Titre : Amour, Gloire et Salles de bain
Genres : Humour, amitié, romance, UA (pas d'alters)
Rating : T (pour l'instant)
Personnages/Pairings : Shouto/Izuku + Katsuki, Momo, quelques OC mineurs
Disclaimer : Les personnages de My Hero Academia appartiennent à Kohei Horikoshi. L'image de couverture est une commande réalisée par iggiesca-asdy sur Tumblr, passez voir son blog pour d'autres belles choses :D

Résumé : Avant même les premiers jours de sa vie, son père avait décidé qu'il serait procureur. Qu'à cela ne tienne : envers et contre tout, Shouto était devenu plombier et comptait bien le rester.

Note de l'auteur : ... Je sais absolument pas comment introduire cette fic XD Je fais partie des gens qui trouvent que le costume de Shouto ressemble à un bleu de travail, eeet cette fic était un peu censée être une vaste blague à la base mais finalement j'en ai fait quelque chose de sérieux ? Donc bref voilà. Tout ce que j'ai à dire, c'est que ce sera du TodoDeku, en plusieurs chapitres (ma première fic longue depuis des années ! wouhou !), et que je vais me donner à fond pour que ce soit une histoire intéressante. C'est pas impossible que le rating change dans les futurs (lointains) chapitres, non plus.
Jusqu'ici c'est une fic que je m'éclate à écrire, alors j'espère qu'elle sera fun à lire aussi - mais dans tous les cas, merci d'y avoir jeté un coup d'oeil ! :D (P.S. : Joyeux Noël ! :3)

Merci à Fafa, Puppy et Mamounette pour leur soutien, et aussi c'est un peu de leur faute si cette fic existe /o/


Amour, Gloire et Salles de bain
Chapitre 1 : Amour, Gloire et Salles de bain

« Très bien… Je vois que tu as obtenu ton diplôme avec les honneurs. Et ça fait plaisir devoir des recommandations aussi positives, dis donc ! »

Humble, Shouto Todoroki se contenta d'incliner la tête.
Ce n'était pas que ces compliments ne lui faisaient pas plaisir, bien sûr, mais il s'était présenté à cet entretien d'embauche dans un seul but, celui de savoir si l'homme assis devant lui consentirait à l'engager ou non, et il commençait à trouver le temps long. L'idée que l'on puisse vouloir discuter de son parcours scolaire pendant plus d'une demi-heure lui paraissait toujours un peu étrange ; soit il avait les compétences requises, soit il ne les avait pas, après tout.
Malheureusement pour lui, son potentiel futur employeur avait tout d'un homme susceptible de le retenir à bavarder des heures encore. Chaleureux, souriant, il avait la quarantaine légèrement bedonnante et les gestes empreints d'une bonhomie que Shouto trouvait plaisante, quoiqu'un peu déconcertante – et lorsqu'il lui avait serré la main, il s'était rendu compte que ses paumes arboraient fièrement la rugosité propre au travail manuel qui était le sien.

Plomb'Express SA, dépannage et installation sanitaire depuis quinze ans. Son dirigeant, Takeshi Tanaka, quarante-deux ans, avait plusieurs dizaines d'années de métier derrière lui, et s'il pouvait paraître simple il avait dans le regard cette lueur qui trahissait la méticulosité avec laquelle il évaluait les candidats qui se présentaient à lui. C'était quelqu'un avec qui Shouto avait intérêt à être honnête, sinon-
Ses yeux s'écarquillèrent soudain, de façon qu'il espéra imperceptible, et il se reprit. Bon sang ! Il s'était juré de ne plus penser ainsi.

« J'ai fait mon apprentissage après le lycée, reprit-il rapidement, peu désireux de se laisser déconcentrer. Ensuite, au bout d'une année et demie chez mon formateur…
– Tu as eu envie de changer un peu d'air ? »

Sans se formaliser d'avoir été interrompu, Shouto hocha la tête.

