Je dédie cette histoire à mes chers amis ainsi qu'à mes proches, qui savent à quel point j'affectionne la vie que l'on m'a offerte et qui m'a permis de vivre d'inoubliables moments passés auprès d'eux…
Chapitre 1 : Un monde fantastique
« Nous sommes environ sept milliards d'humains. Nous sommes environ sept milliards à peupler sans réel but cette terre autrefois vierge de toute existence. Nous sommes sept milliards à anéantir à petit feu notre belle terre de par nos fautes, quelles soient physiques ou bien morales. Nous sommes sept milliards à se faire sans cesse la guerre et à s'auto-estimer supérieur à toute espèce présente sur notre planète. Nous sommes sept milliards à posséder en soit une part de lumière, et une part de ténèbres, et celle-ci dominera toujours, quels que soient nos actions. Nous sommes irréfléchis. Nous sommes odieux. Nous sommes prétentieux. Nous sommes corrompus. Nous sommes dispensables. Nous sommes idiots.
Nous sommes humains. »
« Il faut faire de la vie un rêve et faire d'un rêve une réalité. »
La nuit… De peur de se découvrir aux yeux de tous, il fallait qu'elle se montre aux moments même où les habitants s'abandonnent à leurs songes les plus profonds. La nuit… Mystérieuse, énigmatique et enchanteresse à la fois, elle paraît… Elle qui décèle toute la beauté de la terre et qui veille tendrement sur nous :
La nuit.
J'ai toujours été là lors de son apparition, de loin et de haut, je l'observai en toute discrétion : elle s'installe dès que le soleil lui laisse la place, assombrissant les lointaines plaines et forêts. C'est dans ces moments là où la brousse se calme, où les cigales se préparent à chanter les plus belles berceuses, où les courants d'eau ruissellent de façon harmonieuse en accord avec les cigales et où la vie s'éteint lentement. La nuit parait terrifiante à première vue, elle reflète d'après les humains de sinistre dessein et d'effrayantes terreurs nocturnes, et pourtant la nuit continue à se montrer, lentement, mais sûrement. Douce et calme, elle paraît, enveloppant à rythme lent la surface terrienne et éclairant timidement de son manteau scintillant de mille et un astres cette terre chérie. C'est dans ces moments-là que j'aime contempler le monde en toute sa splendeur, observant ce monde endormi et songeur et regardant du plus haut d'un arbre son apparence ensorceleuse. C'est comme si l'on avait stoppé cette planète, offrant à mes yeux le plus beau des spectacles qui n'eu jamais existé. A force de la regarder, je me posai multiples questions concernant la vie sur terre. Les savants d'antan et d'aujourd'hui confirment notre existence comme étant la descendance éloignée des primates, où plus communément appelés singes dans ces cas-là. Pourtant, je me suis toujours demandé le but même de notre existence : servait-on à emplir ce monde sans aucun but particulier ? Sommes-nous présents aujourd'hui sans en avoir une raison quelconque ? Ce sont des questions comme celles-ci que j'aime me poser, car malgré n'importe quel effort provenant de notre cerveau, jamais l'on ne trouvera une réponse correcte et justifiée. C'est ainsi que je mène ma vie, sans aucune motivation palpitante : le jour est pour moi signe de quotidien ennuyeux et non-lucratif, la nuit, je m'éveille et contemple le monde sous toute sa splendeur tout en me demandant si un jour quelqu'un aurait réponse à toutes mes questions…
Dimanche vingt-six octobre 2014, 5h30 :
Je suis toujours présente au moment où la nuit laisse place au jour, je me lève toujours instinctivement quand les premiers rayons de soleil éclairent ma chambre et me forcent à ouvrir mes paupières. C'est comme un rituel pour moi, le jour s'installait et signifiait à mes yeux un éternel recommencement et me faisait prendre conscience que la vie est bien trop courte et qu'elle ne peut-être vécu à cent pourcent. C'est toujours avec une pointe de regret que j'assiste à la disparition de la nuit, mais néanmoins je gardais toujours en moi cette espérance de revoir réapparaitre ce moment qui m'était si cher. C'est donc ainsi que commencent inévitablement mes journées. Et à chaque fois, je planifiais et codifiais minute par minute mes journées : 5h55, je me rince la figure et me lave les mains, 6h00 du matin, je prends mon petit-déjeuner, 6h17, je m'habille simplement, sans ajouter une petite touche fantaisiste ou farfelue à mes vêtements, 6h26, je me coiffe à la va-vite mes cheveux bruns qui s'étaient emmêlé la veille et enfin 6h30, j'enfile mes bottes et jette un dernier regard en arrière, espérant n'avoir rien oublié. J'ouvre ainsi la porte et respire à pleines narines l'air frais qui m'entoure. L'air frais est-ce qu'il y a de mieux pour moi afin de m'aider à me détendre. Me dirigeant à mon rythme vers une villa non loin de là pour m'approvisionner de quelques ressources alimentaires au marché, j'observai les alentours : une foule monstre et impressionnante remplissait les lieux, d'habitude, je n'ai rien contre cela, mais force est de constater qu'aujourd'hui, je me sentais mal à l'aise à cause de cela. Je m'assieds finalement sur un banc à l'ombre, non seulement il y avait de la foule aujourd'hui, mais en plus depuis plus de quelques jours, le pays était en proie d'une forte chaleur, on atteignait facilement les trente-cinq voir quarante degrés, et pour un pays comme la France qui n'avait pas l'habitude : C'était trop, beaucoup trop. Heureusement, ce banc était non seulement à l'ombre, mais loin des regards. Tout juste ce qu'il me fallait.
« Eh, mais regardez qui voilà, ne serait-ce pas cette chère Saphir Hatsune ? ricana piètrement une jeune fille. »
Enfin, presque loin des regards. Je soupirai et levai avec fainéantise mes yeux, encore une journée ramollie par une hyène sans cerveau blonde dont la coiffure ainsi que la tenue manquaient de raffinement et d'un quelconque sens de l'esthétique. De plus, ses yeux bleus se montraient sévères et glacials lorsqu'elle me voyait dans les parages, et bien sûr, elle était toujours accompagnée de ces deux imbéciles de caniches dont leur nom m'était complètement sorti de la tête à vrai dire. Je répondis calmement à sa provoque :
« Que me vaut ta visite, Miss Laurène ? »
Laurène, rien que de prononcer ce nom me donne envie de me moquer impitoyablement et sans aucune pitié, après-tout, pourquoi l'appeler ainsi quand on sait que l'on se moquera d'elle en l'appelant « Miss Quiche Laurène » ? Mais sachant le malheur qui m'arriverait si je lui disais cela et s'ajoutant à cela mon manque irréfutable d'envie, je me tus.
« Je me demandais qu'est-ce qu'une fille comme toi faisait dans les parages ? Tu te croyais à l'abri de tous regards ?
- Je faisais comme la majorité des personnes présentes dans les parages, c'est-à-dire me balader et profiter du plein air pendant ces vacances, j'espère que tu n'y vois aucun inconvénient là-dessus ?
- En effet, ca me dérange, car je voulais m'asseoir sur un banc et vois-tu : aucun n'est libre. Et vu que tu es aussi grosse qu'une baleine, tu ferrais mieux de déguerpir sur-le-champ de ce banc, m'ai-je fait comprendre ? me cracha-t-elle d'un air hautain.
- Premièrement, ce banc n'a pas été crée à ton effigie que je sache, il appartient donc à tout le monde. Deuxièmement, je ne fais que cinquante-trois kilos, ce qui à mon âge est un poids tout à fait respectable et enfin troisièmement ce banc à de la place pour deux personnes, alors assieds-toi à côté de moi au lieu d'avoir tout le banc pour toi toute seule… répliquai-je à sa provoque lacement en gardant mon sang-froid, il faut dire que je ne suis pas du genre à m'énerver, à vrai dire, je ne me suis jamais énervé à mon plus grand étonnement.
