Cette pièce de théâtre à suspense me trottait dans la tête depuis longtemps, inspirée autant par des réflexions de psychologie sociale (que j'ai découvertes dans le cadre de mon travail), des convictions politiques et des interrogations humanistes. (Rien que ça ! Tremblez ! LOL).

Mais comme je suis aussi une grosse consommatrice de thrillers, voila ce que ça donne !

Je voudrais remercier ici Cécile, une "vraie" auteure qui m'a donné l'envie d'écrire du théâtre même si je ne lui arrive pas à la cheville.

Et aussi prévenir que le cadre de cette fiction (huit clos, délibération d'un "jury" autour d'une affaire criminelle impliquant un jeune noir, un homme seul contre tous) m'a été directement inspiré par la très célèbre pièce de Reginald Rose "Douze hommes en colère" adaptée au cinéma par Sydnet Lumet (un chef d'oeuvre ! A voir vraiment !). En revanche, la ressemblance s'arrête là et la direction que prend la pièce avec la prise d'otage et l'évolution de la situation jusqu'au rebondissement final est ma seule création ;-)

Bonne lecture !

Disclaimer : X-Files et ses personnages appartiennent à Chris Carter, à la 1013th productions et à la Fox. Ceci est un emprunt dans un but nun lucratif, juste pour le plaisir :-D


LES PERSONNAGES

DANA SCULLY Médecin légiste. Agent spécial du FBI. Détachée au service des X-Files.

WALTER SKINNER Directeur Adjoint au FBI. Supérieur hiérarchique de Scully.

KATHERINE KOSSEF Psychologue du FBI.

DAVE HANNIGAN Actuel candidat au poste de gouverneur de l'Etat.

JESSICA FIELDING Avocat général fédéral.

GARY BRADFORD Directeur Adjoint à la CIA.

HELEN GRANGER Assistante du DA. Bradford.

KETH RIDLEY Agent spécial.

JEFF BUCHANAN Agent spécial.

TIM CULVER Détective de la police de Washington.

AROL MOSLEY Le jeune noir.

FOX MULDER Agent spécial du FBI. Détaché au service des X-Files. Partenaire de Scully.

LE MANIPULATEUR

1 complice, 2 agents.

ACTE I

J.E. Hoover Building. Une salle de réunion, classique. Deux fenêtres sont ouvertes sur la Pennsylvania avenue. Au milieu trône une longue table ovale. Des verres et des carafes d'eau ont été disposés en son centre. Dix dossiers ont été placés devant chaque place.

On aperçoit un grand carton fermé au fond à gauche, près de la porte d'entrée. A l'autre bout de la pièce, on distingue une petite porte qui mène, on le devine, vers un lavabo et des toilettes.

Il est 18h00. Nous sommes au mois de juin.

Petit à petit, les protagonistes rentrent.

SCENE 1

Walter Skinner et Dana Scully entrent les premiers. Ils portent chacun une serviette de travail. Il est en costume gris. Elle porte un tailleur-pantalon bleu foncé.

SKINNER, posant sa serviette en bout de table à la place d'honneur.

(Avec un petit sourire) L'agent Mulder va-t-il réussir à se passer de votre présence le temps de cette réunion ?

SCULLY, sur le même ton.

Pour une fois, il rentrera diner à une heure décente !

Le docteur Kossef entre à son tour. Et entend la dernière réplique de Scully.

KOSSEF

Si vous voulez mon avis, l'agent Mulder sera encore à son bureau lorsque nous sortirons d'ici. Bonsoir Monsieur. (Elle tend la main à Skinner). Bonsoir Agent Scully.

SCULLY

Bonsoir, Docteur. Vous êtes ici en tant qu'experte ?

KOSSEF, s'asseyant.

Oui, c'est moi qui aie dressé le profil psychologique des deux suspects. Je ne fais pas que les consultations pour les agents du FBI, vous savez… (Elle sourit)

SCULLY, un peu gênée.

J'ignorais. (A Skinner) Vous croyez que nous en aurons pour longtemps ?

SKINNER

J'en doute. Vous n'avez pas suivi l'enquête ?

SCULLY, elle s'assoit à son tour.

Pas du tout. J'ai seulement pratiqué l'autopsie de la victime. Comme nous l'avions découverte Mulder et moi, ça paraissait plus logique. J'avais immédiatement pu faire les premières constatations.

SKINNER

Eh bien, si vous voulez mon avis, c'est plié. L'enquête est presque terminée. Les agents Ridley et Buchanan vous le diront mieux que moi. Je crois que le coupable est tout désigné.

KOSSEF, jouant avec un stylo.

Mmm…

SCULLY

(Elle regarde Kossef un peu intriguée puis se retourne vers Skinner)

Si vous le dites… Mais dans ce cas, pourquoi une telle réunion ?

SKINNER

Ma foi, c'est que l'affaire n'est pas banale ! Le meurtre d'une éminente spin-doctor chargée de la communication de l'actuel favori au poste de gouverneur de l'Etat, ce n'est pas rien ! D'ailleurs, il sera présent.

SCULLY et KOSSEF, ensemble.

Dave Hannigan ?

SKINNER

En personne !

SCULLY, les sourcils froncés et l'air fermé.

Ce n'est pas un peu tendancieux qu'il prenne part à l'enquête de cette sorte ?

Kossef approuve en silence en hochant la tête.

SKINNER, gêné.

Il sera là, c'est tout. Lui, ainsi que Jessica Fielding, l'avocat général fédéral chargé de l'accusation. Nous aurons même l'insigne honneur de la présence de Gary Bradford, directeur-adjoint de la CIA.

Kossef émet un petit sifflement. Les deux autres se retournent surpris vers elle.

KOSSEF

Pardon ! Que du beau monde !

