Raphael resserra son imperméable, mal à l'aise dans ce costume inhabituel chez-lui, étant plus accoutumé à sa veste de cuir ou à son uniforme. Mais, s'il voulait entrer chez Ikebana, incognito et donc, en ressortir vivant, il n'avait pas le choix, sans compter la pluie diluvienne. Heureusement, il arriva en vue du club. La façade était sobre et ne semblait pas dissimuler un lieu de plaisir et de perdition. Lieu où il devait passer la soirée. Il se ressassa mentalement la fable inventée en admettant que quelqu'un soit assez curieux pour le questionner à son sujet.

Il se nommait Peter et était comptable chez Sony. Raphael trouvait cette histoire ridicule. Il n'avait absolument pas l'air d'un comptable, mais selon son chef c'était la meilleure des couvertures. D'où aussi ses lunettes stupides, à écailles de tortue, qui ne cessaient de devoir remonter sur son nez. De toute évidence, pour ses patrons, un comptable devait porter des lunettes, cela allait de soi.

Tout, en fait, pour ne pas avoir l'air d'un sergent du NYPD, travaillant comme agent double. Le commissaire Hamato voulait à tout prix coincer, ce type, Oroku, dont le nom revenait parfois, lorsqu'ils interrogeaient des suspects.

Suspects qui, étrangement, mourrait dans les deux jours suivant leur confession, accréditant l'intuition que Oroku Saki était un homme puissant, avec des relations.

Le commissaire voulait en avoir le cœur net. Cet Oroku Saki devait contrôler beaucoup plus que ce club de strip-tease, certes très sélect, mais tout de même. Selon Hamato, Oroku tirait les ficelles du crime à New York, mais pour le coincer, ayant de toutes évidence le bras long, ils devaient user de prudence. Raphael avait été choisi car, il venait de changer de préfecture, suite à son déménagement. Son visage, donc, ne serait pas associé à celui d'un policier connu. De plus, il avait fait ses preuves. Il était reconnu comme ne perdant jamais son calme en cas d'urgence. Expert en arts martiaux et excellent tireur, en cas de danger, il pourrait se défendre. Bien entendu, il n'avait pas son revolver de service sur lui, chaque client étant scrupuleusement fouillé, mais il se sentait confiant sur ce point de vue. Plusieurs au bureau, s'étaient recrié sur le danger de cette mission, mais Raph aimait les frissons du danger, lui et s'était porté volontaire.

Ce n'était pas comme si, maintenant, quelqu'un l'attendait à la maison.

Il n'y avait que ce costume ringard et ce col de chemise qui l'étouffait. La soirée serait longue. Il n'avait rien contre les bars, mais entre amis, durant un billard, avec un T-shirt. Pas ainsi attifé, sans instruction précise encore. Il avait de l'initiative et n'était pas étranger aux bars de danseuse, mais le flou autant de ce qu'il pouvait ou non faire, dans un lieu dont on ne connaissait pas la véritable fonction le rendait perplexe. On ne lui avait demandé que de ramasser des infos, des preuves, des témoignages. Cela serait sa première mission dans ce genre. Habituellement, il intervenait plus pour du tapage nocturne ou des trucs du même acabit.

Pour coincer Oroku, le bureau n'y avait pas été de main morte, quoique sans exagérer, pour ne pas attirer la suspicion. Raphael n'était qu'un comptable qui gagnait 75 000$ annuellement. On lui avait fourni une carte MasterCard au nom de Peter O'Neil, ainsi que de fausses cartes d'affaires au même nom. On lui payait son abonnement annuel pour entrer au club de 600$ et, dans leur grande générosité, son compte de dépense, par soir, était de 100$, ce qui pouvait donner grosso-modo, 5 à 6 consommations durant la soirée. Le but, évidemment, n'étant pas que Raph se saoule et encore, moins qu'il se paye des danses. Il devait demeurer alerte.

De toute façon, bien qu'il ne dédaignât pas l'alcool, il avait le plus grand dégoût des travailleurs du sexe, donc, cela ne lui manquerait pas. L'idée même d'une fille qui se frottait sur lui, prétendant le plaisir, alors qu'elle ne voulait que lui soutirer de l'argent, lui répugnait.

