Bienvenue à tous sur cette fiction !

Je suis ravie d'en retrouver certains de précédents textes mais aussi d'accueillir les petits nouveaux ! Comme sur chaque fiction, j'espère que celle-ci vous plaira !

Disclaimer : Tout appartient à J.K. Rowling, je ne fais qu'emprunter ses personnages et son univers.

Cette fiction sera bien un Drarry qui se développera au fur et à mesure des chapitres !

Mon rythme de publication pourra varier d'un délai allant d'une semaine à un mois en période intense durant l'année. Je donnerai les nouvelles par la fiche d'auteur et répondrai à vos messages quand j'en aurais le temps. Merci de votre compréhension.

En attendant, je vous laisse découvrir ce premier chapitre et plonger dans ce nouvel "univers" ! On se retrouve à la fin !


Chapitre I : Potterveille

Un doux chant carillonnant rafraîchissait l'immensité brune de la plage détrempée d'eau de mer d'une brise aux intonations sacrées cliquetant sur les coques écrues et rousses suspendues sur des guirlandes en fils de nylon, non loin, sous un simulacre de porche résidentiel. La marée était basse. Le ciel bleu-gris se reflétait dans le miroir brut que Mère Nature offrait en vis-à-vis à sa propre infinité. Le vent montait par bourrasques irrégulières, comme un cœur qui ne parviendrait pas à se calquer sur le métronome de rigueur pour battre sans malfonction. De sa présence invisible et tacite, il ramassait le sable à pleines mains pour se le fourrer au ras des poches jusqu'à plus fois. À chacun de ses pas imprévisibles sur les bandes granuleuses, la récolte de son labeur sans humeur se déversait orgueilleusement en rouleaux de vagues brumeuses d'un doré blanchâtre qui faisaient du gringue à la mer couleur marine juste en face, à quelques miles de distance, prêtes à la recouvrir au premier signe de séduction réussie.

Parfois, pris d'un coup de sang divin lorsqu'il se rendait compte de la fuite, Éos shootait d'un pied rageur dans les dunes indomptables et toutes proches. Elles s'effondraient alors en immenses nuages poussiéreux avant de se reformer plus loin, dans les terres, avec l'espoir infime de s'être suffisamment éloignées de ces pulsions fatales. Mais cela ne suffisait jamais et la fuite se poursuivait à l'infini, jusqu'à ronger les rocs des falaises aux strates vieilles de plusieurs millénaires, quitte à faire chuter quiconque aurait présumé de ses droits sur la nature et aurait bâti un pigeonnier, là-haut, sans y réfléchir à deux fois. Une vue imprenable contre un gouffre inévitable. L'explication à l'érosion ne devait pas être cherchée plus loin.

Ainsi, entre les branches des buissons craquelés d'iode se déversaient des cascades vaporeuses qui piquaient la rétine plus sûrement que les chutes d'eaux ne s'abattaient dans les gorges en assourdissant les tympans de leur grondement incessant. Çà et là, des tourbillons opaques suivaient les sentiers sauvages, comme en plein désert, avant de retomber en cendres safrans devenant chrysalides éphémères d'une forme nouvelle qui déposerait, à son tour, ses grains quelques mètres plus loin, à la lisière du sable lourd d'humidité qui ployait sous les semelles et y adhérait telle une flaque de glu.

À en croire Ron, Tinworth avait toujours existé selon ces caractéristiques depuis sa plus tendre enfance : balayé par les vents d'un côté et bordé par la mer de l'autre. Lors des tempêtes résiduelles issues de la queue des perturbations de l'Amérique, de l'autre côté de l'océan, la petite Chaumière aux Coquillages se transformait en havre de paix téméraire au milieu de la tourmente et ce, à la seule et unique condition qu'on ne se risque pas à poser le pied en dehors de son foyer protecteur, aidé par la magie, il fallait bien l'avouer. Autrement aucune bicoque d'aucune sorte n'aurait résisté à ces éléments déchaînés un siècle durant. À ce titre, Bill et Fleur, qui avaient emménagé là depuis leur mariage en été dernier, méritaient une médaille pour l'application qu'ils respectaient à chérir ce nouveau repaire de l'Ordre du Phénix. Aujourd'hui, cependant, cette préoccupation n'avait pas lieu d'être : le temps était clément et quelques rais d'azur se laissaient tenter aux yeux des hommes à travers les nuées grisâtres.

Dobby avait raison. L'endroit était magnifique pour être avec des amis. Il y aurait presque fait bon vivre. Presque. Dans quelques paradis que le petit elfe repose désormais, Harry espérait que ses yeux grands comme des globes éclairés d'innocence pourraient toujours percevoir la beauté de ces lieux, histoire que l'un d'entre eux, au moins, en soit capable. Car, face à l'épitaphe de cette pierre tombale grise, massive et déjà un peu déglinguée par les fouets sablonneux, « Ci gît Dobby, un elfe libre », le survivant n'avait pas la force d'apprécier ce coin de paradis à sa juste valeur. Le vent drainant le prenait du côté gauche du visage en incrustant des grains de sable contre ses verres ronds où, plus tard, ils laisseraient des rayures indélébiles à défaut de sort de réparation oculaire.

L'air avait beau gonfler ses poumons de toute sa puissance, quelque chose planait, lourd, indescriptible, comme une brique insoluble entre ses alvéoles. Il ne fallait pas réfléchir des lustres durant pour comprendre de quoi il s'agissait. La grande guerre sorcière n'avait jamais parue plus proche que maintenant, à enfoncer les portes des habitations, tels des chiens enragés aux babines écumantes de rage qui se jetaient sur les battants que l'on tentant de garder clos le plus longtemps possible, dos et paumes hérissés d'échardes contre le bois, freinant des quatre fers. Ou, du moins, Harry s'en représentait, jusqu'à peu, une image similaire dans son esprit.