SCULLY

Et que vient faire la CIA dans cette affaire ?

SKINNER, bas.

Ca, j'aimerais bien le savoir…

Dave Hannigan entre avec Jessica Fielding. Il est grand, bien habillé, a de la prestance. Elle est sure d'elle et porte une élégante jupe-tailleur couleur crème. Elle a un léger type asiatique.

Skinner se lève pour leur serrer la main.

SKINNER

(à Hannigan) Très honoré de faire votre connaissance, Monsieur.

HANNIGAN

Moi de même ! J'imagine que vous êtes Walter Skinner, du FBI ? Notre hôte ?

SKINNER

Absolument. Si vous voulez bien vous installer en face de moi…

HANNIGAN

Avec plaisir !

SKINNER

(à Jessica Fielding) Bonsoir Jessica. Je suis ravi que ce soit toi qui sois en charge du dossier.

FIELDING

(Elle sourit) Salut Walter. Pas trop de pression ?

SKINNER

Absolument pas ! Ce n'est qu'une formalité, il me semble.

Gary Bradford entre bruyamment en claquant la porte. Il est suivi difficilement par son assistante, Helen Granger. C'est une femme d'âge moyen, afro-américaine et très souriante bien que chargée de dossiers.

BRADFORD

Je vous prends au mot, Directeur Skinner ! (ton ironique) Je ne tiens pas à passer ma soirée dans vos si sympathiques bureaux ! Salut Fielding ! M'sieurs, Dames ! (Il adresse un vague signe de la main aux autres et s'affale sur son fauteuil).

GRANGER, à la ronde, toujours souriante.

Bonsoir ! Bonsoir !

Les autres participants lui sourient et lui répondent. Helen Granger s'installe à côté de son patron et décharge en soufflant ses dossiers sur la table.

FIELDING, à Skinner, en aparté.

Toujours très classe, ce cher Gary !

Skinner sourit et se tourne vers Bradford.

SKINNER

(à Bradford, ironique) Le FBI est charmé de recevoir la CIA dans ses si sympathiques bureaux. D'ailleurs, à l'occasion, le FBI serait heureux de savoir ce qui lui vaut votre présence…

BRADFORD

Le FBI se pose toujours trop de questions…

Arrivent Keth Ridley et Jeff Buchanan, en costumes gris. Ils adressent un discret signe de tête à l'assemblée et viennent saluer Skinner.

RIDLEY

Bonsoir, Monsieur.

SKINNER

Ridley, Buchanan. Prenez place, nous n'attendons plus que le détective de la police de New York…

BUCHANAN, se marrant.

Belle équipe de bras cassés, ceux-là ! C'est lequel qui doit venir ?

SKINNER

Un certain Tim Culver. Et, Buchanan, (plus bas) je vous prie de garder vos réflexions pour vous ! Il va y avoir des susceptibilités à ménager, ce soir. Pour une fois, tâchez d'être un rien diplomate.

RIDLEY, fermement, en fusillant son collègue du regard.

Oui, Monsieur.

BUCHANAN, en levant discrètement les yeux au ciel.

Oui… Monsieur !

Ils s'assoient côte à côte. Ridley adresse un sourire à Scully. Elle lui répond. Buchanan se penche vers son collègue.

BUCHANAN, bas.

Culver, c'est le looser qu'on a trouvé en arrivant et qu'avait l'air d'avoir ravalé sa gerbe à la petite cuillère ? Il était pété de trouille ! (Il rit encore).

RIDLEY, sur le même ton.

Ca va, Buck ! Commence pas. Y'a déjà le futur gouverneur qui te mate méchamment.

BUCHANAN

Ouais, bon… (Il lisse son veston chiffonné).

SKINNER, se relevant avec un grand sourire.

Ah ! Voila le détective Culver !

Culver entre. Il est petit, malingre. Il vient saluer Skinner sans le regarder dans les yeux et s'assoit le plus discrètement possible.

BUCHANAN, gloussant.

V'là la flicaille !

Skinner le foudroie du regard. Tout le monde est maintenant assis autour de la table. Skinner se lève, s'éclaircit la gorge et commence.

SKINNER

Bien maintenant que nous sommes tous réunis, nous allons pouvoir commencer notre réunion ! (Il s'adresse à quelqu'un en dehors de la pièce) Veuillez fermer la porte ! Nous ne voulons pas être dérangés !

La porte se ferme.

SCENE 2

SKINNER, debout.

Tout d'abord, à nouveau, bonjour à tous. Nous sommes réunis ici aujourd'hui pour faire un point sur l'état du dossier « Amy Jones », dossier dont les pièces essentielles vous ont été communiquées dans les chemises face à vous, bien que vous en ayez probablement déjà connaissance pour la plupart d'entre vous. (Tous hochent la tête à l'exception de Scully qui continue à jeter un œil sur les documents en question). Je voudrais préalablement rappeler les faits avant que nous entamions la discussion. Et pour cela, je vais passer la parole aux agents Ridley et Buchanan qui ont mené l'enquête pour le compte du FBI. Ridley ?

Skinner se rassoit. Ridley se lève, jette un regard circulaire assuré sur l'assistance et commence d'une voix claire.

RIDLEY

Mesdames, Messieurs, bonsoir. Les faits sont les suivants. Le 10 mai dernier, alors que les agents Mulder et Scully – le Docteur Scully est ici présente (Il adresse un nouveau sourire à sa consœur) – étaient sur une affaire et venaient interroger un témoin potentiel chez elle, ils ont découvert le corps sans vie d'Amy Jones –…

BRADFORD, affalé et se curant négligemment les dents.

Quelle affaire ?

RIDLEY, se tournant vers Scully avec un regard ennuyé.

Euh…

SCULLY, fermement mais le rouge aux joues.

