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Un petit délire, vraiment petit, cette fois-ci. Minuscule même, avec des chapitres à 10% sinon moins que ceux que j'ai pu écrire dans d'autres histoires.

Une envie. Un essais. Un défi. Ne m'en voulez pas trop si c'est plan plan et pas du tout mon genre.

Mais j'espère que vous prendrez plaisir comme Kara à parcourir les rue d'Alep telles qu'elles étaient au début du XXIe siècle. Je vous offre à elle, et à vous, une petite incursion dans un univers alternatif... au sens littéral du terme.

Au passage, je salue Anaximandre... Pour l'inspiration...

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Chapitre I :


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Une soirée stupide. Tout le beau monde de National City réuni autour d'un buffet croulant sous le Champagne, le Whisky, les vins de Californie et les petits fours. Piaillant, bavassant, souriant avec affectation et hypocrisie. Lena ne se souvenait même plus pour quelle occasion cette réception avait été donnée. Qu'elle en fut la grande ordonnatrice n'y changeait rien.

Elle était en colère, frustrée, déçue. Énervée. Elle aperçut Alex Denvers. Un verre à la main, l'officier discutait, les yeux brillants, avec une jolie femme. Elle au moins... Pas comme sa sœur. Où était-elle d'ailleurs ? Lena parcourut l'immense salle de réception des yeux et son exaspération monta d'un cran supplémentaire en découvrant l'objet de ses pensées.

Kara riait. Lena adorait son rire. Même quand elle riait, Kara ne se départait jamais de son innocence, de cet air qui la rendait si touchante. Dieu ! Ce que Lena pouvait l'aimer. Son rire, son air innocent, sa fraîcheur, Kara. Elle aimait Kara, voilà c'était dit.

Elles étaient amies, Lena eût pu s'en contenter. Elle eût pu s'y résoudre. Mais comment s'en contenter, comment s'y résoudre, quand Kara passait son temps à lui réserver des moments intimes, des sourires tendres et des accolades affectueuses. Innocente. Pff... Lena ne croirait jamais à l'innocence de Kara, elle n'était pas assez stupide pour se laisser ainsi bernée.

La soirée lui parut horriblement longue et son sourire affable et charmeur tourna vite à l'affreux rictus. Le maire l'acheva. Il l'avait accrochée pour lui parler de ses œuvres de bienfaisances.

S'il savait combien elle s'en fichait. Parfois, ses gènes familiaux ressortaient, elle se retint de lui dire :

— Arrêtez, Monsieur le maire, et plongez vous dans l'Histoire, vous feriez économiser du temps et de l'argent à vos administrés. Vos handicapés offrez leur une soirée sur la terrasse du plus haut gratte-ciel de la ville, tenez si vous voulez je mets ma tour à votre disposition, et balancez-les de là-haut, vous n'aurez plus à vous préoccuper de leur bien-être. Pour les malades, payez les médecins et les infirmières, je vous offre les injections létales, et pour les pauvres, les sans-abri vous trouverez bien un petit Jack l'éventreur en mal de meurtre...

Bon, d'accord elle ne dirait jamais ça, elle n'avait pas envie de rejoindre son frère en cellule. Sa compagnie ne lui plaisait guère. Kara n'apprécierait pas la plaisanterie.

Kara. Toujours Kara ! Lena soupira profondément.

— Monsieur le maire, la surprit une voix derrière elle. Me montrerais-je offensante si je vous enlevais Madame Luthor pour quelques instant ? Il est déjà tard et ma patronne m'en voudrait si demain, elle ne trouvait pas rédiger proprement l'article qu'elle attend.

Lena se tourna vers Kara. Celle-ci arborait un sourire enjôleur l'intention du maire et un regard complice à son intention. La jeune femme avait remarqué sa contrariété, son exaspération, elle connaissait le maire et Lena mieux encore. Elle était venue à la rescousse. Dans d'autres circonstances, Lena lui en aurait été reconnaissante, mais pas ce soir. L'attention que lui portait Kara, sa gentillesse jamais mise en défaut... Lena la détestait.

— Viens, lui chuchota Kara à l'oreille.

