Note : Re-bonjour ! Autre truc que j'ai écrit pendant ces quelques jours, voici la première partie d'une nouvelle petite fic ! J'espère que vous aimerez et que vous commenterez ^^
La seule erreur que j'ai pu faire
Partie 1
Dans un grand jardin entouré de haies couraient deux jeunes garçons, l'un âgé de 13 ans, mince avec des cheveux noirs ondulés qui encadraient son visage fin et ses yeux perçants, et l'autre âgé de 10 ans, un peu plus petit, le visage poupon, des yeux noisette ronds et attendrissants, un joli sourire étiré sur ses lèvres rosées. L'aîné avait gentiment piqué l'une des peluches du deuxième, ce qui avait donc engendré cette poursuite dans le jardin de la famille du plus grand, et ils couraient entre les petits arbustes et les plants de fleurs, manquant de peu d'écraser le potager ou de tomber dans la petite marre. Puis, le plus grand, prenant avantage de sa taille, se hissa sur la pointe des pieds pour poser la peluche sur une branche au dessus de lui, empêchant ainsi son tendre ami de venir le récupérer alors qu'il riait toujours aux éclats.
-Arrête Ryo-tan, rends le moi ! ria-t-il en saisissant son bras.
-Je ne te le rendrais pas-euh !
-S'il-te-plait-s'il-te-plait-s'il-te-plait ! le supplia le plus jeune avec une bouille absolument adorable.
-Bon d'accord, céda l'aîné avec un sourire amusé sur le visage, mais tu me fais un bisous alors.
Affichant un grand sourire, le cadet s'avança et vint poser ses lèvres délicieusement charnues sur celles de Ryo avant de se reculer, fier, et un peu embarrassé. L'aîné passa sa main sur ses lèvres comme pour les essuyer, et il eut un rictus alors qu'il lançait un regard agacé au plus jeune qui parut alors triste, mais suffisamment peu pour qu'il ne le remarque pas.
-Bouah ! Arrête, pas sur la bouche ! Tiens, la voilà ta peluche, satané gosse !
Et l'aîné saisit l'objet pour le jeter rageusement par terre, à quelques centimètres du plus jeune qui sentit une larme couler sur sa joue satinée, regardant avec peine son ami se retourner et partir. Il le vit s'éloigner, s'éloigner, s'éloigner, loin, et disparaître d'un coup, emporté par le vent que dégageait un train à grande vitesse, et son visage apparu derrière la vitre avant de s'évanouir dans le paysage. La maison traditionnelle disparu et se transforma en ce quai vide, gris, et froid, si froid, si vide, et la pluie commença à tomber, drue, devant ses yeux emplis de larmes, dégoulinant et ruisselant de cette tristesse. Le coeur brisé et blessé au plus profondément, il le regarda partir, il vit ce train blanc disparaître dans la mer éblouissante de vert des champs et des forêts tout autour, toute cette verdure qui se mélangea au noir de sa mélancolie et de son chagrin.
Il se réveilla en sursaut, comme toutes les nuits, et son regard ne se posa même plus sur le réveil pour savoir qu'il était près de quatre heures du matin, heure à laquelle son train était parti dix ans plus tôt. Il avait 13 ans quand son ami d'enfance, Nishikido Ryo -qu'il appelait tendrement Ryo-tan- avait déménagé pour la capitale, le laissant seul à Karuizawa, dans cette immense campagne verte et fleurie, seul, et loin de la seule personne qui avait su réchauffer son coeur pendant tant d'années longtemps auparavant. Il avait aujourd'hui 23 ans, il était majeur, avait un petit job de serveur dans un café de la ville, et ne cessait de repenser encore et toujours, inlassablement, à ce garçon qui avait auparavant été son meilleur ami. Il l'avait aimé en secret, n'avait jamais osé lui avouer ses sentiments, de peur de le perdre ou de le dégoûter et à présent, il fallait bien croire que le temps des jeux d'enfants était terminé, que tous ces petits bisous et câlins affectueux n'étaient plus et que le plus âgé avait fini par trouver toute cette relation vraiment trop louche. Il était parti un matin d'avril, vers quatre heures, et n'avait jamais su que son cadet était venu le voir s'en aller et le quitter. Il était parti vers la capitale, vers Tokyo la Fière, la majestueuse et implacable cité de grattes-ciel, le noyau et coeur de leur pays. Mais tout ça, tous ces qualificatifs, ne signifiaient rien pour Tegoshi Yuya qui n'y avait jamais mis les pieds et qui n'y irait probablement jamais, sa famille étant bien trop pauvre pour qu'il puisse s'y installer. C'était dix ans auparavant que toute sa vie s'était arrêtée, dix ans auparavant qu'il avait commencé à lutter chaque jour contre ses larmes, contre ses déprimes, et contre lui-même. Dix ans pendant lesquels il n'eut aucune nouvelle, ni coup de téléphone ou lettre. Rien. Il avait disparu dix ans auparavant. Et ces dix années là avaient été terriblement longues, dures, éprouvantes et glaciales pour le plus jeune.