Une affaire non classée, Monsieur. Sans rapport avec le meurtre.

BUCHANAN, dans sa barbe, mais assez fort

pour que ses voisins l'entendent.

Ouais… Des petits hommes verts !

Regard noir de Scully. Ridley reprend rapidement la parole.

RIDLEY

Par chance pour nous, l'agent Scully est également Docteur en médecine légale et a pu pratiquer de premières observations très utiles immédiatement. Amy Jones a subi de terribles tortures plusieurs heures durant avant d'être achevée par décapitation. L'agent Scully a pu estimer l'heure de sa mort entre 22 heures et 23h30, mais le début de son supplice doit plutôt être situé autour de 20h00. Amy Jones vivait dans le district « des bas de soies » de l'Upper East Side, dans une maison de type colonial. La dernière personne a l'avoir vue en vie, comme l'a déterminée l'enquête est un avocat new-yorkais du nom de James Maddock. Il a quitté Mademoiselle Jones vers 19h30. Dans un premier temps, il a dissimulé cet entretien ce qui l'a d'emblée mis en position de suspect.

Bradford tousse et se redresse.

BRADFORD

Ouais. Enfin… Nous parlons tout de même d'un avocat respectable, père d'une famille de cinq enfants, membre du Lions Club, éminente figure de la politique locale et qui va au temple tous les dimanches.

RIDLEY, un peu étonné.

En effet. Ce qui n'interdit pas toutefois de poser la question de son implication dans cet évènement.

BRADFORD, agacé.

Posez la question si ça vous amuse ! Nous connaissons tous les réponses. Venons-en au noir !

RIDLEY, contrarié.

Soit. La veille, vers 18 heures, notre victime a été vue en compagnie d'un jeune afro-américain, baggy et sweat à capuche noir. Selon la voisine qui apporte ce témoignage, ils se disputaient. Elle affirme avoir entendu le jeune hurler « Sale pute, je vais te buter ! ». Elle a eu l'impression qu'il voulait la dévaliser. Et qu'elle ne se laissait pas faire. Cette voisine, Miranda O'Nell, atteste avoir vu à nouveau cette personne le lendemain vers 22h30.

Arol Mosley, notre jeune homme, a un conséquent casier judiciaire comme petit dealer de cocaïne. Or, (Il se tourne vers Hannigan) je suis désolé Monsieur, mais votre collaboratrice était manifestement une consommatrice régulière…

HANNIGAN, un peu triste.

Amy se donnait à fond dans son job. Je n'ai jamais vu quelqu'un s'investir avec une telle énergie pour moi. C'est la meilleure conseillère en communication que j'ai jamais eue. Et je ne suis pas prêt d'en retrouver une de cette qualité.

RIDLEY

Je comprends votre peine, Monsieur. En tous cas, pour en revenir à notre affaire. Nous sommes certains que Mosley était l'un des revendeurs de Mademoiselle Jones. Et s'il n'a pas avoué le meurtre, il a reconnu qu'il s'était en effet violemment heurté à la victime la veille de sa mort. Nous n'avons pas retrouvé l'arme de la décapitation, mais notre expert affirme avec certitude qu'il s'agit d'un sabre chinois. Or l'arme est très prisée par les gangs du Bronx qui y voient une certaine noblesse. Mosley fréquentait ces gangs. Il a pu en obtenir une très facilement et s'en débarrasser tout aussi facilement en la jetant dans l'East river.

FIELDING

Et les autres armes ? Où en êtes-vous ?

RIDLEY

Des armes par destination pour la plupart, Madame. Prises sur place : couteaux dans la cuisine, tenailles dans le garage, produits corrosifs domestiques, bouteilles de lait en verre, fer à repasser, râpe à fromage…

Silence lourd.

KOSSEF, la voix basse mais calme.

Un homme d'imagination…

RIDLEY, déglutissant.

Ouais, Docteur. Et suffisamment vicieux pour qu'on n'ait pas encore retrouvé de traces dans la maison… (Il serre les dents).

HANNIGAN, très posé.

Mais il y a cette femme, non ? Cette Madame O'Nell qui l'a vu vers 22h30 et qui l'a identifié formellement.

RIDLEY

En effet. Elle est formelle. Vous avez le procès-verbal de son audition dans le dossier.

SCULLY, bas.

Etonnant…RIDLEY

Je vous demande pardon, agent Scully. Vous disiez ?

SCULLY

Ce témoignage vous semble digne de confiance ?

BUCHANAN, sur un ton agressif.

C'est une vieille dame très gentille, qui a pris beaucoup de temps pour nous aider. Son témoignage est limpide. Je ne vois pas pourquoi elle ne serait pas digne de confiance !

RIDLEY, essayant de tempérer l'agressivité de son collègue.

Elle est formelle, agent Scully. Elle l'a parfaitement décrit et formellement identifié.

SCULLY, haussant les épaules.

Bien sûr puisqu'elle l'avait vu en plein jour la veille…BRADFORD

Dites donc, vous ! Ce sont les deux gars qui ont menés cette enquête. Restez faire votre cuisine avec vos gentils cadavres et laissez les hommes faire leur boulot. Chacun sa place, hein !

BUCHANAN, aux anges et dans sa barbe.

La reine de glace au frigo !

SCULLY, bouillonnant, mais tentant de se contenir.

(à Bradford) Monsieur, je suis agent spécial et je suis à ma place !

SKINNER, essayant de ménager la chèvre et le chou.

Personne ne remet en question le travail des agents Buchanan et Ridley. L'agent Scully est l'un de nos meilleurs éléments et essaye juste de comprendre. Nous sommes tous ici pour ça. Continuons, je vous prie. Personne ne souhaite que cette réunion s'éternise…

Une salve de coups sourds résonne tout d'un coup et tous sursautent.