- C'est bien ce que je disais : tu es aussi grosse qu'une baleine ! Prends exemple sur moi, je ne fais que cinquante-deux kilos ! Ça c'est un poids de star ! Et qui te dit que je veuille m'asseoir à côté de toi ? C'est comme si je m'asseyais à côté d'une folle sortant d'un asile psychiatrique ! Tu m'as vu faire ça ? Ca tâcherai ma réputation ! Et puis ce banc servira de support pour mes sacs à vêtements ! Alors lève-toi de ce banc où je demande à mes chiens de te faire payer une bonne leçon ! me menaça-t-elle en désignant ses deux énormes sacs remplis goulument de vêtement hors de prix. »
La loi de la nature aurait-elle commis une erreur en créant sur terre des êtres non dotés d'une quelconque intelligence dans son genre ? Et moi qui croyais que mes vacances auraient étés un peu plus apaisantes, je m'étais fortement trompé, et j'imagine bien que cela ne se terminera jamais. Et puis j'ai essayé d'être gentille avec elle, mais c'est comme si l'on parler à un mur, je m'étonne des fois d'être une fille trop aimable envers ceux qui me manque de respect. Laurène attendait, et elle pouvait toujours attendre celle-là : jamais je ne lui céderai cette place, du moins, pour le moment. Je la voyais rougir au fur et à mesure comme une tomate bien mûre, ce n'est certainement pas comme ça qu'elle réussira à me faire déguerpir de là…
« Tu ne bouges toujours pas ? trembla-elle, à la limite d'exploser.
- Pas d'un poil, affirmais-je, je suis désolée pour toi, mais soit tu t'assoies comme une fille normale à côté de moi, soit il va falloir que tu te trouves un autre banc.
- Demeurée ! Petite sotte ! pesta-t-elle, enragée. Tu l'auras voulu ! Vorace ! Nicolas ! Att-
- Attention droit devant ! » interrompit une voix masculine, saccadée et tremblante.
J'eus à peine le temps de distinguer le jeune homme qu'un élément jaune-marron non-identifié fila à toute vitesse devant mes yeux et atterri violemment sur la figure à Laurène. Celle-ci tomba lourdement à terre et écarquilla des yeux avant de regarder l'homme qui l'avait mis en garde.
« Oh non ma glace vanille-chocolat ! Pas de bol sur ce coup-là ! Désolé m'dame ! Ce n'était pas voulu ! Essuyez-vous vite fait la face avant que mon chien n'arrive pour vous léchouiller le- »
Un aboiement coupa net sa lancé et l'obligea à se retourner. En effet, il n'avait pas tort, son chien regardait avec envie Laurène. Elle avait peur, ça se voyait à des kilomètres, et ces chiens aussi, la preuve, ils se sont enfuis à la vue de l'énorme saint-bernard qui bavait d'envie en voyant la glace dégouliner sur le visage de leur maitresse. Soudainement, le chien s'élança sur Laurène et lui léchouilla vigoureusement les joues. La pauvre se démenait comme elle le pouvait et implorer de l'aide. Moi qui voulais me reposer, c'était malheureusement loupé. Je me levai et sortis quelque chose de ma poche, le chien arrêta tout de suite son défoulement et regarda ce que je venais de sortir de ma poche droite.
« Aller mon grand ! Attrape ! » criais-je en lançant une sucrerie que j'avais gardée en cas de petit creux.
Celui-ci s'élança à toute allure et disparu au lointain, le jeune homme lança rapidement un petit « merci » et pédala en direction de son chien. Je soupirai, maintenant je dois faire quoi moi ? Me moquer sadiquement en regardant l'état pitoyable de Laurène où pleurer pour sa pauvre robe déchirée ? Aucune de ces propositions ne me convenait : je ne suis pas du genre à me moquer ou à pleurer pour un rien. Mais je n'allais pas non plus m'en aller comme une petite voleuse en la laissant pleurer dans une rue complètement déserte et glaciale. Je sortis de ma poche gauche de mon jean un mouchoir et le tendis à Laurène, celle-ci me regarda et tourna la tête rapidement. Elle m'ignorait ? J'essayai d'être une aide envers elle et la voilà qui me feintait complètement.
« Allez, essuie-toi au moins ton visage tout crasseux. Tu ne vas pas rester dans cet état-là alors que ta robe est en lambeaux n'est-ce pas ? » la questionnais-je en essayant de la regarder droit dans ses yeux bleus.
Elle ne me dit rien, elle regarda juste le mur d'à côté. Ce mur est donc aussi intéressant que moi ou bien elle vient de m'ignorer royalement ? Je soupirai de nouveau : ce n'est pas tâche aisée de rendre service à une fille chouchoutée, je dis ça, mais son père est patron d'une des plus grande entreprises françaises et choie sa petite fille en la gâtant de je ne sais combien de babioles et gadgets dispensables, autant dire que la vie peut paraître facile pour elle… Sans m'énerver, je tournai sa tête sans trop forcer et essuyai moi-même son visage :
« La prochaine fois, essaye de faire attention à toi. Tu as de quoi t'habiller dans tes sacs, non ? Alors suis mon conseil et habilles-toi en vitesse avant que tu ne rattrapes un rhume, c'est compris ? C'est juste une simple précaution. »
Je me relevai et me retournai rapidement, je n'avais pas besoin d'un remerciement ou d'une insulte : je suis une habituée du silence, car il est mon ami après tout, je le connais depuis la nuit des temps et me suis habitué à sa présence. Après tout, pourquoi me remercierait-elle ? Je ne suis un qu'un vulgaire moucheron, une petite crasse, une tâche facilement lavable à ses yeux, ce serait de la folie qu'elle me remercie, tout ça parce que je suis différente des autres. Le monde doit se montrer pourtant unique en son genre, ainsi, il montre différents cas d'humains non-ressemblant physiquement et mentalement, faisant d'eux des personnes irremplaçables. À quoi bon se ressembler ? Ca me fait toujours pitié ces parents et personnes qui murmurent dans le dos de pauvres enfants de telles balivernes dans le genre « Si seulement il pouvait ressemblait à lui, qu'il prenne exemple ! » A quoi bon ressembler à quelqu'un à part se faire traiter de pâle copie et de manquer d'originalité ? Mais bon, je suis encore trop jeune pour tous ça, un jour, j'aurai sûrement réponses à tous ça. Mais je n'espère pas trop dans ces cas-là, parce qu'après tout…
Personne n'osera m'approcher pour me divulguer les réponses.
Je venais à peine de rentrer que je m'écroulais lourdement sur le canapé légèrement usé, laissant tomber les deux grands sacs garnis de provisions. Je n'avais pas la moindre envie à remplir le réfrigérateur de tous ces achats, mon corps ne me le permettait pas, ni mon moral d'ailleurs… Depuis l'incident de ce matin, je ne lus dans les yeux des passants que la haine et le mépris envers ma propre personne, sans la moindre raison. Et tout cela me démoralisait intérieurement, j'en avais plus qu'assez d'entendre des gens murmurer derrière mon dos de fausses rumeurs non-fondés et des ricanements sournois. Mais je ne voulais pas m'éterniser trop longtemps sur ce sujet-là, de peur de plomber mon humeur. Je soupirai : pourquoi je me préoccupe de tout ça, moi ? Ce n'est pourtant pas à mon habitude de me préoccuper de tous ces enfantillages, et pourtant, tout cela me concerne. Je devrais lâcher l'affaire. Je regardai le calendrier à côté de moi, accroché au mur : demain j'irai à mon cours d'athlétisme. Mon professeur de sport, étant trop fragile ces derniers temps, n'a pu s'occuper de nous lors de nos cours de sport et a donc décidé de rattraper le temps perdu en calant quelques séances pendant ces vacances. Je n'avais pas vraiment envie d'y aller, « Miss Quiche Laurène » et sa bande « d'amis » qui me colleront sûrement aux pattes de temps à autre pour m'envoyer milles et une insulte à mon égard. Mais je ne dois rien dire à propos de cela, de peur de m'attirer d'autres ennuis.
C'est donc sans réel enthousiasme que je rejoignis la cuisine, non sans peine, avec les deux énormes sacs dans chacune de mes mains, avec ça, j'aurai de quoi me nourrir pendant plus d'un mois. Déposant les sacs sur la table, je tombai soudainement en arrière, mon front fut soudain prit de douleur : un élément-non-identifié avait percuté, sans que j'eus à le voir, mon front. Je regardai par terre l'assiette désormais brisée, et soupirai de nouveau, il faut croire que j'y suis désormais habituée. C'est sans aucune émotion distincte dans ma voix que je prononçai :
« Kawaii… Je t'ai dit d'arrêter avec les assiettes, ça suffit comme ça.»
Je soupirai de nouveau sans m'en apercevoir, même si je lui répétais cela un nombre incalculable de fois, elle finirait toujours par recommencer, et en même temps, je la comprends, elle me balançait régulièrement des assiettes en pleine face quand j'arrivai avec du retard, beaucoup de retard. Je me retournai donc, espérant voir mon interlocutrice. Elle était là, devant moi, le sourire aux lèvres, volant au-dessus du levier. Voler ? Oui, et ce n'est d'ailleurs pas la seule chose préoccupante, puisqu'elle ne mesurait que quinze petits centimètres, qu'elle possédait d'étranges cheveux bleus ciel dégradants vers le vert pomme et repartant vers le bleu ciel comme une boucle infini et qu'elle possède deux paires d'oreilles semblables à celles d'un elfe. Mais ce n'était pas un elfe dans tous les cas…
C'était une fée.
