Septembre 1992

Logiquement, ils n'auraient jamais dû se fréquenter. Lui était un sang-pur de Serpentard destiné à être Mangemort comme son père, et elle, la Poufsouffle, venait d'une riche famille sorcière issue d'Irlande qui lui aurait valu une situation enviable pour les adeptes de la pureté du sang si sa mère n'avait pas été une Moldue travaillant dans le cirque familial en France. Elle ne s'en préoccupait pas néanmoins et préférait passer son temps en compagnie des animaux, bien plus intéressants à ses yeux que la plupart des humains.

Ce fut d'ailleurs de cette façon que les deux enfants se rencontrèrent pour la première fois. Il venait alors d'entrer en deuxième année tandis qu'elle intégrait tout juste Poudlard.

Voulant un peu de calme pour échapper à Malefoy et sa clique, Théodore s'esquiva en disant simplement qu'il allait se promener dans le parc. En réalité, il comptait rendre visite à une bande de chevaux ailés n'ayant pas bonne réputation chez les sorciers. Seulement, une gamine aux cheveux ébouriffés se trouvait déjà sur place, et il l'observa jusqu'à ce qu'elle l'apostrophe d'une manière plutôt brutale. Il ne se fâcha cependant pas, et consciente de son impolitesse, elle ne fut pas longue à s'excuser.

La vue du garçon se mutilant pour attirer les chevaux lui tira une ribambelle de jurons, et elle s'efforça de le soigner du mieux qu'elle pouvait.

- Rebecca Conroy, déclara ensuite la brune.

En entendant les caractéristiques de sa famille paternelle récitées par l'inconnu, elle sut qu'un sang-pur se trouvait face à elle. Enfin... Il avait également entendu son nom suite à un affrontement avec Drago Malefoy lui ayant valu une semaine de retenues chaque soir, des points en moins et une lettre incendiaire de sa grand-mère. Rougissant à ce souvenir, Rebecca releva la tête lorsque le garçon déclina enfin son identité.

Nott ? J'ai déjà entendu ce nom quelque part... Aaaaah, ça y est, je m'en souviens !

- Vous êtes connus pour posséder un immense terrain réservé aux animaux ! s'exclama-t-elle avec enthousiasme. Si seulement je n'étais pas une sang-mêlé, j'aimerais beaucoup visiter le domaine de ton père !

Son discours enflammé l'empêcha de remarquer le froncement de sourcils de Théodore Nott. Elle s'arrêta soudain de parler et demanda si son interlocuteur aurait la possibilité de l'accompagner durant les vacances d'été. Évidemment, le Serpentard répondit par la négative et se leva pour retourner au château. Pensive, Rebecca le suivit du regard jusqu'à ce qu'il ait disparu. Même en faisant un effort, elle ne pourrait pas oublier les vieilles cicatrices sur les poignets de Nott et ses mutilations face à un témoin.

Par la suite, les origines de Théodore empêchèrent Rebecca de s'approcher de lui. Elle savait qu'il ne pouvait pas se permettre de disparaître souvent de la salle commune des Serpentard. Si ses camarades n'y accordaient pas vraiment d'importance étant donné qu'il était solitaire de nature, Drago Malefoy ne perdait pas de vue le moindre de ses gestes. Consciente des répercussions sur le garçon qu'elle appréciait si Nott senior apprenait que son fils unique frayait avec une sang-mêlé, elle allait fréquemment à la lisière de la Forêt interdite en dépit des risques, là où elle était sûre que celui qu'elle appelait "Blondie" depuis leur affrontement ne risquait pas de la voir.

L'autre manière qu'elle avait trouvé pour communiquer était de confier de temps à autre une lettre au hibou du Serpentard qui prétendait qu'une tante éloignée le harcelait afin d'obtenir de ses nouvelles. Seul l'anniversaire du garçon courant septembre permettait à la Poufsouffle de lui acheter un livre sur les créatures magiques en guise de cadeau. Il n'y avait que ce jour-là qu'il recevait une lettre plus longue de sa part, et même s'il refusait de le reconnaître, parcourir les deux pages habituelles lui tirait parfois un sourire.

Novembre 1995

Le temps passa ainsi, entre courriers cachés et insultes dans les couloirs pour donner le change. Même s'il ne ressentait pas le besoin de faire partie d'une bande, Théodore restait un Serpentard et de surcroît fils de Mangemort.

- Je ne t'ai jamais demandé comment tu pouvais voir les Sombrals, déclara l'adolescent un jour où ils étaient miraculeusement seuls.