Lena se renfrogna un peu plus. L'invitation lui en évoquait une autre, bien plus licencieuse, à laquelle elle aurait aimé ne jamais penser. Kara lui prit le bras et la tira en débitant, d'un sourire charmant, des tas d'excuses que le maire se défendit de mériter. Ils étaient aussi insupportables l'un que l'autre. Kara la tira jusqu'à l'ascenseur.

— J'ai repéré un petit salon où nous serons tranquilles.

— Repéré ?

— Réservé, pour nous deux. En cas de besoin.

Diable, Kara avait l'art des formules ! Se rendait-elle compte combien, depuis son intervention, tout ce que son discours pouvait receler de sous-entendus ? Lena lui jeta un regard en coin. Kara se mordillait un coin de la lèvre inférieure. Elle surprit le regard de Lena et se fendit d'un sourire timide.

— Les ascenseurs paraissent toujours si lents.

— Mmm, approuva Lena. On ne peut malheureusement pas toujours avoir Super Girl sous la main.

— Ah ! Euh...

— Tu n'as jamais bénéficié de ses services ?

— Euh, ben...

Lena la regarda bizarrement.

— Kara... Tu ne serais pas... Toi et Super Girl ?

— Moi et Super Girl ? Euh... Qu'est-ce que... rougit imperceptible Kara. Qu'est-ce que tu entends par là ?

— Elle est, d'une certaine façon, très séduisante.

— Hein ?!

— Ne joue pas la cruche, surtout pas avec moi et sachant que ta sœur n'est pas insensible au charme féminin.

— Lena ! protesta Kara.

— Quoi ? Avoue que Super Girl a du charme.

— Tu racontes n'importe quoi, protesta vivement Kara

— Je la trouve plutôt attirante.

— Je croyais que tu n'aimais pas les femmes.

— J'aime les hommes, c'est vrai, reconnut Lena. Cela ne veut pas dire que les femmes m'indiffèrent pour autant.

Kara fronça les sourcils. Lena lui dédia une grimace entendue. La sonnerie des portes de l'ascenseur interrompit leur discussion. Kara guida Lena au bout du couloir. Elle sortit une carte magnétique de sa poche et la passa devant la cellule électro-magnétique. Un claquement. Kara ouvrit la porte et invita Lena à entrer. Le salon s'avéra être une suite. Pas une suite clinquante ou rococo, une suite moderne. Tout le mobilier était noir et invitait à la détente, au silence.

— Va t'asseoir, je t'apporte à boire. Tu as faim ?

— Non, pas vraiment.

— Mets-toi à l'aise, Lena. Je reviens tout de suite.

Lena s'assit sur le canapé. Dur, comme elle les aimait. Elle retira ses escarpins, massa ses pieds endoloris, releva les jambes sur le canapé et se détendit. Elle ferma les yeux et exhala un soupir de bien-être.

— Je savais que tu apprécierais ! rit Kara.

Lena ouvrit les yeux.

— Tu me connais si bien.

— Mmm, approuva Kara.

— Qu'est-ce que tu m'apportes ?

— Du Pommard.

— Du vin français ?

— Celui-ci vient du nord de l'appellation, le vignoble pousse sur un sol dur et caillouteux. Je me suis dit qu'il te plairait. Je l'ouvre ?

— Bien évidemment !

Kara brandit fièrement un tir-bouchon dernier cri et ouvrit la bouteille en un tour de main. Elle sortit deux verres d'un petit buffet, les posa sur un plateau et versa le vin. Elle tendit ensuite son verre à Lena, s'empara du sien et s'assit en face d'elle.

— À ta santé, Lena.

Lena ne répondit pas. Elle leva son verre pour apprécier la couleur du vin, le pencha, pour y voir les larmes, puis elle porta à son nez, en huma son parfum et enfin y trempa ses lèvres. Kara l'observait, attendant son verdict. Attentive.

Le vin était excellent. L'endroit reposant, les lumières apaisantes. Kara avaient des attentions qui allaient bien au-delà de ce que Lena entendait par de l'amitié. Elle leva son verre.

— À tes amours, Kara.

— Ce que tu peux être bête, ronchonna la jeune journaliste.

— Pourquoi ? Tu n'es jamais tombée amoureuse ?

— Bof...

— Tu n'as jamais souffert.

— Pourquoi voudrais-tu que j'ai souffert ?

— Je ne sais pas, tu n'as jamais aimé quelqu'un qui ne t'aimait pas ?

— Non.

— Ça ne m'étonne pas.

