Disclaimer : Il est bien évident que je n'ai rien d'un mangaka de 37 ans millionnaire, en conséquence les personnages de Naruto ne sont pas ma propriété. Toutefois, cette fiction, elle, m'appartient, et si l'idée saugrenue de la copier sans crédits vous traversait l'esprit, craignez ma colère.
De plus, cette fiction est - ou sera - un yuri fortement lemonisé, ce qui signifie que si l'idée de femmes ayant une relation sexuelle explicite vous rebute, il vous est fortement recommandé de passer votre chemin.
Nulle. Elle était absolument, positivement et indécrottablement nulle.
De cela elle était sûre, depuis déjà très longtemps. Et ce n'était pas le fait d'avoir vingt ans, et d'être jônin, qui y changerait quoi que ce fût ; pas plus que les hurlements indignés de Kiba quand elle s'autoflagellait, les tapes amicales que Shino lui donnait à l'arrière de la tête, le bras chaleureux que Tenten et Sakura - et même l'impulsive Ino - passaient autour de ses épaules quand ils se retrouvaient tous pour boire un verre, le respect qui était apparu peu à peu dans les yeux de Neji ou l'admiration qui brillait dans ceux du tout petit garçon de Kurenaï-sensei. Non : elle, Hinata Hyûga, était nulle, et rien ni personne n'y changerait rien, elle venait d'en avoir la preuve, et pas plus tard que tout à l'heure.
N'importe qui aurait pu prédire l'issue de cette situation : la pauvre petite fille effacée qui, dans son coin, soupire pour le jeune garçon populaire au caractère explosif ; celui-ci qui se fait régulièrement rembarrer par une autre fille extravertie et appréciée, plus féminine ; et puis, finalement, il se rend compte que la pauvre petite abandonnée existe, et un jour, il vient la voir, ses cheveux blonds sont ébouriffés et elle a toujours eu envie de passer la main dedans et il rougit un peu, mais il se rassure en se disant que c'est ce qu'elle a toujours attendu, et la certitude d'être agréé se lit dans ses yeux bleus, et alors il lui dit : "Hinata, ça fait longtemps que je me pose des questions..."
Elle s'était mise à trembler - c'était normal, c'était l'émotion - il avait souri de son embarras, un sourire à la fois tendre et un peu moqueur, et il avait dit "Hinata, est-ce que tu veux sortir avec moi ?". Et là, c'était le moment de laisser un sourire timide étirer ses lèvres, et de lui dire "Oui, Naruto", et ils se seraient embrassés, et tout aurait été bien, les choses se seraient passées comme il le fallait, et quelque chose s'était tordu au fond du ventre d'Hinata, comme une bête rugissante et féroce, et elle avait baissé les yeux et elle avait dit un tout petit "non", et avant qu'il n'ait eu le temps de répondre quoi que ce soit, de la convaincre, d'argumenter, enfin de rétablir la situation, elle avait tourné les talons, et elle s'était enfuie, poings serrés dans ses poches, alors que les larmes coulaient déjà sur ses joues.
- Hé, mais c'est quoi, ton problème ? l'avait-elle entendu crier alors qu'elle était déjà loin, et elle s'était mise à sangloter, parce qu'elle avait envie de lui répondre qu'elle se posait déjà la question depuis un bon moment, connard, et qu'elle n'avait toujours pas trouvé ce que c'était, son problème, et qu'elle le savait qu'elle avait un problème, et que ce n'était pas la peine d'en rajouter, merci.
Sauf que jamais au grand jamais elle ne traiterait Naruto de connard : d'abord parce que, comme il venait de le souligner, il n'en était pas un, attendu que c'était elle qui avait un problème, et qu'il ne faisait que le constater ; ensuite parce qu'elle n'avait jamais traité personne de connard, et ne le ferait probablement jamais.
Elle était maintenant devant une porte, et elle fut surprise que ses pieds l'aient emmenée aussi loin, parce que c'était la porte de la maison de Sakura, et comme elle n'avait pas le courage de repartir chez elle, seule, avec les larmes qui séchaient en traînées brûlantes et salées sur ses joues, et puis après de supporter les questions de Hanabi - qui, à quinze ans, commençait à se montrer désagréablement inquisitrice -, elle avait levé le poing et elle avait frappé.
Parce que Sakura s'était toujours montrée compréhensive, avec tout le monde ; parce qu'elle ne se moquait pas, enfin, moins que les autres, et parce que quand elle avait su qu'Hinata en pinçait pour Naruto, elle avait levé les yeux au ciel et dit "ça sent le sapin, ma grande ; quand il y aura de la casse, tu sauras qui venir voir".
- Oui, qu'est-ce que... Hina ? Mais qu'est-ce qui t'arrive, ma grande ?
Sakura ouvrit de grands yeux alors qu'une Hinata qui se décomposait sur le seuil de sa porte redoublait de sanglots, émettant entre deux reniflements des borborygmes plus ou moins compréhensibles tels que "Naruto", "demandé", "dit non", "râteau", et ponctués de nombreux "trop nulle". La jeune médic-nin se gratta la tête, ébouriffant ses cheveux roses et indisciplinés et se demandant ce qu'il convenait de faire. Un coup de vent fit voleter le léger débardeur qu'elle portait par-dessus un short de toile, la faisant frissonner, et acheva de la décider : elle attrapa son amie par l'épaule, l'entraîna à l'intérieur et fit coulisser le panneau qui se referma avec un claquement.