- Quand j'avais quatre ans, énonça lentement Rebecca, mon père a été grièvement blessé par un loup-garou qui m'avait prise pour cible. J'étais à côté de lui quand il a rendu son dernier souffle.

- Ça a dû être terrible pour toi.

- Oui... Nous étions proches, c'est d'ailleurs lui qui m'a transmis le virus du Quidditch. Mais je pense que le pire est pour ma grand-mère. Parfois, quand elle me regarde, j'ai l'impression qu'elle croit voir une autre personne à la place... Je ressemble beaucoup à mon père.

Théodore se tut un moment. Visiblement, quelque chose semblait le travailler... Il avait ouvert la bouche et s'apprêtait à parler quand sa voisine l'interrompit.

- Je ne veux pas que tu te forces juste parce que je viens de dire la cause pour moi. Connaissant ton père, du moins d'après ce que j'ai entendu sur lui, ça doit être une raison affreuse qui fait que tu les vois. Ne m'en parle qu'au moment où tu seras vraiment prêt.

Le remerciement du Serpentard fut simplement murmuré, mais Rebecca s'en contenta amplement.

Ils se séparèrent près de la cabane du garde-chasse sans se rendre compte qu'un élève les observait depuis le château.

Quelques heures plus tard, Rebecca quitta la salle de musique où elle venait régulièrement jouer de la guitare et se dirigea lentement vers les cuisines dans le but de récupérer de quoi contenter son estomac. Elle était presque arrivée à destination lorsqu'une voix traînante se fit entendre dans son dos.

- Conroy, Conroy, Conroy... Qu'est-ce qu'une sang-mêlé dans ton genre fait avec un garçon comme Nott ?

Elle se retourna aussitôt et sourit au Serpentard, avant de dire sur un ton ironique :

- Blondie, ça faisait longtemps ! Prêt à te faire démolir une seconde fois ?

- Ne m'appelle plus jamais comme ça ou tu le paieras cher.

- Vraiment ? s'étonna l'adolescente en haussant les sourcils. Tu as oublié qui est ma grand-mère ? Rappelle-toi qu'elle battait facilement ton grand-père lors de duels quand ils étaient élèves ici ! Si je lui en parle, elle te fera regretter de m'avoir menacée !

- Il suffira que j'efface ta mémoire quand j'en aurai fini avec toi. Stupéfix !

- Protego !

- EXPELLIARMUS !

Le sortilège envoya la Poufsouffle droit dans le mur derrière elle, et elle glissa jusqu'au sol à moitié assommée.

- Je ne t'ai jamais fait regretter l'humiliation il y a trois ans, autant faire d'une pierre deux coups.

- Me fais pas... rire... T'as rien... dans le pantalon.. Toujours à te réfugier... derrière ton Mangemort de père...

- Ça suffit, je t'ai assez entendue. Endoloris !

Aussitôt, le hurlement de Rebecca envahit le corridor désert.

- AAAAAH ! ARRÊTE ! ÇA FAIT MAL !

- Mais c'est justement le but, Conroy. Depuis le temps que j'attendais ça !

A l'entrée du couloir, Théodore sentit progressivement la colère le submerger. C'était donc cela la rage, ce sentiment d'électricité qui vous remontait dans le corps jusqu'au cerveau grâce aux veines, cette impression violente d'avoir la tête prête à exploser tant le sang qui y était contenu frappait avec violence au niveau des tempes ? Tout ce qu'il y avait de mauvais en lui, toutes les frustrations qu'il avait réprimées au plus profond de son être lorsque son père le frappait encore et encore remontaient brutalement à la surface, et une seule chose l'arrêta. Elle.

Il ne voulait pas qu'elle assiste à ce spectacle de violence, ce moment où il allait faire ce qu'il aurait dû faire des années plus tôt : exploser de haine, ce qui promettait du sang et de la douleur au point de choquer quiconque y assisterait. Il le ferait plus tard, dans la salle commune, quand il aurait ligoté et bâillonné Malefoy, en se foutant complètement des conséquences que sa conduite pourrait entraîner. En attendant, il lui fallait agir. La vue des larmes sur le visage de la Poufsouffle acheva de le décider. Malefoy représentait une bonne partie de tout ce qu'il n'aimait pas, et Conroy était une des seules personnes qu'il appréciait. Le choix était donc vite fait entre eux deux. Le corps glacé par la rage, il serra sa baguette avec violence, craignant qu'elle ne lui échappe autrement tellement il tremblait, et il envoya en direction du blond le premier sort qui lui traversa l'esprit. Ce dernier n'avait pas encore atteint le sol que Théodore se précipitait déjà vers la brune.