« C'est tout à ton honneur ! Et donc, là, ça te fait… vingt-trois ans.
– C'est ça.
– Mon meilleur employé a le même âge. Si ça se trouve, vous vous entendrez comme larrons en foire ! »

Il s'imaginait difficilement « en foire », mais il s'efforça de hocher la tête quand même.

« Sinon, dis-moi, qu'est-ce qui te plaît ici ?
– Eh bien… » Shouto tourna les yeux vers sa main droite et se mit à compter sur ses doigts à mesure qu'il parlait. « La perspective de travailler dans une entreprise établie dans le domaine depuis plus de dix ans, d'abord, et-
– Non, non, je ne te parle pas de ces formules toutes faites, gamin. »

L'espace d'un instant, il releva la tête, surpris – et presque effrayé que cela puisse jouer en sa défaveur – mais n'en laissant rien paraître. Heureusement, il ne tarda pas à constater que monsieur Tanaka souriait, l'air fier de lui, mais pas déçu ni fâché le moins du monde.

« Je te demande ce qui t'amène ici, sincèrement. Avec des notes et des appréciations pareilles, tu aurais pu aller n'importe où. Je dis pas qu'on est mauvais, je sais qu'on est quand même une petite référence dans la branche, mais… on est pas ce genre de grosse boîte avec quarante réceptionnistes et un site web en douze langues, tu vois ? Ici, c'est juste moi, trois-quatre employés et la petite secrétaire. »

Il marqua une brève pause, sans pour autant donner l'occasion à Shouto de se demander s'il s'attendait à une réaction ou non.

« Alors voilà, je veux que tu me dises pourquoi. »

Cette fois-ci, le jeune homme s'accorda quelques secondes de réflexion. Il savait très bien pourquoi – mais que pouvait-il révéler ? Jusqu'où pouvait-il s'avancer ? Rien ne lui disait que cet homme n'allait pas…

« Hé, fais pas cette tête ! Promis, même si c'est juste parce que ta nana habite à côté, j'me moquerai pas de toi. »

Cette tête ?
Oh. Il ne s'était même pas rendu compte qu'il avait fermé les yeux, froncé les sourcils ; mais finalement… Finalement, il se disait que monsieur Tanaka lui plaisait bien. Il y avait quelque chose dans sa sympathie naturelle, sa sincérité aussi – quelque chose qui lui donnait envie de lui faire confiance, et de s'en remettre à lui.
Même s'il n'avait définitivement pas de nana qui habiterait près d'ici.

« J'aime beaucoup le quartier, finit-il par dire, ses traits retrouvant l'ébauche d'une expression confiante et tranquille. C'est juste à côté du campus de l'université, alors il y a beaucoup de bonnes librairies et de jolis cafés. Et vos bureaux sont à trois rues de chez moi.
– Eh bien voilà, on y arrive ! s'exclama aussitôt l'homme en face de lui, avant de se mettre à ressembler les documents (diplômes, curriculum vitae et ainsi de suite) qu'il avait étalés sur son bureau. Très bien, je pense qu'on a fait le tour. Je te recontacte dans quelques jours, mais en attendant… »

Il se leva et Shouto l'imita, de sorte à pouvoir prendre la main qu'il lui tendait et à échanger une poignée aussi puissante que déterminée.

« Le côté calme et bien élevé, ça a de quoi plaire à mes clientes, ajouta-t-il, un sourire aux lèvres et l'air entendu. Alors garde ton téléphone à portée de main.
– Je n'y manquerai pas. »

Ils échangèrent un dernier regard, puis le jeune homme put attraper ses affaires et se diriger vers la porte. Avant qu'il n'ait eu le temps de la passer, cependant, monsieur Tanaka l'arrêta une dernière fois.

« Encore une chose, gamin. Todoroki, c'est ça ? Ton nom me dit quelque chose… T'aurais pas un acteur, ou quelque chose comme ça, dans ta famille ? »

L'espace d'une seconde, Shouto resta immobile, comme pétrifié.

