Je ne sais pourquoi je ne puis trouver le sommeil. Ou peut-être que je ne le sais que trop bien. Oui, c'est plutôt cela. La couverture le recouvrant montait et descendait au rythme paisible de sa respiration. Il était vraiment magnifique. Encore plus quand il est endormi, car on l'y voit vulnérable.
Il se retourne, ma respiration se stoppe… il reste en sommeil.
Ce nouvel angle est presque mieux. Presque car d'où que l'on le regarde, il est parfait. Que nous soyons attachés ensemble ne me posera jamais le moindre souci, je regretterai presque la capture prochaine de Kira. Car en même temps que cet assassin sera enfermé, lui et moi seront à tout jamais séparé. Kira. Je l'aime autant que je le haï. C'est à la fois à cause et grâce à lui que j'ai pu faire sa rencontre. Je le regarde à nouveau, un sourire aux lèvres. Il est si… innocent ? Fragile? Enfantin? Vulnérable ? Adorable? Non. Le terme qui l'approcherait le plus serait « parfait ». Je soupire.
Il soupire aussi.
Sous la couverture, je me rapprochais de lui le plus lentement possible. Il ne faut pas réveiller un ange endormi. Mes doigts effleurent sa peau de lune, plus douce que l'infinie variété de sucrerie qu'il avale quotidiennement. Son visage assoupi est la plus belle des musiques à mes yeux. Ses yeux à lui sont comme deux puits abyssaux donnant dans la noire mer du néant. Pour qui sait bien regarder, on peut voir des hirondelles bleues se refléter dans cet océan. Ses yeux si noirs l'étaient dotant plus car ils perçaient une immaculée peau d'un blanc pur. Au moins ainsi je puis le regarder sans qu'ils n'en sachent rien. Je passe ma main dans ses cheveux soyeux, noirs et plumeux comme le plumage du plus noir des corbeaux.
Je ne comprends pas pourquoi tant de gens le considèrent comme étrange. Mais, être étrange est-il vraiment si problématique ? Non. Moi qui suis adulé pour mon visage puis le dire. Il vaut mieux être trop laid qu'être trop beau. Quand notre apparence est repoussante, les gens ne veulent plus rien voir d'autre. Mais quand nous sommes beaux, c'est tout ce qu'ils voient. Mais lui était tellement plus qu'un beau visage… car oui, pour moi il est beau. Il est même ce que j'ai vu de plus beau en ce bas monde. Qu'est-ce qui est si beau chez lui ? Hum… le fait qu'il soit lui à l'état brut. Il n'est pas conditionné par les règles de bienséance de la société comme nous le sommes tous… comme je le suis. Il veut porter cette horrible chemise blanche qui cache son corps subtilement et magnifiquement modulé par des années de capoeira? Il le fait. Il ne veut pas se brosser ses cheveux de crépuscule ? Il ne se les brosse pas. Il ne cherche pas à devenir quelqu'un d'autre pour être accepté dans une société soi-disant moderne. Oui. Je crois que ce qui m'a attiré en premier lieu est sa franchise envers lui-même. Presque tout de suite après ce fut son intellect qui me fit fondre. C'était pour moi une libération de parler à quelqu'un dont l'intelligence était égale à la mienne.
Je le dévore des yeux comme il dévore ses gâteaux à la fraise. Je suis devenu jaloux d'un aliment ! L se retourne, la respiration calme. Tout est toujours calme chez lui, rien ne semble l'atteindre. C'est aussi peut-être pour cela que je suis tombé pour lui. On a toujours envie de ce qu'on ne peut avoir. Je compte ses inspirations et ses expirations et le détaille toujours plus. Il est grand et maigre. Comme si tout le cholestérol qu'il ingère ne l'atteignait pas. Sous ses yeux grands comme le monde, se trouvaient des cernes presque aussi sombres que ces globes oculaires. Comme s'il ne pouvait se permettre d'assouvir un besoin aussi vital que le sommeil…
Sauf pour ce soir, pour mon plus grand bonheur.
Il est normal, mon Ryuzaki, que tu doives t'endormir après tout ce temps à porter la misère humaine. Non. La connerie humaine. C'est pour cela que tu es si courbé, mon Atlas, car comme ce titan, tu dois porter ce monde pourri jusqu'à la moelle pour protéger les innocents, et c'est un poids très lourd. Malgré ta cruauté apparente, tu es altruiste. Tu es vraiment mon dieu. Et un dieu est à jamais inaccessible pour un misérable mortel. Je soupire à nouveau, me rapprochant toujours plus de toi. Le fruit défendu n'est pas la pomme mais toi. Je regarde tes lèvres. Elles sont si tentantes… Malgré le risque que cela encoure, je me rapproche toujours plus, et t'embrasse. C'est le plus beau moment de toute mon existence. C'est la meilleure chose que je n'ai jamais gouté. Je voudrais rester ainsi pour toujours, que le temps s'arrête ! Mais… le temps est une pute. Bientôt tu te réveilleras. Pour je ne sais combien de temps encore, je ne pourrais te regarder comme je puis le faire. Ni t'embrasser. Ce doux plaisir interdit que tu es.