- ... Nott ? murmura-t-elle en essayant de se redresser.

- Oui.

Voyant qu'elle peinait à se relever, le Serpentard lui tendit une main secourable qu'elle s'empressa de saisir au moment où sa vue se brouillait à nouveau.

- Merci... Heureusement que tu étais dans le coin.

- Pas de quoi. Tu vas pouvoir retourner dans ta salle commune ?

- Je me repose cinq minutes et ça devrait aller. Et, Nott ? Ne te défoule pas trop sur lui, je ne tiens pas à ce que ça te retombe dessus.

- Un Oubliettes m'évitera les ennuis. À la prochaine.

Malefoy passa tout le reste de la semaine à l'infirmerie sans que personne, ou presque, ne sache ce qui l'y avait envoyé.

La rencontre suivante eut lieu un mois plus tard au manoir Conroy où Rebecca passait ses vacances de Noël. Malgré leur neutralité connue, ses grands-parents spécialistes en potions aidaient souvent des personnes en ayant besoin, qu'ils soient partisans de la pureté du sang ou pas.

- Nott, salua simplement Rebecca à la vue du Serpentard, lequel se contenta d'un hochement de tête poli.

Agacé par la présence de l'adolescente dont il n'appréciait pas l'ascendance, Richard Nott la bouscula et suivit le maître de maison vers le sous-sol. Restés seuls, les deux étudiants attendirent quelques minutes que le calme soit revenu.

- C'est encore ta petite sœur ?

- Oui, elle a fait une rechute. Mon père n'aime pas vraiment être redevable à d'autres, mais le problème de santé de ma sœur dépasse ses compétences.

Comme le sujet de discussion ne semblait pas ravir Théodore, la Poufsouffle partit sur un autre terrain.

- Ma tante a acheté de nouveaux livres. Tu pourras en faire des copies s'ils t'intéressent.

Le garçon eut un sourire en coin et gagna l'autre côté du grand salon vers une double porte qu'il ouvrit à la volée. Rebecca se chargea de la refermer quelques minutes plus tard, en arrivant dans la pièce avec sa guitare à la main. Entre l'un plongé dans sa lecture et l'autre grattant distraitement les cordes, peu de mots furent échangés. Nott senior interrompit finalement ce moment de plénitude en aboyant quasiment à son fils qu'il était temps de partir. Ils venaient à peine de franchir l'entrée quand un bruit caractéristique arriva aux oreilles de l'adolescente.

- Ne t'en mêle pas, avertit Arran Conroy en posant une main sur son épaule pour la retenir.

- Mais Théodore va se faire battre pour être resté avec moi !

- Nous le savons, Rebecca, soupira sa grand-mère en surgissant de la cuisine. Cependant, ce n'est pas notre genre d'intervenir dans les affaires d'autres familles.

Frustrée à cause des arguments de sa grand-mère et inquiète pour son camarade, elle alla s'enfermer dans sa chambre et refusa de descendre pour le dîner. Théodore ne revint que trois jours après la rentrée de janvier, amenant un sourire satisfait de Malefoy et le soulagement chez Rebecca qui s'arrangea pour organiser une entrevue le jour suivant. Installée dans la salle de musique, elle patienta une heure avant d'abandonner. Préoccupée par l'absence de son ami, elle redescendit les escaliers en affichant une mine sombre. Ce fut seulement en arrivant au niveau du hall désert qu'elle croisa Malefoy et ses gorilles en train "d'escorter" Nott junior. Dissimulée par une armure sur le palier, elle écouta la conversation en fronçant les sourcils.

- Ton père a dit au mien que tu t'es éclipsé pendant que vous étiez chez les Conroy et qu'il t'a retrouvé en compagnie de cette petite idiote. C'est vrai ?

- Quand bien même ce serait le cas, cela ne te concerne pas, répliqua Théodore.

- Pas tout à fait. Étant chargé de te surveiller, je vais veiller à ce que tu ne t'écartes plus du droit chemin. Vous deux, tenez bien ce traître et suivez-moi.

S'ils avaient voulu lui administrer une correction, ils n'auraient pas eu besoin de sortir... Malefoy prévoyait donc autre chose envers Théodore, et sûrement pas en bien. Rebecca se précipita aussitôt vers la porte et la franchit pendant que le quatuor descendait la falaise en face du château. Le terrain de Quidditch se trouvant à l'opposé, les Serpentard ne pouvaient aller que dans deux endroits : la forêt ou le lac. Et puisque le garde-chasse les apercevrait de sa cabane s'ils allaient vers les arbres...