Une fée, cela me parait quasiment surréel, et pourtant fascinant, j'avais lu dans de nombreux livres que les fées n'existaient que dans les mondes fictifs et fantastiques et qu'elles étaient le fruit de notre imagination, mais incroyablement, je n'y croyais absolument pas, celle devant moi me paraissait tellement réelle, mais quand j'eus à montrer aux autres cette adorable créature, ils ne la virent point, ils me considéraient alors comme une folle, une cinglée qui avait besoin d'être rééduquée dans un centre, voir même un asile psychiatrique, et tout cela me faisait mal au cœur, mais je m'y soumettait. J'avais fini par croire que Kawaii n'était que le fruit de mon imagination, qu'elle était comme une sorte de soutien à mes troubles mentaux et qu'elle n'apparaissait que lorsque mes soucis faisaient surface, en clair tout le temps. Et j'aimais, au combien, l'avoir à mes côtés, me regardant avec ses grands yeux bleu turquoise et me souriant au fur et à mesure que je lui racontais mes journées fades, c'était ma seule et véritable amie que je considérais plus que tout et avant tout comme ma propre fille…
Vingt heures pile, il commençait à faire nuit, j'allumai tranquillement la télévision en regardant défiler sans aucun intérêt les publicités « bons » produits. Je n'avais strictement rien à faire, Kawaii était à mes côtés, regardant avec fascination le dessin que j'eus fait entre mes mains, celle d'une rose bleu ardente et étincelante de mille feux. J'aimais la rose, je voulais lui ressembler : belle de l'extérieur mais forte de l'intérieur. C'était peine perdu, je me trouvais déjà horrible comme ça, bien que Kawaii hochait frénétiquement la tête à chaque fois que je poussai un soupir devant le miroir, comme pour me contredire énergiquement. J'en avais déjà assez que l'on me traite comme un être à part, seule Kawaii me comprenait… Et puis je posai cette question qui me brûlait les lèvres depuis toujours :
« Kawaii, j'aimerai avoir ta franchise s'il-te-plait, dis-moi franchement qu'est-ce que je fais ici… »
Elle me regarda, étonnée, et afficha une moue bien triste, mordant doucement sa lèvre inférieure comme si je venais de commettre une faute. Je compris à ce moment-là mon oubli, et, baissant honteuse la tête, je prononçai :
« Je suis désolé, j'ai oublié que tu ne parlais pas, excuse-moi… »
C'était la seule et unique chose que je regrettais par-dessus tout : qu'elle ne fut pas dotée de la parole lors de notre rencontre à mes dix ans. Je regrettai amèrement ma question idiote, j'étais vraiment stupide, je savais qu'elle ne parlait pas et pourtant, je m'efforçais de lui parler, comme si un jour, miraculeusement, elle me répondrait de son plus grand sourire « Idiote ! Pas besoin de cette question stupide ! Tu n'as qu'à deviner toi-même la réponse à toutes tes questions ! » Mais c'était peine perdue déjà. Je n'aurais jamais les réponses tant voulues à mes questions. Kawaii me regardait, toute souriante : au final, elle connaissait tout sur moi, dans les moindres détails, si seulement elle pouvait juste parler… Je posai ma main sur mon dos discrètement, et soupirai.
Mais il y a bien une chose que Kawaii ne sais pas à mon sujet…
C'est vrai, je ne lui ai jamais montré cet étrange tatouage noir circulaire orné de symboles incompréhensibles et d'écritures d'une toute autre langue sur mon dos. À vrai-dire, je ne sais même pas d'où il provient, d'ailleurs, je le trouve assez moche pour être un tatouage, il me fait à limite peur. Est-ce que mes parents seraient à l'origine de ce tatouage ? Mystère. Mais je ne voulais en aucun cas le dévoiler à Kawaii, j'aurai peur de sa réaction en toute honnêteté, mais un jour ou l'autre, elle le découvrira d'une quelconque manière. Je reportai mon attention sur la télévision, et m'endormis sans que je m'en eus aperçu.
« Suis-moi et je te divulguerai tout ce dont tu as envie de connaitre par-dessus tout… »
La connaissance… Oui, je voudrais savoir, je veux savoir, je veux explorer les moindres recoins du savoir, je veux savoir ce qui existe et ce qui n'existe pas. Je veux explorer les limites de la connaissance et plus encore, voyager entre la réalité et l'imaginaire, voir de mes propres yeux la vérité elle-même. Je veux savoir comment la vie fut prodiguer, savoir s'il y' a une autre étape après la mort, savoir si les réincarnations sont possibles, si les lois de la physique peuvent être dépassées, si la barrière du son et de la vitesse peut être atteinte et être dépassé. Je veux savoir si la résurrection est possible, s'il est possible qu'un objet puisse exaucer nos vœux les plus chers. Si tout cela avait un sens et une quelconque réponse, alors je n'en serai pas là en ce moment. Si le monde eut bien voulu de moi et qu'il voulut me dévoiler ses moindres secrets, alors je serai la plus heureuse au monde…
Heureuse ?
Impossible. C'est une éventualité à rayer de la liste. C'est impensable. Moi, la fille la plus détestée de la ville, et peut-être même du pays, voir du monde, être heureuse de tout ce que j'endure ? Je ne suis qu'une misérable fille qui pense que le monde est désastreux et qu'il faut en éradiquer les moindres personnes la pourrissant. Je suis une idiote, et c'est peut-être même pour ça que je n'eu pas à connaitre mes parents, j'étais surement un poids inacceptable pour eux. Je suis une lâche, une moins-que-rien, une cinglée, une fille qui cherche juste à savoir…
« Si tu étais aussi cinglée que tu ne le penses, alors pourquoi ne pas rejoindre ma cause perdue afin d'avoir de l'importance dans ce monde si pitoyable ? » ricana une voix déstabilisante.
Après tout, ce n'est pas si mal, rejoindre le mal dans sa quête et devenir en quelque sorte importante. C'était toujours mieux que de rester ici, spectateur de l'idiotie suprême de l'homme et de ses fautes.
« Et puis, tu vaux mieux que cela, tu ne trouves pas ? souffla-t-il, caché derrière mes cheveux tout en jouant avec certaines mèches.
- Je ne vaux rien, soupirai-je avec dégoût, aucune personne en ce monde ne me porte une quelconque attention.
- Tu le penses, mais en es-tu vraiment sûre ? insista-il avec malice en me faisant face. Ne vois-tu pas devant toi la personne qui te désire le plus à ses côtés ? Cette personne qui sent en toi la plus grande force jamais existée ? Ne penses-tu pas que cette personne te veuille pour tes innombrables qualités ? Ouvre les yeux et regarde la vérité en face : Cette personne se trouve en face de toi. »
Je n'ai jamais voulu être seule, mais pour autant, je ne m'étais jamais acharné sur le fait que personne n'ose s'adresser à moi. J'ai toujours désiré au fond de moi avoir une quelconque oreille pour m'écouter, et cette voix semblait avoir entendu mes plus intimes pensées jusqu'à répondre sans même que j'eus à ouvrir la bouche. Il fallait que je tente les choses, et puis pourquoi ne pas me rallier à lui ? À cet être étrange et inquiétant ? Pourquoi ne pas l'écouter ? J'ouvris mes paupières avec crainte et le contemplai. Finalement, ma raison me rappela à quel point la tentation restait toujours le mal, et la preuve même était cette silhouette cachée par cette grande cape à capuche noire, ombrant son visage et ne me permettant pas de le voir au complet. Seul ce sourire dérangeant se dérobait devant moi, et pour tout avouer, je priais intérieurement qu'il puisse, tout comme son visage, masqué cette atrocité inquiétante. Je déglutis discrètement, maintenant, j'avais un autre problème en face de moi.
« Vas-tu enfin me dire qui tu es ? marmonnais-je désespérée.