« … Non, pas que je sache, parvint-il toutefois à dire – mais sa voix était trop faible et ses yeux se bornaient à ne pas regarder son interlocuteur. Appelez-moi Shouto, s'il vous plaît.
– C'est noté, Shouto. Merci pour tout, et rappelle-toi : je t'appelle bientôt ! »

Il hocha la tête et sortit sans un mot de plus ; après quoi, seulement, il laissa échapper le soupir qu'il retenait depuis près d'une minute. Ça n'était pas passé loin… mais monsieur Tanaka n'avait pas eu l'air de chercher à en savoir plus, et c'était tant mieux.
À l'issue de cet entretien, il lui donnait l'impression d'être quelqu'un d'honnête, intraitable sur le mensonge qu'il repérait et déroutait rapidement, mais capable de respecter l'intimité de chacun lorsque cela était nécessaire ; et c'étaient autant de qualités qui plaisaient à Shouto. Oui, plus il y réfléchissait, plus il lui semblait que Plomb'Express avait tout d'une entreprise qui lui conviendrait, et qui sait – où il pourrait s'épanouir professionnellement, peut-être même.

Dans tous les cas, il quitta les bureaux avec un léger sourire aux lèvres ; la zone d'intervention de la firme se situait on ne peut plus loin du palais de justice, et ce n'était pas pour lui déplaire.


Quelques jours plus tard, il en eut la confirmation : c'était un poste qui lui plaisait, dans une entreprise qui lui plaisait.
À la suite de son entretien, il avait été embauché, et pour sa première journée de travail monsieur Tanaka l'avait emmené avec lui chez divers clients à dépanner. Chaque intervention s'était révélée différemment intéressante, et Shouto avait eu l'occasion autant de prendre en note la façon de procéder de son nouveau patron (toujours bien écouter ton client, même si tu as l'impression qu'il ne sait pas de quoi il parle ! – et le jeune homme ne put s'empêcher de se demander pourquoi il jugeait nécessaire de le préciser) que d'exprimer son point de vue sur les problèmes qui se présentaient à eux. De manière générale, il s'entendait avec monsieur Tanaka aussi bien qu'il l'avait imaginé, et celui de ses employés avec qui ils avaient déjeuné lui avait paru tout aussi agréable ; alors il était satisfait, oui, et il peinait à imaginer ce qui pourrait…

« Hé, patron ! C'est aujourd'hui qu'il débarque, le nouvel empaffé ? »

Shouto s'immobilisa dans l'entrée des locaux, une main encore sur la poignée de la porte qu'il venait d'ouvrir. Il eut le réflexe de se déplacer pour laisser entrer son supérieur, qui arrivait à sa suite ; mais tout de suite ses yeux se mirent à la recherche du possesseur de la voix qu'il venait d'entendre, et s'arrêtèrent bientôt sur un garçon qui ne devait pas être bien plus vieux que lui. Il s'efforça de ne pas l'analyser – mais il était blond, les cheveux à peine coiffés, les mains dans les poches et l'air bagarreur.
Lorsqu'il le remarqua, d'ailleurs, il haussa un sourcil peu aimable.

« C'est lui ? demanda-t-il à monsieur Tanaka, sans un mot pour Shouto. J'croyais vous avoir dit que j'pouvais m'occuper tout seul des nouveaux contrats…
– Oui, oui, fit leur chef, sans vraiment l'écouter, apparemment. Shouto, je te présente Katsuki, notre petit génie.
– Shouto Todoroki, enchanté, réagit-il aussitôt, s'inclinant légèrement en direction de son nouveau collègue.
– Vous avez le même âge, alors essayez de vous entendre, les jeunes ! »

Oh. C'était donc lui, le fameux « meilleur employé » avec qui il était censé s'entendre « comme larrons en foire ». C'était mal parti ; et apparemment, ce Katsuki n'avait pas dû recevoir l'information, car il ne se montra pas aussi coopératif que ce à quoi on aurait pu s'attendre, compte tenu du fait que cette demande venait de son supérieur hiérarchique.

