Tout les textes sont de moi à partir de [✖]
Bonne Lecture !
Le temps passe. Y compris quand cela semble impossible. Y compris quand chaque tic-tac de la grande aiguille est aussi douloureux que les pulsations du sang sous un hématome. Il s'écoule de manière inégale, rythmé par des embardés étranges et des répits soporifiques, mais il passe. Même pour moi.
Charlie abattit son poing sur la table.
─ Cette fois, ton compte est bon Bella ! Je te renvoie à la maison.
Je levai la tête de mes céréales, sur lesquelles je méditais au lieu de les manger, et dévisageai mon père avec ahurissement. N'ayant pas suivi la conversation – j'ignorais que nous en avions une -, les raisons de son emportement m'échappaient.
─ J'y suis déjà, à la maison, murmurai-je.
─ Chez Renée, à Jacksonville, clarifia-t-il, exaspéré.
Lentement, ses paroles prirent un sens.
─ Mais qu'est-ce que j'ai fait ? gémis-je.
C'était tellement injuste ! Ces quatre derniers mois, mon comportement avait été au dessus de tout reproche. Après la première semaine, dont ni lui ni moi n'avions jamais reparlé, je n'avais pas manqué un seul cours. Mes notes étaient excellentes, je ne dépassais pas la permission de minuit (certes pour ça, il aurait déjà fallu que je sorte, ce qui n'était pas le cas) et je ne lui servais que rarement les restes de la veille.
─ C'est bien le problème, riposta Charlie, sourcils froncés. Tu ne fais rien.
─ Tu préférerais que je mène une vie de barreau de chaises ? ripostai-je, incrédule et outrée.
Je me forçais à lui prêter attention. Pas facile. J'étais si habituée à me déconnecter de tout que mes oreilles donnaient l'impression d'être bouchées.
─Ce serait toujours mieux que de broyer du noir.
Voilà qui était vexant. J'avais pourtant eu l'impression de soigneusement dissimuler ma morosité.
─ Je ne broie pas du noir.
─ Je me suis mal exprimé, concéda-t-il. Au moins broyer du noir, ça serait agir. Tu es... apathique Bella. C'est ça le mot que je cherchais.
L'accusation était fondée. En soupirant, je tâchai d'insuffler un peu d'entrain dans ma réponse.
─ Désolée, papa.
Même moi, je me rendis compte de la platitude de ma réaction. J'avais cru l'embobiner. Mes efforts n'avaient tendu qu'à un but : l'épargner. Constater qu'ils n'avaient servi à rien était des plus déprimants.
─ Ce ne sont pas des excuses que je veux.
─ Quoi, alors ?
─ Bella...
Il s'interrompit, jaugeant déjà l'effet que ses prochaines paroles allaient avoir.
─ Tu n'es pas la première à passer par là, tu sais ?
─ Je sais.
[✖] ─ Écoute chérie, je pense que... que tu aurais besoin d'aide. Te renfermer sur toi-même ne te fait aucun bien.
Ces dernières paroles étaient, je dois l'admettre, très justes.
─ Me faire aider ? Pourquoi ?
─ Eh bien... Quand ta mère est partie en t'emportant avec elle, ça a été vraiment difficile pour moi.
─ Je m'en doute.
─ Sauf que moi j'ai surmonté cette épreuve, et pas toi. Tu ne t'en remets pas. Il n'y a pas d'amélioration, ça empire même.
Je ne pouvais être d'accord. Chaque jour, chaque heure et chaque minute était une souffrance. Néanmoins, je sentais que celle-ci s'atténuait, devenant de plus en plus vivable. Même si la douleur était toujours présente dans mon cœur, j'allais mieux moralement, s'entend.
─ Je vais bien, protestai-je.
Il fit mine de ne pas m'avoir entendue.
─ Il serait peut-être pas mal, que tu en parles à quelqu'un. Pour vider ce que tu as sur la conscience, par ex...
Je le coupai aussitôt :
─ Oh, s'il te plaît papa, épargnes-moi ça ! Il est hors de question que j'aille chez un quelconque psy !
─ Si ça se trouve, ça t'aiderait.
─ Tu parles, oui !
─ Bon écoutes-moi bien, il parlait désormais d'un ton ferme, autoritaire. Il est exclu que tu restes ici, si c'est pour que je te voie tous les jours dans un tel état.
─ Mais, papa...
─ Non, Bella. Te rends-tu compte de ce qu'il t'arrive ? Tu ne sors plus, tu ne parles plus, tu ne dors presque pas, tu cries dans la nuit, tu pleures. Je ne veux pas de ça.
Vrai.
─ Laisse-toi te faire aider ! continua-t-il.