- Qui suis-je ? répondit-il, inclinant légèrement sa tête vers la droite, étonné. Mais voyons, tu ne le sais donc toujours pas ? Étrange…Je te croyais plus perspicace que ça. Vois-tu, je suis tout ce dont tu as envie de savoir. Je suis la clef à tous tes problèmes. Je suis le fruit de tes soupçons : je suis ce que l'on appelle la peur, la crainte, la curiosité, l'atrocité, la solitude, le désespoir, la tentation. Je suis le fruit défendu, le péché absolu, tout en étant la boite de Pandore et la connaissance divine. Je suis tout ce qui représente ta vie, tes mystères, tes peines, tout en étant ce qui représentera ta mort, ta souffrance et tes maux. Je suis la réponse à ton existence, à ta vie. On peut dire que je suis en partie…Toi. »
C'est désagréable d'entendre ça, c'est comme si un vent glacial venait de balayer tout ce que j'eus à construire de ma propre vie. Tout s'effondrait autour de moi, tout ce que j'eus à entreprendre dès mes dix ans : balayées et perdues à jamais. Ces mots étaient si douloureux, si néfastes... Je n'étais pas unique, je n'étais que programmé afin d'obéir aveuglément aux ordres de cet homme. Tout un univers détruit à jamais.
Je reculai d'un pas, puis de deux, sans en savoir la raison même. L'homme qui me faisait face à présent me regardait, amusé, qui diable était-il ?
« Tu veux savoir qui je suis ? Suis-moi et je te divulguerai tout ce dont tu as envie de connaitre par-dessus tout… » susurra-il sensuellement. Cet homme avait le don de jouer avec mes nerfs, et j'étais incapable de répondre à ses provoques irritantes. C'est idiot, je n'arrive pas à répondre à quoique ce soit, ni à des questions ni à des provoques. Quelle bonne à rien je fais.
« Suis-moi… » répéta-il inlassablement de la même manière, tendant sa main blafarde à mon encontre. Que faire ? Me laisser tentée ou me reprendre ? Je n'avais guère le temps de lui répondre qu'il s'éloigna de moi subitement. Je n'avais pas le temps de réfléchir, les actes comptaient beaucoup plus que les mots. Je me mis à le poursuivre à vitesse fulgurante, dérapant de temps à autre et manquant de justesse de dégringoler. Il pleuvait des cordes et des cordes, quel temps de chien… Tous les commerçants avaient abaissé leur stand, et personne n'osait affronter en face l'énorme bourrasque spectaculaire qui se déroulait en ce moment même. À plusieurs reprises je manquais de me faire emporter par les vents, raflant tout sur son passage et emportant avec lui multitudes d'objets terrestres. Et je continuais de courir, infatigablement dans l'espoir que tout cela cesse. Cet homme se moquait bel et bien de moi et s'amusait à me voir courir pendant des minutes et des minutes sans jamais m'arrêter. Plus je courrais, plus la tempête se faisait imposante, et pourtant, malgré mon corps endolori et terne, glacé jusqu'au os, je courrais à en perdre haleine, sans raison valable. Cette course finira-t-elle un jour ? Aurais-je réponse à tout ? Je le crus en voyant cet homme s'arrêter devant moi et derrière cet immense manoir cauchemardesque. Je repris difficilement mon souffle, le goût du sang s'était peu à peu imprégné au fur et à mesure de ma course effrénée, et cela me répugner. Je posai mon regard sur lui : il n'avait pas la moindre goutte de sueur sur lui, quel enfoiré… Je m'apprêtai à l'approcher quand celui-ci disparu par enchantement derrière la porte. Comment faisait-il cela ? Je veux savoir. Et cette voix qui me répétait continuellement les deux derniers mots prononcés par cet homme à présent m'inciter à poursuivre mes ambitions. Je posai, réticente, ma main engourdie sur la poignée et, tremblante, je l'entrouvris. La curiosité est un bien vilain défaut, et ça, je l'avais compris à présent, à mes risques et périls. Une gigantesque main visqueuse et verdâtre s'empara brusquement de moi, coupant net ma respiration, et finalement : le néant tant voulu…
Je me réveillai en sursaut, la respiration entrecoupée, les membres tremblotants et la sueur apparaissant sur chacun d'eux. Une peur habituelle… Un soupçon égaré au plus profond de ma pensée, une crainte cachée. Voilà ce que tout cela signifier à présent. Ce cauchemar, il ne m'était pas inconnu, il m'était bien familier, bien trop familier. Je craignais ce moment funèbre où mes paupières se fermeraient et laisseraient les créatures du Malin s'emparer de mon esprit, de mon monde et de l'anéantir en une fraction de seconde. Et cet homme qui n'arrêtait pas de me narguer et de me tenter de commettre l'irréparable, que me voulait-il ? Je n'avais pas la moindre idée de ce qu'il essayait de me baratiner depuis des jours et des jours, mais instinctivement, je me disais que cela viendrait au fil du temps, comme si cela ne m'était pas vraiment inconnu à mes yeux, à vrai dire, j'étais même presque certaine que je savais qui j'étais en réalité, mais qu'une barrière imposante et tenace m'obliger à rester dans l'ignorance et l'incertitude. Qui sait, un jour, cet homme me dira enfin la réponse, du moins, avant qu'il ne m'entraîne dans ce bâtiment qui ne m'était guère familier. C'est étrange, j'avais lu dans des livres qu'il été impossible, à moins que la personne eut connu un traumatisme relativement important, que nous fassions le même rêve à répétition. Et pourtant, c'était bel et bien la quatre-vingt-dix neuvième fois consécutif que ce rêve hantait mon esprit au moment où Morphée me berçait dans ses bras chaleureux. Je ne croyais pas en la moindre magie noire, mais quelque chose me disait que mon cas devait être étudié par quelqu'un d'assez compétant en la matière et qui puisse me trouver une solution miracle à mon cas.
Lundi vingt-sept octobre 2014, 7h00
La nuit durera plus longtemps que d'ordinaire, à mon plus grand bonheur. Les joies de l'automne ne me laissaient pas indifférente et provoquaient en moi un semblant d'affolement et d'excitation bien dissimulé, mais présente. J'attendais le bus néanmoins avec répugnance, aujourd'hui, il y allait avoir cette séance d'athlétisme. J'aurais tellement voulu m'échapper en douce et me réfugier dans mon cocon et ne plus jamais y ressortir : Peine perdue.
Toutefois, j'allais profiter de ces quelques instants dans le bus toute seul afin de contempler le beau ciel encore noir charbon qui nous surplombait. Je m'empressais de m'habiller et de manger quelques fruits comme petit-déjeuner avant de sortir en toute hâte de ma demeure et de rejoindre à grands pas le bus qui prenait son temps à démarré. Je rentrai, désignai rapidement au chauffeur ma carte, et pris place. Il n'y avait personne m'y à part le chauffeur et moi, rien que le vide à part ça.
Le vide.
Je me mis à regarder inévitablement le paysage par la fenêtre, il ne pleut pas en ce mois d'octobre. Pas une seule goûte d'eau dans cette région pourtant réputée pour sa pluie. Que c'est bien malheureux, le ciel parait pourtant si triste. Pourtant, la pluie n'est pas ce que je préfère le plus.
J'aime la neige.
J'aime la neige et je ne l'ai jamais vu. Pas une seule fois. Ce que c'est regrettable, très regrettable, mon rêve étant de voir pour une fois la neige, rien qu'une seule fois. Cette tendre poussière blanche recouvrant tout sur son passage et effaçant toute trace du passé. La neige, signe de renouveau, d'une nouvelle vie, d'un nouveau monde. Je ne l'ai jamais vu, elle doit sûrement attendre patiemment ma mort pour apparaitre. Je me détendais petit à petit dur mon siège, bercé par les couleurs de ce ciel crépuscule matinal. Je posai ma main sur la vitre, je pouvais voir sans aucun mal mon reflet, je pouvais me voir, ma propre personne, mais aussi mes propres peines peintes sur ma figure. Et puis après tout : qu'avais-je de si particulier qui faisait que je sois une des personnes les plus reniées ? Qu'avais-je commis de mal ? Je n'ai rien fait !
« Tu es née, voilà pourquoi… Tu es un fardeau. » me répondit mon reflet.
Je sursautai, surprise par ce que je venais de voir et entendre, je regardai autour de moi, personne. Une hallucination, rien de plus habituel.
« Tu ne crois pas qu'il serait mieux que tu meures ? questionna mon autre moi, un sourire non-rassurant au coin de ses lèvres. Et puis, tu détestes ce monde, tu l'as toi-même dit. »
C'est vrai, je déteste ce monde, et je déteste encore plus les gens qui font partie de ce monde. Mais étais-ce mal de penser cela ? N'avais-je le droit d'avoir mes propres opinions ? La vie est bien triste en ces temps-ci, que cela soit à cause de la guerre, de la crise, du chômage, du racisme, de l'éducation ou autre, il y aura toujours un problème qui s'ajoutera en plus des autres. Et ce n'était pas comme si nous, humains, faisons réellement quelque chose. Je regardai perplexe mon reflet, attendant une réplique provenant d'elle, mais elle n'eut rien dit, elle avait disparu, laissant cette pâle copie de moi à la place. Je me relaxai, fermant mes paupières, et soupirai.
