Défi n°47 du Poney Fringant. Le thème : une photo.
Au moins, le service était rapide. Il n'avait pas dû se passer plus de trente secondes entre le moment où il s'était installé et l'arrivée de la pinte de bière. L'homme à capuche ne daigna pas regarder le serveur hobbit, même s'il laissa échapper un « Merci. » plutôt sincère. L'ambiance de l'auberge était assez agréable. Plutôt bruyante et sombre, mais cela n'était pas pour lui déplaire.
« Eh vous ! »
L'homme s'était assis à une grande table, faisant face au reste de la salle. La table était composée, semblait-il, de plusieurs groupes différents, dont la plupart paraissaient être engagés dans d'intenses débats sur des sujets parfois peu importants.
« Eh ! »
Il devait bien y avoir une bonne soixantaine de personnes dans la salle, toutes alcoolisées. En comptant les salles annexes, disons, une centaine ?
« Dites ! »
L'homme à capuche avait très bien entendu, mais ce fut le coup de coude qu'il reçut, alors même qu'il levait sa pinte pour y laper une goutte, qui lui fit comprendre que cela lui était adressé.
« Vous, vous n'êtes pas venu ici pour boire. N'est-ce pas ? »
Il s'agissait de son voisin de table, pas tout à fait en face de lui, un peu sur sa droite. C'était un homme d'une trentaine d'années, peut-être moins. Ses yeux et le ton de sa voix trahissaient quelque peu le fait qu'il ne devait pas en être à son premier verre lui non plus.
« Ah. Et qu'est-ce qui vous fait dire ça ? »
« Et ben, ça fait bien une heure que vous êtes là, et vous avez à peine touché votre verre. »
« Je n'ai pas très soif. »
« Et puis, depuis que vous êtes arrivé, vous n'avez pas arrêté de fixer le fond de la salle. D'ailleurs, je vous parle, et vous me regardez à peine ! Avouez que c'est pas commun. »
L'homme à capuche ne répondit pas, mais lança un sourire à son voisin. Celui-ci, sentant alors l'invitation, enchérit :
« Moi c'est Peter, j'habite ici même, à Bree. Et vous, vous êtes de passage, n'est-ce pas ? »
Lâchant le fil de laine qui trainait sur la table et avec lequel il était en train de jouer, l'homme à capuche leva sa pinte pour trinquer.
« Enchanté, vous pouvez m'appeler, hum, Félix. »
« Vous ne seriez pas un de ces rôdeurs qui trainent dans le coin par hasard ? »
« Allez savoir… »
Il se laissa alors porter par la conversation - même si c'était surtout Peter qui parlait - tout en prenant le soin de garder un œil sur le fond de la salle. Il échangea même quelques rires. Mais à la cinquième pinte de Peter, ses moustaches frissonnèrent : une chose avait attiré son attention. Celui qu'il suivait depuis cinq jours déjà venait de quitter l'auberge.
« Écoutez, cher Peter, je dois vous laisser. » dit-il en se grattant derrière l'oreille. Puis il se leva brusquement et se dirigea en direction de la sortie, non sans entendre Peter entamer une nouvelle discussion avec son voisin de gauche : « Il va pleuvoir, demain… »
L'homme à capuche se faufila dans les rues de Bree tout en gardant une distance convenable avec sa cible. Tout cela avait tendance à confirmer les soupçons de sa compagnie. Il y avait bel et bien un agent de l'ennemi dans le pays de Bree. Sa filature l'amena alors jusqu'aux portes de la ville. La cible semblant être arrivée à destination, l'homme à capuche se cacha derrière un arbre. Celui qu'il suivait entra alors dans une maison dont les lumières étaient éteintes. Fatigué par le voyage qui l'avait amené jusqu'à Bree, et la bière faisant sûrement elle aussi son petit effet, il posa une patte sur le tronc et commença à plisser les yeux. L'attente se fit longue, et si de légers bruits de conversation lui faisaient tendre l'oreille, il savait qu'il devait se montrer patient. Et c'est lorsqu'il se surprit à rronfler, qu'il vit sa cible sortir de la maison. Il attendit un moment, puis avança discrètement dans les hautes herbes pour atteindre l'habitation et y apprendre le nom du propriétaire, Bill Fougeron.