Sachant qu'il ne se rendormirait pas, il se leva et se dirigea d'un pas lourd vers la salle de bain de la maison familiale, avant d'y prendre une douche qui, il l'espérait, allait le remettre d'aplomb. Ou pas. Une fois propre, séché, habillé et coiffé, il se dirigea tout aussi lentement et las vers le salon avant de se laisser tomber sur le vieux canapé. Il soupira, laissa son regard traîner sur les fleurs qui tentaient tant bien que mal de survivre dans leur pot asséché, puis sur le grand tapis usé et rapiécé que la famille gardait pour isoler le sol du froid, et enfin sur les fenêtres qui donnaient sur le bout de terrain derrière la maison, mal entretenu et recouvert de mauvaises herbes. Il soupira encore, levant le regard vers le ciel qui restait noir et sombre, malgré les quelques étoiles et la lune qui crevait le fond sur lequel elle restait inexorablement suspendue, puis se leva et, silencieusement, se dirigea dans la cuisine pour y préparer son petit-déjeuner, sachant bien qu'il allait devoir prévoir de quoi grignoter un casse-croute pour tenir jusqu'à l'heure du déjeuner.
N'importe qui aurait pu se dire que rester ainsi accroché à une ombre était particulièrement idiot. Et il le savait bien lui-même. Mais c'était impossible d'oublier, que ce soit tous ces souvenirs qui le hantaient, ou les sentiments qu'il avait éprouvé -et qu'il éprouvait toujours- pour ce garçon. Il ne pouvait tout simplement pas oublier, c'était physiquement impossible car tout ça, toute cette vie si idyllique qu'il avait passé à ses côtés avant, avait été si paradisiaque que ça s'était imprégné en lui, en son coeur, en son âme. S'il passait devant un parc où jouaient des enfants, il se rappellerait Ryo. S'il passait devant son école primaire ou son collège, il se rappellerait Ryo. S'il passait devant le centre ville avec toutes ses petites boutiques et ses marchands de glaces ou de confiseries, il se rappellerait Ryo. Un ballon qui volait dans le ciel, et c'était Ryo. Une fleur écrasée sur la pelouse, et c'était Ryo. Un nuage cotonneux et blanc, c'était Ryo. Une maison traditionnelle près de la rue piétonne, c'était encore Ryo. Un enfant qui suppliait sa mère, c'était toujours Ryo. Où qu'il aille, quoi qu'il fasse, il voyait et se rappelait encore et toujours Ryo, comme une litanie, comme une agonie, comme une plainte. Il avait pourtant fini par se faire des amis, notamment parmi les autres serveurs du bar dans lequel il travaillait, mais personne n'avait réussi à remplacer Ryo, son Ryo-tan qui lui manquait tant qu'il se sentait mort et vide à l'intérieur. La vie était dure, et toujours plus lorsqu'on était ceux qui restaient et qui voyaient partir les autres. Dure. Difficile. Une lutte continuelle, pour obtenir quoi ? Un jour de vie en plus ? Un jour de vie si affreuse en plus ? Avec toutes les heures que ce jour contenait ? Avec chaque minute et chaque seconde de malheur que ce jour contenait ? A quoi bon résister.
-Je sais ce que tu vas me dire, Tego.
Le jeune homme releva la tête vers son interlocuteur. Ils étaient tous les deux assis à une table du bar en attendant l'heure d'ouverture, et son ami Masuda Takahisa n'avait cessé de parler depuis son arrivée.