Et elle sourit malicieusement.
Je me mis en place, je m'étais changé illico-presto, tous les autres n'étaient pas encore arrivés. Je m'échauffais prudemment, il ne fallait pas que je me craque un os ou quoique ce soit. Soudain, le professeur de sport arriva, avec Laurène à quelques mètres derrière, jouant avec son charme pour séduire le professeur et essayer d'avoir de bonnes notes, ce n'était pas sûrement pas comme ça qu'elle allait y arriver. Elle m'aperçut rapidement et me lança un regard froid, avant de retourner coller le professeur. Celui-ci nous expliqua la séance qui allait se déroulait :
« Aujourd'hui, c'est chacun pour soi ! s'écria-il, heureux de pouvoir reprendre du service. Vous allez devoir vous surpassez et battre votre adversaire à la course. On commence mollo pour le moment, puis on fera des matchs, je choisirai les adversaires, et leur donnerai leur ordre de passage. Allez, en piste les gars ! »
De l'athlétisme, chouette, mais ça aurait été mieux sans la classe. Je m'entraînai donc, attendant que le prof intervienne, et, après un certain moment, il nous donna notre ordre de passage. Et je tombai inévitablement sur la pire des personnes, la plus méprisable, celle dont j'eus prié chaque nuit pour que je ne tombe pas une fois sur elle en tant que partenaire ou adversaire : Laurène. Pourquoi tous les malheurs ne tombent que sur moi. Heureusement, je passais dernière. Alors j'attendais que les autres passent, et j'attendais encore, et encore. Et l'heure tant attendue arriva. Je me mis en position, regardant brièvement Laurène qui me souriait avec répugnance.
« Bonne chance, j'espère que tu n'as rien de mal contre les défaites, car tu risques d'être déçu puisque je vais t'aplatir en un rien de temps.»
Je me restreins à ne rien dire et me focalisai sur mon objectif. Il fallait que je me surpasse, il fallait que je me montre à la hauteur, il fallait que je montre à la terre entière ma juste valeur : il fallait que je cours. Je retins ma respiration, détendais mes muscles quelques peu crispés, et regardais droit devant moi, avant d'entendre le signal :
C'est ça, la liberté.
Je me mis à courir à toute allure, à en perdre haleine, essayant de ne pas regarder derrière moi, essayant de ne pas regarder Laurène, mon adversaire, essayant de ne pas regarder le passé, tant détesté. J'aime courir, non en fait, j'adore courir, c'est l'une de mes plus grandes passions, si ce n'est ma préférée plutôt. J'aime cette sensation de liberté et de légèreté quand l'on court. J'aime sentir le sol à mes pieds et l'air me fouetter tendrement les cheveux, j'aime avoir ces subtils et doux frissons effleuraient ma peau et la faisant tressaillir. J'aime remplir mes narines de cet air pur et délicat et fermer les yeux afin d'imaginer le plus beau des endroits. Courir, c'est plus qu'une habitude pour moi, ça représente plus que mon quotidien, c'est un besoin primordial, une chose irréfutable que l'on doit mener chaque jour. Que ce soit le matin, le midi ou le soir, courir est un besoin naturel pour moi. Il faut que je cours pour me rendre à mon bus, il faut que je cours pour aller en cours, pour échapper aux railleries et insultes des autres, pour échapper à mes sources de problèmes, pour échapper à cette vie d'étouffement, pour échapper à mon triste sort : pour m'évader, tout simplement. Même si je dois passer aux yeux des autres pour une lâche, une froussarde, je continuerai de courir, afin de m'échapper de cette cage qui m'emprisonne depuis bien trop longtemps. Mes jambes ne demandent que ça, et ils en demanderont encore, et encore. C'est une passion, une sorte de drogue que l'on redemande encore sans jamais s'en lacer.
J'aime courir.
Je dépassai sans difficulté Laurène et atteins la ligne d'arrivée sans mal, me remettant vite d'appoint et regardant le professeur, celui-ci hocha brièvement la tête, sans me regarder et nota les résultats sur son carnet avant d'annoncer la fin du cours. Je n'osai pas regarder Laurène, qui sait, elle doit être en train de comploter derrière mon dos afin que je prenne très cher. Il fallait que parte sur-le-champ, là, maintenant, tout de suite. Je me précipitai dans les vestiaires et ouvris rapidement mon casier afin d'y récupérer mon sac, je le refermai et essayai de sortir sans me faire remarquer. J'entrouvris la porte légèrement, et ne voyant personne, je sortis.
« Pas si vite ma vielle, tu ne vas pas nous quitter sans que l'on te fasse nos « au revoir », moi et le reste de la classe. Ce serait ingrat de notre part, non ? » ricana une voix désagréable derrière moi.
Sortez-moi de cet enfer au plus vite.
Je déambulai sur le chemin du retour, m'efforçant de tenir convenablement mon sac, bien qu'il ne soit absolument pas lourd. Non ce qui me gênait, c'était plutôt ce bleu sur l'épaule, et pas que. Je m'efforçais de ne pas m'écrouler sur le chemin, il fallait que je soigne mes blessures sans que Kawaii me remarque, sans quoi elle perdrait connaissance à ma vue. Je me regardai, je faisais vraiment pitié : mes vêtements étaient dans un pittoresque état, tout comme mon visage et mon corps, qui eux en avaient pris un sacré coup. Le sang dégoulinait de ma lèvre inférieure, sans oublier ce goût âcre qui ne voulait pas se retirer de ma bouche. Heureusement que chez moi j'ai des compresses et pansements. Voilà ce qui arrive quand on essaye d'être gentil et polie : on se fait toujours rembourser d'une tout autre manière. Et sans que je n'essaye d'y remédier, je continuais toujours d'être aimable avec les autres. Je me demande de temps en temps si je sais vraiment ce que je fais…
J'arrivai devant la maison quand une douce voix raisonna dans mes oreilles, cette voix chantait si délicatement… Je me retournai, personne en vu. Et pourtant, cette voix continuait toujours son magnifique chant, comme si elle cherchait à m'appeler. Ca doit être mon esprit qui me fait encore des siennes… J'ouvris la porte et essayais de ne pas me faire remarquer par Kawaii. Tiens ? Les lumières ne sont pas allumées ? D'habitude, il y en a toujours une d'allumée. Ce n'est pas très rassurant. J'allumai les lumières quand ma respiration s'arrêta brusquement : Kawaii était devant moi, tenant un gâteau faisant cinq fois sa taille dans ses mains, un sourire chaleureux aux lèvres.
« Qu-Quoi ? C'est quoi tout ça ? Il y a une fête aujourd'hui ? » questionnai-je, ahurie et totalement perdue. Je regardai au dessus d'elle, il y avait une banderole d'accrocher :
Happy Birthday Saphir !
C'était mon anniversaire, et elle seule s'en était souvenu. Quelle abrutie, j'ai moi-même oublier mon quinzième anniversaire, si ce n'est pas désolant tout ça. Je la regardai, encore choqué, et elle écarquilla les yeux, lâchant le gâteau avant d'afficher une expression traumatisée sur son visage. Je me précipitai sur le gâteau, le rattrapant de justesse. C'était moins une. Je soupirai, relaxée, et regardait un peu angoissée Kawaii, avant de légèrement m'énerver contre elle.