Soudain, il se rappela Lisa et se rembrunit, Mais il était devant le portier maintenant et donc refoula le souvenir frais de sa rupture douloureuse.

Il entra sans difficulté et passa au vestiaire ou, tranquillement, il tendit l'horrible imperméable. Il se tourna ensuite vers l'accueil où il se présenta comme un nouveau client et posa quelques questions, bien qu'il sût tout ce qu'il y avait à savoir. Instinctivement, il demanda si, advenant le cas que le club ne lui plaise pas, s'il pouvait se faire rembourser son abonnement annuel. Cette tactique, d'homme incertain, devait le rendre encore plus insoupçonnable, selon lui.

Cela n'empêcha pas que le Japonais, après avoir encaissé l'argent, lui posât de très pointilleuses questions, dont ses cordonnées et pour finir, pourquoi venait-il là précisément.

« Ma copine des deux dernières années m'a largué », jeta-t-il, et la véracité de son affirmation du paraitre dans son visage car le commis s'inclina, pour lui remettre un bracelet, tout en tendant le bras vers le rideau de soie pourpre.

« Je suis confiant que notre club saura vous redonner le sourire, monsieur O'Neil. Bienvenue. »

Sans rien dire, Raphael traversa le rideau et, malgré y avoir été préparé, ne put s'empêcher de trouver un charme exotique à l'endroit, se sentant transposé dans un Shanghai coquin des années 30. L'ampleur de l'endroit, de l'extérieur, était difficile à juger, mais de l'intérieur, c'était de même, un autre rideau de brocart rouge foncé, cachant sans doute une autre pièce, où peut-être un autre rideau en cachait une seconde, sans compter l'ombre de le la rampe de l'escalier, menant sans doute à l'étage, où Dieu seul sait ce qui s'y déroulait.

Une charmante hôtesse, dans un costume d'un désuet exquis, le conduit au bar, puisqu'il était seul et s'accoudant familièrement au comptoir de granit, il regarda d'un air absent le menu au filigrane alambiqué. Perplexe devant l'ambiance de choix, chaque cocktail étant beaucoup trop sophistiqué pour lui, il commanda un n'importe quoi avec du gin. Le bar était particulier, les bouteilles mises en valeur comme s'il était dans un laboratoire de chimie. On lui tendit, à son grand étonnement, malgré qu'il n'en montrât rien, un magnifique verre qui semblait en cristal authentique, contenant une liqueur au reflet lustré comme celui d'un bijou.

« Devil's Playground. Offert par la maison aux nouveaux clients, » annonça le barman.

Comme d'habitude, il remarqua que son air de « je m'en foutisme » attira l'attention et le barman le questionna.

« T'es nouveau, non? Je t'ai jamais vu ici. », demanda-t-il.

Raphael, succinctement raconta la fable, sans trop en révéler à la fois, ne voulant pas que cela paraisse un récit appris par cœur. Il venait de San Francisco et il venait d'arriver à New York, ayant eu une meilleure offre. Sa copine n'avait pas aimé Manhattan et donc, était retournée sur la côte ouest.

Cela, c'était presque vrai. Sauf que, en fait, Lisa ne l'avait largué que pour son patron, un dentiste, faisant le triple de son salaire et donc, en termes d'Ouest, elle n'était qu'au New-Jersey. Sa promotion, en tant que sergent, mais dans une autre préfecture, avait sonné le glas de leur relation chevrotante dans les derniers mois.

Il prit son temps avant de consommer un second verre, prenant le temps d'étudier l'environnement et la clientèle, composée d'hommes et de femmes bien mis, tout en conservant un air détaché. Ce club était le seul de toute la ville à offrir des spectacles de cette qualité pour les deux sexes. Des hommes et des femmes dansaient pour tous, en public et en privée, pour une clientèle triée sur le volet. Ce fait seul pouvait expliquer l'opulence de cet Oroku, mais pas sa puissance.