On est en hiver, Blondie n'a quand même pas l'intention de noyer Nott ?!

Quelques minutes plus tard, le trio de Serpentard le plus connu de l'école passa à côté d'elle avec des ricanements, l'obligeant à se recroqueviller contre les racines de l'arbre qui l'abritait. Elle rongea son frein jusqu'à ce que les adolescents soient rentrés puis dévala la pente en direction du lac, y parvenant juste à temps pour distinguer Théodore en train de se débattre.

- NOTT, ARRÊTE DE GESTICULER ! J'ARRIVE !

Nageant à toute vitesse pour combattre le froid, elle dut s'immerger totalement afin de saisir la main du garçon ayant disparu sous la surface. Ses vêtements alourdis par l'eau glacée ajoutés à son fardeau la fatiguèrent plus vite qu'elle l'avait pensé, et elle commença à douter de sa capacité à regagner la rive.

- Wingardium Leviosa ! s'écria un inconnu dans son dos.

Reconnaissante pour l'aide providentielle du septième année, Rebecca articula un vague remerciement et rougit au moment de ranimer Théodore grâce au bouche à bouche. Quelques minutes plus tard, l'adolescent se mit à tousser et ouvrit les yeux.

- Tu nous as vus... ? murmura-t-il.

- Ouais, acquiesça la Poufsouffle en claquant des dents. T'es pas vraiment ce que je peux appeler un poids plume, Nott !

Elle leva ensuite la tête vers le Gryffondor aux yeux bridés et lui assura qu'elle se chargeait d'emmener l'autre garçon à l'infirmerie, où la responsable aurait de quoi les réchauffer.

- Pourquoi es-tu venue me repêcher ? voulut savoir son camarade tandis qu'ils gravissaient l'escalier principal en laissant des flaques sur leur passage.

- Parce que tu aurais fait la même chose pour moi, ou du moins essayé si j'avais été dans l'eau. Et tu m'as aidée contre Blondie en novembre. Disons qu'on est quitte.

L'infirmière se contenta de sécher les vêtements de Rebecca avant de la mettre à la porte puisqu'elle souhaitait garder Théodore en observation pour la nuit. Au début énervée par cette décision incontestable, la Poufsouffle eut soudain une idée qui l'amuserait beaucoup une fois le forfait accompli. Un peu plus tard, elle donna des lettres anonymes aux hiboux de l'école, et deux jours plus tard, au petit-déjeuner, son regard resta fixé sur Malefoy discutant à voix basse avec sa chère Pansy Parkinson. La présence de Théodore près d'eux ne semblait pas les ravir outre mesure, et lorsque les enveloppes rouges explosèrent devant le prince des Serpentard, ce dernier perdit aussitôt de sa superbe.

- T'EN PRENDRE AU FILS DE RICHARD NOTT EN LE JETANT DANS LE LAC ! OÙ AVAIS-TU LA TÊTE, DRAGO ?!
- C'EST À MOI DE JUGER SI LES RELATIONS DE THÉODORE SONT BONNES OU MAUVAISES ! NE T'ATTENDS PAS À LA MOINDRE CLÉMENCE DE MA PART SOUS PRÉTEXTE QUE TON PÈRE EST LUCIUS MALEFOY !

- TU PASSERAS LES VACANCES DE FÉVRIER AU MANOIR, C'EST UN ORDRE ! ET INTERDICTION DE M'IGNORER, OU TU LE REGRETTERAS AMÈREMENT !

À la table des Poufsouffle de l'autre côté de la salle, Rebecca laissa échapper un petit rire à la vue du cinquième année blanc comme un linge. Les hurlements de son père et de Nott senior l'avaient plus que secoué apparemment... La semaine commençait vraiment bien.

L'adolescente rayonnait en quittant la pièce, et Théodore ressentit un élan d'affection envers elle. Pas difficile de deviner qui avait raconté aux deux Mangemorts le geste inconsidéré du blond. Peu après, il se leva et partit au cinquième étage vers l'option Arts, tandis que Rebecca se dirigeait vers l'enclos, toujours de bonne humeur en dépit de la gifle et des menaces du pot-de-colle en chef des Serpentard.