C'est ça ! Si je raconterais toute la vérité, j'étais sure qu'on me placerait dans un asile, et encore.
─ Non ! Surement pas !
─ Alors, que comptes-tu faire ? s'emporta-t-il. Rester ici jusqu'à la fin de tes jours alors qu'il ne reviendra pas ? Souffrir en silence et devenir une folle dépressive ? C'est ça que tu veux Bella ? Je ne supporte plus que tu te débattes ainsi.
Les larmes me montèrent aux yeux. Il avait touché un point sensible au sujet épineux. Je me rappelais des paroles douloureuses qui me hantaient depuis qu'il m'avait quitté : « Ça sera comme si je n'avais jamais existé ». Horrible. Cruel. Une douleur fulgurante me transperça le cœur et je portai machinalement mes mains sur ma poitrine en respirant difficilement, mais je tentais cependant dissimuler ma réaction lamentable de mon mieux . Malheureusement, Charlie s'en aperçut et hochait lentement la tête tout en me regardant avec des yeux imprégnés de peine et de pitié.
─ Regarde-toi, Bella.
Stop ! Il fallait que je me reprenne. Si je ne me comportais pas mieux, mon père ne lâcherait sans doute pas si vite l'affaire, qu'il prenait déjà très au sérieux d'ailleurs. Je secouais ma tête pour éclaircir mes idées ; j'allais devoir jouer le jeu.
─ Bon d'accord, dis-je en m'efforçant d'adopter un ton confiant, j'essayerai de sortir avec mes amis, et de m'amuser (le mot sonna bizarrement dans ma bouche, sûrement parce que je ne l'avait pas employé depuis belles lurettes), mais laisse moi encore un peu de temps.
Il marmonna dans sa barbe, quelque chose du genre « Du temps, tu en as eu,... ». En effet, j'en ai eu ! Quatre mois. Et ma souffrance ne disparaitra pas si rapidement – si elle disparaissait un jour -, et j'allais devoir y travailler. Une réelle mission impossible. Sentant que je n'allais plus tenir longtemps, je me levai de la table, et saisis mon coupe-vent suspendu sur ma chaise ternie.
─ Je vais à la plage, annonçai-je sans réfléchir.
─ Ne rentre pas trop tard, alors.
─ Oui.
Je sortis en hâte de chez moi et je me ruai sur-le-champ vers ma Chevrolet en essuyant vivement les perles qui naissaient au coin de mon orbite. Je devais retenir mes pleurs jusqu'à mon arrivée à la Push, pour pourvoir conduire avec une bonne visibilité et ne pas produire d'accident au passage ; il ne manquait plus que ça !
Je m'installai sur le fauteuil défoncé, et une fois enfoncée dedans, je m'acharnais sur la molette du tableau de bort, maudissant sa vieillesse. Quand le moteur rugit enfin, non sans peine, mes mains étaient parcourues de spasmes nerveux, sûrement parce que mon esprit était tambouriné de maintes interrogations, qui me rendait toutes folle.
Pourquoi fallait-il que j'endure cette souffrance, ce massacre intérieur ? Cette torture ! Pourquoi n'arrivais-je pas à l'oublier, il m'a pourtant quittée, non ?!
Questions idiotes. Je l'aimais !
Pour la première fois depuis ces quatre mois, je fus furieuse de mes propres paroles. En proie d'une rage insensée, incontrôlable.
─ Il m'a délaissée ! criai-je tout fort.
Cette fois, je ne pouvais les retenir. De grosses larmes de colère coulèrent promptement sur mes joues et j'appuyai sur l'accélérateur, il fallait à tout pris que je défoule l'adrénaline qui me submergeait. Consciente que mon acte était des plus téméraire – ma Chevrolet n'allait plus tenir si longtemps –, et je n'y voyais plus rien ; je souris méchamment. « Je me fiche de cette promesse ! Tu m'as quittée pour mon bien ? Tu parles ! Je vais bien moi ? Je souffre, oui ! »
Un grondement sourd résonna dans ma tête. Je me figeai dans mon siège. C'était une voix douloureusement familière, si bien que je me sentais honteuse.
─ Edward ? chuchotai-je.
L'effet fut immédiat. La plaie de mon cœur qui commençait tout juste à guérir, s'ouvrit à nouveau, laissant une entaille encore plus profonde. Je suffoquais de douleur, mes mains se portant à ma poitrine. J'eus tout juste le temps d'entendre crier au loin « Bella ! », puis d'apercevoir que je fonçais droit sur le ravin de la forêt. Je voulus reprendre le contrôle du volant mais il était déjà trop tard. Ensuite, je sombrai.
Dites-moi ce que vous en pensez ! Bisous 3