Raphael continua d'observer, mine de rien, acceptant, surpris, d'acheter un paquet de cigarette à la vendeuse ambulance, qui semblait sortie d'un film d'avant-guerre.

Le stage était à peine plus vaste que celui d'un club régulier, mais très à l'écart des autres tables. Tendre la main, pour caresser une cheville au passage, y était ici impossible. De toute façon, il avait déjà envisagé cinq malabars faisant sans doute office de videurs, éparpillés dans la salle.

L'ambiance a première vue était suranné, mais ce n'était que de surface. Un système de surveillance à la fine pointe de la technologique balayait le club. De même, un IPad était intégré à chaque table, de ce qu'il pouvait voir du bar.

« Tu peux t'asseoir à une table. Tu as le bracelet des membres. L'hôtesse a assumé que, étant seul ou nouveau, tu ne connaissais pas encore les choix au menu. »

Raph repoussa son verre nonchalamment, signifiant vouloir un remplissage. Le barman s'exécuta.

« Ah ouais? Tu peux me mettre au parfum? » demanda-t-il d'une voix trainante à la pointe de maussade, mais il réalisa son erreur. Sa question avait peut-être été trop direct. Le barman répondit un simple « Tu verras » et alla s'occuper des autres clients au bar.

Justement, les lumières baissèrent légèrement et les premières notes d'une musique sensuelle se fit entendre. Il identifia tout de suite « Erotica » de Madonna et roula des yeux devant cette musique kitch. Soudain, du plancher, deux danseurs surgirent, un homme et une femme, habillés de cuir, parmi des volutes de fumées, qui paraissaient violettes de par l'éclairage.

Les premiers instants, Raphael, tout en sirotant son second Devil's Playground, resta froid. La fille portait un masque de chat, mais, de par sa tournure filiforme, Raph pouvait dire immédiatement qu'elle était asiatique. L'homme, un splendide spécimen, nota-t-il immédiatement, malgré lui, ne portait que des boxers bleu pétrole, moulant sans doute les plus belles fesses de la création.

Le duo entama une danse érotique si intense, mettant en scène une lutte de pouvoir, qui captiva son attention. Ses deux danseurs, il devait bien l'admettre, bien qu'il n'y connaisse rien, étaient remarquablement doués, la sensualité prenant vis avec leurs mouvements. Par contre, leur visage, du moins celui de l'homme, le seul qu'il voyait, étaient inexpressifs ou sinon, sérieux. Le jeune homme, à peine majeur, avait des cheveux noirs ailes de corbeau et des yeux bleu clair, sous des cils si longs que Raph suspecta le maquillage. Le contraste pâle et sombre, était attrayant, tout comme son corps sans défaut. Raphael n'était pas étranger à l'amour au masculin, bien que l'ayant assez peu pratiqué. Il y avait eu des années qu'il n'avait pas eu envie d'une personne du même sexe que lui, mais ce jeune homme avait, dans son allure, quelque chose d'envoûtant. Chacun de ses gestes était irréprochables, aussi élégant qu'un poème et un appel à la sensualité la plus bestiale, à la fois.

A un certain moment, la fille prit un fouet qu'elle fit cascader le long de la chute de rein du jeune homme et la gorge de Raphael devient sèche. La voix du barman, retentit, lui remplissant un troisième verre, sans attendre de signal.

« Leo et Karai font toujours un bon show. Ils sont très en demande. »

Raphael, ravalant sa salive, incapable de quitter le couple sur scène des yeux, demanda :

« Pour dégager un tel magnatisme, ils sont sûrement un couple, non? »

Le barman secoua la tête.

« Non. Frère et sœur, Pas biologiquement » ajouta-t-il devant le sursaut de Raphael, « juste de façon nominative. »

Justement, la fille se faisait arracher son masque par le mâle, reprenant le pouvoir et il constata effectivement qu'elle était Orientale, ce qui n'était pas le cas du jeune homme, malgré ses yeux légèrement en amande. Il lui mettant une lame sous la gorge et léchait et mordillait son cou et Raphael se sentit trop à l'étroit dans ses jeans. Jamais il n'avait vu une scène aussi érotique. Les dents du garçon brillaient, blanche, contre sa langue rose et Raphael, avec un frisson de plaisir anticipatif, remarqua qu'il avait un piercing à la langue, qui titillait sur scène la gorge de sa partenaire.

