Cela commença avec quelques commentaires désinvoltes à propos de ses compétences à l'arc. Ils déconcertaient Bard parce qu'ils n'étaient, eh bien, pas exactement des compliments, mais pas des insultes non plus : 'Vos compétences au tir à l'arc atteignent presque celles de mes fantassins.', par exemple. Il supposait qu'ils étaient aussi proches d'insultes qu'un Roi elfe pouvait se permettre, bien que Thranduil était généralement plus doué pour faire comprendre aux gens qu'ils n'étaient pas dans ses bonnes grâces. Dans sa supériorité elfique, il était dédaigneux et Bard faisait de son mieux pour ignorer ces commentaires quand ils venaient.

C'était, apparemment, une mauvaise chose à faire, puisque Thranduil passa rapidement de commentaires vaguement insultants à du harcèlement dès que Bard avait un arc dans ses mains. 'Bougez votre main de cette façon', 'votre arc est de mauvaise qualité', 'est-ce que ce sont des flèches Naines ?' (cette dernière fut dite comme si c'était une sorte d'insulte personnelle.)

Il arrêta d'enseigner à Tilda quand Thranduil était à portée de vue, ce qui était compliqué car il était raisonnablement sûr que la Forêt Noire était à portée de vue pour les elfes. Au moins Thranduil ne venait pas le déranger si il était aussi loin.

Cela aurait pu être tolérable si Thranduil s'était arrêté là. Il n'était clairement pas le plus grand fan du Roi de Dale. A peine un changement de sa position par rapport au Roi de Laketown. Ils avaient rarement l'obligation de travailler ensemble et pouvaient à juste titre s'éviter l'un l'autre pour une durée de plusieurs mois.

Pas selon Thranduil. A coup sûr le Roi des Elfes apparaîtrait dans leur ville une fois toutes les quelques semaines pour quelques affaires pressantes avec les Nains et il refusait catégoriquement de rester avec eux : 'Devoir travailler avec eux ne signifie pas que je doive endurer leurs grottes.' « Vous vivez dans une grotte. » souligna hardiment Bard cette fois-là, et il le regretta instantanément. Si Thranduil avait possédé la capacité de tuer les gens seulement avec ses yeux, Bard n'aurait plus été qu'un petit tas de cendres sur les pavés. 'Si c'est ainsi que vous voyez mon palais, alors vous avez clairement besoin d'une leçon sur les splendeurs des terres elfiques.' avait-il dit avec arrogance, et Bard réalisa alors, plutôt tardivement, que Thranduil était probablement en train de le harceler.

Un Roi elfe n'aurait pas dû se préoccuper d'une chose aussi insignifiante, vraiment. N'importe qui vivant assez longtemps pour voir la fin de plusieurs millénaires devait avoir de meilleures choses à faire que harceler des créatures mortelles comme lui. Bard resta perplexe à ce propos pendant quelques temps, et loupa probablement quelques autres tentatives de Thranduil de faire ce qu'il faisait, peu importe ce que cela pouvait être. Les elfes qu'il amenait avec lui semblaient pleinement conscient de cela, ce qui rendit Bard plus perplexe encore. Oh, ils étaient stoïques et respectueux quand Thranduil était présent, mais Bard jurait qu'il les avait vus murmurer et pouffer l'un à l'autre dans la salle à manger, lui jetant des légers regards tout ce temps.

Être le Roi de Dale était injuste, décida-t-il. Il y avait des centaines de meilleurs candidats. Il devait y en avoir. Il n'était après tout évidemment pas bon à la politique qui venait avec le poste.