En réalité, à ce jour, ce combat-là n'était pas tant une question de force physique ou de maîtrise magique que de résistance de nerfs. Le poison de la méfiance réciproque et des dissensions s'insinuait pas tous les orifices des maisons. Cela ne relevait d'aucune sorte de nouveauté, pas pour eux en tout cas, les missionnaires de Gryffondor plongés dans ce bain nauséabond depuis près de six ans déjà. Alors quoi ? Qu'est-ce qui faisait que, cette fois, tous nourrissaient la même certitude que le sinistre serait sur eux avant la fin de l'été sans même s'être concertés à ce propos ?

La Mort. Voilà ce qui avait changé. Sirius, Dumbledore, Fol'Œil, Dobby, les innombrables listes d'inconnus que Potterveille, la radio de la résistance sorcière, n'en finissait plus d'égrainer à chaque émission d'une voix monocorde et affectée. Sous les pupilles d'un vers profond du survivant, comme sous celles de Ron ou d'Hermione, ne s'étalait plus une plage dessinée au gré des écoulements de sels marins et des migrations de la mer tout à côté. On ne devinait plus les exclamations extatiques des petits comme des grands, ni le pas régulier des joggeurs à suivre à la trace dans la boue grâce aux semelles de leurs baskets. Non. Là, s'étendait désormais un champ de ruines, invisible, certes, mais de la pire des sortes : la ruine d'une civilisation entière agonisant à petit feu dans le douleur. L'infini de ce rivage presque retiré du temps ne suffirait bientôt plus à contenir l'ensemble des tombes des sorciers tombés. Il en faudrait une dizaine de plus comme celui-ci, au moins, pour réussir à y entasser vulgairement ceux qui tomberaient d'ici à la fin utopique de cette guerre éternelle dans des fosses communes honteuses et anonymes. Dobby n'était que la première pièce d'un chemin de dominos s'enclenchant déjà les uns les autres.

Un Sauveur providentiel, lui ? Tu parles, des conneries ! Un imposteur à la noix foutrement incapable d'agir et dépourvu du courage le plus simple de sacrifier sa seule personne pour le bien de tous ! Dire qu'il aurait pu se rendre à Voldemort et épargner ce qui pourrait frôler le million de vies...

Hermione elle-même ne possédait pas les clés pour les sortir de cette épreuve. Elle était à court de solutions tout autant que de courage. Son bras serait à jamais marqué de la barbarie d'une femme démentielle. Mais les séquelles physiques n'étaient pas encore les pires. Parfois, dans la quiétude du ressac nocturne, il arrivait que son propre cri ne la réveille en sursaut au même titre que Ron qui sautait alors à bas de son lit, en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, pour la rassurer de sa présence.

Quant au dernier garçon des Weasley, il observait silencieusement la progression minimaliste des événements empli d'un scepticisme magistral gardé jalousement pour lui en un secret de polichinelle. Ils étaient aussi près de trouver les Horcruxes restants que de les détruire. Sans compter que l'épée de Gryffondor ne faisait désormais plus parti de leur patrimoine de résistants, donnée à Gripsec, dont l'aide nécessaire pour entrer à Gringotts, dans la chambre de Bellatrix Lestrange, dépassait de loin la rémunération raisonnable. Enfin... Qu'était la notion de raisonnable en ces périodes troublées ? Lui-même commençait à ne plus en voir le bout...

Pourtant, Harry ne devait pas penser comme cela. Se rendre n'était pas la solution, bien au contraire, même à défauts d'autres alternatives et il le savait. Ils devaient rester forts et continuer à mener le combat. Jusqu'au bout. S'accrocher à quelque chose qui les aiderait à tenir aussi longtemps que possible demeurait la seule solution applicable à tous leurs problèmes. Car, soyons honnêtes, aucun d'eux ne pouvait se permettre d'abandonner. Alors, puiser dans ses motivations les plus profondes pour se remettre d'aplomb durant le peu de temps que la Chaumière aux Coquillages avait à leur offrir en tant qu'abri sûr, autant pour eux que pour leurs hôtes, devenait impératif pour ne pas perdre pied. Après l'évasion du manoir Malfoy, tous avaient eu le temps de souffler ici, très brièvement et imparfaitement. La mort de Dobby avait fait du mal à beaucoup de monde et cette course-poursuite folle avait besoin de se stopper un peu pour repasser dans les jauges du supportable.

Harry ne comprenait pas comment Ron et Hermione qui n'avaient, somme toute, rien à voir dans l'histoire si l'on occultait leur amitié avec le Sauveur du monde, le suivaient encore. Eux, par contre, auraient mieux fait d'opter pour le choix de la raison en le laissant s'occuper de cela tout seul quelques années plus tôt. Les choses auraient peut-être été différentes.

Devant l'éreintement monstre qui le gagnait dans cet immobilisme nécessaire mais paralysant, le survivant se retrouvait naturellement sur une plage déserte à faire, lui aussi, le point sur sa propre détermination. Qu'est-ce qui l'obligeait à poursuivre ce combat au juste ? Une vengeance ? Peut-être. Ces mois de cavale à travers champs et forêts avaient fait réaliser au jeune sorcier que son monde pouvait s'écrouler du jour au lendemain. Ron pouvait se volatiliser sur un malentendu, Hermione être plus que scarifiée dans une embuscade, le vieux château de Poudlard dynamité de l'intérieur par des pseudos-professeurs, et la confiance que ses amis plaçaient en lui pourrir au fond d'un cachot fleurant le moisi et le sang. La peur viscérale du nom maudit des sorciers n'épargnait personne, pas même ses propres partisans qui s'obligeaient à relever le menton jusqu'à la brisure de leurs cous pour oser, enfin, dévoiler leur avant-bras tatoué de la marque des Ténèbres enserrant leur chair et appeler leur maître à réceptionner un Harry Potter minable et défiguré dans leur manoir rendu sombre et lugubre par la magie noire.