-Tu vas encore me dire qu'il faut que j'aille rendre visite à ma mère. Je sais bien qu'elle est malade et que mon père n'est pas là pour s'occuper d'elle mais tu vois, elle ne m'a jamais témoigné beaucoup d'affection. Et puis c'est cher d'aller jusqu'à Sendai, même en train, j'ai pas les moyens pour ça. Tokyo à la limite, je sais que j'aurai pu trouver un bon boulot en arrivant, et puis 'y a de belles choses à visiter. Mais Sendai... 'y a quoi à Sendai ? En plus il y fait froid -enfin, plus qu'ici- et puis c'est une trop grande ville. Remarque, Tokyo c'est encore plus grand... mais je ne veux pas aller la voir, après je serai fauché ET perdu, elle ne fera rien pour moi, limite si elle me faisait à manger, et à la fin elle ne me remerciera même pas pour être venu l'aider. Et puis tu sais quoi ? J'aime pas Sendai et... Oh, tu m'écoutes ?
-Hmm ? Oh pardon, je pensais à autre chose.
-Ouais, ben je te trouve vachement dans les nuages en ce moment... quoique ça ne changerait pas trop de d'habitude, tu es toujours à regarder dans le vide avec un regard triste. Et tu sais quoi ? Je pense vraiment qu'il faudrait que tu déménages. Karuizawa c'est joli, mais il te faut une ville plus dynamique. Et pourquoi pas Tokyo ? Ah, ne me dis pas que tu n'as pas les moyens ! Et puis si tu n'as pas assez d'argent, tu sais quoi faire, 'y a un p'tit bar dans le quartier d'à côté qui recrute des hôtes... enfin, j'dis ça, j'dis rien, c'est toi qui vois.
Et, enfin, le silence tomba dans le bar. Tegoshi en soupira d'aise tant il aimait le silence durant la journée. Il ferma un instant les yeux, essayant de chasser le malheur qui lui enserrait le coeur afin d'être prêt pour l'ouverture du bar, et...
-Mais je suis sûr que tu ferais ça très bien, reprit Masuda. Faire l'hôte, tout ça. T'as toujours plein de filles qui te regarde tout le temps pendant tes heures de service. Je te jure que tu devrais essayer, tu gagnerais pas mal et tu pourrais déménager comme ça. Ah ouais, mais 'y a ta famille aussi, tu peux pas partir sans eux, pas vrai ? T'es trop attaché à tes parents... Ben pas besoin d'aller à Tokyo, Osaka c'est pas mal aussi ! Quoique, c'est plus loin d'ici que Tokyo je crois... Ah, je sais plus ! Comment il s'appelait déjà, le gars qu'est passé le mois dernier ? Euh, Nishikawa ? Nishi...tara ? Bref, il a dit qu'il partait la semaine prochaine pour Osaka. Si t'as pas assez d'argent pour te payer le train, demande lui de te prendre, je suis sûr qu'il accepterait. Enfin, j'dis ça, j'dis rien.
-Ouais, ben dis rien alors, marmonna Tegoshi avec la tête enfoncée entre ses bras repliés sur la table pour refouler les quelques larmes qui manquaient de couler et de rougir ses yeux.
-Oh, c'est bon, je ne te donnais que mon avis.
-Ouais ben j'en veux pas de ton avis ! cracha le plus jeune en relevant la tête. Laisse moi avec mes problèmes ! Et non je ne veux pas t'en parler ! termina-t-il en voyant que son ami allait répliquer.
-Hé, doucement. Qu'est-ce qu'il se passe ? T'es vachement sur les nerfs aujourd'hui...
-C'est rien, laisse moi.
-Arrête, je vois bien qu'il y a quelque chose.
-Je t'ai dis de me laisser, Massu ! cria Yuya en le poussant avant de plonger de nouveau son visage entre ses bras, sentant les larmes monter en lui à grande vitesse.
Pourquoi ne voulait-il pas comprendre qu'il voulait être seul ? Pourquoi quand il avait envie de pleurer des gens se trouvaient toujours là pour lui demander ce qui n'allait pas ? Pourquoi ce n'était pas Ryo qui était à ses côtés en cet instant ? Mais pourquoi ?