La situation évolua un soir en milieu de printemps, quand les arbres à fleurs sur les collines commençaient juste à fleurir et capturer l'émerveillement des enfants nés au lac. Bard était simplement heureux d'en avoir fini avec le long hiver et toutes les difficultés qui venaient avec lui. Il venait juste de finir une réunion avec les volontaires pour l'agriculture à propos de leurs progrès dans le labourage du sol et la plantation des graines qu'ils avaient sauvés ou échangés, et Thranduil était à nouveau inexplicablement présent à Dale pour une affaire officielle à Erebor. Au moins cette fois ci avait-il été étonnamment indifférent à l'existence de Bard, se contentant d'être présent et ajoutant un éclairage terriblement efficace sur la fertilité des versants des collines.

Mais même si Bard n'avait toujours que très peu de temps pour dormir la nuit, il était agité. Après tant de temps à devoir perpétuellement courir pour résoudre les problèmes liés à leur installation, il ne pouvait pas se détendre sans au moins une promenade à travers les rues ténébreuses du village. Et c'est ainsi qu'il rencontra le Roi des Elfes, baignant dans la lumière des étoiles dans la place du village.

Bard s'autorisa un moment pour s'émerveiller de sa lueur, la majesté que sa forme commandait. Il semblait éthéré, comme un être d'un autre monde honorant celui-ci de sa présence. Puis il se tourna, et son expression disait que c'était exactement ce qu'il faisait, merci beaucoup et ne vous embêtez pas à essayer d'exister trop proche de lui.

« Roi Bard » salua-t-il. Bard resta exactement où il était, juste hors des ombres indéfinies des maisons qui bordaient le chemin jusqu'à la place. « Il est plutôt tard, ne pensez-vous pas ? »

Il réfléchit à sa réponse. « Je ne pouvais pas dormir » semblait plus sûr.

« Hmm » fit Thranduil et il se tourna pour glisser plus près. « Vous dormez rarement plus de quelques heures. Je vous vois éveillé avec l'aube et ce jusqu'à ce que les étoiles brillent presque entièrement au-dessus de nos têtes.. Est-ce que quelque chose vous trouble ? »

Bard secoua sa tête tandis que Thranduil approchait, faisant inconsciemment quelques pas en arrière. « Rien d'autre que ce qui trouble un seigneur des Hommes, j'en suis sûr. » dit-il faiblement alors que son dos heurtait le mur en plâtre de l'établissement d'un cordonnier. Thranduil s'avança avec détermination jusqu'à ce qu'il soit entré dans l'espace de Bard, une main svelte venant se reposer à côté de sa tête. « Une noble réponse, cependant émoussée par votre mortalité. Vous devriez faire plus attention à vous, de peur que vous ne hâtiez votre mort » dit soigneusement Thranduil, avec une neutralité terne qui aurait déconcerté Bard s'il n'avait pas été sûr que Thranduil avait de meilleures choses à faire que comploter la mort d'Hommes mortels.

Toutefois, Bard était tendu alors qu'il levait les yeux vers le Seigneur des Elfes dans la faible lumière que les étoiles fournissaient. « Je ne sais pas ce que j'ai fait pour vous offenser » commença-t-il, « mais je vous assure que je ne voulais causer aucun préjudice, et je m'excuse pour cela. »

C'était une expression que Bard n'avait pas l'habitude de voir : Thranduil avait l'air presque perplexe, ce qui pour lui signifiait qu'il avait atteint le point de croire que Bard parlait en langage codé. Bard continua tout de même. « J'espère que vous comprenez, mon Seigneur Thranduil, que je ne suis pas très connaisseur de la politique qui vient avec ma position. Cependant je vois que cela cause déjà des problèmes, mais du moins si vous me détestez, vous n'êtes pas obligés d'avoir des relations avec moi. Je n'accorde pas d'importance aux convenances et je peux envoyer d'autres personnes pour les affaires avec vous si cela satisfait davantage. » Bard sortit de l'espace de Thranduil de la façon la plus digne qu'il le pouvait. « Nous sommes reconnaissants pour toute l'aide que vous nous avez apporté et que vous continuez à nous apporter. Maintenant, si vous m'excu- »