« Si tu les veux, tu peux les faire venir à une table. Ou dans une cabine. »

Raphael, hypnotisé malgré lui, demanda combien. Après tout, il pouvait arrêter de boire et prendre la danse, peut-être, était-il en train de se convaincre, trop subjugué par le corps mâle avec la souplesse d'une liane et la férocité d'une panthère.

« À la table, cela sera 60$ les deux, pour la durée d'une chanson ou 35$, un seul d'eux. En cabine, cela sera un peu plus cher…si tu veux les voir de plus près et tranquille. » expliqua-t-il, la voix lourde de sous-entendu.

Raphael, à l'énoncé de la somme, au même moment que la danse finissait, s'ébroua. Il était en mission, merde! Pas pour s'amuser.

Le barman lui souffla rapidement, se méprenant sur son silence.

« Si tu trouves cela dispendieux et tu n'en veux qu'un seul, je te conseille Leo. Il met beaucoup plus de cœur à l'ouvrage et est plus complaisant. Mais tu es seul juge », ajouta-t-il, prudemment.

Raphael eu la vision étourdissante de ce bel inconnu lui taillant une pipe derrière les rideaux cramoisis. Sa bouche sensuelle semblait faite pour cela. Il imagina la barre de métal, si froide, parcourir son membre, si chaud… Puis, il s'ébroua. Il méprisait les putes et tout être de cet acabit. Et il était en service commandé, bon dieu!

« Bah, peut-être une autre fois. J'suis pas d'humeur ». répondit-il en haussant les épaules, d'un air faussement détaché.

« C'est toi qui voit! », répondit le barman, d'un air indifférent.

Raphael, sans rien ajouter, porta à nouveau le verre à ses lèvres. Sans doute, un homme ayant payé 600$ de carte de membre, ne pouvait se payer que quelques cocktails, sans avoir l'air suspect, se convainquit-il. Cela allait nuire à sa couverture et le commissaire Hamato espérait des résultats probants dans les prochaines semaines. Nouveau, il ne voulait pas décevoir. Mais, il ne savait ce qui risquait d'être le plus embarrassant, de la table ou de la cabine. Il ne se sentait pas à l'aise ni seul, ni en public. Il opta donc pour un moyen terme, qui moralement était acceptable et qui le rendrait moins suspect.

« Le type, Leo, je peux lui offrir à boire? »

Le barman haussa les sourcils, mais acquiesça.

« Ce qui lui plait, alors! »

Le barman sourit, préparant un verre.

« Leo boit peu, mais est très sélectif. Comme avec ses clients. »

Sans qu'il sût pourquoi, il sentit quelque chose lui retourner l'estomac à la mention des clients du beau mâle. Était-il vraiment en train de payer à boire à un prostitué?

Le barman lui tendit un breuvage aux reflets de jade, mais avant qu'il ne puisse l'en empêcher, il fit signe au jeune danseur, qui venait de descendre du stage, de s'approcher.

Raphael se mordit les lèvres. Il n'était nullement d'un naturel timide, mais en mission, peu dans son élément, plus d'action, il ne savait comment interagir avec ce beau mâle qui s'avançait avec la grâce d'un félin.

Il devait jouer le jeu.

« Leo, ce client t'offre ton cocktail préféré. » annonça le barman, les laissant seuls. Le jeune danseur se laissa alors glisser sur le tabouret voisin à celui de Raphael, allongeant un bras languissant vers le verre.

« Merci… » susurra-t-il, ses yeux bleus insondable fixé sur lui, attendant Raph ne savait quoi. Mais le jeune homme, jugeant qu'il avait peut-être démontré assez de reconnaissance, prit le verre en main sans poser de question, faisant tournoyer le liquide dans son récipient cristallin. Son visage était jeune, très pur, ce qui confirma son hypothèse que le jeune homme était à peine majeur, s'il l'était. Puis, sous l'observation muette, le regard bleu perça entre les cils ourlés, en coulisse, avec une finesse étrange chez une personne que Raphael aurait de prime abord jugé intoxiquée ou décatie.