Puis, peut-être alerté par les cris, un autre serveur rejoignit la table sur laquelle était avachi Tegoshi, passa près de Masuda sans lui adresser un seul regard, et s'assit à côté du plus jeune. Il s'avança, approcha son visage de son oreille, tout en lui tenant l'épaule, et Yuya sentit son souffle lui caresser la joue.
-Le patron veut te voir, murmura-t-il.
-Pas la peine de chuchoter, marmonna Tegoshi en se redressant, c'est pas un secret qu'on est ami lui et moi.
-Tu pleurais ?
-Non.
-Ah bon.
Le jeune serveur se poussa de la banquette pour laisser passer son aîné et le regarder partir avec un air un peu inquiet, tout comme Masuda qui lui se sentait aussi un peu vexé. Il avait les bras croisés et les sourcils froncés, les lèvres pincées, et ne comprenait toujours pas ce qui n'allait pas avec ce jeune homme pourtant en apparence si sympathique ! Il se tourna alors vers son collègue et chercha son regard en passant sa main devant ses yeux.
-Kusano-kun ?
-Moui ?
-Tu sais quelque chose au sujet de Tegoshi ?
-Non pourquoi ? Je devrais ?
-Ben pas forcément mais je sais pas, peut-être que tu savais pourquoi il a toujours l'air triste ou ailleurs... Je suis sûr qu'il y a quelque chose, mais il ne veut pas me dire.
-Oh, ça a peut-être un lien avec son amitié avec le patron ? Peut-être... un réseau de drogue ? demanda Hironori avec un regard soudainement pétillant et un petit sourire.
-Tu regardes trop de dramas, plaisanta l'aîné. Je vois très mal Tego en dealer de drogue, ou en tueur en série ou je-ne-sais quoi ! Et puis, on est à Karuizawa !
-Et alors ?
-T'as déjà vu des dealers de drogue dans la campagne ?
-Non, mais y a pourtant de quoi fumer, avec tous ces champs !
-Pfff...
Le silence tomba dans la salle, et les deux serveurs continuaient de regarder la porte derrière laquelle avait disparu Tegoshi, tout en étant chacun occupé par ses pensées. Masuda réfléchit encore. Qu'est-ce qui pouvait autant torturer son cadet ? Est-ce que sa famille avait des dettes ? Un proche était-il mort ? Ou s'ennuyait-il trop dans cette jolie ville ?
-Prostitution.
Takahisa sortit brusquement de ses pensées et se tourna vers son cadet qui venait de murmurer ce seul mot avec un sourire malicieux et envieux sur le visage. Il cilla, ne comprenant pas pourquoi il disait une chose pareille, et le fit répéter.
-Hein ?
-Ben oui, prostitution. S'il est pas dealer ou tueur à gage, il est quoi ?
-Pour le moment, juste ton collègue de travail.
Les deux jeunes hommes se tournèrent vers l'auteur de cette phrase et virent que Tegoshi était revenu dans la salle principale, le teint toujours instable avec ses yeux larmoyants et ses profondes cernes, et il se dirigea vers les portes du bar.
-Où est-ce que tu vas ? demanda Massu en faisant un pas vers lui.
-Je rentre chez moi, le patron m'a donné un jour de congé.
Il passa ensuite les portes sans un regard en arrière et quitta le bar, sortant dans l'air tiède de ce milieu de mois d'avril. Il croisa sans les voir ses anciens camarades de classe qui ne lui adressèrent même pas un regard, et se dirigea lentement vers chez lui. Il était en effet ami avec le patron de ce bar, prénommé Kousuke, et le connaissait même depuis bien longtemps, puisqu'ils avaient été dans le même lycée. De quatre ans son aîné, il avait reprit l'établissement de ses parents une fois que ceux-ci s'étaient jugés trop vieux pour continuer à le diriger, et c'est donc un jeune homme de 27 ans qui s'occupait de faire tourner le café après avoir engagé quelques serveurs.
Il arriva jusqu'à la maison familiale et tira la porte pour se réfugier à l'intérieur, peu désireux de poser les yeux sur les gamins du quartier qui jouaient au ballon dans la rue... au risque de se rappeler Ryo en les observant. Soupirant, il referma la porte derrière lui et se dirigea, une fois déchaussé, vers sa chambre d'un pas lent et las avant de se laisser tomber sur son lit. Ses parents n'étaient pas là, ils avaient chacun un emploi pour essayer de « sauver les meubles ». Ils n'étaient pas endettés, c'est juste qu'ils avaient été malchanceux plusieurs fois de suite, et qu'au final, tout cela ne leur avait apporté rien de bon. La première fois huit ans plus tôt, une coupure d'électricité de plusieurs jours avaient fait que le père s'était fait licencier car il n'avait pu remplir les dossiers très importants qu'il devait remettre à son patron. Au bureau, il était occupé toute la journée, et le soir, il n'y avait pas assez de luminosité pour travailler. Première malchance.