Rien que pour cela, la vengeance ne lui paraissait plus un motif suffisant pour nourrir sa quête. Personne n'était assez fou pour songer à s'accrocher pareillement à une simple rancœur, pas même lui qu'on qu'en disent les discours sur sa folie. Harry n'irait pas jusqu'à dire qu'il n'avait plus envie de faire payer à Jédusor le meurtre de ses parents et sa vie difficilement supportable de coqueluche nationale, son but premier : cela aurait été mentir. Seulement, le survivant semblait mieux comprendre ce que Dumbledore plaidait dans nombre de ses sermons au pupitre de la Grande Salle à Poudlard. Baser l'accomplissement de toute une vie sur une vengeance n'apportait rien de bon et finissait par bouffer l'homme en quête de réparation de l'intérieur. Il ne fallait pas se leurrer, le survivant ne ferait pas exception à la règle juste parce que son nom de famille lui permettait de faire tout différemment et qu'une prophétie à son nom avait traîné des années durant sur une étagère du Département des Mystères au Ministère de la Magie. En fait, pour lui, c'était encore pire que cela...

Lui plus que tous les autres n'avait pas le droit de se venger de Voldemort. Lui plus que tous les autres devait s'élever au-dessus de ses principes et des bas-instincts des rangs pour espérer poursuivre le combat sur des bases solides qui lui apporteraient effectivement la paix une fois tout terminé. Il était l'élu. Cela ne changerait ni son passé ni sa rancœur. En revanche, si une chose devait s'en trouver modifiée, il s'agissait bien de sa façon d'envisager cet affrontement inéluctable. Se préparer à se battre et à obtenir réparation en tant qu'élu du monde sorcier et non en tant qu'Harry Potter, petit orphelin esseulé de Godric's Hollow : voilà ce qui avait changé pour lui. La Mort n'était, malheureusement, pas une nouveauté à ses yeux de héros, mais sa façon de l'envisager, si.

Pour la première fois depuis qu'on lui avait fait part de son destin en l'introduisant dans le monde des sorciers, la jeune homme se sentait réellement investi d'une noble mission. L'inaction de ces derniers jours lui permettait de réaliser que tout son être ne s'était consacré qu'à ce but ultime durant des mois sans plus jamais ressasser son vécu ni ce qui le liait à Jédusor, exception faite du Noël rocambolesque passé à Godric's Hollow. L'élu comprenait que le rôle de Sauveur ne revenait qu'à lui seul, non pas par orgueil, il laissait volontiers le costume à quiconque le voudrait plus que lui, mais parce que le monde l'avait choisi pour le faire. On lui avait apporté une vie dont il n'aurait jamais pu rêver à Little Whinging, à lui de se battre pour la conserver même s'il n'y avait qu'une seule manière d'y parvenir et qu'elle remettait davantage en cause l'avenir qu'elle ne le garantissait.

Une bourrasque de vent le fit vaciller malgré l'abri sommaire que fournissaient les dunes alentours. Harry secoua la tête et une fine pluie de sable s'écoula de sa tignasse indisciplinée en lui ponctionnant un œil au passage. Leur retraite serait bientôt terminée et, dès lors, ils devaient préparer leur expédition à Gringotts sans tarder davantage. Il ne servait à rien de pleurer la mort de Dobby si personne ne faisait rien pour stopper l'enfer qui en était responsable. Pour commencer, rétablir la connexion avec la station de Potterveille semblait un bon début, étant donné que toutes les informations relatives à la guerre leur parvenait par ce biais. Ils devaient savoir comment les choses évoluaient là-dehors avant de se lancer à corps perdu dans une entreprise suicide.

La prochaine émission ne tarderait pas à être diffusée sur les ondes et, Fortune se jouait d'eux, personne n'avait encore mis à jour le code avec lequel ensorceler la radio pour pouvoir y accéder. Pas même Bill, pratiquement né pour les deviner...

Maintenant qu'il y songeait, Harry se rappelait vaguement avoir grommelé une excuse avant de se lancer dans une lutte contre le vent sur cette plage désertique : aller prendre l'air lui permettrait de mieux réfléchir à l'énigme. Son aide dans ce domaine était minime, bien sûr, mais il se devait de la leur apporter en tant que figure première de la résistance.

Un peu rassuré par l'idée qu'il pouvait toujours être utile à son petit niveau en ces heures difficiles où plus rien n'était sûr, le survivant se releva et entreprit de dévaler les dunes friables vers la plage où la marée entreprenait de nouveau son ascension vers les terres à une vitesse faramineuse. Il ne prit pas la peine de fleurir la tombe de l'elfe d'une couronne : le vent l'aurait aussitôt emportée comme il emportait avec lui la poussière de ses vêtements ensablés qui seraient plus propres qu'en sortant lorsqu'il atteindrait la Chaumière aux Coquillages, à quelques pas de là, où le tintement du carillon chatouillait presque les commissures de ses lèvres.


Tinworth avait beau être un petit morceau de paradis, sa quiétude était chose fragile. La porte d'entrée du cottage claqua affreusement derrière Harry et les fenêtres vibrèrent suite à la secousse involontaire. Le lieu était peut-être merveilleux mais les gonds manquaient cruellement de graissage et refusaient parfois de se laisser domestiquer comme le pire des diables.

Ainsi, le retour d'Harry parmi les occupants de la Chaumière aux Coquillages fut loin de passer inaperçu, contrairement à ce que celui-ci aurait souhaité. Encore, cela n'aurait été presque rien sans l'intervention de Luna, grâce à qui, ou plutôt, à cause de qui, rentrer sans récolter tous yeux sur soi relevait, littéralement, de l'impossible.