Septembre 1996

Installée dans le compartiment des préfets avec un livre à la main, Rebecca s'efforçait d'ignorer les voix agaçantes de Malefoy et Parkinson en train de spéculer sur les romances éventuelles des élèves de leur niveau.

Vivement qu'ils dégagent pour rejoindre leurs "amis" !

De temps à autre, leurs yeux s'attardaient un instant sur la brune plongée dans Le Quidditch à travers les âges, cadeau de Théodore pour ses quinze ans deux jours plus tôt. D'ailleurs, en parlant de lui... Elle ne l'avait pas vu sur le quai, alors qu'il était toujours en avance, et cette absence l'inquiétait.

- ... comme si Conroy pouvait se trouver une personne décente qui accepterait de la fréquenter ! s'exclama soudain un certain blond.

- Malefoy, tu... commença le préfet de sixième année à Poufsouffle.

- Laisse, Ernie. Je préfère être seule qu'accompagnée par un allergique aux UV ou une midinette à tête de pékinois.

- Pardon ? s'étrangla Parkinson. Qu'est-ce que tu viens de dire, Conroy ?!

Désireuse de les faire enrager, la brune se contenta de sourire de manière faussement innocente. Néanmoins, elle ne parvint pas à prêter attention à quoi que ce soit lors de la répartition, et elle bouscula plusieurs personnes sur le chemin de la salle commune. Le lendemain, pendant l'heure d'histoire de la magie, elle écrivit un rapide mot et se priva d'une partie de l'heure du déjeuner afin qu'il parte le plus vite possible. Si tout se passait bien, Théodore recevrait le hibou dans la soirée.

Nott, qu'est-ce que tu fabriques ? Malefoy a lancé plusieurs sous-entendus te concernant quand je suis passée près de lui, et ça m'inquiète ! Où que tu sois, t'as intérêt à revenir vite à Poudlard !

La réponse arriva deux jours plus tard pendant qu'elle rédigeait un devoir sur son lit, à l'abri des bavardages de la salle commune.

"Conroy,

Ma sœur a finalement succombé à sa maladie. Nous sommes en deuil depuis la nuit du 31, et je ne reviendrai pas à Poudlard avant longtemps, si j'y reviens un jour. Ne t'occupe pas de Malefoy, il ne vaut guère mieux mentalement que Crabbe et Goyle. Ne te soucie pas de moi non plus puisque je vais bien. Je ne peux pas en écrire plus pour le moment.

Adieu,

Nott."

... Adieu ? Je vais te ramener de force s'il le faut, oui ! Dommage que ce ne soit pas son vieux qui ait trépassé !

Elle sentait malgré tout que quelque chose n'allait pas, et être incapable de faire quoi que ce soit la minait. Dommage qu'elle ne soit pas assez forte pour soutirer des informations à Malefoy !

Ses yeux se posèrent sur son exposé écrit pour le cours de Défense contre les forces du Mal, dont le poste était occupé cette année-là par Rogue, et une idée germa dans son esprit. La rumeur courait qu'il faisait partie des Mangemorts... Quoique s'il travaillait à Poudlard, c'était parce que Dumbledore avait confiance en lui, non ? Même si les Gryffondor constituaient sa cible favorite, il restait assez neutre envers les Poufsouffle et les Serdaigle. Et puis, aussi partial qu'il fût, il était toujours mieux que cette folle d'Ombrage heureusement chassée de l'école ! Peut-être qu'elle réussirait à le convaincre de mener l'enquête discrètement ? Il lui suffirait de prétendre qu'elle n'avait pas compris un point important du programme des BUSE pour obtenir un tête-à-tête de quelques minutes.

Mamie serait furieuse si elle savait ce que je m'apprête à faire.

Le lendemain, alors que ses camarades quittaient la pièce le plus vite possible, elle rangea ses affaires assez lentement pour se retrouver seule avec l'enseignant.

- Vous avez quelque chose à me demander, Conroy ?

Intimidée, Rebecca prit sur elle pour regarder l'homme droit dans les yeux.

- Professeur, j'aimerais que vous fassiez quelque chose pour moi.

- Rien que ça ? fit Rogue en haussant les sourcils.

- Oui. C'est à propos d'un absent cette année... Je veux savoir ce qui lui est arrivé de si grave pour qu'il ne revienne pas. Le seul capable de m'apporter des réponses, c'est vous, si j'en crois les dires de certains dans les couloirs.

- Amusant qu'une Poufsouffle s'inquiète pour Théodore Nott... Et étonnant qu'il s'agisse de celle dont se plaint régulièrement Drago Malefoy.