La deuxième fois, c'était à peine un an plus tard. La famille pensait avoir réussit à surmonter le licenciement du chef de famille en lui trouvant un emploi plus ou moins stable comme caissier dans un combini, mais c'était cette fois la foudre qui s'était abattue dans leur jardin, ruinant ainsi le potager et donc leur réserve de nourriture pour les mois à venir. Il leur avait donc fallu acheter, les maigres salaires des deux parents avaient été très justes, et Yuya était encore au lycée. Deuxième malchance.
La troisième fois, c'était trois ans après. Le fils, âgé à présent de 19 ans, avait trouvé cette place dans le bar de son ami et pouvait donc apporter un salaire supplémentaire à la famille. Cependant, c'était cette fois la mère qui avait été touchée car elle devint très vite malade et incapable de rejoindre son lieu de travail, réduisant de nouveau les entrées d'argent à deux misérables salaires. Et encore, ce n'était rien comparé à l'année suivante où l'état de la mère s'était soudainement aggravé et qu'elle avait dû être transférée à l'hôpital d'urgence. Payer les ambulanciers, les soins, et l'hôpital. La malchance et encore la malchance.
Heureusement, rien de mauvais n'était arrivé depuis, et la petite famille commençait à croire que la poisse l'avait oubliée, à leur plus grand bonheur, mais ils faisaient tout de même attention, au cas où. Tegoshi s'était allongé sur le dos, et essayait de fermer l'oeil pour se reposer de toutes ces nuits où il ne dormait pas assez, réveillé en sursaut par le même cauchemar, mais il ne réussit qu'à se laisser aller à la déprimer, une fois de plus, et il abattit violemment les mains sur son visage pour cacher ses larmes à sa solitude. Un sanglot lui échappa. Puis un deuxième, plus sonore et poignant, et c'est toute une suite de plaintes qui s'ensuivit. Il se recroquevilla vivement, le coeur déchiré et douloureux, et hurla son chagrin, sa peine, et sa souffrance, tandis que les larmes coulaient inlassablement sur ses joues rougies. Il pleura ainsi pendant de très longues minutes, jusqu'à ce que quelqu'un vienne frapper à la porte -la sonnerie ayant été enlevée pour réduire la dépense en électricité. Il se redressa alors, sécha son visage meurtri en s'essuyant les yeux, et couru presque vers la porte, ne voulant pas faire attendre le visiteur, et c'est avec une moue déçue qu'il découvrit sur leur paillasson effiloché son patron. Il le laissa quand même entrer, et le dirigea vers le salon, s'abstenant de lui proposer un thé qu'il n'avait de toute façon pas, avant de l'y rejoindre et de s'assoir à côté de lui sur le vieux canapé.
-Oh, fais pas cette tête ! s'exclama le jeune homme.
-Qu'est-ce que tu veux ? Tu regrettes de m'avoir donné un jour de congé ?
-Bien sûr que non ! répondit-il en souriant. Mais si je te l'ai donné, c'est parce que je devais te parler.
-A quel sujet ? marmonna Yuya sans grande motivation.
-Voilà, on se connait depuis un moment tous les deux, pas vrai ? Et je me suis très souvent demandé pourquoi tu avais toujours l'air aussi triste chaque jour qui passait. Et tu sais quoi ? J'ai eu enfin la réponse.
Tegoshi cilla. Mais de quoi parlait-il ? Comment pouvait-il savoir que c'était à cause du départ de Ryo qu'il déprimait ainsi depuis dix ans ? Il n'en avait jamais parlé, à personne, alors ce n'était pas un ami, aussi sympathique soit-il, qui pouvait le savoir alors que même ses parents avaient baissé les bras pour connaître toute la vérité.
-Nishikido Ryo, ça te rappelle quelque chose ?