« Je sais ce que tu es en train de penser, Kawaii, et non ne t'inquiètes pas, tout ira bien, t'as pas à t'en faire. Il me suffit juste de prendre une bonne douche et ça va passer. Arrête de te préoccuper de moi comme ça, c'est pénible, tu sais…»
Je ne savais même pas si elle aller gober tout ça, à croire que non visiblement. Elle avait l'air d'afficher une moue bien triste pour me croire. Sans bruit, elle se dirigea vers la cuisine, et attendit patiemment. Mince, j'y suis allée un peu trop fort sur ce coup-là… Qu'est-ce que je devais faire maintenant ? Extérieurement, je ne laissais jamais paraitre mes sentiments, depuis longtemps, j'eus oublié ce que signifier « émotion », ou plutôt tout ce qui concerne les émotions de joie. Je n'ai jamais souri, difficile à croire, mais en même temps : comment sourire quand l'on supporte au quotidien mille et un malheur ? Quand l'on mène une vie des plus insignifiantes ? Je n'ai pas la réponse à cette question, encore. Mais au fond, je n'ai sûrement pas tout oublié, même si mon visage toujours ferme n'en laisser pas en douter. Même si extérieurement mon visage ne laissait rien paraître depuis bien trop longtemps, au fond, il me restait un semblant d'émotion envers les gens qui m'aimaient, à savoir Kawaii. Je soupirai pour la énième fois, je ne sais faire que ça après tout. J'hésitais : dois-je me pardonner ou la laisser comprendre que c'est dans ma nature d'être comme ça ? Je suis vraiment une catastrophe… Je m'approchai de Kawaii et caressai tendrement ses cheveux, celle-ci se retourna pour me regarder :
« Je suis désolé d'être de mauvais poil Kawaii, avouais-je en détournant le regard. Mais bon, je n'y peux rien, toi-même, tu me connais : je n'aime pas que l'on s'inquiète de moi. Mais tu as sûrement raison au fond, j'en fais toujours des tonnes, alors… euh… tu veux bien me pardonner ? »
J'attendais un semblant de réaction provenant d'elle, mais toujours rien, mince, elle doit être sacrément énervée, je me sens fautive tout d'un coup… Je baissai la tête, honteuse, quand soudain elle leva la tête et se mit à me chatouiller de ses petites mains, souriant à pleines dents. Je tombai à la renverse, et elle aussi par la même occasion :
« Kawaii, je ne suis pas sensible aux chatouilles je te rappelle, et ce n'est pas comme ça que t'arriveras à me faire sourire, mais… Merci pour tes efforts, c'est vraiment… Très sympa de ta part. »
Je soupirai, encore, et elle sourit, avant de fermer ses paupières et d'écouter mon cœur battre, s'endormant petit à petit. C'est étrange, pourquoi écouter un cœur ? Pour confirmer que l'on est en vie ? Pour s'amuser à voir si notre cœur bat plus lentement ou plus vite que la normale ? C'est idiot, mais je ne dis rien, je me contentai de caresser les longs cheveux de Kawaii. Les minutes passèrent, et passèrent, jusqu'à ce que le ventre de Kawaii me rappelle à l'ordre.
« Allez Kawaii, le gâteau t'appelle maintenant. Et puis tu ne vas pas rester là à dormir sur moi alors que je suis étalée sur le carrelage ? Allez, lève-toi et montre moi ce fabuleux gâteau que tu m'as préparée. »
Après tout, même si la vie m'en à fait voir de toutes les couleurs, je pouvais quand même m'adonner à quelques plaisirs de la vie que j'eus à partager qu'avec, et seulement avec, ma tendre fée…
Je me séchai rapidement les cheveux à l'aide d'une serviette, cette douche m'a fait du bien. De plus, j'ai soigné mes plaies, donc je devrais bien dormir cette nuit… ou presque. Je regardai à côté de la porte afin de voir si mon sac y été déposé comme convenu : demain je comptai faire une petite escapade en compagnie de Kawaii dans une forêt voisine, à l'abri du regard et permettant de contempler le ciel dans toute sa splendeur, et pour cela, j'ai mis le strict minimum dans le sac, histoire d'avoir des vêtements de rechange et de quoi manger… Bon d'accord, j'ai un peu exagérer sur la nourriture, il faudra que je refasse une vérification de tout cela demain, j'espère que Kawaii sera enchantée d'apprendre tout ça. Elle s'était endormie juste après m'avoir offert son cadeau, d'habitude, elle ne m'en offre jamais, mais je n'eus jamais à m'en plaindre, mais le fait qu'aujourd'hui, et seulement aujourd'hui, elle m'eut à offrir un présent titille ma curiosité : comment a elle bien put acheter ce collier ras de cou en ruban noir à laquelle trônait une rose bleu saphir en pendentif, un truc qui vaut sûrement l'équivalant d'un salaire de footballeur ? Mystère. Je regardai la télévision : encore allumée. Je pris la télécommande et m'apprêtai à l'éteindre quand une information m'arrêta :
« Aujourd'hui, plusieurs manifestants du monde entier se sont montrés devant la résidence de leur dirigeant, il semblerait que les impôts ont encore augmenté dans la majorité des pays, dut au besoin d'argent concernant l'avancée de la science. Le président français semble renier son implication dans cette affaire, mais il semblerait que ces ministres le contredisent. Qui doit-on croire ? Depuis maintenant plus de trois ans, plusieurs avions militaires survolent les cieux, il semblerait qu'ils seraient sur le point de découvrir quelque chose d'extraordinaire, pouvant changer la vision du monde à jamais, mais ceux-ci refusent de nous en divulguer les moindres détails. Et depuis maintenant plus de trois ans, les scientifiques imposent aux pays de soumettre des impôts plus lourds aux habitants afin d'obtenir davantage de gains pour l'avancée technologique. La population se révolte de plus en plus, certains meurent de soif, d'autres de faim, et certains n'ont plus de toit. Nous n'en savons pas plus pour aujourd'hui, mais demain, peut-être aurons-nous plus d'informations sur ce sujet-là ? Mais pour l'heure, place à la météo, qui nous annonce une gigantesque tempête ravageant toute la France, provenant de l'Ouest, du côté des Etats-Unis, et mettant en garde tout les habitants français à ne pas quitter leur chez-soi sous aucun prétexte et à… »
Je coupai net la présentatrice en éteignant la télévision. J'en avais marre, marre d'entendre pendant plus de trois ans les mêmes rabâchements, marre d'entendre ces mêmes informations qui tournent et tournent s'en jamais s'arrêter, marre de voir que l'on n'y remédiait pas et qu'on laissait paraitre tout cela sans rien faire. Depuis combien temps, je vois ces hommes et femmes se battre pour avoir ne serait-ce qu'un peu de quoi vivre, de voir des gens dans les rues mendiant un peu d'argent pour subsister ? Et que fait la science, elle qui doit se montrer à la hauteur de tous tout en se montrant humble : elle nous prend tous nos biens. Je le dis haut et fort : ce monde s'engouffre lentement mais sûrement dans un trou noir. Je rejoignis ma chambre et jetai un coup d'œil furtif en direction de Kawaii qui dormait sur mon lit : Sa couverture est tombée. Je la ramassais et la remis sur elle, avant de caresser légèrement ses cheveux : j'aime ses cheveux, ils sont soyeux, mais surtout fins et agréable à regarder ainsi qu'à toucher, d'ailleurs quand je vais mal, je caresse toujours ses cheveux, comme un signe de réconfort. Je m'allongeai sans trop faire grincer le lit, par peur de réveiller Kawaii, et m'envelopper de ma couverture, c'est froid, mais agréable. Je regardai la lune, je ne m'endors jamais du premier coup, j'ai même du mal à m'endormir la nuit : je n'aime pas revoir ce cauchemar à chaque fois que je ferme mes paupières. Je contemplai cette boule blanche et brillante, il ne pleut pas, pourtant, je ne sors pas pour regarder la lune, je ne sais pas pourquoi, mais mon instinct me dit de plutôt me coucher…Et puis, ce qu'a annoncer les infos m'intrigue : c'est quoi cette soi-disant « chose extraordinaire » ? Le ciel nous réserve bien encore des surprises ma parole… Il ne pleut toujours pas, à croire que ce que prédisait la présentatrice était erroné. Bon, je ne vais pas attendre non plus toute la soirée pour que cette tempête apparaisse, autant tout de suite m'endormir.
Il fait noir, et personne n'est là, pas d'homme en cape noir à première vue… Tiens ? Ce n'est plus le même rêve ? Il faut croire que tout cela à enfin cesser. C'est étrange tout de même, se serait-il lacé de moi ? À croire que oui, mais tout ça ne me rassure pas… Je regardai autour de moi, pas la moindre lumière… D'accord, je commence sérieusement à m'inquiéter : il se passe quoi au juste ? Il n'y a pas de lumière, pas le moindre bruit et aucun signe de « Monsieur je viens perturber toutes mes nuits »… J'avoue que cela me met très mal à l'aise…Je m'avançai d'un pas, puis de deux, puis me mets à courir avant de percuter quelque chose et de tomber ridiculement par terre. Je touchai ce qu'il y avait devant moi : un mur invisible, sérieusement ? Je constatai que je suis emprisonnée dans un cube aux murs invisibles, chouette…
« Réveille-toi… »
Hein ? Quoi ? Qui me parle ? Ce n'est pas la voix de ce type qui me hante chaque nuit.
« Réveille-toi maintenant, tant qu'il en est encore temps, et enfuis-toi ! » dit la voix féminine d'un timbre stressé et enfantin.