SKINNER, se levant.

Qu'est-ce que -…

A nouveau, trois coups forts et distincts. Comme au théâtre. Ridley est toujours debout. Bradford se lève à son tour.

Tous se regardent, décontenancés et vaguement inquiets.

Une voix métallique s'élève dans la pièce, semblant venir du haut. Les participants se figent.

SCENE 3

LE MANIPULATEUR, d'une voix assurée et puissante.

Mesdames et messieurs, bonsoir ! Pour commencer, asseyez-vous en silence (Les trois hommes hésitent mais se rassoient). Parfait ! Et maintenant, vous allez m'écouter très attentivement : voici quelles vont être les règles à respecter dans les prochaines heures si vous tenez… à rester en vie ! (Helen Granger pousse un petit cri). Respectez-les et dans deux heures, tout ceci ne sera qu'un mauvais souvenir. Ignorez-les… et vous sauterez dans un somptueux feu d'artifice qui embrasera tout le reste du bâtiment Hoover. Les charges explosives sont placées, inatteignables dans le court laps de temps qu'il vous reste et je peux les déclencher à distance à la seconde où l'envie m'en prends. Par exemple à la seconde où je constaterais une activité anormale dans ce bâtiment si d'aventure, certains de vos collègues tentaient de désamorcer ces bombes avant l'échéance ultime. Par ailleurs, vous êtes actuellement enfermés dans cette pièce et seul un de mes complices à l'extérieur peut vous ouvrir. Suis-je clair, jusque là ?

Personne ne répond.

LE MANIPULATEUR, avec un petit rire satisfait.

Silence vaut acceptation. Continuons ! Vous êtes tous là ici car vous avez suivi le dossier « Amy Jones ». (voix grinçante) Et ce dossier m'intéresse au plus haut point. Nous allons faire gagner du temps à la justice de notre bien-aimé pays. Nous allons nous épargner de recourir aux services d'un jury populaire malléable et peu averti et nous en remettre à l'avis de professionnels : Vous ! A compter de cet instant, VOUS êtes le jury chargé de prononcer la sentence dans ce dossier. Qui a martyrisé et tué cette femme ? Arol Mosley ou James Maddock ? Vous avez deux heures et toutes les pièces de l'instruction dans le carton près de l'entrée. Dans deux heures au plus tard, vous aurez voté. Tous. A l'unanimité. L'un de ces deux hommes est coupable et doit mourir. A la seconde où vous l'aurez adoptée, la sentence sera applicable et l'assassin sera exécuté.

Si vous ne me livrez pas un nom dans les deux heures, ou si vous n'obtenez pas une unanimité, on ne retrouvera dans cette salle que dix cadavres. Non d'ailleurs, plutôt des milliers de morceaux de cadavres. Sans parler des dommages collatéraux… Mais personne ne souhaite cela, bien entendu. Je ne doute donc pas que vous saurez faire ce qu'il y a à faire.

Sous la table, à la place du Directeur Skinner, il y a un boitier -…

Skinner se penche.

SKINNER

Je le vois…

LE MANIPULATEUR

Si vous avez besoin de quoi que ce soit… je veux dire autre que votre liberté pendant ces deux heures (Il rit), sonnez ! Je répondrais ! Comme les gentilles infirmières dans les hôpitaux. Mais prenez garde à ce que l'infirmière ne devienne pas votre bourreau… (Voix guillerette) A très bientôt !

Un grésillement. La communication s'arrête.

Le silence est terrible. Helen Granger sanglote dans son coin. Tim Culver tremble violemment. Jeff Buchanan regarde tout le monde comme s'il attendait confirmation que tout ceci est une blague. Keth Ridley se cache le visage dans ses mains. Katherine Kossef, Jessica Fielding et Walter Skinner semblent tétanisés. Dave Hannigan se lève, sort un cigare de sa veste et se dirige vers une des fenêtres, dans ses pensées. Scully se lève à son tour et commence à faire le tour de la pièce à la recherche de charges.

Bradford regarde l'assemblée, bouche ouverte.

BRADFORD

C'est quoi ce délire ? !

HANNIGAN, réfléchissant tout haut.

On pourrait faire évacuer le bâtiment et sortir par la fenêtre…

SKINNER

On est au 8ème étage, Monsieur.

HANNIGAN

Les pompiers ont des échelles pour ça.

BRADFORD, se levant vivement et se ruant vers la porte.

Hey ! Ca va les conneries ! On va sortir et c'est tout ! C'est du bluff !

Il s'acharne contre la poignée. Les autres le regardent faire avec gêne. Ils ont compris que ce n'était pas une plaisanterie. Un coup de feu éclate en dehors de la pièce et une voix crie.

LE COMPLICE

Il n'était pas clair le message ? Interdiction de sortir !

HANNIGAN

J'ai mon portable. J'appelle les pompiers.

CULVER, en sueur et précipitamment.

Non, non ! Vous avez entendu les règles. Si on les respecte pas, on saute. A la seconde où il verra le camion de pompiers, il va nous faire exploser !

GRANGER, pleurant.

(à Hannigan) Il a raison, Monsieur ! Je vous en prie ! Ne faites pas ça ! Je ne veux pas mourir !

SKINNER

Pardonnez-moi, mais je suis d'accord avec eux. Il n'a pas monté tout ça pour qu'une simple échelle de pompier nous permette de nous en sortir.

Scully disparaît un instant dans les toilettes. Jessica Fielding se lève et va poser sa main sur l'épaule de Dave Hannigan.

FIELDING

Ils ont raison, Dave. Venez vous rasseoir. De toute façon, vous n'avez plus votre portable.

HANNIGAN, se frappant le front.

Bon sang ! J'avais oublié !