Le cadet se figea, le sang battant à ses oreilles. Comment savait-il ? Il déglutit, très difficilement, puis ramena lentement ses yeux exorbités vers son aîné qui continuait de lui sourire amicalement.
-Ouais, on dirait que tu te souviens de lui, continua-t-il avant de sortir une épaisse enveloppe de la poche de son manteau. Alors voilà pour toi.
Tegoshi prit l'enveloppe et la scruta, posée dans ses mains, sans pour autant la voir. Il était encore trop choqué d'apprendre que son ami était au courant qu'il y avait eu, longtemps avant, un garçon qui s'appelait Nishikido Ryo et qui lui manquait à en mourir. Sa respiration s'était accélérée à l'entente du nom de celui qu'il avait toujours aimé et ne semblait pas vouloir se calmer.
-Allez, elle va pas te bouffer ! Ouvre !
Avec des doigts tremblants et incertains, il décacheta l'enveloppe et en sortit un long papier cartonné à la forme caractéristique. Ses yeux s'agrandirent alors immédiatement et il les leva vivement vers son patron, cherchant des réponses à ses questions muettes.
-C'est un aller simple pour Tokyo, en train bien sûr. Tu vas t'y installer, grâce à ça, dit-il en sortant du reste de l'enveloppe une épaisse liasse de billets. Ne me demande pas pourquoi je t'aide, il n'y a pas vraiment de raison à ça. Après, quand tu auras trouvé l'appartement qui se trouve à l'adresse indiquée dans ce carnet, tu iras voir mon frère Keiichiro. Il tient un bar lui aussi et il a accepté de te prendre comme serveur.
-A-A-Attends, bégaya Tegoshi, j'en veux pas de tout ça. Je pourrai jamais te rembourser cette somme !
-Mais c'est parce que tu a été serveur dans mon bar que je peux te donner tout ça, ça fait un moment que je voulais t'aider, mais je n'en avais pas les moyens. Bref, ton train part dans deux heures, alors dépêche toi de te préparer.
-Et mes parents ?
-Ils sont déjà au courant. La seule chose qu'ils ont dite, c'est « ça nous fera une bouche de moins à nourrir ». Je pense que c'est leur façon à eux de te dire de foncer sans te préoccuper d'eux.
-Mais je veux pas aller à Tokyo moi ! répliqua Yuya.
-Et pourquoi tu ne veux pas y aller ? Il y a l'amour de ta vie là-bas ! Alors arrête de faire le fort et le fier, accepte mon aide, et court le retrouver !
-Mais je ne sais même pas où il est !
A cet instant, le visage de Kousuke s'assombrit, et il se rapprocha de quelques centimètres de son cadet, comme si ce qu'il allait dire ne devait être su que par eux seulement. Il se pinça les lèvres, plissa les yeux, puis déglutit.
-Je vais te laisser le dossier que Kei m'a envoyé à ce sujet. Tu risques d'apprendre des choses pas très joyeuses, mais tu sauras où le trouver comme ça.
Il lui adressa alors un fin sourire avant de le prendre par les épaules pour le relever. Le patron tourna alors le jeune homme vers les chambres pour le pousser dans cette direction.
-Allez, va te préparer !
Deux heures plus tard, après que son patron et ami lui eut remit le dossier en question en ayant rajouté quelques notes pour qu'il puisse comprendre quelques détails omis, il soupira, n'arrivant pas à croire qu'il se trouvait en cet instant dans un Shinkansen à destination de Tokyo. Puis, n'ayant de toute façon rien d'autre à faire, il sortit le dossier que lui avait donné Kousuke, et le lut.
Note : Toutes les informations ci-jointes ont été récupérées et rassemblées par mon frère. Il y a un gars qui vient souvent à son bar qui est une connaissance de Nishikido, et c'est comme ça qu'il a pu réunir tout ça. Je te préviens, tu risques d'être choqué par certaines choses mais dans tous les cas, accroche toi à ce que tu ressens pour lui et fonce. J'ai aussi ajouté l'adresse de mon frère, tu iras directement le voir à ton arrivée à Tokyo. Il me passera alors un coup de fil pour m'assurer que tu es bien arrivé, et il t'emmènera à ton appartement. Prends bien soin de tout ce qu'il y a, c'est lui qui prête, et prends soin aussi de toi, bien sûr. A bientôt.