— Ça ne sert à rien d'aimer quelqu'un qui ne veut pas de toi, déclara Kara avec un haussement d'épaule. Tu ne crois pas ?

L'invitation de Kara à monter dans la suite avait éteint la colère de Lena, sa dernière déclaration la ralluma. Ses traits se durcirent.

— Lena ? s'inquiéta soudain Kara.

— Tu as toujours eu ce que tu voulais n'est-ce pas ? lui demanda durement Lena.

— Comment ça ? Je ne comprends pas pourquoi tu es fâchée.

— On ne t'a jamais rejetée.

— Pourquoi m'aurait-on rejetée ?

— Tu es désespérante, souffla Lena.

— ...

— Et pour Super Girl ?

— Tu ne vas pas recommencer avec elle.

— Elle t'aime bien, non ?

— Oui, mais c'est tout.

— Tu n'es pas sensible à son charme ?

— Non, pas vraiment, fit Kara en haussant les épaules.

— Parce que c'est une femme ? Mais si ce n'était pas une femme ?

— Tu as de de drôles d'idées.

— Je comprendrais.

— Lena...

— Et Cat ?

— Cat ?!

— Oui Cat, tu étais très proche d'elle si mes renseignements sont exacts.

— Tu te renseignes sur moi ?!

— Je suis une Luthor, et puis...

Lena se tut.

— Et puis quoi ?

— Je m'intéresse à toi.

— Même à vie amoureuse ? plaisanta Kara.

Surtout à ta vie amoureuse, choisit de ne pas répondre Lena.

— Tout ce qui a trait à ta personne m'intéresse.

— Mmm, je suis flattée.

— Tu es mon amie, non ?

— Oui, rit Kara. Alors, dis-moi ce qui te contrariait tant en bas ? Le maire t'a encore demandé de l'argent ? De patroniser je ne sais trop laquelle de ses œuvres ? Il a peur de ne pas se faire ré-élire, il a besoin de toi ?

— Quelques chose comme ça... Si tu savais comme ces gens m'ennuie parfois. Parler, parader, être toujours la meilleure, la plus belle, la plus intelligente...

— Et la plus modeste !

Elles rirent. Lena oublia sa contrariété. Kara avait le pouvoir de la détendre, de créer par sa seule présence une ambiance chaleureuse et apaisante. De faire naître en elle un sentiment de bien être. De complicité. Elles bavardèrent. De tout et de rien. Kara se déplaça avec le naturel qu'elle mettait toujours dans ces occasions-là, elle étendit son bras sur le dossier du canapé. Sa main posée juste derrière Lena. Dix minutes plus tard, ses doigt caressait distraitement son cou. Ils l'effleuraient, dessinaient des arabesques que Lena tentait vainement d'ignorer. Toute l'attitude de Kara respirait l'innocence, la détente. Cette fille était infernale. Une tentatrice ingénue ? Une lolita ? À son âge ? Lena prit sur elle. Succomba à la sensation. La laissa couler dans ses veines, envahir tout son corps, terriblement consciente de son désir. Difficile à ignorer par ailleurs. Son corps aspirait au plaisir, il se moquait des atermoiement de sa propriétaire et de sa volonté à le nier. Lena n'avait plus qu'à espérer que personne ne s'en aperçut quand elle redescendrait à la réception.

Une heure plus tard, elle passa aux toilettes avant de quitter la suite. Histoire de vérifier.

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On reprocha à Kara de s'être appropriée la reine de la fête. Kara s'excusa, rit pour dissiper sa gène et rejoignit sa sœur qui lui faisait signe. Elle resta hors de portée pour le restant de la soirée, mais à chaque instant, le désir de Lena, né sous les doigts de la jeune journaliste se rappela à elle. Tant et si bien que, quand Kara vint prendre cordialement et très professionnellement congé de sa patronne, Lena en la regardant s'éloigner bras dessus dessous avec Alex, décida qu'elle ne pouvait pas continuer comme cela. Accepter cela.

Lena. Lena Luthor. Elle était ce qu'elle était. N'importe qui d'autre eût décidé de parler à Kara. De la mettre face à elle-même. N'importe qui d'autre eût tenter sa chance. L'eût embrasser. Histoire de voir. N'importe qui d'autre... Mais Lena n'était pas n'importe qui d'autre. Rien d'aussi simple ne pouvait venir à son esprit. Lena, parce qu'elle était Lena voulait donner une leçon à Kara.