SKINNER, désolé.

Ce sont les consignes dans les réunions de ce genre. Nous ne pouvons pas risquer les fuites…

RIDLEY, avec espoir.

Quelqu'un a gardé de quoi communiquer avec l'extérieur ?

Ils baissent tous la tête. Scully revient.

FIELDING

Que fait-on alors ? Agent Scully ? Vous avez trouvé quelque chose ?

SCULLY, soupirant et se rasseyant, préoccupée.

Rien. Il fallait s'y attendre.

BRADFORD

Attendez, là ! Vous pensez tous qu'il est sérieux ? !

Personne ne lui répond. Il desserre sa cravate avec brusquerie. Il transpire. Finalement, Kossef se tourne vers lui.

KOSSEF, posée.

A sa façon de s'exprimer. A l'absence apparente de scrupule et à la maitrise des émotions que l'on devine au travers du ton de sa voix. A la présence d'un complice à l'extérieur et à l'organisation que cela suppose. Je dirais : Oui. Il est sérieux.

BRADFORD, frappant avec rage la table.

Putain ! SKINNER

Il est 18h10 exactement. (Un temps) Que voulez-vous faire ?

Ils se regardent en chien de faïence.

CULVER, très bas.

Faut faire ce qu'il dit.

SKINNER

Détective Culver ? Que dites-vous ?

CULVER, plus fort, il est très nerveux.

Je dis : Faut faire ce qu'il dit. Faut être le jury et voter qui est coupable.

BUCHANAN

Ouais. Moi, j'suis d'accord. On peut sortir comme des fleurs dans dix minutes si on veut. On n'a qu'à faire ce qu'il demande, ce malade. De toute façon, on était là pour ça !

SCULLY

Nous n'étions pas là pour prononcer une sentence. C'est le rôle d'un jury d'assises.

BUCHANAN, avec humeur.

Ben maintenant, c'est nous le jury. Je vois pas ce que ça change.

SCULLY

Ca change que l'enquête n'est pas terminée…

BUCHANAN, se lève en criant.

Hey, Scully ! L'enquête, c'est Ridley et moi qui l'avons menée et j'te le dis : elle est propre et terminée. Pas vrai, Ridley ?

RIDLEY, sombre.

Il reste deux, trois choses à confirmer, mais pour ma part, je considère en effet qu'on sait ce qu'il y a à savoir.

BUCHANAN, triomphant et se rasseyant.

Voilà ! Alors, arrête d'enculer les mouches et restes-en à tes extra-terrestres, fantômes et autres ectoplasmes. On peut parfaitement trancher.

SCULLY, le regardant droit dans les yeux.

Vraiment ? ! Sans avocat pour les défendre ? Vous avez une lecture toute personnelle de notre constitution !

Silence gêné.

FIELDING, sur un ton déterminé mais doux.

Reconnaissons que les faits semblent plutôt clairs. L'un d'entre vous a-t-il des doutes sérieux quant au coupable ?

Scully lève immédiatement la main. Les autres ne bougent pas. Kossef regarde intensément Scully, mais finalement baisse la tête.

BRADFORD

Vous voyez ? ! Elle est toute seule. Dès le début, j'ai senti qu'elle ne venait que pour foutre sa merde !

Buchanan approuve en secouant énergiquement la tête.

SKINNER (grondant)

Bradford ! Vous êtes ici chez moi et vous êtes prié de vous adresser correctement à mes agents !

BRADFORD, ricanant.

Chez vous ? ! Skinner, vous z'avez pas pigé ? ! On est chez LUI, maintenant ! Alors, on suit ses règles, on lui donne le nom et on se casse !

HANNIGAN

J'ai une proposition. (Sa voix est calme. Tout le monde se tait et l'écoute). L'agent Scully a raison : il doit y avoir une défense. (à Scully) Acceptez-vous de tenir ce rôle ?

SCULLY

Je n'accepte pas le préalable qui voudrait qu'on désigne un homme à abattre.

HANNIGAN

Non, non… Pour le moment, on ne livre personne. On discute de l'affaire.

SCULLY

Sauf votre respect, Monsieur, ce n'est pas une discussion gratuite. Vous le savez bien.

HANNIGAN

Docteur Scully, vos scrupules sont tout à votre honneur. Mais que préférez-vous ? Que les débats se fassent avec ou sans vous ?

Elle ne répond pas et croise les bras.

HANNIGAN

(à Fielding) Jessica. Vous êtes la représentante de la justice dans cette pièce. Est-ce que cela vous semble équilibré ?

FIELDING

Je suis sûre que l'agent Scully saura nous aider à former une opinion juste.

HANNIGAN, gravement.

Alors, c'est parfait. Reprenons dès le départ. Qu'avons-nous contre James Maddock ?

L'atmosphère semble se détendre un peu. Sauf Scully qui garde les bras croisés et la mâchoire serrée.

GRANGER, elle essuie une larme sur sa joue, se lève et saisit la carafe.

Quelqu'un veut boire ?

Les autres lui sourient, reconnaissants, et tendent leurs verres les uns après les autres. Bradford se redresse.

BRADFORD, tonnant.

On n'a rien contre Maddock ! Il est parfait ce type ! Soyons sérieux ! (Il s'agite et se tourne vers Skinner). Bordel, vous n'avez que de la flotte ici ?

RIDLEY

Ce n'est pas tout à fait exact. C'est le dernier à avoir vu la victime et il nous a caché cela dans un premier temps. On a retrouvé ses empreintes sur un verre sorti sur la table basse. Et ce n'est que confronté à ces preuves qu'il a finalement admis avoir passé un moment avec Amy Jones juste avant sa mort. Ils souhaitaient discuter alliances pour les prochaines élections.