« Tsk, j'l'aime déjà pas, déclara-t-il. Todoroki, hein ? Va pas croire que j'vais te respecter juste parce que ton père est chef des flics ou je sais pas quoi, enfoiré ! »

Il n'en fallut pas plus – à cet instant-là, précisément, Shouto sut que, peu importe ce qu'il s'efforcerait de faire, il ne parviendrait pas à l'apprécier.

« Oh, c'est pour ça que le nom me disait quelque chose ! s'exclama monsieur Tanaka.
– Non, le reprit aussitôt le jeune homme, plus froidement qu'il ne l'aurait voulu. Ça doit être un homonyme. Et je l'ai déjà dit, mais je préfère qu'on m'appelle Shouto. Je t'invite à le faire aussi, Katsuki. »


En fait, Katsuki – Bakugou, apprit-il par la suite, mais il continua de l'appeler par son prénom, ne serait-ce que parce que l'entendre le faire semblait agacer le blond au plus haut point – lui avait paru insupportable dès leur première rencontre, et dans les semaines qui suivirent tout ce qu'il dit et tout ce qu'il fit n'eut plus de cesse de lui prouver qu'il l'était bel et bien.

Outre son caractère… explosif, et les remarques agressives qu'il lançait à quiconque osait le regarder un peu trop longtemps, il était persuadé d'exceller dans son métier, agissait donc sans le moindre respect pour ses collègues ou les bonnes pratiques que Shouto s'était efforcé d'acquérir pendant plusieurs années, et le fait qu'il parvenait effectivement à effectuer toutes les tâches qu'on lui confiait à la perfection et en un temps record ne le rendait que plus agaçant encore. Plusieurs fois il refusa d'appliquer les normes de sécurité pourtant en vigueur, se moqua même de Shouto parce qu'il s'était donné la peine de les apprendre par cœur – toutefois…
Toutefois, il ne lui reparla pas de son père, et Shouto décida donc de l'ignorer. Tant qu'il n'abordait pas ce sujet, ses sautes d'humeur n'étaient pas si graves, après tout, et pas si difficiles à oublier non plus ; il avait l'habitude de côtoyer des gens bruyants, colériques, trop enclins à exprimer leur avis borné, et le temps lui avait enseigné l'art et la manière d'empêcher leurs paroles de l'atteindre, le son de leur voix d'être même capté par ses tympans.

Et puis, il trouvait quelque consolation dans le fait qu'il n'était pas le seul à subir le comportement de son collègue. Le patron et l'employé sympathique avec qui il avait déjeuné une fois n'avaient pas l'air d'en tenir compte, certes, soit parce que Katsuki se tenait un minimum en leur présence – ils étaient plus âgés et monsieur Tanaka son supérieur hiérarchique, après tout – soit parce qu'ils avaient trop bon caractère pour y voir un véritable problème. Ils n'étaient pas les seuls à travailler dans cette entreprise, cependant et la fameuse « petite secrétaire » dont Shouto avait entendu parler le jour de son entretien d'embauche fronçait régulièrement les sourcils devant l'ordinateur de la réception lorsqu'il arrivait dans leurs locaux le matin.

« Salut », lui lança-t-il ce jour-là encore, comme il s'approchait du comptoir, deux gobelets de café brûlant dans les mains. Il en posa un devant la jeune fille. « Un espresso du Zénith. Pour te remotiver. »