Pour elle, Kara s'apparentait à une séductrice, à une tentatrice, à une joueuse. Qu'elle en fut consciente ou pas lui importait peu. Ce que voulait Lena, c'était lui donner une leçon. Donner une leçon à la séductrice. Qu'elle succombe à la passion, qu'elle s'y consume entièrement, qu'elle s'y brûle les ailes. Lena projetait la chute. La chute de l'ange. Une leçon. Kara y apprendrait ce qu'elle désirait y apprendre. Elle n'apprendrait peut-être rien, mais Lena aurait la satisfaction d'avoir assister à sa chute.

Une idée tordue. Aussi tordu qu'elle était compliquée à mettre en application. Simulation ? Saut dans une dimension alternative ? Drogue ?

Lena se plongea dans ses recherches. Elle disparut. Littéralement.

Kara chercha à la joindre. Lena avait laissé une note à son bureau. Elle s'absentait. Sans plus d'explications. Deux mois plus tard, elle convoquait Kara. Elle coupa court aux questions, aux demandes d'explications, aux démonstrations d'amitié.

— J'ai fait une importante découverte, Kara. Je veux que tu en sois la première témoin, dit-elle en feignant l'excitation.

— Oh... qu'est-ce que c'est ?

— Un principe, une théorie jamais prouvée.

— Lequel ?

— J'ai trouvé un moyen d'explorer les univers alternatifs.

— Ah...

— Ce n'est pas vraiment nouveau, je le sais, mais je peux accéder à tous les univers alternatifs même ceux dont on n'a jamais entendu parlé. C'est révolutionnaire !

Kara ne put dissimuler un sourire et... une franche inquiétude. Les voyages de ce genre n'avaient pas vraiment de secrets pour elle, mais ce qu'entendait ici Lena... Voyager à son gré dans des univers alternatifs ? Une possibilité toute a fait accessible dans bien des mondes et, généralement interdite. Ce qui n'empêchait pas l'utilisation clandestine de la technologie mise en œuvre. L'attrait du frisson. C'était surtout interdit parce que ceux qui osaient passer d'un univers à l'autre en gardaient bien souvent des séquelles. Sans qu'on eût jamais su expliquer pourquoi, les voyageurs n'oubliaient pas. Ils incarnaient un autre moi, dans une autre réalité. Une réalité qui n'aurait pas dû se confondre avec une autre. Quelques part dans l'univers, devait exister une réalité globale. Un moi total. Les voyageurs étaient autres, mais restaient eux-même. Ils revenaient avec les expériences de leur autre moi. Lena ne pouvait savoir. Elle devait être prévenue.

— Tu veux venir voir ? demanda lui Lena.

— Ce n'est pas dangereux ?

— C'est comme une télé, rien de plus.

— Une télé ?

— Oui, on voit le monde. Autrement, sourit fièrement Lena.

Kara se détendit. Voir. Si ce n'était que ça. Elle ne remarqua pas la lueur de triomphe dans le regard de Lena, le pli torve de ses lèvres. La jeune scientifique savait que Kara ferait appel à Super Girl si elle estimait que Lena se lançait dans des recherches dangereuses. Quelle idée de génie la télé !

Kara accepta. Et quand elle comprit que Lena lui avait menti, c'était trop tard, elle avait plongé. Dans un lieu et un temps qu'elle n'avait jamais exploré. Une fois encore. Mais sans plus aucun contrôle. Elle faisait partie de ce monde et ne pouvait s'y soustraire, pas même par la pensée.

Lena était pire que Deegan. Elle ne pouvait s'empêcher d'être la meilleure dans tout ce qu'elle entreprenait.

Kara ne portait plus le même nom, son existence n'avait plus rien de commun avec la sienne, Super Girl n'existait plus. Elle n'avait gardé de son univers d'origine que ses cheveux blonds, ses yeux bleus et son sourire franc, une certaine timidité, son amour des lettres et ses lunettes. Pour le reste... même son innocence avait fait naufrage et Kara ne pouvait plus rien pour arrêter celle qu'elle était devenue : Éva, trente-trois ans, Française, fumeuse, buveuse, prof, et une relation à la morale plutôt lâche.

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