HANNIGAN

Rien de grave ! La tambouille électorale habituelle… Pas de quoi fouetter un chat.

BRADFORD

Voilà ! Les choses sont claires. Ce mec est blanc comme neige. Pas le cas de l'autre, hein ? (Il rit grassement. Scully se lève, exaspérée, et va à la fenêtre en leur tournant le dos).

FIELDING

Agent Scully ? Vous voulez dire quelque chose pour défendre Maddock ?

SCULLY, toujours le dos tourné.

Il n'y a rien à dire. Son dossier est vide. On ne condamne personne pour avoir bu un verre avec une victime.

BRADFORD

Mais c'est bien mieux ! Vous retrouvez la raison, ma p'tite dame ! Trinquons à la pisse claire ! (Il regarde son verre d'eau d'un air dégouté).

SCULLY, se tournant vers Bradford.

C'est ce que vous vouliez entendre, Monsieur ? Dites-moi, au fait, votre présence ici… Elle n'aurait rien à voir avec James Maddock par le plus grand des hasards ? !

BRADFORD, virant au rouge.

Mais enfin ! -…

SCULLY, s'approchant.

Qui est-ce pour vous ? Un agent dormant ? Un informateur ? Un des avocats officieux de l'Agence ? !

SKINNER, inquiet.

Scully…

BRADFORD, se levant et éructant.

Agent Scully !

SCULLY, se plantant face à Bradford.

Vous croyez que nous n'avons pas vu votre petit jeu depuis tout à l'heure ? La CIA n'a rien à faire dans cette pièce -…

BRADFORD, ricanant.

Ah ça, je me verrais bien ailleurs !

SCULLY, continuant.

… Vous n'êtes là que pour lui.

BRADFORD

N'importe quoi !

SCULLY

Je vous récuse ! Pour parti pris ! (à Fielding) J'en ai le droit, non ?

FIELDING, très gênée.

En temps normal, en effet. Mais là…

GRANGER, timidement.

Il a dit que tout le monde devait voter, Docteur Scully…

SCULLY, ironique.

Parfait ! Voilà qui s'annonce on ne peut plus équitable !

BUCHANAN

C'est bon, Scully ! Tu reconnais toi-même qu'on ne peut pas le condamner. C'est l'autre, c'est tout !

SCULLY

Qui a dit que ce devait être l'un ou l'autre ?

BUCHANAN, se levant à son tour.

Ils ne sont que deux !

SCULLY

Peut-être auriez-vous du chercher plus loin !

BUCHANAN, s'approchant d'elle.

Putain, elle recommence !

SKINNER et RIDLEY, ensemble.

Buck !

SCULLY, elle toise Buchanan.

Et pour cause ! Vous n'avez pas encore lancé la recherche sur les autres empreintes que vous avez trouvées ! C'est pas un peu léger, ça ?

CULVER

Madame… (Scully ne l'entend pas tout à son affrontement visuel avec Buchanan). Madame (Il a parlé plus fort. Elle se tourne vers lui). Le mec qui commande… (Elle fronce les sourcils). Il a dit que c'était soit l'un, soit l'autre.

BUCHANAN et BRADFORD, ensemble.

Voilà !

SCULLY

Et qu'en sait-il, je vous prie, « le mec-qui-commande » ? Vous ne trouvez pas ça suspect ?

FIELDING

Agent Scully, les preuves contre Mosley sont lourdes, tout de même…

SCULLY

Il n'y a aucune preuve, Madame. Que des présomptions.

HANNIGAN

OK. On se calme. Tout le monde se rassoit. (Ils s'exécutent lentement). Examinons le cas d'Arol Mosley, dans ce cas.

Buchanan se rassoit. Ridley se penche vers lui.

RIDLEY, en aparté, à Buchanan.

T'es un vrai con quand tu t'y mets !

BUCHANAN, sur le même ton.

Elle me file des boutons avec ses grands airs…

RIDLEY, sur le même ton.

Me prends pas pour l'idiot de service, tu veux ? T'as toujours pas digéré qu'elle t'ait envoyé bouler en première année, à Quantico.

BUCHANAN, grimaçant.

OK. Je l'ai pas sauté. Et tu sais quoi ? Je m'en fous ! Mais toi ? T'as même pas eu les couilles d'essayer alors que tu bavais devant elle !

RIDLEY, sombre.

C'est bon !

BUCHANAN, le houspillant.

Et là, tu vas faire quoi, dis ? Le chevalier servant ? ! La lopette de service qui va s'écraser devant sa reine glacée ? ! Pauvre pomme ! Elle est maquée avec l'autre martien !

RIDLEY

J'en suis pas si sûr…

SKINNER

Messieurs ! C'est pas bientôt fini vos messes basses ? Reprenons. Pourquoi Mosley pourrait-il être notre coupable ?...

SCENE 4

RIDLEY

D'abord, Mosley a un mobile et il en convient. Amy Jones lui devait de l'argent et pratiquait un semi-chantage en exigeant des délais de paiement. Il prétend qu'elle le menaçait de le balancer s'il n'acceptait pas, et qu'elle était en position de force de par son poste…

HANNIGAN, sombre.

Si vous voulez mon avis, c'est plutôt lui qui voulait la faire chanter en révélant sa consommation à la presse. Je ne suis absolument pas convaincu par le discours de ce jeune homme. Je crois qu'il était bien plus en position de force qu'elle… Et Amy ne manquait pas d'argent. Elle était très bien payée et je parie qu'elle n'avait pas de dettes.

KOSSEF

La cocaïne coûte très cher, Monsieur. Et les consommateurs réguliers multiplient les prises dans la journée…

HANNIGAN

Je ne pense pas qu'Amy se droguait tant que ça. Je l'aurais remarqué, il me semble.