Dès qu'elle l'entendit lui parler, elle redressa la tête, termina de masser ses tempes et s'efforça de lui adresser un semblant de sourire reconnaissant. C'était une habitude qu'il avait prise, à force d'arriver le premier aux bureaux de l'entreprise et de l'y trouver toute seule, déjà aux prises avec les e-mails de la nuit et les devis demandés la veille, avant même les premiers appels de la matinée : il se levait un peu plus tôt, s'arrêtait en chemin dans l'un de ces petits cafés des rues parallèles à la leur, et leur offrait à tous les deux un gobelet de breuvage chaud qu'ils buvaient en discutant de la journée à venir.
Étonnamment, il s'était vite lié d'amitié avec Momo. Étudiante ingénieure, elle travaillait ici à mi-temps pour acquérir une expérience et s'assurer un salaire le temps d'obtenir son diplôme ; mais surtout c'était une personne calme et cultivée, très compétente, avec qui Shouto avait plaisir à parler de choses et d'autres, ou simplement à terminer son café dans un silence confortable.

Et surtout… Elle était sans doute celle qui souffrait le plus de l'attitude de Katsuki. Et pour ça, elle avait toute sa sympathie.

« Merci », lui dit-elle en attrapant le gobelet, sur lequel elle souffla doucement avant de le porter à ses lèvres, pour ne pas se brûler. Puis elle laissa échapper un soupir. « Je ne sais plus quoi faire de lui.
– Il a encore insulté madame Matsumoto pour avoir déréglé son chauffe-eau ? » Il haussa un sourcil, pas surpris le moins du monde, mais Momo secoua la tête.
« Il a réparé toute l'arrivée d'eau du Best Jeanist, tu sais, le salon de coiffure – tout seul et en moins d'une journée. Et puis il a hurlé sur le personnel parce qu'ils n'utilisaient pas de filtres à siphon. »

Oh. Il n'y avait pas à dire, c'était bien une réaction typique de leur collègue ; et les traits tirés de la jeune secrétaire portaient absolument à croire qu'elle venait de recevoir un e-mail, ou peut-être un message sur le répondeur, lui signifiant à quel point leurs clients avaient trouvé ce comportement désagréable. Encore.
Chaque jour qu'il arrivait au travail et qu'il trouvait Momo dans cet état, Shouto se demandait comment Katsuki pouvait bien être toujours employé, ne pas avoir été renvoyé – mais la seule raison qu'il y voyait ne changeait jamais, et c'était le fait qu'il était incroyablement talentueux. Plus efficace et plus rapide que tous leurs collègues plus âgés et que monsieur Tanaka lui-même, apparemment. Depuis cinq ou six ans qu'il travaillait ici, on avait toujours été parfaitement satisfait de ses services ; et passablement outré de son attitude.

« Enfin, finit toutefois par clore Momo, un énième soupir au bord des lèvres, avant que son visage ne reprenne tout son sérieux habituel. J'ai du travail pour toi, Shouto. Tu as un rendez-vous dans une heure, c'est à quelques rues d'ici… Je vais te donner l'adresse. »

Retrouvant tout son professionnalisme, lui aussi, il laissa de côté les considérations relatives à son bruyant collègue et hocha la tête. Puis, tandis que Momo cherchait dans leur base de données l'adresse exacte et le problème remarqué par son ou sa futur(e) client(e), il avala ce qu'il restait de son café et attrapa les deux gobelets désormais vides pour les débarrasser.

Quelques dizaines de minutes plus tard, il se retrouvait effectivement à quelques rues des bureaux de Plomb'Express, un peu en avance – mais jamais plus de quelques minutes, avait bien précisé monsieur Tanaka, parce que les clients n'aimaient pas qu'on les surprenne alors qu'ils n'étaient pas encore prêts à recevoir.