L'adolescente rougit d'un seul coup et se mit à fixer le sol.

- Vous avez conscience que ce que j'apprendrai pourrait ne pas vous plaire ?

- ... Oui... Mais je ne serai pas tranquille avant de savoir s'il va réellement bien.

- Je vais tenter de lui parler si jamais nous nous croisons. Sachez déjà que le Seigneur des Ténèbres a prévu prochainement d'intégrer de nouveaux Mangemorts dans ses rangs... Dont plusieurs ont à peine atteint la majorité.

- ...

Certaines vérités n'étaient pas bonnes à dire, et la brune venait de l'apprendre à ses dépens. Elle décida de sécher le cours de Soins aux créatures magiques et retourna dans son dortoir. Installée sur l'appui de fenêtre avec sa guitare sur les genoux, elle resta un long moment à contempler le parc. Lorsque ses condisciples revinrent, Rebecca ignora leurs questions et s'abrita derrière les rideaux de son lit pour travailler en paix.

Une longue semaine s'écoula, entraînant pour la Poufsouffle des rappels à l'ordre de la majorité des professeurs suite à ses absences lors des cours. Ce n'était quand même pas sa faute si elle s'inquiétait pour Théodore ! Seul Rogue qui connaissait ses raisons ne lui en tenait pas vraiment rigueur. Elle fut de tout de même surprise par l'annotation de sa copie qu'elle avait pensé assez bonne en la rendant.

- Désolant pour vous, Conroy, ce qui ne m'étonne pas. Puisque vos cours s'arrêtent après le mien, vous viendrez faire un autre devoir en retenue.

Les sourcils froncés, l'adolescente sortit rageusement son livre et le jeta sur la table. Elle aperçut ensuite quelques mots en pattes de mouche au dos de sa feuille et se dérida soudain.

J'ai du nouveau concernant T. N.

Elle eut beaucoup de mal à contenir son impatience et se força à afficher un visage plein de ressentiment pendant une heure. Quelques filles lui lancèrent des regards compatissants qu'elle ignora, préférant observer Rogue avec une mine faussement dégoûtée. Le masque tomba dès que ce dernier eut fermé la porte.

- Alors ? demanda-t-elle aussitôt. Qu'est-ce que vous avez appris ?

L'homme prit le temps de modifier le Désolant en Acceptable puis sortit une feuille de sa poche.

- Il m'a demandé de vous remettre ceci. Pour reprendre ses mots, vous êtes stupide de ne pas lui accorder votre confiance quand il vous dit qu'il va bien.

- Merci ! s'écria la brune en arrachant presque la lettre des mains de l'enseignant.

Elle allait partir en courant lorsque Rogue lui rappela à juste titre qu'elle était censée se trouver en retenue et que retourner dans sa salle commune intriguerait les plus futés. À contrecœur, Rebecca se rassit et attendit que le temps passe en lisant le courrier encore et encore.

Conroy, idiote ! Tu veux à ce point t'attirer des ennuis ? Mon père va finir par se poser des questions en voyant toujours le même hibou venir au manoir !

Je suppose que te le cacher plus longtemps est inutile puisque tu as demandé son aide au professeur Rogue. Oui, je porte la Marque... Et oui, j'ai été amené à tuer. Mais cela, tu t'en doutais, n'est-ce pas ?

Que les choses soient claires : je ne fais pas partie des Mangemorts parce que cela me plaît, contrairement à d'autres que je côtoie chaque jour. Je n'ai tout simplement pas le choix. Tu sais ce que ferait mon père si je refusais de lui obéir. À présent... Même si je n'y crois pas vraiment, j'espère que nous nous reverrons. En priant que ce ne soit pas lors d'un face à face mortel puisque tu veux devenir Auror.

- Professeur, murmura-t-elle une fois remise du choc. Vous pourriez garder un œil sur lui et l'aider dans la mesure de vos possibilités ?

- Vous m'en demandez beaucoup, Conroy. Mais c'est d'accord. Pour une fois que je croise quelqu'un s'inquiétant pour un Mangemort de manière désintéressée...

- Merci encore.

- Filez maintenant, et restez sur vos gardes. Comme l'a répété Nott en me donnant la lettre, Drago Malefoy n'est pas un adversaire à sous-estimer.

- Je ferai attention, promit Rebecca.