- Harry, tes cheveux ressemblent à un nid de Joncheruines. Tu devrais vérifier. On ne sait jamais. Ils pourraient à nouveau entrer dans ta tête.

Le survivant s'immobilisa dans la pénombre, près de l'échelle de meunier escarpée menant aux chambres juste au-dessus de la salle à manger et cuisine éclairées par une verrière. Toutes les têtes, sans exception, se tournèrent vers lui. Parmi elles, les grands yeux bleus de la blonde le sondaient en une intrusion d'un niveau impossible à atteindre à moins de porter le patronyme de Lovegood. Pour un peu, le jeune sorcier se serait précipité vers le miroir le plus proche pour inspecter son affreuse tignasse et le canal de ses oreilles. On aurait dit qu'elle le transperçait de partout. Il se demandait même s'il n'existait pas un sortilège capable de conférer la vision à rayons X dont il ignorait l'existence. Sûr que cela devait être pratique pour certains pervers... Et donc probablement interdit. Un sourire naquit presque sur ses traits à cette pensée.

Heureusement pour lui, Harry n'était plus aussi incrédule qu'autrefois en ce qui concernait le bestiaire du monde de la magie et la douce folie de Lune, aussi, un amusement sincère étira ses lèvres. Il balaya la remarqua acerbe du fauteur de troubles sur son épaule qui se moquait, directement dans son oreille, de l'utilisation de l'adverbe « autrefois » alors que tout cela, qu'il présentait comme datant bientôt d'une autre époque, ne remontait qu'à l'année dernière...

- Merci, Luna. Je suis à peu près sûr de n'avoir attrapé aucun Joncheruines.

- Ils peuvent te faire croire que tu ne les as pas attrapés. Mais, je te crois.

La jeune fille haussa les épaules. Battant délicatement de ses longs cils, son attention pleine de malice se reporta sur la feuille étalée devant elle sur la table de bois. Sa nouvelle baguette, une création d'Ollivander s'apparentant à une fleur allongée sur une vingtaine de centimètres et dont la poignée représentait des pétales légèrement gonflés, lui permettait de diriger une partition muette dans l'air. Le dessin sur le papier s'animait en une danse frénétique mais gracieuse dans son genre de loufoquerie.

Curieux, le survivant se plaça derrière elle et se pencha légèrement sur la plage de travail improvisée. La créature ne ressemblait à aucune de sa connaissance ou de celles aperçues dans les grimoires. La logique lui fit d'abord songer à une sous-espèce du rusé lutin de Cornouailles : petit, minuscule même à en juger par la proportion des éléments qui composaient l'arrière-plan du dessin, une constitution anguleuse qui faisait ressortir les os, deux yeux globuleux qui – à bien y regarder – comportaient des facettes comme ceux d'une mouche, et des ailes de moustique. Alors, à moins qu'il ne s'agisse d'un chapitre du programme ayant trait aux créatures magiques de la dernière année qu'il passait à chasser Voldemort plutôt qu'à rester sagement assis au fond d'une classe, le jeune sorcier misa sur le bon sens : avec Luna, la piste logique n'était presque jamais la bonne. Après tout, elle n'était pas surnommée « Loufoca » Lovegood pour rien !

Les mains jointes dans le dos, le survivant argumenta un moment avec sa conscience mais se lassa bien vite. Le moment était mal choisi pour se lancer en conjectures sur un dessin alors que tous les autres cherchaient à résoudre cette énigme d'une importance capitale. Cependant, cette « ignorance » de sa part tombait comme un cadeau du ciel. C'était une occasion rêvée pour ramener les choses à un semblant de normalité, ironiquement grâce à l'anormalité inqualifiable de Luna, et d'oublier cette pression qui leur pesait tous en s'en amusant. En somme, Harry tenait là une façon de détendre l'atmosphère studieuse.

- Luna ?

- Oui, Harry ? chantonna la blonde.

- Qu'est-ce que c'est ?

À côté de sa camarade de Serdaigle, Hermione s'extirpa de la contemplation intense de son propre parchemin couvert de ratures et de flèches diverses se croisant en tous sens. Prenant son quart d'heure de dispersion, elle inspecta de ses yeux cernés de bleu la figure animée en fronçant les sourcils. Ron releva les yeux sans se départir de sa position avachie au-dessus de sa propre place, légèrement décalé par rapport à Luna sur le banc de l'autre côté, probablement à cause de l'appréhension que le roux éprouvait à se retrouver en prise directe avec ce phénomène hors de toute compréhension humaine. Comme si un quelconque maléfice pouvait le frapper s'il la regardait trop longtemps en prise directe...

Luna, elle, tourna la tête vers le survivant sans prendre la peine d'écarquiller ses grands yeux bleus qui lui conféraient déjà une expression surprise de nature. Pourtant, Harry ne douta pas un seul instant qu'il accomplissait l'exploit suprême d'étonner une Lovegood. Déstabilisé par ces pupilles azurs, le jeune sorcier sourit maladroitement à sa camarade de Serdaigle.

- Un Joncheruines, voyons.

- Ah ! souffla le survivant.

- Tu devrais peut-être fouiller ton crâne à leur recherche en fin de compte.

La blonde cligna des paupières et retourna, sans plus d'explications, à l'animation de sa création de papier.

Harry se recula un peu. Peut-être que lui aussi devrait miser sur la prudence aux alentours de cette fille à l'imagination débordante... On ne savait jamais. Au fond, il espérait, comme à chacune de ses interventions qui semblaient couler de source, que tout cela ne soit réellement qu'une invention de son esprit prolifique...