SCULLY

Lors de mon autopsie, j'ai pu relever une nécrose des parois nasales typique des usagers sniffant régulièrement de la cocaïne ainsi qu'un taux extrêmement élevé de benzolecgonine dans son foie -…

BUCHANAN, grommelant.

Benzo-quoi ? Tu veux nous embrouiller avec tes termes scientifiques, hein ?

KOSSEF, elle se tourne vers Scully.

Si vous permettez…

SCULLY, soupirant.

Je vous en prie, allez-y.

KOSSEF, à Buchanan.

La benzolecgonine est le principal métabolite de la cocaïne. En d'autres termes, dans le foie, la cocaïne se transforme en benzolecgonine. Celle-ci est ensuite évacuée par l'urine. Sa présence est un élément déterminant dans l'évaluation du niveau de toxicomanie d'un sujet.

SCULLY

Exactement. Par ailleurs, on peut exclure l'hypothèse d'un traitement à l'Esterom qui provoque une réaction similaire de l'organisme. J'ai consulté son dossier médical : Amy Jones ne souffrait pas de douleurs musculaires. Donc, pour être claire et parler un langage que tout le monde ici pourra comprendre (regard noir vers Buchanan), Amy Jones était cocaïnomane et il ne fait aucun doute que sa consommation importante était de nature à lui créer des problèmes d'argent.

BRADFORD, agacé.

D'accord, d'accord… mais on n'est pas là pour faire le procès de la victime, hein -…

SCULLY, indignée.

Je ne lui fais en aucun cas un procès. J'apporte juste des éléments qui confortent, contrairement à ce que vous prétendez, le discours de Mosley ! Et vous savez quoi ? Tant mieux pour elle qu'elle ait sniffé ce soir là encore, elle aura peut-être un peu moins souffert !

Silence.

BRADFORD

Ouais. En tous cas, si elle a refusé de payer et a voulu le dénoncer aux flics, on comprend mieux pourquoi il s'est plus particulièrement occupé de sa petite personne ! Ca peut énerver ce genre de choses…

FIELDING

C'est vrai, agent Scully. Mosley a un mobile en or.

SCULLY

Je regrette, mais il me semble que dans le métier qu'elle exerçait, elle pouvait avoir d'autres ennemis qui auraient pu souhaiter lui faire du mal. Monsieur Hannigan, vous n'avez pas le moindre ennemi ?

HANNIGAN

J'ai des adversaires, agent Scully. Et Amy en avait aussi. Mais aucun de nous n'a suscité des réactions telles qu'elles expliqueraient les horreurs qu'on lui a fait subir. (Un temps) Cette… décapitation est monstrueuse.

KOSSEF

Elle est aussi très intéressante…

Les autres se tournent vers elle, choqués sauf Scully. Kossef les regarde et explique.

KOSSEF

Je veux dire par là qu'elle est hautement symbolique et que les motivations qui poussent à ce genre de mutilation ne sont pas anodines.

BUCHANAN

Ouais. Et il avait l'arme qui convient, je vous signale.

SCULLY

Ca n'a pas été prouvé.

RIDLEY

Par ici, ces sabres ne sont utilisés que par les gangs du Bronx que Mosley fréquentait. Je suis désolé, agent Scully, mais c'est un crime signé.

SCULLY

Soit ! Signé par les gangs. Mais qui vous dit que parmi les centaines d'individus faisant partie de ces groupes ou les connaissant, il faudrait que ce soit Mosley en particulier.

BRADFORD, criant.

Parce qu'il avait le mobile, putain ! Parce que la vieille l'a vu -…

SCULLY

De nuit…

BRADFORD

Parce qu'il a menacé de la tuer et que même lui, il le reconnaît !

SCULLY, obstinément.

De la menace à l'exécution, il y a un monde. Peut-être fait-il seulement partie de ces jeunes qui disent ça un peu trop facilement.

BRADFORD, se levant fou de rage.

Vous êtes prête à lui trouver toutes les excuses, hein ? Dites, Scul-ly, (provocateur) ce sont les blacks qui vous excitent ?

SKINNER

Bradford !

BRADFORD, levant la main avec un sourire moqueur.

C'est bon ! Je retire ! (Il fait le tour de la table, vient se placer derrière Scully qui ne bouge pas et reste dents serrées. Et il susurre à son oreille). Moi, je dis que quand on gueule à quelqu'un qu'on va le buter, c'est qu'on est prêt à le faire !

SCULLY

Ca n'engage que vous.

BRADFORD, il va se rasseoir.

Ce petit con est coupable !

SCULLY

Peut-être… (Ils se retournent tous vers elle, stupéfaits). Ou peut-être pas.

BRADFORD

Vous nous faites chier avec vos tergiversations de bonne femme.

SCULLY

Alors je vous fais chier avec ce que la justice américaine appelle « le doute légitime »…

BRADFORD, râlant.

C'est ça. Faites-vous péter un peu avec vos grands mots !

HANNIGAN, à Bradford.

Monsieur le Directeur, nous vous saurions gré de bien vouloir cesser d'injurier ainsi l'agent Scully (tous approuvent vivement sauf Culver et Buchanan). Nous débattons. Il doit y avoir moyen de faire cela dans le respect de chacun.

Jessica Fielding adresse un signe de tête approbateur à Dave Hannigan. Bradford maugrée dans sa barbe. Elle enchaîne.

FIELDING

L'agent Scully a raison. Le doute légitime est bien ce qui doit conduire un jury. La question est : avons-nous nous aussi un doute légitime ? Sincèrement, à titre personnel, je n'en ai pas. Je suis convaincue que c'est bien lui le coupable. (Un temps).