- Pose tes chaussures et mouche ton nez, ordonna-t-elle, avant d'ajouter : et pas l'inverse, hein, ne confonds pas !
Hinata eut un pauvre sourire à travers ses larmes et obtempéra, encore secouée par quelques hoquets.
OoO
- Quoi ? Sans déconner ?
Pour la deuxième fois de la soirée, une Sakura cette fois légèrement éméchée écarquilla les yeux. En face d'elle, Hinata semblait profondément absorbée par les dessins bleus et blancs qui ornaient le fond de sa coupelle de saké.
Lorsqu'il était devenu évident que la brune ne parviendrait pas à s'expliquer convenablement - le simple fait de mentionner le nom de Naruto déclenchant chez elle une nouvelle crise de sanglots irrépressibles - Sakura, inquiète pour sa réserve de mouchoirs autant que soucieuse d'une potentielle déshydratation par voie oculaire de son amie, avait poussé celle-ci jusqu'au futon qui servait de canapé à l'unique pièce, l'y avait fait asseoir à force de coups à l'arrière des genoux et avait sorti de sous la table basse une bouteille de saké quasi pleine et deux coupes.
- Purement thérapeutique, avait-elle déclaré, péremptoire.
Hinata n'avait pas plus protesté que ça - étonnant quand on connaissait la réputation de sobriété de l'héritière Hyûga - et, sans mot dire, avait vidé le récipient cul-sec, comme on prend un médicament.
- Putain, c'est fort, avait-elle soufflé, des larmes - provoquées par la brûlure de l'alcool, celles-là - perlant à ses yeux incolores. Tu bois pas ? avait-elle questionné, avec un mouvement du menton vers la coupe de Sakura.
Celle-ci avait haussé les épaules avant de faire de même : quand on était la coéquipière de Naruto et Sasuke, on avait l'habitude de participer à des défis débiles, et les "à qui boira le plus vite, bâtard !" et autres "tu vas voir ça, crétin !", dans lesquels elle avait fini par accompagner lesdits bâtard et crétin, lui avaient conféré une certaine résistance à l'alcool.
Une petite heure plus tard, le niveau de la bouteille avait honorablement baissé, et Hinata, dont les joues ordinairement pâles avaient pris une jolie couleur rosée, s'était finalement montrée capable de soutenir une conversation normale sans se remettre à pleurer comme une fontaine. Au fur et à mesure que son récit se déroulait, les yeux verts de son interlocutrice s'agrandissaient de plus en plus. Jusqu'à l'apothéose.
- Attends, Hinata, tu viens bien de me dire que tu avais flanqué un râteau au crétin ?
Hinata, qui étudiait à présent ses mains soigneusement posées sur ses genoux, acquiesça en silence.
- Et tu chiales pour ça ?
Nouvel acquiescement. Et puis l'héritière Hyûga releva ses yeux pâles et - finalement - secs.
- Il m'a demandé ce que c'était, mon problème. Sérieux, Sakura, je me demande la même chose. Enfin, je suis restée pendant des nuits à rêver cette scène, où il s'apercevait que j'étais là et où il venait me demander... et là, j'ai pas pu, je me suis enfuie, comme une idiote. Sans rire, qu'est-ce qui va pas chez moi ?
- Si ça peut te rassurer, t'es pas la seule à t'être posé la question.
Sakura eut un rire un peu jaune, se mordit la lèvre et lampa ce qui restait de saké dans sa coupelle.
- Quand Sasuke est revenu, tout le monde a cru que... que j'étais celle qu'il lui fallait, et à vrai dire, lui aussi. Tu sais, l'histoire de la gamine qui retrouve son amour d'enfance, qui lui est toute dévouée, l'histoire des deux membres de la même équipe, ceux qui se connaissent tellement bien qu'ils partagent tout, qu'ils sont faits l'un pour l'autre ?
La médic-nin eut un sourire à la fois désabusé et très doux, qui contrastait avec ses paroles ironiques.
- Ben, cette histoire-là, c'était pas la nôtre. C'est tout. Ces histoires de gamins, c'est des contes de fées. Sasuke et moi... on... on s'attirait pas, voilà.
Etait-ce la chair de poule qui couvrait les épaules de Sakura, était-ce la finesse du tissu de son débardeur qui ne laissait pas grand-chose à l'imagination, étaient-ce la couleur de ses lèvres rougies par la morsure et leur courbe quand elles prononcèrent le mot "s'attirer", ou était-ce tout simplement parce que les choses devaient se passer comme ça, toujours est-il que la bête se réveilla au fond du ventre d'Hinata, hurlante et grondante, la poussant cette fois non plus à la fuite mais à l'attaque.
- Je crois que je suis un peu saoule, déclara-t-elle d'un air très sérieux, avant de se pencher vers le visage dont les yeux verts trahissaient l'étonnement.