Hermione, assise à côté de la blonde, repéra son air perdu et pouffa de rire, bientôt suivie par Fleur, de l'autre côté de la pièce. Luna observa finalement un sourire plein de malice qui fit se balancer ses boucles d'oreilles en forme de radis et dévoila ses canines éclatantes à la vue des soubresauts de la créature de papier qui cherchait probablement à devenir le seul objet de son attention.

Tout autour de la table, chaque occupant de la Chaumière aux Coquillages possédait un parchemin différemment noirci. Tandis que Luna s'amusait de son art unique, Hermione s'agaçait de la stérilité de ses multiples ratures qui auraient presque transpercé le papier. Bill, exceptionnellement silencieux pour un membre de la famille Weasley, avait réduit son monde aux quelques bribes rédigées de son écriture lacée depuis quelques heures déjà et jouait distraitement avec son crayon, le coude posé sur la table, l'autre bras calé devant sa poitrine. Ron, lui, s'effondrait pitoyablement sans plus masquer son abattement, mais en tentant tout de même de dissimuler son propre travail en jetant des regards nerveux autour de lui, honteux de ne produire qu'une page pour toute aide significative et pas assez détaché de tout pour oser l'afficher comme la blonde en face de lui.

- Du nouveau ? interrogea Harry.

La sorcière surdouée de Gryffondor le fusilla du regard par-dessous le chaos hirsute de ses mèches brunes, le faisant se balancer sur les pieds d'avant en arrière, mal à l'aise. Ron fut plus amical et, après avoir discrètement consulté la feuille de son frère, le nia d'un mouvement de la tête.

La dernière émission de Potterveille datait de presque vingt-quatre heures maintenant et le code pour accéder à celle qui se tiendrait dans moins d'une demi-heure maintenant demeurait obstinément hermétique. L'énigme était particulièrement piquante cette fois-ci et leur donnait plus de fil à retordre qu'à l'accoutumée. L'habituel décodeur prodigue, Bill, butait au point d'avouer son impuissance en plaidant l'aide du brillant esprit d'Hermione, bien que toujours épuisée par leur bref séjour au manoir Malfoy, et donc diminuée : deux cerveaux valaient mieux qu'un. Bientôt, suivant cette même rengaine, toute la Chaumière aux Coquillages s'était remontée les manches, à l'exception de Gripsec n'ayant aucune sorte d'envie de se joindre aux sorciers et d'Ollivander qui n'avait pas tardé à s'exiler dans un endroit de sa seule connaissance pour y rependre son activité de fabricants de baguettes de manière clandestine. Pourtant, ce mélange de vivacités intellectuelles ne donnait toujours rien de concret après plusieurs heures de recherche.

Mal à l'aise, le survivant enfonça ses poings dans les poches de son jean en faisant la moue. L'envie d'aider ne manquait pas, cependant... L'énigme à résoudre lui était totalement sortie de la tête, dégagée de ses méninges par la volonté inflexible d'Éos, là dehors, qui avait dû songer que le survivant avait mieux à penser qu'un stupide jeu de mots. Malgré tout, Harry décida de prendre le risque d'avouer son inutilité cuisante et de se fier, bêtement, au dicton moldu rassurant les pécheurs en série : « Faute avouée, à moitié pardonnée ».

- Hum... C'était quoi déjà l'énigme ?

Un bruit cassant provint immédiatement de la place d'Hermione. Des Adava Kedavra se jetaient presque hors de ses pupilles éclairées de pure haine. Son stylo roula sur toute la surface de la table jusque sur la feuille de Bill. Celui-ci redressa brièvement la tête vers la sorcière avant de reprendre sa réflexion intense, sans rien faire d'autre que de reposer le crayon près d'elle. Harry se sentait comme un éperdu qui viendrait de chuter du haut de la falaise surplombant la plage, prêt à s'écraser sur le sol comme une lamentable crêpe, sauce sanglante.

- Qu'est-ce que tu as fichu ?! s'exclama-t-elle. Marcher un peu était censé t'aider à réfléchir à cette énigme !

- Oui... ça... J'ai en quelque sorte... oublié.

Le poing incrédule d'Hermione claqua une seconde fois contre la table tandis qu'elle secouait la tête, désemparée par la colère. Tellement, que sa voix atteignit des sommets en fin de phrase.

- Je ne peux pas y croire ! Mais qu'est-ce que tu crois qu'on fait ici, Harry ?! Tu crois que c'est un jeu ? À celui qui trouvera le plus de mots possibles sans « e » ?!

- Ça j'aurais su faire, intervint Ron. Mais... ça n'est probablement pas un point valide ici... alors je vais juste me taire... et retourner à ma feuille. C'est bien ça aussi, bafouilla-t-il sous le regard furibond qui lui était désormais destiné.

- Je sais, je me suis laissé aller... Mais si quelqu'un pouvait me rappeler l'énigme, peut-être qu'on perdrait moins de temps qu'en me réprimandant de l'avoir oubliée en premier lieu, s'irrita un peu le survivant.

- Je trouve ça tout à fait logique, Harry, le conforta Luna.

Le héros du monde sorcier la remercia d'un hochement de tête. Cette fille avait la faculté incroyable de servir à la fois d'argument et de contre-argument. Lorsque ce qu'elle disait vous arrangeait, vous la désigniez fièrement en disant : «Regarde, elle aussi trouve que c'est logique ! ». À l'inverse, quand son point ne faisait pas votre affaire, vous lui souriez bizarrement en murmurant à l'autre : «Non, mais c'est Luna, tu sais bien comment elle est ! ».

- Quoi qu'il en soit, Hermione était totalement dégoûtée par cette attitude irresponsable et préféra ne plus prêter attention à la bande d'incapables qui l'entouraient. Au moins, elle comprenait l'urgence de la situation et préférait, également, replonger dans ses recherches plus frustrantes que fructueuses que de perdre son temps à les sermonner.