Tiens tiens, une petite fille ? C'est nouveau ça. Et pourquoi devrais-je m'enfuir ?
« Réveille-toi Saphir, ou jamais tu ne sortiras d'ici, fuie de chez-toi et ne reviens jamais, MAINTENANT ! » hurla-elle désespérée.
Soudain, les murs se resserrent autour de moi sans que j'eus fait quoique ce soit, alors je frappai, j'hurlai de toutes mes forces, mais rien : Personne ne peut me sortir de ce pétrin…
Je me réveillai, angoissé et perdue, les dents s'entrechoquant et sur le point d'avoir un malaise, que vient-il de se passer à l'instant ? Tout s'est déroulé en une fraction de seconde… Je regardai mon réveil : 4h00 du matin. Je dois me recoucher, mais j'ai une envie folle de boire de l'eau avant tout chose. Je me levai avec peine de mon lit, et me dirigeai vers le robinet de la cuisine, saisissant au passage un verre.
Ne plus y penser, ne plus y penser.
Je dois arrêter de penser à ce rêve, ce n'était qu'un rêve, un simple rêve, pas de quoi en faire un drame… Pas de quoi traumatisé…J'en profitai pour me rincer le visage, encore en sueur, puis prit une gorgée d'eau…
Ne plus y penser, ne plus y penser.
Je soufflai un bon coup et essayer de ralentir mon rythme cardiaque tout en me répétant à tout bout de champ cette phrase « magique »… Pourquoi tout ça n'arrive qu'à moi ? Pourquoi n'ai-je pas le droit de me reposer ne serais-ce qu'une seule nuit ? Pourquoi n'ai-je pas le droit de vivre comme n'importe quel humain sur cette planète seulement une journée, rien qu'une journée ? Je n'ai rien de mander, et je ne dois rien à personne, point, fin de la discussion. Pourtant, tout cela n'arrive qu'à moi, et surtout envers ma propre personne, comme si l'on cherchait à se venger de moi…Et bien soit, qu'il se venge, non, qu'il m'achève, je ne veux plus de cette vie, je ne veux plus de ce quotidien, je ne veux plus revivre chaque fois la même histoire, cette histoire qui ne se terminera jamais. Je veux juste m'enfuir d'ici au plus vite, même si Kawaii me manquera à coup sûr, je veux juste disparaitre, je veux juste mourir...
« Tu sais… Mourir est une très belle option, mais je crois que si tu rejoignais mon camp, tu serais considéré à ta juste valeur. »
Je lâchai mon verre qui se brisa instantanément, écarquillant démesurément les yeux et me retournai choquer, la bouche entrouverte, incapable de sortir le moindre son, les jambes prêtent à défaillir, à limite de m'évanouir, pourtant, je ne peux plus bouger, j'ai perdue tout contrôle de mon corps, non en fait, c'est comme si l'on m'avait mis sur « pause » :
Oh non ce n'est pas vrai…
Il est là, devant moi, me souriant malicieusement et me mettant mal à l'aise, sûrement en train de me regarder alors que je ne puis le regarder en face. Il est juste là, juste là.
« Eh bien, quel charmant accueil…renchérit-il d'un ton moqueur.
- Qu-Qu'est-ce que vous faites chez moi ? peinais-je à prononcer.
- Eh bien eh bien, je te croyais plus perspicace que ça… »
J'ai déjà entendu ça quelque part…Mais où ?
« Aurais-je traumatisé la demoiselle, la chère et tendre Saphir Hatsune ? rit-il de mauvaise foi. Veuillez pardonner mon intrusion et mes propos désinvoltes et quelque peu rustres, mais voyez-vous, j'ai quelques propositions à vous faire. »
Des propositions ? À propos de quoi ?
« Je veux savoir qui vous êtes tout d'abord ! m'écriais-je. Je veux tout savoir de vous, et plus précisément sur le « pourquoi » de cet harcèlement dans mes rêves.
- Chut… Il y a des gens qui dorment paisiblement ici… »
Kawaii ! Je pris le premier objet derrière moi et le brandis devant cet homme avec empressement : bonne pioche, c'est un couteau affuté.
« Que-
- Du calme, posez votre couteau avant que ne blessiez quelqu'un avec, je ne lui ai rien fait, et je ne suis pas là pour elle, tout ce qui m'importe, c'est vous. »
Hein ? Pourquoi s'intéresserait-il à moi ? Je n'ai rien à envier ! Il doit s'être trompé de personne, c'est sûrement ça ! Je le regardai sous sa longue cape noire, toujours le couteau à la main, à vrai dire, je tremble, je ne suis pas dans la capacité d'utiliser cet objet, je n'ai pas la force de le faire.
« Enfin, je te rencontre pour de vrai, Saphir Hatsune… »
Il me tutoie maintenant ? Ce n'est certainement pas comme ça qu'il me rassurera celui-là…Je tremble encore, je ne peux m'empêcher de trembler…
« Tu ne sais pas à quel point tu es l'unique personne que je désire, et je suis prêt à parier que je ne suis pas le seul : il y en à des centaines, non, des milliers, voir des millions et peut-être même des milliards à te vouloir. »
Haha, la bonne blague, il essayait de me fait marrer sans succès, mauvaise tactique, c'est qu'un cauchemar après-tout… Juste un cauchemar, il suffit juste de me réveiller en me pinçant.
« Le savais-tu, me questionna-t-il, que tu es tout à fait unique, voir même…précieuse ? Tu ne sais pas à quel point tu vaux sûrement plus que de l'or, plus que le saphir même. »
Un saphir rouillé et en miettes oui, sûrement. Je me demande comment j'ai fais pour ne pas m'être évanouie il y'a quelques minutes.
« Si tu restes ici, personne ne te considérera à ta juste valeur, Saphir, ils te considèrent tous comme une vulgaire tâche, alors que tu ne l'es absolument pas, mais si tu me rejoins… »
Il me tendit la main, détendu. Je le regardai, étonnée.
« … Tu pourrais montrer à ce monde absurde toute ta valeur et toute ta puissance… Il suffit juste de dire oui à ma requête et je me chargerai du reste, tu verras : ils se mettront à tes pieds et tu ne seras plus jamais seule. »
J'ai toujours été seule… Seule, et sans aucun parent pour me réconforter. Je ne sais pas qui je suis, je ne sais même pas comment j'ai fait pour être ici. Je n'ai jamais rien demandé, je n'ai même pas demandé à être née. Je veux juste que l'on me voit comme une personne normale…
Je veux juste être normale.
Je le regardai, hésitante. Je ne sais que dire, je ne sais pas quoi répondre…J'ai peur de faire une gourde, peur de commettre quelque chose d'irréfutable, d'irréparable et de ne jamais revenir en arrière. Mon dieu, qu'est-ce que je dois faire…
« Je sais que tu veux en savoir plus sur tes origines, et il se trouve que je sais d'où tu proviens… »
Que-Comment ? Il sait d'où je viens ?
« Dis-moi d'où je viens ! Je veux savoir qui suis-je en réalité ! m'écriais-je avec empressement sans me préoccuper du reste tout en lâchant mon couteau.
- Si tu désires réellement le savoir, suis-moi et je te divulguerai tout ce dont tu as envie de connaitre par-dessus tout… » susurra-il sensuellement.
