zombies commencèrent à avancer dans sa direction, tant qu'Ayano reculait doucement. Allez ! Venez me croquer !
Alors qu'il frappait sur la table de réunion, le jeune sorti de la pièce par là où il était arrivé la première fois, fermant la porte, il n'hésita pas et couru aussi silencieusement que possible, pour atteindre la porte Est par l'extérieur de la salle, se concentrant pour ne pas faire attention à la foule qui sembla s'emballer par son passage dans le Grand Hall. Arrivant près de la porte, il ferma celle-ci alors que les zombies, désormais tentant d'ouvrir la porte Ouest, se cognant contre la table et les chaises, ne remarquèrent même pas qu'ils étaient enfermés. Mais pour combien de temps, pensa Ayano. Sur la dizaine de monstre qui lui barrait le chemin, il n'en restait désormais plus qu'un seul, qu'il reconnut aussitôt. Il s'agissait du dernier enfant de la famille Tsukinuchi, le petit Shinji. Serrant sa main sur sa crosse, Ayano sut qu'il n'avait pas le choix, que désormais, ce petit gamin plein de vie et de joie n'était plus rien, qu'il n'était qu'un monstre n'ayant qu'une envie, se repaitre de sa chair. Levant le bras, Ayano avança un pied, prêt à frapper, mais dès que le cadavre vivant de Shinji s'avança face à lui, son bras redescendit. Comment s'y résoudre ? Le gamin ouvrit la bouche, le râle des monstres se faisant entendre.
- Je suis désolé. Murmura Ayano alors qu'un mouvement circulaire de la crosse brisait le crâne de l'ancien membre de la famille dans un crac sonore. Sous l'impact, du sang gicla et vint éclabousser sa veste de domestique. Retirant la veste pour ne porter finalement qu'une chemise blanche, il déposa sa veste sur le visage du garçonnet. Puisses-tu reposer dans un monde meilleur.
Se relevant, il fit les derniers mètres qui le menèrent à la porte d'Inamo. Plaçant la main sur la poignée, il releva la crosse, prêt à tout ce qu'il y aurait dans la chambre. Fermant les yeux, il pria que le sort est pour une fois été clément envers lui. Ouvrant la porte d'un coup sec, il pénétra dans la pièce et fut ébloui par la lumière, ses yeux s'étant habitués au peu de lumière du couloir. Levant un bras pour se protéger du soleil qui l'éblouissait, il ne vit rien d'autre qu'un livre voler vers lui, qu'il se pris contre le bras.
- Mademoiselle ! Cria-t-il pour protester. C'est moi ! Fukoji Ayano !
- Aya…no ? Ayano ! C'est bien toi ?
Refermant la porte, la jeune femme lui sauta dessus, bien qu'il n'y ai eu que quelques heures depuis la dernière qu'ils s'étaient vu, une éternité semblait s'être écoulée.
- Vous allez bien, Mademoiselle ? demanda-t-il en posant les yeux sur ce visage qui hantait ses rêves.
- On peut dire cela…
S'écartant de lui, elle retourna s'asseoir, alors même qu'elle souriait, une larme vint à briller dans le coin de son œil, avant que cette unique larme ne devienne un torrent.
- Tout le monde… Je n'ai rien pu faire. Bégaya-t-elle.
- Ce n'est pas votre faute, tenta de la rassurer Ayano, qui aurait pu prévoir qu'en une belle journée d'avril comme aujourd'hui, il y aurait cette… catastrophe.
S'approchant d'elle, il posa une main sur l'épaule de sa maîtresse, le regard triste. Ses yeux parcoururent sa jeune amie, elle portait encore ses vêtements amples de jeune femme aisée.
- Mademoiselle devrait se changer. Il n'est pas aisé de bouger rapidement dans ces habits. Une fois changée, nous devrions partir, trouver un endroit plus sûr qu'ici pour passer la nuit.
Ayano savait très bien de quoi il parlait, si son petit subterfuge avait marché tout à l'heure, il n'allait pas durer bien longtemps et les zombies se répartiraient bientôt sur tout l'étage. Impossible de retourner au grenier, de plus, il n'y a aucun vivre à l'intérieur, aucune arme, remonter là-haut signifie la mort. Sans parler, Inamo se leva et disparu derrière dans son dressing, dont l'on entend que le bruissement du tissu. Prenant une chaise pour bloquer la porte, qu'il coince sous la poignée, Ayano cherche vainement un endroit où aller. Les cuisines sont au Nord, mais elles sont beaucoup trop exposées, ne parlons pas des salons, dont les portes sont simplement faites de toiles. Faisant les cents pas, la réflexion du jeune homme est interrompue par la sortie du dressing de la demoiselle. Désormais vêtu d'un jean et d'une maillot léger, elle attache ses cheveux bruns en queue de cheval.
- Cela devrait mieux convenir, dit-elle dans un sourire. Nous devrions passer par l'armurerie, continue-t-elle en enfilant une botte. Père est un adorateur de chasse et à constituer une belle collection d'armes en tout genre.
Ne sachant même pas qu'il y avait une armurerie dans le manoir, Ayano accepte d'un hochement de tête. Si l'armurerie n'était pas accessible pour les domestiques, cela signifie sans doute qu'elle est fermée à clef, et qu'il sera difficile d'y accéder.
- Possédez-vous la clef qui permettra d'y accéder ?
Étouffant un petit rire, Inamo ouvre son armoire pour y sortir un sabre d'une magnifique facture. L'étui étant d'un rouge vermeille magnifique sur lequel est gravé une hirondelle, emblème de la famille Tsukinuchi. Sur la garde, un anneau a été rajouté, et pendant au bout de l'anneau, une clef qui ne rentrerait dans aucune des serrures traditionnelles.
- Il y a beaucoup de secrets dans cette maison, Ayano.
Plaçant le sabre à sa ceinture, le jeune Fukoji n'arrive pas à en croire ses yeux. Intrigué par la jeune femme depuis qu'il a posé le pied dans la maison, il l'a toujours considérée comme une petite fille à papa incapable de se défendre, mais il semblerait qu'il ait eu tort.
- L'armurerie est-elle une pièce sure ? demande-t-il sans parvenir à cacher son anxiété. Toujours plus décontracté, Tsukinuchi lui répondit, toujours en souriant.
- Elle est blindée, possède d'un verrouillage à clef, tout en parlant elle releva le sabre pour désigner la clef et nécessite l'empreinte d'un membre de la famille.
- Votre père doit être un peu paranoïaque. Répondit Ayano dans un rire gêné.
- Et c'est peu dire.
Prêt à partir, le domestique fit reculer sa demoiselle et enleva la chaise de sous la porte. Arquant les jambes, prêts à courir, les deux jeunes gens se regardèrent dans le blanc des yeux, tout sourire ayant disparu. Prochain arrêt : l'armurerie. Ouvrant la porte, ils disparurent dans le couloir.