Le survivant interrogea silencieusement son frère de cœur qui cligna des yeux.

- Pourquoi tu me regardes ?

- Parce que ça fait plus d'une heure que tu planches dessus...

- Ah ! Oui... Je ne trouvais rien, alors... J'ai en quelque sorte oublié aussi...

Un souffle moqueur émana du fond de la cuisine, là où Fleur méditait également à la question épineuse de Potterveille. Les deux garçons se retournèrent dans sa direction. Son air un peu méprisant, accentué par son petit nez français retroussé, leur fit bien sentir que, même si l'on daignait leur redonner l'énoncé, aucun d'eux ne serait en mesure de résoudre le problème. Malgré tout, sa voix s'éleva bientôt, probablement après qu'elle eut réalisé qu'elle non plus n'était pas en mesure d'y apporter une réponse par ses propres moyens.

- « Carré, carré et lignes sauvages ! Au fin fond des terres se cache sa majesté féline ! », récita-t-elle.

- Ouais, voilà, c'est ça, acquiesça Ron.

- Je vois.

Harry haussa les sourcils en esquissant un petit rictus embêté. L'énigme lui paraissait tout aussi mystérieuse et impénétrable que la première fois qu'il l'avait entendue et ce, même en gardant à l'esprit que cela se rapportait forcément à un membre de l'Ordre du Phénix. Tout ce que cette devinette lui rappelait, c'était qu'il avait sincèrement horreur des devinettes. En bref, rien qui ne les avançait sur le nœud de base...

Les deux garçons se jaugèrent avec la même lueur d'impuissance au creux des pupilles. L'urgence devenait plus pressante à chaque seconde pourtant : s'ils ne devinaient pas la réponse de cette charade rapidement, l'émission du jour s'achèverait sans même qu'ils n'aient pu l'écouter, et donc, sans leur laisser le temps de prendre connaissance du prochain « mot de passe » à décoder pour la prochaine diffusion. Pour résumer : une catastrophe pour des résistants impliqués dans le combat comme eux l'étaient. L'angoisse commençait à les écraser dans la paume de sa poigne impitoyable. Si bien que cela en inspirait certains.

- Il faudra dire à ces garçons qu'ils y aillent doucement sur les énigmes, commenta Fleur.

- Et tu sais ce qu'ils te répondront ? répondit Ron. Tant mieux ! Potterveille ne doit pas être accessible à n'importe qui ! Ça doit se mériter !

- Ils devraient au moins garantir un accès illimité à Harry, parce que sinon on n'est pas sortis de l'auberge, rétorqua la française.

- Et qu'est-ce que ça veut dire ça, au juste ? Qu'on est trop stupides, c'est ça ?

- Attends ! s'exclama soudainement Bill. Fleur, tu as dit « féline » ?

- Oui, c'est ce que j'ai dit.

- Tu es sûre que ça ?

- Absolument, pourquoi ?

- Je n'ai pas la même chose, expliqua l'aîné des Weasley.

Sa femme déposa son mug bleu mat légèrement fumant sur l'îlot central de la pièce et s'approcha lui en entourant sa taille des pans de son gilet en laine bleu ciel. Ses mains élégantes se posèrent dans le creux de son épaule et Ron s'écarta d'un large mouvement qui se voulait discret, soudainement envahi par son parfum entêtant.

- Qu'est-ce que tu as alors ? s'enquit la française.

- « Carré, carré et lignes sauvages ! Au fin fond des terres se cache sa majesté véline ! ».

- Ah, ça ! Si personne n'a la bonne formulation, tu m'étonnes qu'on ne trouve pas ! s'exclama le plus jeune roux. Et après on nous traite de stupides !

- Tu as le bon énoncé, Ron. Fleur a raison : « féline », intervint Luna.

Ron la dévisagea un instant avant de jeter ses bras en l'air en signe de ras-le-bol en grognant indistinctement. Et cela, était un des moments de : « Non, mais c'est Luna, voyons ».

- Vraiment ? s'étonna Bill. J'avais compris « véline ». Quel imbécile !

Le fils aîné de la fratrie eut un souffle rieur et sarcastique à sa propre encontre. Dire qu'il planchait sur la mauvaise énigme depuis le début ! Et tout cela parce qu'il avait le malheur d'avoir un vocabulaire un peu plus étendu que la moyenne ! Quelle ironie !

- C'est donc « féline », murmura-t-il en regardant subitement dans le vague. Bien sûr ! Féline !

- Bill ? l'appela sa femme.

L'homme s'était subitement levé en enjambant prestement le banc qui les soutenait lui et son frère, et se dirigea vers l'antique poste de radio moldu aux immenses grilles gris luisant, qui les narguait tous comme une provocation insupportable depuis des heures. Sitôt qu'il eut actionné l'un des immenses boutons ressemblant davantage à des bouchons de liège qu'à des commandes en plastique, de la friture se mit à sortir des baffles. Bill sortir sa baguette de sa manche et tapota trois fois le couvercle luisant de l'objet.

- Minerva McGonagall !

Quelques grésillement se firent encore entendre entre deux sifflements qui traversèrent la gamme des ultrasons, du grave vers l'aigu imperceptible, tandis que le trait rouge qui indiquait la fréquence des stations balayait son cadre de droite à gauche. Soudain, une voix bien connue s'éleva des baffles pour annoncer fièrement : « Potterveille, Rivière au micro ! Je rappelle que nous attendons les dernières informations capitales de nos auditeurs citoyens sur la situation sur place... ».