« Vous détester » répéta Thranduil, comme s'il venait juste de saisir cette partie du discours spontané de Bard, et Bard aurait dit quelque chose en réponse s'il n'avait pas été saisi et repoussé où il se trouvait auparavant par la volonté de la force elfique. « Que les Hommes soient aussi obtus après tant d'années sur cette terre ne cesse de me stupéfier. Où, je vous prie, avez-vous obtenu cette idée ? »

Bard fronça les sourcils à l'expression dure de Thranduil, ne se souciant pas d'enlever la main toujours sur son épaule. Il fit un geste plutôt impuissant. « Vous » essaya-t-il. Et échoua. Thranduil haussa un sourcil de façon expectative. « Vous avez insulté mon arc » dit-il, et il grimaça intérieurement à l'immaturité de sa déclaration. « Et passé un montant de temps exorbitant à m'insulter. Et vous- »

« Votre arc est inférieur » déclara Thranduil, comme si cela était en quelque sorte le plus simple foutu concept, et pas le moins du monde insultant. « Et je ne vous ai jamais insulté. »

« Nous ne sommes que des Hommes, Thranduil. Nous n'avons pas tant de temps que ça pour aiguiser nos compétences. Et vos commentaires à propos de ma mortalité? »

Thranduil plissa ses yeux. « Vous pensez » commença-t-il. Et il s'arrêta. Et soudainement Bard se sentit un peu plus confiant en voyant que même Thranduil luttait pour transmettre ses pensées. Les yeux de Thranduil étincelèrent tandis qu'il reculait et se redressait. « Votre arc n'est clairement pas suffisant pour un archer de votre niveau de compétence. N'importe quelle créature digne d'une habilité étant proche de la maîtrise des Elfes ne devrait pas être soumis à un matériel aussi mauvais. »

Thranduil sortit un arc plié de dessous ses robes et le tendit à Bard. L'archer le fixa, perplexe à son tour. Lentement il le prit des mains de Thranduil, à la fois émerveillé par les sensations de l'avoir dans les mains et essayant désespérément d'identifier le moment où il avait perdu le fil. « Je pense » dit Bard, « qu'il y a eu méprise. »

« Exactement » répondit Thranduil, un brin acéré, quoique Bard faisait difficilement confiance à son jugement sur Thranduil à ce point.

« Pourquoi avez-vous même cela ? » demanda Bard tandis qu'il tournait l'arc dans ses mains.

« J'avais prévu de vous le donner après la réunion, mais vous êtes parti plutôt rapidement. »

Bard ne pouvait pas nier cela. Il était parti aussi vite que ses pieds pouvaient le porter dans l'espoir de maintenir la soudaine paix entre eux. La main de Thranduil fondit sur lui à nouveau, cette fois se reposant sur sa mâchoire et inclinant sa tête pour qu'il puisse plonger dans ses yeux bleus.

« Thranduil, qu'est- » Bard fut réduit au silence par une douce pression de lèvres sur les siennes. Il arrêta. Tout, même respirer. Thranduil se recula légèrement pour parler à nouveau. « Je ne cherchais pas à vous chasser, Bard le Tueur de Dragon. »

« Vous » tenta Bard, et il se demanda ce qui était arrivé à sa maîtrise ne serait-ce que rudimentaire du langage commun. Thranduil n'avait pas regardé de haut sa compréhension des cultures, il l'avait invité d'un ton passif-agressif dans la Forêt Noire. Thranduil ne jubilait pas à propos de sa mortalité, il s'inquiétait à propos de sa santé. Thranduil venait de l'embrasser. Le Roi des Elfes semblait (et pour une fois Bard était sûr qu'il comprenait son expression) extrêmement mal à l'aise. « Vous êtes terrible à cela » rit-il, sans pouvoir s'en empêcher et à la plus grande consternation de Thranduil, et il fondit pour capturer les lèvres de Thranduil avec les siennes une fois encore.