Le suivre ? Je n'ai plus rien à perdre à présent, je m'avançai vers lui, et celui-ci recula, alors je me mis à courir comme une folle vers lui, et lui s'éloignait de moi au fur et à mesure que je comblais l'espace entre nous. Je quittai ma demeure quand une rafale de vent vint presque me mettre à terre, je regardai le ciel, il pleut…Oh non la météo prédisait donc vrai. Néanmoins, je le regardai avec hésitation : la pluie n'a pas l'air de le déranger tant que ça. Il m'attendait de pied ferme, et il ne risquera pas d'attendre bien longtemps, je dois me dépêcher, je veux tous savoir, même si la curiosité est un vilain défaut. Je courrai sous cette pluie menaçante, à l'opposé de ce vent tranchant et sous les grondements de ce ciel noir éclairé de temps à autre par de terribles éclairs intimidants. Mes membres tremblaient, mon corps commençait à perdre de sa teinte et devenait de plus en plus blafarde, terne, endolori, glacé jusqu'au os, à croire que ceux-ci devraient être des glaçons à l'heure qui l'est. Je m'efforçai de ne pas m'arrêter, seule la lune éclairait mon chemin de sa tendre lumière chaleureuse. Quand est-ce que cette course finira-t-elle ? Et Kawaii ? Je l'ai laissée à la maison ! Je ne l'ai même pas mise à l'abri ! Elle doit sûrement s'être réveillée et doit paniquer à l'heure qui l'est ! Allez garde ton calme Saphir, garde ton sang-froid, tout va bien se passer, et Kawaii est sûrement en sécurité. Le goût âcre du sang s'imprégnait peu à peu dans ma bouche, et c'était affreusement nauséabond, immonde et surtout écœurant, me donnant presque envie de vomir. Néanmoins, il fallait que je me retienne, jusqu'à ce que je le l'atteigne. Je ne savais même plus depuis combien de temps je courrais, la pluie et le vent m'empêchaient d'avancer, le ciel grondait de plus en plus fort, et mes membres suppliaient des soins ainsi que du repos, ma conscience, elle, demandait de grâce de quitter les lieux et de s'éterniser dans le néant, mais peu importe. Soudain, la délivrance, je m'arrêtai devant un immense manoir noir et imposant, s'élevant à plusieurs vingtaines de mètres. Qu'est-ce que je fais ici ? Et c'est quoi cet endroit ? Je connais pourtant la ville assez bien pour m'y repérer ! Et ce manoir ? Il sort d'où ? Est-ce que je deviendrais folle par tout hasard ? Je repris durement mon souffle, essayant vainement de ne pas recracher mes poumons. Je relevai ma tête tant bien que mal, mes membres n'arrêtaient pas de trembler, et je m'efforçai de garder un œil sur cet homme en cape noire. Ah l'énergumène ! Il se moque bien de moi cet enfoiré ! Lui me souriait, amusé par mon comportement, et m'observai scrupuleusement : il cherche quoi ?
« Excellent, s'exclama-t-il, tu es parvenu jusqu'ici sans le moindre mal, alors c'était donc vrai ce que l'on disait sur toi : tu es la plus rapide et la plus vif qui existe en cette planète.
- Épargne-moi tes remarques inutiles et dis-moi ce que je veux savoir sur-le-champ ! m'écriai-je imposante tout en gardant mon calme.
- Tout vient à point ma chère, mais il serait mieux de parler à l'intérieur, tu ne crois pas ? »
Je m'apprêtai à répliquer quand celui disparu par enchantement derrière l'immense porte du manoir. Comment a-t-il fait ça ? Et pourquoi « à l'intérieur » ? Chercherait-il à faire quoique ce soit en particulier à l'intérieur ? Mon dieu, trop de questions sans réponse ! Et puis mince, il faut que je teste, je posai ma main sur la poignée, légèrement réticente, et soufflai un bon coup.
Stop. Arrête ça. Maintenant.
Ma conscience avait sûrement raison… Et puis je me remémorai à l'instant même mon rêve, et me souvins de ce qu'il adviendrait si j'ouvrai la porte. Non, je ne dois en aucun cas l'ouvrir, je ne dois pas l'ouvrir. Je reculai et fis demi-tour aussitôt. Mon dieu, il fallait que je rentre, il fallait que j'avertisse Kawaii à tout prix. Mes membres n'en pouvaient plus, je manquai à plusieurs reprises de m'écrouler, mais me je me relevai aussitôt, c'est affreux de voir que vos dernières forces vous abandonnent dans les moments où vous en avez le plus besoin. Je ne sais pas par où aller, je me suis perdue à coup sûr, mais qu'importe, je dois courir, je dois m'enfuir, peut importe si l'on me voyait comme une lâche, je dois revoir au moins une dernière fois Kawaii. J'aperçus ma demeure, enfin, je pourrai revoir le sourire de mon amie, de ma sœur, de ma fille, je pourrai la rassurer tout en l'emmenant autre part, en sécurité, et ainsi, nous trouverons ensemble notre chemin pour un avenir meilleur. Plus que quelques mètres, et je poserai ma main sur la poignée et l'ouvrirai en douceur. Plus que quelques mètres.
Trop tard.
Une pression insupportable me força à rester à terre et à ne plus bouger, je m'efforçai de me relever, en vain. C'est comme si la pression atmosphérique terrestre s'était uniquement concentré sur moi et que la gravité me forçait à ne plus bouger, comme si l'ont eut été sur Vénus, c'est-à-dire comme si l'on devait supporter sept éléphants sur notre dos et ainsi s'efforcer à respirer, ce qui dans tous les cas, était tout bonnement impossible. Je tentai de relever la tête et de regarder devant moi : cet enfoiré…
« Tu me déçois, soupira-t-il faussement triste, tu sais, tu aurais pu avoir un bel avenir devant toi, mais tu as refusé, à croire que cette vie te plait bien plus que celle que je te propose, tu m'en vois profondément navré. »
Il a bien raison d'être navré, si c'est pour me faire attraper par une main brute et visqueuse, il peut bien se faire une croix dessus : jamais je ne le rejoindrai.
« Tu me déçois vraiment, soupira-t-il de nouveau un peu agacé, tu ne me laisses pas le choix, je ne voulais pas te faire ça car je te croyais plus futile que ça, mais je me suis trompé sur toute la ligne, tu me vois obligé de te punir. »
Punir ? Comment ça « punir » ? C'est quoi cette histoire de punition ? Je le regardai attentivement, il mijote quoi envers moi ? Est-ce un crime de refuser des avances ?
« Je suis désolé de te faire ça, dit-il faussement navrer, mais… »
Il leva sa main gauche, et récita quelque chose, quelque chose d'incompréhensible, quelque chose dite en une toute autre langue, une langue bien étrange, à la fois belle mais effrayante.
Et la Mort s'approcha de moi lentement.
Je suffoquai soudainement, mon dos commençant à brûler, à l'emplacement même du tatouage. J'essayai par tout les moyens possibles de soulever ne serait-ce qu'un peu mon tee-shirt pour aérer mon dos brûlant, à limite de fondre. Ma conscience commençait peu à peu à s'éteindre, et ma tension chuta subitement. Mes yeux se forçaient à se fermer, tandis que ma bouche rejetait de temps à autre du sang. Je jetai un dernier coup d'œil à cet homme mystérieux et remarquai tout d'un coup que le ciel était d'une teinte aussi rouge que le sang. C'était à la fois effrayant, mais fascinant, comme si le soleil brûlait plus qu'à son habitude et revêtait le ciel de sa chaleur phénoménale. Le sol se mit à trembler, et la gravité ainsi que la pression atmosphérique s'enlevèrent subitement, me permettant dans un effort colossal de me relever avec difficulté. Cet homme n'en croyait pas ses yeux, alors je me mis à m'enfuir, comme une pauvre idiote, car tout cela était vain : cet homme me rattraperait d'une seconde à l'autre. Je m'élançai dans un bosquet que je connaissais assez bien, là, je pourrai le semer. Je regardai derrière moi, cet homme était à quelques mètres de moi, tout cela était bien réel, c'était une chasse, le jeu à celui qui arrivera la plus vite à atteindre son but, c'était le jeu du chat et de la souris, or le chat était cet homme, et la souris n'était autre que moi. Je regardai cet homme, il se rapprochait de plus en plus de moi. J'observai mes moindres mouvements tout en essayant de courir le plus vite possible, il ne fallait pas que je me prenne une branche ou que je tombe dans un terrier. Dans un élan improbable, je réussis à lui échapper, mais pour combien de temps ? J'aperçus alors un chemin assez étroit, je ne savais pas où il menait, je ne l'avais jamais vu, mais qu'importait, je suivis le chemin et vis un étroit terrier caché par des feuillages tombés, je regardai derrière moi encore, il n'était toujours pas arrivé, mais pas le moment de se reposer. J'enlevai rapidement les feuillages, tremblante, et empruntai ce terrier si étroit, m'efforçant de ne pas me retourner et de continuer tout droit, je devais me sauver au plus vite. Il faisait si noir, je ne pouvais plus rien distinguer, mais au moins, je l'avais semé, du moins je croyais. Et enfin, j'aperçus ce qui ressemblait à la fin du tunnel, je m'y réfugiai et attendis, et attendis, et attendis. Autour de moi, il y avait de l'écorce, comme si je me trouvai à l'intérieur même d'un arbre, curieux, mais ce n'était pas le moment de penser à ça. Soudain, encore un tremblement de terre, et ma cachette fut bloquée par de la terre, je fus emprisonné, mais au moins, cet homme ne retrouverait pas ma trace. Je soufflai un bon coup, et ma tension rechuta subitement, je m'écroulai, impuissante, et Morphée me recueillit tendrement.
Dieu, écoute ma prière.
Je désire m'en aller.
Je désire me reposer.
Je désire mourir.
Laisse-moi mourir.
