Une histoire courte (4 chapitres et un épilogue) que j'ai écrite il y a bien longtemps et que j'avais un peu oubliée. À l'époque, elle devait être plus longue, mais je n'ai plus l'envie de la modifier maintenant, donc je la publie telle quelle.


Lorsque, à huit heures, Bella se réveilla en hurlant pour la deuxième fois de la nuit, elle s'étonna vaguement du peu de bruit dans la maison. Elle ne se souvenait même pas de son cauchemar, seulement de cette impression d'étouffement qui la saisissait à chaque fois qu'elle parvenait à s'endormir, après s'être vidée de toutes les larmes de son corps. Depuis cinq jours qu'Edward était parti, les journées comme les nuits étaient les mêmes, encore et toujours. Elle restait simplement dans son lit, allongée sur le dos ou en position fœtale, laissant l'eau chaude et salée s'écouler de son corps dès le soleil couché, au moment où Charlie cessait de venir la voir et d'essayer de la secouer. Il s'inquiétait énormément pour elle, en vérité, mais elle n'était pas tout à fait sûre que cela lui fasse quelque chose. Plus rien ne lui importait, elle se renfermait dans le passé, ressassant à s'en tordre de douleur ces trop courts mois qu'elle avait pu passer avec son amour. Son amour pour lequel ses sentiments s'étaient peu à peu transformés en haine. Une haine qui seule lui donnait encore la force de rester dans ce monde. Une haine qui, elle en était certaine, fondrait immédiatement dès qu'elle le reverrait à la rentrée. Si elle avait le courage de retourner au lycée.

Donc, ce matin là, le calme étrange qui régnait sur la maison la fit se lever lentement et se traîner dans la cuisine avec un soupir profond. Elle savait qu'elle devait cesser de se morfondre sur son lit, que cela ne servait à rien, que la douleur ne s'apaiserait pas comme cela. Si elle le pouvait encore... Et c'était ce qu'elle aurait voulu. Ne plus souffrir, vivre avec sa haine mais pas cet engourdissement des sens qui peu à peu la gagnait. Elle ne voulait pas l'oublier, mais seulement nourrir son désir de vengeance. De le tuer comme il l'avait tuée.

Elle trouva sur la table un post-it de Charlie qui disait qu'il avait eu une urgence et qu'il avait du se rendre au commissariat. C'était mieux ainsi, elle n'aurait pas à affronter son regard peiné et son inquiétude. En vérité, comme elle avait déjà réussi à sortir un peu de son lit la veille, il avait du penser que cette amélioration de son état permettait qu'il reprenne un peu le travail, et il avait raison.

Elle décida même de s'habiller, et entreprit de trouver des vêtements suffisamment décontractés. Optant pour un survêtement gris et bleu, elle l'enfila rapidement après un brin de toilette et redescendit, se laissant tomber dans le canapé. Sa peau était blafarde, bien plus encore que d'habitude, et ses cernes gigantesques lui donnaient l'air maladif d'un mort-vivant, ou d'un... vampire. Non, pas ça.

Elle jeta un coup d'oeil à la pendule : dix heures. Elle avait mis beaucoup de temps. Et elle se sentait d'un coup extrêmement fatiguée. Normal, en y pensant, pour quelqu'un qui n'a pas avalé une miette depuis cinq jours. Charlie avait d'ailleurs sérieusement pensé à l'hospitaliser, et le médecin qu'il avait appelé − par chance il n'était pas tombé sur Carlisle − n'avait pas vraiment arrangé les choses. Bella avait échappé de justesse à se retrouver enfermée dans une de ces chambres blanches qu'elle abhorrait, dans laquelle la couleur de sa peau n'aurait d'ailleurs pas détonné.

Alors qu'elle tentait de prendre une position plus confortable, elle ressentit d'un coup dans sa poitrine une douleur atroce, comme si elle était comprimée dans un étau, l'empêchant de respirer et la pliant en deux. Elle toussa à s'en fendre l'âme, sans aucun succès puisqu'elle ne parvint pas à soulager son coeur et ses poumons de ce qui les enserrait. Elle se traîna avec difficulté jusqu'au téléphone et l'attrapa.

Un gros volume posé sur les genoux, Carlisle lisait la fine écriture qui en recouvrait les pages à toute vitesse, pour un humain du moins. Mais aucun représentant de cette espèce n'était dans cette pièce pour le prouver. En fait, il était seul puisqu'Esmée était dan leur chambre depuis un moment déjà et que tous les enfants Cullen étaient à la chasse depuis bientôt cinq jours. Il soupira un instant en pensant à un de ses patients qu'il n'était pas certain de pouvoir encore sauver au stade de cancer ou il en était, puis s'interdit de songer à cela en se rappelant qu'il ne retournerait à son travail que trois jours plus tard.

Le téléphone se mit à sonner. Il patienta suffisamment de temps pour avoir l'air naturel en ne décrochant pas trop vite, puis attrapa l'appareil.

− Maison Cullen.

− Euh... hésita son interlocuteur, c'est Bella. Il faut que vous veniez, vite !

− Que se passe-t-il, Bella ?

Il y eu un gros bruit, comme un objet qui serait tombé, puis plus rien. Le téléphone avait coupé, visiblement.

Alarmé, Carlisle fronça les sourcils. Que pouvait-il bien arriver à Bella pour qu'elle appelle alors qu'Edward était parti, et qu'elle lui demande de venir ?