Hermione soupira, mauvaise, et s'affaissa dans son assise. Le soulagement était là, mais elle demeurait tout de même un peu dépitée que Bill soit parvenu à trouver la solution avant elle qui, soi dit en passant, avait également le bon énoncé depuis le début. Luna se contenta de sourire joyeusement, comme à son habitude, et félicita chaleureusement l'aîné des Weasley qui se frottait la nuque de gêne. Ron, lui, revêtit un air dépassé.

- Donc, si je comprends bien, on a passé plus de deux heures sur ce truc impossible alors que... si tu avais eu le bon mot dès le début au lieu t'acharner sur ce « véline », tu aurais trouvé tout de suite ? Bien joué, Bill ! l'acclama-t-il. Belle économie de temps !

- Lui, au moins, aura trouvé la solution à l'énigme contrairement à toi qui avait la bonne formulation depuis le début, l'arrêta Hermione.

- Ah ! Oui ! C'est vrai ! J'oubliais que tu avais trouvé la réponse avant tout le monde mais que tu avais juste été trop polie pour le dire à tout le monde, rétorqua moqueusement le roux.

Harry écarquilla les yeux et retint un rire devant l'audace téméraire de son frère de cœur. Affronter son amie de Gryffondor face à face de la sorte n'était pas l'option la plus sûre... Bien que cela soit l'une des plus divertissantes.

Peu désireux d'être pris à parti dans le conflit entre ces deux têtes de mules plus bornées que de raison, le survivant décida de saluer l'exploit avec une salve de questions.

- Comment as-tu trouvé ?

- « Carré, carré et lignes sauvages ! Au fin fond des terres se cache sa majesté féline ! », récita Bill. Le fin fond des terres fait référence à l'Écosse, sa terre natale. La majesté parle du statut de directrice qu'elle était censée obtenir après la mort de Dumbledore. De plus, le professeur McGonagall est un Animagus, un chat de gouttière à rayures. C'est la clé : féline.

- Mais pourquoi « carré, carré » ? s'enquit sa femme.

- Le professeur McGonagall porte des lunettes carrées. Et sous sa forme Animagus, si tu fais bien attention, elle a deux taches carrées autour des yeux.

L'aîné des Weasley plaça ses doigts devant ses propres pupilles en imitant le contour de lunettes. Ses épaules se haussèrent, comme si cela ne représentait pas un enjeu immense.

- Remarque c'est vrai que si j'avais eu le bon mot dès le début, je n'aurais pas eu à ameuter autant de monde. C'est ma faute, j'imagine.

- Surtout que ce mot n'existe même pas ! releva moqueusement le jeune roux.

- Pour ta gouverne, Ron, « véline » est un véritable mot, il est référencé à l'Académie ! C'est même un dérivé de « vélane » ! Tu sais bien ce qu'est une vélane, n'est-ce-pas ? lui rétorqua Hermione.

- Bien sûr que je le sais ! Mais vél-a-ne, pas vél-i-ne !

- Ça désigne une femme très peu vêtue et qui aime user de ses charmes pour séduire les hommes, compléta Bill. Mais dans ces circonstances, bien sûr, ça n'a aucun sens.

- Non, bien sûr, singea le dernier garçon des Weasley s'attirant une énième grimace sarcastique de la part de la sorcière surdouée.

Sortie de sa rêverie par l'abondance d'ondes négatives autour d'elle, Luna voyagea d'un Gryffondor à l'autre avec son éternel air surpris cousu sur son visage pâle et lumineux de malice.

- Pourquoi vous vous disputez ? La connexion avec Potterveille est établie. C'est ce que tout le monde voulait, non ? s'enquit-elle de sa voix candide.

- Ne cherche pas à comprendre ces deux-là, Luna. Tu vas te donner mal au crâne, plaisanta le survivant.

- En parlant de crâne, tu devrais vraiment inspecter le tien, Harry, insista la blonde.

- Je le ferai, Luna. C'est promis.

Sa camarade de Serdaigle le sonda un moment. Incapable de se lasser de quelque activité que ce soit, la jeune fille ne prêta plus attention au conflit environnant et décida de s'investir de nouveau dans l'interaction avec sa création de papier. Cet intermède ne suffit cependant pas à calmer les ardeurs querelleuses des deux sorciers de Gryffondor qui cherchaient à en découdre sur le moindre petit détail depuis que Ron s'était fait la malle du camp dans la forêt de Dean après avoir porté le médaillon de Jédusor bien trop longtemps. Et cela n'était clairement pas un passage par la case « prison Malfoy » qui allait changer leurs envies les plus profondes.

- Luna a raison, confirma Ron. On a trouvé la fréquence. C'est l'essentiel.

- Et grâce à qui ? souleva Hermione.

- Certainement pas à moi, vas-y, dis-le ! Fais-toi plaisir !

- Je serai comblée si tu commençais réellement à t'impliquer dans cette guerre ! Car, oui, Ron, nous sommes en guerre au cas où tu ne l'aurais pas encore réalisé !

- Non, ne commencez pas, s'il-vous-plaît, s'interposa Harry.

- Non, non, attends, je veux savoir ce qu'elle entend par là ! Hein ? Qu'est-ce que tu veux dire par réellement m'impliquer dans cette lutte ? continua le roux.

- Je pensais avoir été claire pourtant, ou bien est-ce aussi obscur que cette énigme sur laquelle tu « planches » depuis des heures ? mima-t-elle avec ses doigts.

- Eh ! Tu n'as rien à dire ! Tu as beau revendiquer un soi-disant titre de Mademoiselle Je-Sais-Tout sur tous les toits, tu es incapable d'en tenir le rang ! Et puis qu'est-ce que tu nous fais au juste ? Qui a détruit le médaillon de Jédusor avant que les Rafleurs ne débarquent ?!

- Arrêtez, ce que vous faîtes ne sert à rien ! s'énerva le survivant. C'est exactement ce qu'ils cherchent à obtenir : qu'on se divise ! C'est déjà assez difficile comme ça, sans qu'en plus on trouve encore moyen de le faire par nos propres moyens et...