Après quelque temps, le comportement dudit Drago entraîna une multitude d'interrogations chez l'adolescente. Il l'insultait plus rarement dans les couloirs et avec moins de conviction; son visage s'était creusé, et il semblait être en permanence sur ses gardes. Lorsque Rebecca essaya d'en savoir plus par le biais de Rogue, le maître des potions déclara seulement qu'il cesserait de faire la transmission des lettres si elle se montrait trop curieuse. Comprenant la leçon, elle se désintéressa du blond même si elle avait l'impression que quelque chose d'énorme se préparait dans l'ombre. Interrogé par courrier, Théodore refusa également de dire quoi que ce soit. Ce fut néanmoins difficile lorsque le 20 décembre, elle repéra Rusard tirant Malefoy qui avait vraisemblablement essayé d'entrer dans la salle abritant la fête de Noël du club de Slug. En dépit de son envie d'en savoir plus, Rebecca résista à la tentation de suivre Rogue qui s'était chargé de la "punition" de l'attrapeur.

- Mrf... Ça va, je sais que je dois arrêter de vouloir fouiner et laisser faire les choses ! grommela-t-elle en montant vers sa chambre au manoir, trois jours après la fête. Comme si je pouvais être tranquille alors que je ne sais pas ce que Nott fabrique !

Une courte réponse lui fut donnée le jour suivant, accompagnant le Vif d'or avec son prénom gravé dessus.

- Je me fiche que tu me dises que tu vas bien, je veux en avoir la preuve visuelle ! fulmina-t-elle en jetant la lettre dans le feu.

- Amusant de constater que je te manque à ce point, fit une voix depuis la cheminée. Si tu pouvais éviter de me lancer des objets à la figure...

Elle fit immédiatement volte-face et écarquilla les yeux en voyant un visage apparaître au milieu des braises.

- ... Nott ?

- Lui-même. Je n'ai malheureusement pas le temps de te parler. Mon père est dans tous ses états depuis le décès de ma sœur, et vu qu'aujourd'hui c'est Noël... J'aurais besoin d'une potion calmante. Peux-tu appeler ton grand-père ?

- Tout de suite. Mais n'espère pas t'en tirer si facilement !

Arran disparut quelques instants plus tard avec la poudre de Cheminette et fut remplacé par Théodore.

- Qu'est-ce que tu fais là ? Ton père...

- Ne s'apercevra de rien si je m'absente cinq minutes. Comment vas-tu ?

- Pas trop mal... Je travaille pour les BUSE et Malefoy m'intrigue.

Théodore fronça brièvement les sourcils tandis que Rebecca poursuivait :

- Rogue lui a apparemment demandé des comptes parce qu'il agit bizarrement, mais je n'ai rien su de plus.

- Tant mieux. Tu as tendance à être un peu trop curieuse pour ton propre bien.

- Tu t'inquiètes pour moi ?

- Disons que tu es la seule personne avec qui je peux avoir des sujets de discussion intelligents. Ce serait dommage que les choses changent.

- Ah.

Pour se redonner une contenance, elle saisit son bras qu'elle dévoila ensuite.

- Ça fait mal ? demanda-t-elle en parcourant le tatouage du doigt.

- Sur le coup, oui. Et quand Il nous appelle, la Marque chauffe. C'est parfois douloureux.

- ... J'espère que Dumbledore et Harry trouveront vite le moyen d'en finir.

- Mon père ne me laissera jamais partir, même si Tu-sais-qui disparaît.

Un raclement de gorge se fit entendre derrière eux, et Théodore rabattit sa manche d'un coup sec.

- Il est temps que tu rentres, ou ton père va se rendre compte que tu es ici.

- D'accord, monsieur, merci pour votre aide. Conroy... Je continuerai à t'écrire.

- T'as intérêt !

Les mois suivants se déroulèrent de la même façon : cours la journée, devoirs le soir, révisions le weekend, et séance de guitare après chaque réception d'une lettre de Théodore. Juin arriva beaucoup plus vite que Rebecca ne l'avait pensé. Encore une semaine et elle serait assise dans la Grande Salle prête à répondre aux questions de l'examen théorique de sortilèges... La première des matières où elle devrait obtenir un Effort exceptionnel au minimum si elle comptait suivre la formation d'Auror après Poudlard, comme le professeur Chourave le lui avait dit lors des conseils d'orientation un mois plus tôt.

Pour le moment, elle s'était installée à son endroit favori et profitait de la vue du parc au-delà de la fenêtre, son instrument fétiche posé à côté d'elle. Un bon moyen d'être tranquille puisque ses camarades fuyaient le dortoir dès qu'elles percevaient le son des cordes. D'ailleurs, en parlant du loup... Une des filles en question ouvrit la porte et lança :

- Rebecca, un hibou vient d'entrer dans la salle commune. Dépêche-toi de venir chercher ton courrier avant qu'il se mette à nous attaquer !