− Qui était-ce ? demanda Esmée de l'étage.

Carlisle sentit confusément qu'il valait mieux de ne pas l'inquiéter et, malgré un léger pincement au coeur à l'idée de lui mentir, répondit :

− Rien, ma chérie. Mais il faut que je m'absente... Je ne sais pas à quelle heure je serai de retour.

Esmée choisit de lui laisser son intimité, et ne posa pas plus de question, se contentant de descendre lui poser un rapide baiser sur les lèvres.

Après avoir sorti sa voiture, Carlisle fonça vers la maison des Swan, de plus en plus tendu. Il remarqua tout de même l'absence de la voiture de police devant l'entrée, ce qui devait signifier que Bella était seule. La porte n'était pas verrouillée et, après avoir sonné plusieurs fois, il décida de rentrer jusqu'au salon, où il la découvrit.

La jeune fille était dans un état épouvantable. Affalée sur le tapis devant le téléphone, visiblement évanouie, elle avait de larges cernes sous les yeux et une peau au moins aussi claire que celle des vampires. Elle semblait avoir maigri et son visage était ravagé, comme si elle avait pleuré de longues heures. Elle respirait avec beaucoup de difficultés et son pouls était plus que faible.

Carlisle, affolé, la prit avec beaucoup de douceur dans ses bras et la porta jusqu'à la Mercedes, où il l'installa sur la banquette arrière. Il démarra en trombe et conduisit à toute vitesse jusqu'à l'hôpital et alla chercher un brancard immédiatement.

− Appelez le commissariat, dit-il au passage à la jeune fille qui faisait l'accueil. Demandez le chef Swan et dites-lui que sa fille est à l'hôpital et que le docteur Cullen s'occupe d'elle.

Bella vit d'abord deux yeux dorés tournés vers elle. Pendant un instant, elle crut... rien du tout, puisqu'elle distingua immédiatement les cheveux blonds platine et la peau aussi blanche que la blouse en dessous. Lorsqu'elle se rappela ce qui s'était passé, elle comprit et regarda autour d'elle. La chambre immaculée dans laquelle elle était lui fit immédiatement comprendre où elle était, ce qui se confirma par le coup d'oeil qu'elle jeta à la perfusion sur son bras et les appareils à sa gauche. De l'autre côté, Carlisle Cullen était assis dans un fauteuil.

− Bella. Tu m'as fait peur. Comment te sens-tu ?

− Je...

A vrai dire, elle ne savait pas trop. Elle se sentait aussi bien que les jours précédent, c'est-à-dire très mal, mais curieusement il ne semblait dans toute cette douleur purement mentale ne plus y avoir trace de ce qui s'était passé... Quand, d'ailleurs ?

− Depuis combien de temps je suis là ?

− Bientôt deux heures. Charlie n'est pas encore arrivé, il était injoignable et nous n'avons pas pu le prévenir.

− Que s'est-il passé ?

− Je pense que c'est à toi de me le dire... Quand j'ai reçu ton appel, j'ai accouru chez toi et je t'ai trouvée inconsciente sur le tapis du salon. Je t'ai amené ici et je me suis occupé de toi, mais je ne pouvais rien faire sans savoir ce qui est arrivé.

− Eh bien... Bon, je commence par le début. Quand... Edward est parti...

− Edward ?

Bella baissa la tête et les larmes envahirent de nouveau ses yeux.

− Vous n'étiez pas au courant ? Il m'a quittée...

− Oh... Non, je ne le savais pas. Mais ça n'a pas d'importance pour le moment. Continue, l'invita Carlisle en se promettant d'approfondir le sujet quand elle irait mieux.

− Je n'avais plus envie de rien, en fait je ne voulais même plus vivre, au début. Mais j'ai fini par décider de me battre, que je ne gâcherai pas ma vie à cause de lui. Mais je n'avais pas je courage de reprendre comme avant, j'avais trop mal. En fait, j'ai passé cinq jours sans bouger, ou presque, avoua-t-elle un peu honteuse. Je n'arrivais pas à sortir de mon lit, ni même à manger. Bref, ce matin, j'ai réussi à me lever, Charlie était parti, et je me suis habillée. Puis je me suis mise sur le canapé et j'ai soudain eu un mal fou à respirer, comme si un étau enserrait ma poitrine. J'ai réussi à vous appeler et je me suis évanouie.

Tout en parlant, elle s'était peu à peu redressée, et elle se laissa retomber sur ses oreillers avec un soupir. Carlisle fronça les sourcils, jamais il n'avait entendu parler de quelque chose comme ça.

− Hum... Je vais commander quelques examens supplémentaires. Si tu as besoin de quelque chose, n'hésite pas à m'appeler. Charlie ne devrait pas tarder. Merci pour tes précisions.

− Combien de temps vais-je rester ici ?

− Franchement, je ne sais pas Bella. Je ne peut pas te laisser sortir tant que je n'ai pas établi ce qui s'est passé, au cas où il y aurait une nouvelle crise. Et, dans ton état, crois-tu vraiment qu'il serait raisonnable de rentrer chez toi, alors que tu viens de m'avouer que tu n'as pas mangé depuis cinq jours ?

− C'est vrai, se résigna-t-elle dans un nouveau soupir. Mais, s'il-vous-plaît, n'inquiétez pas trop Charlie, et ne dîtes rien à Edward.

− Euh... Oui, bien sûr, je comprends. Bon, je repasserai tout à l'heure.