Prologue


John traversa le seuil de l'appartement, les bras chargés de à l'accoutumée, il maugréa l'absence d'aide de son colocataire.

Habillé de son éternelle robe de chambre bleue, couché de tout son long sur le canapé et les mains jointes sous le menton, Sherlock ne prêta pas attention au blond, trop occupé à réfléchir.

John lui cachait quelque chose. Et même si dès le début le blond avait instauré une limite d'intimé à ne pas dépasser, Sherlock aimait tout savoir, et bizarrement il aimait connaître les activités de son colocataire, où et avec qui ?

Non pas qu'il était jaloux. Et de toute façon, il savait pertinemment, sans jamais rien demander, où John avait rendez-vous et avec qui. Non ce qui le préoccupait vraiment, c'était que ses " rencarts", même si John ne concluait jamais, se répétaient chaque soir.

Depuis trois jours, le médecin sortait en soirée. Des gens normaux penseraient que John avait enfin trouvé celle qu'il lui fallait, et qu'il cherchait juste à lui plaire en répétant les rendez-vous.

Mais Sherlock connaissait trop bien son colocataire, il n'était pas du genre à inviter trois soirs de suite. Il aimait laisser le temps à la femme de le désirer, et espacer les rendez vous. Ou aimerait le faire, si le brun ne s'amusait pas à le bombarder de messages, faisant croire à la pauvre invitée que John était à lui. Bien sûr qu'il l'était. Et il n'allait certainement pas filer.

Le seul inconvénient, peut-être, c'était que John ne comprenait pas tout cela.

Ce n'était donc pas évident, qu'ils devaient vivre ensemble. Mais le détective n'allait pas s'ennuyer à le lui expliquer. Il finirait bien par comprendre un jour. Pourtant Sherlock crut voir sa stratégie tomber à l'eau, quand John essaya se faire discret. Il lui cachait quelque chose. « John, tandis que tu montes ce sac dans ta chambre, fais chauffer de l'eau. » avait déclaré posément le brun, n'ayant pas bouger d'un centimètre.

L'ancien soldat faillit frôler l'arrêt cardiaque, tournant sur lui même il scruta son ami, il avait toujours les yeux fermés. Comment avait-il pu deviner pour la poche? « Je ne suis pas sourd » avait répondu le brun.

« Je ne t'ai rien dis »

« Tu allais demander, comment sais- je que tu emmènes un sac plastique ? Et je te réponds que j'entends simplement le bruit du plastique entre tes doigts » démontra le détective agacé de devoir expliquer de telles choses.

Agacé, le blond quitta la pièce pour déposer son bien dans le tiroir de sa table de chevet. Sherlock était malin, il devait faire vite avant que le génie ne se mette à traquer son secret. Et cette entrevue avait réduit le temps de moitié. Bientôt le brun serait à l'affût de la moindre parole, du moindre geste. Mais John n'avait pas fini de se préparer.

Il sortit de la poche, une petite loupe presque identique à celle de Sherlock. L'ancienne avait malheureusement fini dans les ordures lors de leur dernière course poursuite. C'était un cadeau spécial, pour quelqu'un de spécial. Et John voulait lui faire une surprise. Ce qui relevait du grand défi. Qui arrivait vraiment à surprendre Sherlock?

Il plaça le petit objet au fond du tiroir, essayant de le dissimuler derrière un faux pot de lubrifiant et des préservatifs. Il avait prévu son coup, si Sherlock venait fouiller, ce qui était quasi certain, il découvrirait un faux poteau rose. Et même si John devait inventer quelque chose, il chercherait à l'envoyer sur une mauvaise piste le plus naturellement possible.

Sa nuque le picota, il se sentait observé, et en effet il aperçut son colocataire au seuil de la pièce. Il savait qu'il ne devait pas entrer. « Tu es bien curieux, que veux tu? »

« Le thé. »John semblait incrédule, jamais Sherlock ne se déplaçait pour obtenir quelque chose comme du thé. Non il n'avait pas été très malin ce coup ci, la curiosité l'avait amené jusqu'ici.

« Juste pour le thé? »provoqua le blond en refermant le tiroir lentement.

« Dépêche toi si la bouilloire explose, tu sera le seul fautif. » John sourit, Sherlock agissait vraiment comme un gosse quand il voulait. Il se releva lentement, se posta face à Sherlock dans l'entrebâillement de la porte. « ll faudrait que je passe. »

Les pupilles claires du brun se plantèrent dans celles acajou du docteur. Ce regard qui vous analysait de la tête au pied, et qui déduisait tout de vous. Une des longues mains du détective se leva pour frôler l'épaule carrée du soldat. Ce qui fit sursauter ce dernier, Sherlock ne l'avait que très rarement touché ou s'il le faisait il s'agissait d'un cas extrême. Il y avait juste eu cette fois, durant leur deuxième affaire, où il avait pris son visage en coupe. Mais le blond avait mis ça sur le compte de la frénésie.

Le brun tenait entre son pouce et l'index un long cheveux cuivré. Il fronça les sourcils, prêt à se fâcher avec le plus vieux. Il savait que John gardait ou plutôt essayait de garder une relation avec sa supérieure. Il ne fut donc pas surpris de retrouver de l'ADN de celle- ci accroché à son pull. John avait toujours été un homme câlin. Mais ce qui l'intriguait c'est que ce n'était pas sa si fragile Sarah qui lui avait donné rendez-vous.

Sherlock se fiait à son odorat, la jeune femme portait un parfum fleurit. Si fort que son ami ramenait l'odeur jusqu'à la John ne le sentait pas. Ou du moins pas le parfum féminin, c'était une odeur masculine. Et Sherlock avait surpris Donovan de si nombreuses fois parfumée avec un parfum d'homme, qu'on ne le tromperait pas. Il dodelina de la tête pour avoir plus accès au cou du blond.

Blond ne se débattant pas, trop fier d'être une énigme pour le génie. Penché en avant, la pointe du nez touchant le cou bronzé, Sherlock répertoriait, analysait, collectait les odeurs sur John. Il y avait la sienne, chaude et rassurante, celle de son shampoing à l'amande et plus piquante, celle de sa mousse à raser. Celle sucrée du thé, celle du cabinet dont Sherlock avait horreur.

Et il distinguait promptement l'odeur musquée qui n'était pas à John.

Il avait vu un autre homme, et il avait été intime pour que son odeur s'imprègne sur son ami.

« Parfum d'homme, d'âge mûr, assez grand. »

« Tu es fort. »

« Je connais ce parfum. »

« Peut-être. »se moqua John les mains dans le dos.

« C'est ce que tu caches? »

« Non c'est juste un détail. »

« Il ne faut négliger aucun détail, donc que faisais-tu dans les bras d'un homme ? »

« La même chose que d'habitude. » le blond se sentait puissant face au détective, il ne lui donnerait aucun indice de plus.

Il pouvait gagner du terrain pour sa surprise. Sherlock plissa les yeux, essayant de lire les pensées de son colocataire. Mais John garda un regard neutre et serein. Le pauvre s'il savait qu'il voulait juste lui faire un cadeau. Frustré le bouclé fit demi tour, faisant voler les pans de sa robe de chambre derrière lui. Il trouverait, John n'avait pas à aller voir ailleurs.