Dossier Nishikido.
Né le 3 novembre 1984 à Karuizawa dans la préfecture de Nagano.
Après son départ le 14 avril 2000 pour Tokyo, sa famille a emménagé dans le quartier de Ikebukuro, dans un petit lotissement. Mais, le 25 du même mois, le père a fait une attaque cardiaque et est décédé avant d'avoir pu être transporté à l'hôpital. Il devait sûrement se surmener depuis plusieurs années. La mère s'est donc retrouvée seule avec l'enfant âgé à ce moment de 15 ans et a eu beaucoup de mal à trouver un emploi et une école dont les frais d'inscriptions restaient abordables financièrement. Plusieurs mois ont passé puis, un soir, alors que la mère rentrait du travail, elle s'est faite agressé et a été poussée ensuite sur la chaussée. Un bus la percutée, elle est morte quelques heures après, suite à ses blessures, laissant son fils seul derrière elle.
Comme la famille n'avait plus assez d'argent, il n'a pas pu revenir à Karuizawa mais la police l'a présenté à un orphelinat. Troublé et choqué par la tournure des évènements, il a fugué et s'est retrouvé dans la rue. C'est une sorte de chef yakuza qui l'a trouvé et il l'a emmené avec lui. Les informations à partir de ce moment sont très rares car ses activités sont devenues très discrètes. Tout ce que l'on sait, c'est qu'il travaille encore pour cet homme comme prostitué. Son patron n'a pas un clan très célèbre ni très puissant donc Nishikido a été écarté de la plupart des manipulations qui tournent autour comme le trafic d'armes ou la drogue, et s'est contenté de faire son travail et d'obéir pendant ces dix années. Il vit aujourd'hui dans un lotissement chic de Ginza.
« prostitué »... « trafic d'armes »... « drogue »... « et s'est contenté de faire son travail et d'obéir... pendant... ces dix années ». Dix ans... dix ans que Ryo... dix ans qu'il se prostituait, qu'il s'adonnait à cette profession, à ces activités indignes de l'humanité et de la vie humaine. Dix ans qu'il ne vivait que la nuit, dans les rues les plus mal famées. Dix ans que le malheur s'était abattu sur lui.
Tegoshi ravala un sanglot écoeuré et douloureux. Comment son ami avait-il pu en arriver là ? Comment avait-il pu accepter d'être usé de cette façon ? Comment avait-il pu se laisser aller à la luxure et au sexe alors qu'il était sûrement le plus prude des deux à cette époque lointaine ? Yuya n'y croyait pas une seule seconde, ils avaient dû se tromper de personne, c'était impossible que Ryo soit devenu ainsi. C'était impossible que toute sa famille soit décédée alors qu'elle vivait aisément et dans le bonheur. C'était impossible, tout simplement. C'était impossible.
Alors qu'il se répétait sans cesse ces mêmes phrases, le trajet arriva à son terme et il quitta le train, une fois ses bagages récupérés, pour arriver dans la nuit et une violente pluie glaciale qui le congela. Il avait remarqué une autre feuille laissée dans l'enveloppe par Kousuke et il la relu rapidement.
« Prends un peu d'argent de ce que je t'ai laissé pour payer le taxi jusqu'à chez mon frère. »
Soupirant une nouvelle fois car n'aimant pas l'idée de devoir utiliser cet argent qui ne lui appartenait pas, il tira quelques billets de la liasse et fit signe à un taxi de s'arrêter. Il lui indiqua alors l'adresse laissée par son patron et où devait normalement se trouver son frère, d'un an plus jeune que lui. Après plus d'une heure passée dans le centre-ville et les rues bondées -le chauffeur avait sûrement fait exprès de passer par Shibuya alors que ce n'était pas nécessaire dans le but de gagner quelques centaines de yen en plus- le véhicule s'arrêta au pied d'un immeuble plutôt moderne mais tout de même sali par le temps et la pollution, et il sortit, récupéra ses bagages et paya la course à l'homme qui partit alors sur le champ. Tegoshi monta les escaliers, plus très sûr de vouloir rencontrer le frère de son patron, se demandant même ce qu'il faisait à Tokyo alors qu'il n'avait jamais quitté une seule fois Karuizawa. Au troisième étage de l'immeuble, il repéra le nom qu'il cherchait sur l'une des portes et se dirigea, un peu essoufflé par le poids de ses bagages, vers la sonnette. Il prit le temps de prendre sa respiration, rangea l'enveloppe contenant l'argent dans la poche intérieure de son manteau, et appuya sur le bouton situé à côté de la porte. Aussitôt, un son strident retentit, puis des bruits de pas se firent entendre, et le battant s'ouvrit sur un jeune homme, mince, le regard perçant mais très amical qui lui sourit aussitôt.