« Tu n'es pas comme les autres…Tu es venu ici pour quelque chose… » murmura-t-il d'une voix basse. « Peu importe ce que c'est, portons-y un toast. » finit-il, avec un clin d'œil lascif.

Raphael tenta de garder son visage neutre. Impossible que ce danseur sache qu'il était de la police. Il devait raconter les mêmes fredaines à tous ses clients, pour leur faire croire qu'ils étaient uniques. Il leva son verre, donc, à la proposition, puis, le but d'un trait. Qu'était-il supposé faire d'autre? Il s'était peut-être surestimé, en se portant volontaire pour cette mission. Il aimait et était formé à éviter les balles, pas les frôlements et les regards suggestifs.

Ils burent leur verre en silence, durant quelques minutes.

« La prochaine fois, fais-moi danser », proposa le danseur avec un sourire moqueur. « Tu en auras bien plus pour ton argent. Je suis le meilleur dans ce que je fais. Je te ferais vivre des frissons inconnus. » se vanta-t-il, avec un dernier clin d'œil concupiscent, malgré que Raphael trouvât les paillettes saphir de son regard, trop froides, par rapport au reste de son expression qui se voulait séductrice.

La proposition laissa donc Raphael de marbre. Elle lui rappelait qu'il était dans un commerce, après tout. De boisson, mais surtout, de chair. Quelque chose dont il ne voulait pas, à ce prix. Raph se savait un homme de belle apparence. Il pouvait facilement se trouver un ou une partenaire, pour une relation plus aboutie que de quelques caresses mercantiles, dans un établissement public, à la limite de la légalité.

Il avait refusé de s'endetter pour Lisa et donc, l'avait perdu au profit de ce crétin de dentiste. Il ne payerait pas de sa poche pour qu'un inconnu lui frotte sa queue à trois centimètres du visage, même si cela accréditerait sa couverture. Il avait déjà presque atteint la limite de son compte de dépense et il était certain que, si quelqu'un apprenait qu'il s'était payé des danses avec l'argent du département, cela irait mal. Mais il ne voulait être trop sec avec quelqu'un qui, peut-être pourrait lui donner des informations compromettantes sur Oroku Saki.

« Peut-être la prochaine fois. » répondit-il, du bout des lèvres.

Leo hocha la tête, nullement déçu, comme certain que, effectivement, la prochaine fois, Raphael lui lècherait dans la main. Il se leva.

« A bientôt, et merci pour le verre. » laissa-t-il tomber, toujours de cette voix grave

Le jeune homme aux cheveux noirs tourna bride et Raphael constata qu'il n'avait pas bu le tiers de son verre. Le danseur n'avait pas eu l'air ni ivre ni drogué. Probablement plus homme d'affaire qu'hédoniste, refusant de perdre plus de dix minutes pour un homme n'allongeant pas de la monnaie.

Il le vit disparaitre avec un autre homme, lui et sa partenaire de danse, quelques minutes plus tard, alors que, sur le stage, une femme blonde se tortillait avec un serpent.

« Tu as manqué ta chance. Leo et Karai seront pris pour la soirée. Surtout lui. Il est très sensuel et donc, très populaire ici. »

Raphael tenta de se justifier. Sa conduite ne pouvait paraitre trop réservée et donc, étrange, dès le premier soir.

« Je ne suis pas prêt. Encore sous le choc. Lisa est partie ça ne fait pas 5 jours. »

Il décida, peu après, de partir, après avoir consulté l'heure. Il était là depuis plus de deux heures. Comme premier contact, c'était suffisant. Ses patrons lui avaient demandé d'être là trois fois par semaine, au moins. Il reviendrait le lendemain ou dans deux jours. Pour lors, il en avait sa claque. Il pourrait toujours se masturber en pensant au beau danseur. Cela était au moins gratuit et éthiquement, plus acceptable. Et surtout, plus discret.