L'adolescente descendit aussitôt de son perchoir, donna une friandise au rapace et récupéra la feuille qu'elle déplia en un éclair.

Ne sors pas de ton dortoir demain soir. Et au lieu de me demander pourquoi, contente-toi de faire ce que je dis !

Nott.

... Quoi ? Il me donne des ordres sans aucune explication en s'imaginant que je vais lui obéir ? Bon... Ça fait longtemps que je n'ai pas rendu visite à Rogue !

- Ne vous mêlez pas de ce qui ne vous concerne pas, Conroy, et agissez en fille raisonnable comme Nott l'a exigé, déclara l'enseignant quelques minutes plus tard.

- Vous plaisantez ? Pourquoi je devrais suivre des consignes en ignorant de quoi il retourne ?

Avant qu'elle ait pu protester davantage, Rogue l'empoigna par le col, la jeta presque hors de son bureau et ferma soigneusement la porte.

- Bande de c..., marmonna-t-elle furieusement.

Il ne lui restait plus qu'à obtempérer en se comportant en "fille raisonnable".

Elle comprit la raison du comportement étrange de Théodore le lendemain soir, en percevant des bruits d'explosions et des cris de l'autre côté de la porte. Oubliant toute prudence, elle allait s'élancer dans le couloir lorsqu'une main se posa sur son bras.

- Quoi qu'il se passe dehors, c'est bien trop dangereux pour nous.

- Comment tu peux dire ça, Ernie ? Hannah, Susan et toi avez fait partie de l'A.D. ! Harry et ses amis sont sûrement en train de se battre, et tu n'as pas l'intention de faire le moindre geste pour les aider ?!

- Collaporta ! s'exclama le préfet alors qu'elle tentait à nouveau de sortir.

La porte ne bougea pas d'un millimètre, l'obligeant à abandonner. Elle fit donc demi-tour vers son dortoir, non sans frapper Ernie au passage.

- T'es qu'un pauvre naze sans rien dans le pantalon, répliqua-t-elle avant de disparaître.

À son réveil, le château était plongé dans un silence total. Rapidement habillée, elle descendit à la Grande Salle et constata que la plupart des sièges à la table des professeurs étaient vides. Bien des élèves manquaient également à l'appel : les jumelles Patil, Zacharias Smith, Malefoy... En écoutant les murmures proches, Rebecca eut un aperçu global de ce qui s'était passé la nuit précédente.

Dumbledore tué par Rogue qui est en fuite avec Malefoy ? Et des Mangemorts les ont couverts ? Alors Nott voulait me tenir à l'écart pour me protéger... Qu'est-ce qu'on va faire à partir de maintenant ?

Ayant appris la nouvelle en même temps que le reste du monde sorcier, Arran se précipita à l'école où il mit du temps à trouver la Poufsouffle. Désirant fuir les autres, Rebecca s'était réfugiée à la bibliothèque où elle avait découvert une note de Théodore dans le livre qu'elle dévorait le plus souvent.

Désolé de ne t'avoir rien dit.

Imbécile... Comme si je pouvais te reprocher quoi que ce soit !

- Rebecca ?

- Bonjour, dit-elle sans relever la tête.

Arran prit la chaise en face de l'adolescente et demanda :

- Tu comptes rester pour les funérailles ?

- Oui.

- Bien. J'ai prévu d'y assister moi aussi. Tu viendras au manoir cet été. C'est plus sûr que parcourir les routes avec ta mère.

- D'accord. Les examens vont démarrer avec une semaine de retard, marmonna-t-elle ensuite.

- Et ça te dérange ?

- Non... C'est juste que je n'ai pas vraiment la tête à ça, et je ne suis certainement pas la seule.

Son grand-père ne put qu'acquiescer.

Le lendemain, une foule de sorciers envahit l'école afin de rendre un dernier hommage à Dumbledore. Les sirènes chantèrent depuis le lac pendant que les centaures rassemblés à l'orée des bois lancèrent une volée de flèches en guise de tribut.

Assise à côté de Susan Bones, Rebecca fixa le corps du sorcier jusqu'à ce qu'il ait disparu de sa vue, désormais abrité par la tombe blanche. Arran la rejoignit le temps de lui dire qu'il reviendrait la chercher juste après les examens puis s'en alla à son tour.