-Oh, tu dois être Tegoshi-kun ! Entre.
Il se poussa alors pour laisser entrer son cadet et prit ses sacs qu'il amena dans le salon avant de revenir vers lui et de lui tendre la main, toujours souriant.
-Koyama Keiichiro, je suis le frère de Koyama Kousuke.
-Enchanté, répondit Tegoshi en prenant timidement la main de son interlocuteur qui la lui serra en une poignée ferme.
-Bien, installe toi dans le salon, j'arrive tout de suite. Ah, je suppose que tu n'as pas mangé ?
-Non, pas encore.
-Ça tombe bien, j'étais sur le point de faire chauffer de l'eau pour des ramens.
Le cadet s'apprêtait à répliquer pour dire que ce n'était pas nécessaire mais il laissa tomber devant l'entrain qu'avait le jeune homme pour lui proposer un accueil chaleureux. Il revint quelques minutes plus tard avec un plateau dans les mains et un petit chat gris dans les jambes, puis il s'assit, donna un bol à son invité avec un grand sourire avant de pousser doucement l'animal qui avait sentit une odeur intéressante.
-Ne t'occupe pas de mon chat, c'est un vrai morfal. Il s'appelle Nyanta.
-Ah, d'accord.
-Bon, on a à parler tous les deux -mange hein, ça va refroidir- et je vais profiter que tu sois là pour ça. Kou-chan m'a dit qu'il t'avait donné le dossier que je lui avait envoyé sur Nishikido et c'est vrai que je te dois quelques explication là-dessus -arrête Nyanta, t'en aura pas. Bref, je tiens un petit café au bout de la rue qui marche plutôt bien ma foi, et j'ai un habitué qui est une connaissance de Nishikido. Je peux pas vraiment dire ami parce que je ne suis pas sûr qu'il y ai une véritable entraide entre eux, mais ils sont quand même très proches. Il m'a souvent parlé de lui, comme si c'était un cas très spécial -bon je ne te cache pas que le gars m'avait l'air plutôt louche aussi- et il semblait aussi admiratif à son sujet. J'ai donc pu le questionner un peu sans que ça paraisse trop étrange et c'est comme ça que j'ai eu toutes ces informations.
-Ben... merci.
Tout en mâchant ses pâtes, Kei eut un sourire amusé, et il avala.
-Kou-chan m'avait prévenu que t'étais pas très bavard. Ou plutôt, que tu étais devenu presque muet depuis un certain incident il y a dix ans. Je ne te cache pas que je suis parfaitement au courant de ce qu'il s'est passé parce qu'en fouinant un peu j'ai pu trouver que Nishikido avait été ton voisin depuis votre naissance et que vous aviez été amis d'enfance.
-Ouais, mais... qu'est-ce que je suis sensé croire dans votre dossier ? Ça me semble impossible qu'il soit devenu comme ça...
-C'est invraisemblable, mais c'est la vérité. Je l'ai vu de très nombreuses fois traîner dans certains quartiers pas très recommandés... Bref, si tu l'aimes, ton p'tit Ryo, va falloir d'abord que tu lui parles pour rétablir le contact, c'est pas en restant inactif pendant dix ans que-
-Parce que vous croyez que j'ai eu le choix ? s'écria le cadet en se levant brusquement du canapé. Ma famille est pauvre ! Je ne pouvais rien faire ! Et il n'a même pas essayé de me contacter ! Pendant dix ans je l'ai attendu ! J'ai espéré qu'il aille bien... J'ai eu peur qu'il lui soit arrivé quelque chose... Vous pouvez pas savoir à quel point il me manque, même en ce moment... Il me manque tellement... gémit-il en plaquant ses mains sur son visage pour cacher ses larmes. Tellement...
A suivre...
Voici donc pour la première partie de cette nouvelle fic ! Merci d'avoir lu et à bientôt !