Jetant un dernier coup d'œil à l'horloge de son portable, qu'il glissa ensuite dans l'une des poches de son uniforme bleu sombre, il quitta la petite camionnette qui lui était fournie par l'entreprise et s'avança jusqu'au portail. Le bâtiment où il s'apprêtait à intervenir était une petite maison, jolie et moderne avec ses murs blancs et propres, au bout d'une courte allée bordée de fleurs ; un jardin semblait entourer la propriété, mais de là où il se trouvait, Shouto peinait à dire s'il était vraiment bien entretenu. Dans tous les cas, la demeure appartenait à une septuagénaire du nom de… Chiyo Shuzenji. Cela important peu, en soi – mais ce n'était pas la première dame d'un certain âge à laquelle le jeune homme rendait visite, et ses expériences passées lui avaient appris deux choses : premièrement, elles aimaient qu'il se rappelle leur prénom…
… et deuxièmement, elles le comparaient très souvent à leur petit-fils. Ou à celui qu'elles auraient voulu avoir, si elles n'en avaient pas. Ce simple souvenir suffit à lui faire fermer les yeux d'embarras ; entre ça les trentenaires qui lui suggéraient de revenir le soir même pour faire plus ample connaissance… Le pire étant qu'il avait mis plusieurs semaines à se rendre compte de la signification de leurs sous-entendus. Enfin. Tout métier avait des aspects moins plaisants que d'autres, il supposait – et en dehors de ça, il appréciait vraiment ce qu'il faisait.

L'air à nouveau neutre, prêt à se concentrer sur le problème de sa cliente et sur rien d'autre, il pressa le bouton de la sonnette situé à côté du portail, sans le passer bien qu'il soit entrouvert, puis attendit qu'on lui ouvre-
Et quelle ne fut pas sa surprise lorsque, en lieu et place de la dame âgée qu'il s'imaginait sur le point de rencontrer, il se retrouva face à un garçon d'une vingtaine d'années, les traits juvéniles et le visage parsemé de taches de rousseur et les cheveux en bataille et…
Surtout, l'air complètement paniqué. À un point tel que Shouto se prit, un instant, à se demander s'il se présentait bien à la bonne adresse.

« Bonjour, je suis Shouto Todoroki de Plomb'Express, déclara-t-il platement, sur le même ton qu'il employait toujours lorsqu'il se présentait et qui, pour une raison qu'il ignorait, faisait souvent sourire ses clientes. C'est bien ici que vit madame Shuzenji ?
– Ah, heu, oui ! répondit aussitôt le garçon qui lui avait ouvert, une main toujours accrochée à la poignée de la porte et les yeux grand écarquillés. C'est- C'est moi qui ai appelé, en fait… Enfin, merci d'être venu ! Entrez, je vais vous montrer le problème… »

Il se retint de hausser un sourcil. Un grand timide, peut-être ? Quoi qu'il en soit, cela dit, ça ne changeait rien au fait qu'il avait bien l'intention d'effectuer au mieux de ses capacités le travail pour lequel on l'avait mandaté – alors il hocha la tête et s'exécuta, empruntant d'ores et déjà l'allée qui menait à la grande bâtisse.
Une fois à hauteur de son client, il lui tendit la main, par réflexe, et celui-ci la prit d'un geste mal assuré, les paumes un peu moites.

« I-Izuku Midoriya, se présenta-t-il enfin, avant de le lâcher et de pivoter sur ses talons pour le guider à travers la demeure. Je ne suis pas de la famille de madame Shuzenji, mais je loue une de ses chambres depuis plusieurs années… Comme c'est une grande maison et qu'elle est toute seule. Alors je lui tiens compagnie, et c'est quelqu'un de très aimable – donc je l'aide dès que je peux, mais elle ne veut pas que je prenne de risque, et- Ah ! »

Pendant près d'une minute, il s'était perdu dans un monologue à voix basse que Shouto avait eu peine à suivre malgré les gesticulations concentrées qui l'accompagnaient – jusqu'à ce que brusquement il s'interrompe et lui jette un regard médusé.

« Mais je pense que vous n'avez pas besoin de savoir ça ! Pa-pardon ! »

Compréhensif, l'autre garçon ne commenta pas et se contenta de ramener la discussion à son sujet d'origine.

« Et donc, vos WC sont bouchés, annonça-t-il simplement plus qu'il ne demanda, étant donné que Momo lui avait décrit le problème avec qu'il ne parte.
– Hm, acquiesça aussitôt monsieur Midoriya, désormais moins paniqué et plus sérieux. Ce sont ceux de l'étage, venez. »

Il s'engagea dans l'escalier et Shouto le suivit jusqu'à une salle de bain relativement spacieuse, avec baignoire large et double lavabo en plus d'un WC suspendu.