- Vous n'auriez pas tenu un jour sans la Mademoiselle Je-Sais-Tout ! cria Hermione en se levant vivement du banc et claquant ses mains sur la table.

- Arrête de te croire si indispensable ! On s'en sortirait tout aussi bien avec les mêmes bouquins que tu trimballes ! l'imita le roux.

- Allez, ça suffit ! Arrêtez ça !

Désormais, les deux têtes de mule de Gryffondor se tenaient presque nez contre nez, arqués au-dessus de la surface en bois, pour mieux se mitrailler de leurs pupilles prises dans la tourmente de leurs sentiments contradictoires. Personne ne savait comment agir. La preuve en était que seul Harry tentait encore de s'interposer entre eux tandis que Fleur observait l'évolution des choses en recul, au même titre que Luna que toute cette agitation commençait à perturber : une petite ride d'inquiétude se formait entre ses sourcils drôlement arrondis.

- Ah ! Oui ? Ce n'est pas ce que j'ai cru comprendre ! titilla Hermione.

- J'ai bien réussi à revenir vers vous avec le Déluminateur de Dumbledore ! J'ai fait cavalier seul pendant plusieurs semaines ! Je ne suis pas en train de pourrir dans un caniveau pour autant !

- Tu as une chance impossible, Ron ! Continue à en abuser, tu verras !

- Des menaces, toujours des menaces ! Mais quand est-ce que tu vas réaliser que...

- Taisez-vous ! tonitrua Bill pour couvrir leurs hurlements.

- Mais c'est elle qui...

- Taisez-vous !

Cette fois, l'aîné des Weasley semblait réellement dérangé par la dispute que les deux adolescents de Gryffondor entretenaient sans aucune raison valable, sous son toit habituellement si paisible. Le chaos l'importunait. En soi, pourtant, son intervention restait exceptionnelle : Bill appréciait la discrétion et, à l'inverse, très peu de se mêler de la vie des autres. Si Ron et Hermione voulaient se disputer, il aurait dû les laisser faire en empêchant, tout de même, subtilement qu'ils se blessent trop, autant en paroles qu'en actes, en regardant de loin comme un patriarche bienveillant. Pas aujourd'hui...

Ses iris bleutés n'étaient plus que colère et frustration. Sa femme le dévisageait d'une drôle de manière, empreinte de profonde surprise. Les bras croisés contre sa poitrine se firent un peu lâches. L'homme se pencha soudainement vers le poste de radio moldu et rapprocha son oreille des baffles en métal, le temps de tourner le volume au maximum à s'en abrutir les tympans.

La voix reconnaissable entre milles de Rivière, alias Lee Jordan, emplit soudainement la cuisine de la Chaumière aux Coquillages d'un ton étrange que peu lui connaissaient. « Tout bonnement incroyable ! Incroyable ! », répétait-il, « Incroyable ! Information confirmée ! Tout bonnement incroyable ! ». L'homme prit soudain un air sérieux empreint d'incrédulité, comme s'il avait du mal à croire ce qui venait d'être dit. Tous froncèrent les sourcils, avides de savoir de quoi il était question.

- Qu'est-ce que c'est ? demanda Ron.

- Je ne... Je ne suis pas sûr, hésita Bill.

- Qu'est-ce que c'est, Bill ? Qu'est-ce qui est confirmé ?

L'aîné des Weasley battit des lèvres sans qu'aucun son ne daigne en sortir. La voix de Lee Jordan continuait de balancer sa bizarre excitation sur les ondes de la radio de résistance sorcière, meublant le silence inconfortable qui emplissait peu à peu la Chaumière aux Coquillages.

Quelques pas retentirent dans l'escalier et Gripsec ne tarda pas à apparaître dans la cuisine. Ses yeux n'étaient plus que des billes noires au milieu de son visage sacrifié par les soins de Bellatrix Lestrange. Il sonda tous les sorciers présents avant d'échanger, semblait-il, une confirmation tacite avec le propriétaire des lieux. Peu enchanté par ce spectacle angoissant, Harry s'avança d'un pas, les traits cimentés dans la gravité, comprenant que, par un moyen encore inconnu, le gobelin était parvenu à obtenir la connexion avec Potterveille, sans leur faire partager l'information, par méfiance envers la race humaine. L'angoisse commença à lui comprimer la poitrine.

- Bill, qu'est-ce qui se passe ? insista-t-il.

- Les Mangemorts se retirent absolument partout, annonça Gripsec.

Fleur, frappée par le choc de cette annonce, dénoua les bras de sa taille et les laissa retomber le long de son corps. La baguette de Luna se suspendit dans les airs sur une note éternelle et inaudible qui ne s'achèverait jamais, tandis que les traits noirs de son Joncheruines se figeaient dans une position de stupeur. Les trois héros de Gryffondor se scrutèrent de la gravité de leur étonnement qui se transformerait bientôt en état de choc prolongé. Une sorte de bourdonnement empêchait presque, désormais, de percevoir la voix extatique de Lee Jordan depuis les baffles de la radio moldue. Bill prit une grande inspiration qui ne parvint même pas à percer la couche de tension qui venait de s'abattre sur la Chaumière aux Coquillages. Ce fut pourtant lui qui la trancha, d'une seule phrase, qui tomba comme un couperet sur le cou d'un condamné à la guillotine et qui laissa, effondrés et décomposés, les corps de tous les sorciers présents.

- Voldemort bat en retraite.


Que pensez-vous de ce début ? J'espère que cela vous plaît !

Je vous dit à très vite (dans une semaine ou deux) pour la suite ! N'hésitez pas à mettre une petite review pour laisser trace de votre passage !

M.A.D.