RIDLEY

Désolé Scully. Je n'ai pas de doute non plus. On a le mobile, le témoin. On sait qu'il avait accès à l'arme du crime. Il n'a pas d'alibi…

SCULLY

Evidemment qu'il n'a pas d'alibi. Il vous a dit qu'il était à l'autre bout de la ville en plein trafic de drogue. Comment voulez-vous qu'il le prouve ? Vous croyez sérieusement qu'un de ses petits copains va venir gentiment vous trouver pour vous dire qu'il dealait avec le potentiel coupable d'un meurtre atroce. Soyons sérieux ! Les alibis propres et nets ne sont pas toujours les plus fiables, vous le savez Ridley.

RIDLEY

En effet, je le sais. Mais ce qu'on a contre lui me suffit déjà. (Il soupire) Ecoutez, Dana (elle tique), vous avez vu ce qu'il lui a fait… Je ne donnerai pas ma vie pour celle d'un salaud pareil. (Il serre les dents) Je crois même que si je l'avais en face de moi, je pourrais le tuer de mes propres mains. (Il tremble un peu, elle se tait).

BUCHANAN, après un silence, les yeux baissés.

(à Scully) Pourtant s'il y a quelqu'un ici qui devrait comprendre ça, c'est bien toi…

SCULLY, surprise, les sourcils froncés.

Pourquoi moi en particulier ?

BUCHANAN, de plus en plus fuyant.

C'est bon. Tu sais bien…

SCULLY, avec une sourde angoisse.

Non, je ne sais pas. Vous pourriez peut-être préciser votre pensée, agent Buchanan ?

Il ne répond pas. Skinner et Ridley semblent fuyants également. Kossef et Fielding ont le regard grave. Les autres les regardent sans comprendre. Dave Hannigan se tourne vers Jessica Fielding avec une demande muette. Fielding ne quitte pas Scully des yeux.

FIELDING, très doucement.

Agent Scully, je crois que ce que l'agent (regard noir à l'intéressé) Buchanan veut dire, c'est que, malheureusement, votre histoire vous précède…

SCULLY, très bas.

Mon histoire... Quelle histoire ?

FIELDING, se penchant un peu par-dessus la table.

Votre enlèvement… (Hannigan, Culver, Granger et Bradford regardent les deux femmes avec stupéfaction). Je sais ce que vous allez dire : vous n'en avez jamais fait l'étalage et apparemment, vous n'en avez parlé à personne ou presque (Scully jette un œil à Kossef qui lui sourit gravement comme pour la soutenir). Du coup, on n'a jamais vraiment su ce qui s'était passé et… vous savez bien… (Un temps). Les gens font des suppositions…

Silence glaçant.

SCULLY, estomaquée. Elle se lève et désigne Ridley et Buchanan.

(à Fielding) Ils pensent que j'ai été violée ? (Silence. Elle reprend plus fort, la voix plus aiguë). C'est ça ? Ils pensent que j'ai été violée ? (Sa voix se brise).

FIELDING, très doucement toujours.

Ce n'est pas le cas ?

SCULLY, retenant des larmes de honte ? De rage ?

Et si ça l'était ? Ca changerait quelque chose ? Dites-moi !

FIELDING, désolée.

Agent Scully…

SCULLY, tachant de se contenir et plus calmement.

Non. Dites-moi. Ca m'intéresse ! Serais-je moins professionnelle si j'avais été violée ?

Tous les participants sont pétrifiés. La tension est maximale. L'angoisse palpable.

RIDLEY, doucement.

Certainement pas. Mais vous ne devriez pas défendre des hommes qui font cela aux femmes. (Scully ne dit rien et se rassoit).

KOSSEF, calmement mais avec un infime tremblement des lèvres.

Ce n'est pas parce qu'une femme a été violée qu'elle se laisse dicter son comportement par un désir de vengeance aveugle.

SCULLY, soufflant.

Merci, Docteur.

KOSSEF, bas.

Je vous en prie.

BUCHANAN, ricanant pour relâcher la pression.

Ouais, en même temps, parmi les hommes qui font ça aux femmes, y'en a qu'on comprend. Y'a quand même de belles salopes !

Tous les membres de l'assemblée le fusillent du regard excepté Bradford qui glousse et Culver, trop occupé à se ronger les ongles.

BUCHANAN, furieux et très nerveux.

C'est bon ! Ca va ! Je plaisante, hein ! (bas) Putain, on n'a même plus le droit de se détendre un peu ! (Il se lève et va à la fenêtre. Les autres se taisent toujours. Le silence devient oppressant.) Bon, on va passer à autre chose, parce que là, moi, ça commence à me les briser menues vos conneries. On est là pour voter, non ? On a bien discuté… On a coupé les cheveux en quatre, en huit, en seize et en trente-deux ! Maintenant, ça suffit ! On vote ! On balance le black ! Et on sort de là ! Moi, j'ai un pot avec des potes ce soir et je ne veux pas rester une minute de plus dans ce merdier, c'est clair ?

Les autres se regardent.

HANNIGAN, à la ronde.

On passe au vote alors ? (La plupart hochent la tête). Bien. (Il souffle. Un temps). Vous lèverez votre main. Qui parmi vous pense qu'Arol Mosley est coupable d'assassinat et actes de barbarie sur la personne d'Amy Jones ?

Buchanan, Bradford et Culver lèvent immédiatement la main. Puis Ridley, Fielding, Hannigan, Granger et Skinner (qui adresse un signe de tête désolé à Scully).

HANNIGAN

Docteur Kossef ?

Elle hésite. Et finalement lève aussi la main. Hannigan souffle, soulagé. Et se tourne vers Scully.

HANNIGAN, dans un souffle.

Docteur Scully ?

Elle le regarde, croise ses bras et après un silence interminable :

SCULLY

Non coupable !

BRADFORD, se lève et se rue sur elle.

Je vais la tuer !

Rideau.