« Ce n'est pas vraiment bouché, expliqua alors son client, mais on a des problèmes de niveau d'eau… Je crois que c'est relié à l'autre salle de bain… »

En effet, la pièce attenante était une salle d'eau elle aussi, avec une cabine de douche en lieu et place de la baignoire cette fois-ci, accompagnée d'un lavabo simple et d'un WC du même modèle que dans la première ; et en effet, le niveau d'eau de la cuvette était anormalement bas d'un côté et anormalement haut de l'autre. Comme l'avait dit monsieur Midoriya, ce n'était pas exactement bouché, mais il n'était pas impossible qu'un corps étranger obstrue la conduite qui devait relier les deux WC. Si c'était le cas, il suffirait de procéder aux opérations de débouchage classiques ; mais si le problème persistait, il pourrait s'avérer nécessaire de poursuivre les investigations jusqu'à identifier un éventuel défaut de construction.

Le ton calme et aussi compréhensible mais professionnel que possible, il fit part de ses déductions à son client, qui hocha la tête et le remercia vivement. Après quoi il invita monsieur Midoriya à le laisser s'occuper du problème et à vaquer à ses occupations, ce qu'il fit sans trop de hâte, gardant tout de même un œil sur sa personne – mais cela ne le dérangeait pas. Il avait l'habitude qu'on le regarde travailler, que ce soit par méfiance, par simple curiosité ou… autre chose (même s'il devait avouer que la façon dont certaines clientes le dévisageaient le mettait parfois un peu mal à l'aise).

Monsieur Midoriya n'était pas comme ça, heureusement. D'ailleurs, au bout de quelques minutes, voyant que Shouto se concentrait sur ses WC sans plus s'occuper de lui, il le laissa travailler – ainsi l'intervention s'effectua-t-elle rapidement et sans le moindre contretemps.

« Voilà, monsieur Midoriya », annonça-t-il à l'intention de son client lorsqu'il eut terminé.

Sitôt qu'il entendit son nom, le jeune homme réapparut dans le couloir, probablement sorti de l'une des chambres, et il le remercia chaleureusement.

« Si le problème se présente à nouveau, termina Shouto tandis qu'ils descendaient ensemble l'escalier, n'hésitez pas à nous rappeler. Nous vous enverrons quelqu'un avec une caméra.
– C'est noté, merci beaucoup. » Il marqua une légère pause. « Est-ce que… Est-ce que je peux vous offrir un café ? Ou autre chose à boire, si- enfin… »

Une fois de plus, sa timidité naturelle semblait reprendre le dessus – mais l'autre garçon n'y prêta même pas attention, cette fois-ci, tant il était… surpris. Autant ses clientes célibataires lui avaient plus d'une fois proposé d'aller prendre un verre dans la soirée ou de les rejoindre dans quelque bar un peu plus tard, autant il était rare qu'on lui offre quelque chose à boire sur le moment, et surtout, aussi spontanément et sans arrière-pensées.
Il laissa un très bref sourire courber ses lèvres mais secoua la tête.

« C'est très aimable à vous, mais je ne vais pas vous déranger plus longtemps que nécessaire, refusa-t-il poliment. Merci d'avoir fait appel à nous.
– Oh- Non, non, c'est moi qui vous remercie ! »

À nouveau, il tendit la main, et cette fois-ci la poigne de celle qui l'attrapa était bien plus ferme, bien plus assurée. Il souhaita une bonne journée à son client, et le sourire auquel il eut droit en réponse lui parut aussi sincère qu'il était éclatant.


Voilà pour le chapitre 1 ! Merci de l'avoir lu, surtout hésitez pas à me donner votre avis hihi~ Et j'espère à la prochaine !