Prologue : Tortuga

« Jones, Jones, Joooooooones ! »

Il sent sa main, tout contre sa joue. C'est comme si elle était encore là. Il a mal, la douleur remonte jusqu'à son cœur, au plus profond de ses entrailles. Ses yeux se plissent, le sang bat aux tempes…Mais il ne peut pas s'en empêcher, il n'a pas pu, cette fois non plus. C'est plus fort que lui, un désir, un fantasme, un autre qui l'habite…

« Jones, tu vas finir par bouger ton sale cul ?! »

Son sang ne fait qu'un tour. Killian plisse les yeux, il fait sombre, le réveil est difficile. Une odeur souillée flotte dans l'air, un mélange de vomissure et de vieux rhum frelaté. Peu à peu, il y voit plus clair. Il reconnait le bois, la sensation familière du roulis des vagues contre la coque. La cale du Jolly Roger. Il s'extrait tant bien que mal de l'amas d'immondices dans lequel il a du échouer, une nuit de plus. Sur le pont, personne.

« Il était temps Jones, le Capitaine t'attends, et puis cette odeur ! Tu ferais mieux de…Oh puis laisse tomber, suis moi ! »

Killian se laisse emporter par la jolie blonde qui hurle depuis les quais. Elle doit avoir 20 ans tout au plus, de belles formes, généreuses, des courbes à faire pâlir tous les marins de Tortuga. A tel point qu'elle a déjà 2 mômes à son actif, « Tinkerbell » comme ils l'appellent « parce que quand tu la sautes, elle fait un boucan à réveiller tout le port.. », paraît-il.

Imagine tes doigts qui courent sur son corps, ses hanches, ses fesses, la douceur de sa peau, remonte le long de son buste…

Elle l'emmène dans un de ces vieux bars qui bordent le port, « Le Nyamba », avec sa devanture sombre et ses cadavres de bouteilles alignés devant la porte.

« Killian Jones, je ne vous attendais plus ! Asseyez vous donc et trinquons !»

Le Capitaine Sparrow est là, accoudé au comptoir, comme fatigué d'écumer les mers à la recherche de sa fin heureuse.

« Capitaine, que puis-je pour vous ? », articule difficilement Killian. Sa propre haleine lui pique tant les yeux qu'il fouille sa veste à la recherche de sa flasque de rhum. Il la retourne, plus une goutte, étonnant. Alors qu'il s'apprête à commander une bouteille d'Isautier bien arrangé, Sparrow l'agrippe par le col sans même lui laisser le temps de s'assoir :

« Je sais tout, Jones. Pour ma femme hier soir, et pour toutes les autres. Tout, tu m'entends ? Je ne te donnerai qu'un avertissement : ne t'approche plus jamais d'elle où je me chargerai moi-même de ta main droite… », murmure-t-il à l'oreille du jeune pirate.

Le Capitaine se lève et claque la porte du bouge infâme. Killian hésite et fini par baisser les yeux. Ce crochet qui remplace sa main gauche depuis plusieurs semaines, il ne s'y fait pas. « Pour qu'il n'en touche plus aucune », qu'ils ont dit. Mais ce n'est pas sa faute, ils ne comprennent rien. Elles le font exprès, elles le veulent, elles veulent souffrir. Et quand elles disent non, c'est pour qu'il recommence.

« Bonjour, je vous offre un verre ? »

Killian détourne le regard vers la jeune femme qui vient de s'installer près de lui. Une belle rousse aux yeux verts, des formes plantureuses et ce je ne sais quoi d'attirant dans son sourire, comme un appel désespéré à visiter la cale du Jolly Roger…

« Bien sûr love, c'est quoi ton nom ? »