Leo compta son argent, amassé dans la soirée, en grimaçant.

Seulement 350$, nettement insuffisant pour enfin avoir son appartement et donc, sortir Mikey des griffes des services sociaux. Il poussa un soupir de désespoir. Hier, en croisant Mikey à la sortie de son lycée, il avait bien vu les marques sur son visage juvénile. Mikey, au foyer pour jeunes, devait subir les mêmes sévices que lui. Il devait le sortir de là. Mais, Miss O'Neil du service à l'enfance avait été claire. Leo devait avoir un domicile fixe avec des revenus fixes, obtenu par un employeur honorable. Sans cela, il ne pouvait être le tuteur légal de son petit frère et un éducateur pourrait glisser Mikey dans son lit, si cela n'était déjà fait.

Karai, passant un bras par-dessus ses épaules, lui murmura :

« Ototo, courage. Nous y arriverons. »

Karai, sorti du même foyer, le même mois que lui, sans avoir de petit frère pour qui s'inquiéter, vivait un sort similaire. Vivre au-dessus du club et donc, être à la merci du patron, ne plaisait guère à sa nature indépendante. Mais économiser suffisamment d'argent était un travail de longue haleine. Ni Leo, ni Karai, n'avaient rien. Sans prévoir être un couple un jour, ils avaient fait serment de ne pas s'abandonner et aussi, à deux, acheter un trousseau et du mobilier, irait plus vite.

Leo, en 6 mois, avait économisé déjà 11 000$, mais, cela n'était pas suffisant. Karai disposait de la même somme, mais encore, ce n'était pas assez. Il ne pouvait non plus attendre de terminer ses études…le cas de Mikey était trop urgent. Karai et Leo savaient qu'il existait une solution, mais la jeune fille n'osait la pousser. Elle savait que le jeune homme il répugnait. Leo acceptait déjà beaucoup de cet homme, en échange de ses frais universitaires payés. Mais le danseur n'aurait pas fini ses études avant près de cinq ans et Karai se demandait presque comment son ami ferait pour tenir le coup durant ce délai.

« Il n'est pas si désagréable » murmura-elle, malgré elle. « Il est jeune. Il n'est pas laid. Il est intelligent et il semble t'aimer beaucoup…Il est très patient. Tu ne lui as rien vraiment donné et… »

« Il me veut beaucoup, tu veux dire » coupa Leo avec un frisson. Avec reluctance, il avoua du bout des lèvres. « Karai, J'éprouve une aversion pour lui, inexplicable. Il a payé notre télévision, mon manteau d'hiver, tes verres de contact, tes bottes et ma session. Mais, je t'avoue que le solliciter me coûte plus qu'avec n'importe qui…ne me demande pas de t'expliquer pourquoi. »

La jeune Japonaise courba la tête, vaincue.

« Nous ferons mieux, demain. » promit-elle, avec un baiser sur la joue de son partenaire de danse.

Les yeux bleus, vitreux un instant, se ranimèrent sous un souvenir.

« J'ai rencontré, brièvement, un homme…Il est trop tôt pour me dire s'il est prometteur ou non…mais parfois, ceux qui résistent sont ceux qui crachent le plus au bassinet, par la suite. »

Karai haussa un fin sourcil.

« Il était mignon, au moins? »

Leo haussa les épaules, avec nonchalance, tout en se préparant un thé. Il détestait s'endormir avec le goût de l'alcool en bouche. Le dentifrice n'était pas suffisant.

« Assez. Chatain, musclé, des yeux clairs. Par contre, son style était affreux. Mais s'il est avare pour lui ne signifiait pas qu'il est avare pour les autres » conclut Leo, avec un sourire connaisseur. « Je n'ai pas insisté…Se faire désirer est une bien meilleure stratégie. »

La danseuse sourit, ses yeux d'ambre, moqueurs, en accord avec ceux de son compagnon.

« Là-dessus, je te fais confiance… »


J'essaye encore un truc de différent, mais en RXL. Je suis incapable de faire des histoires crédibles avec un autre pairing.