Disclaimer: l'univers d'Harry Potter est la création de JKR.

Remerciements à Clochett, Marauder's Mad & Picadilly qui ont accepté de bêtalecter cette fic et sans lesquelles je n'aurais pas osé me lancer.

Note de l'auteur:

Il est sans doute suicidaire de vous prévenir, mais cette fic a pour héros des personnages secondaires, voire carrément délaissés. Autant vous éviter la déception dès maintenant: le Golden Trio ne sera pas du voyage.

Cette histoire peut être considérée comme un univers alternatif qui débute vers la fin du tome 6, mais elle contiendra d'importants spoilers du tome 7. Elle comportera des scènes assez sombres, même si le rating reste T.

Si cette note ne vous a pas découragés, je vous souhaite une bonne lecture...et vous rappelle que les commentaires sont plus que bienvenus!


Prologue


Boum, boum, boum.

Les battements assourdissants de son cœur se précipitèrent. En vain, elle tenta de les maîtriser ; elle demeurait étrangère à la liesse environnante.

Ils célébraient la chute d'une légende, piétinant sans relâche la mémoire du sorcier qu'hier encore ils redoutaient. Leur joie sauvage avait éclaté sans retenue après que Severus Snape, prosterné devant le Seigneur des Ténèbres, eût déclaré d'une voix égale :

« Maître, selon vos ordres, Albus Dumbledore a péri de ma main. »

Severus avait accompli la mission fatale dévolue à son fils ; Draco vivrait. Le pire était passé.

Pourtant, Narcissa Malfoy ne parvenait pas à se défaire de la terreur insidieuse qui l'oppressait. Le silence prolongé du Seigneur des Ténèbres l'alarmait. Il aurait dû férocement exulter à l'annonce de la mort de son ennemi, il aurait dû s'emparer de la baguette que Severus avait déposée en trophée à ses pieds pour s'en proclamer le nouveau propriétaire.

Mais ce silence… Narcissa n'entendait que lui, au milieu des exclamations et des rires gras des autres Mangemorts. Le temps s'altérait, les minutes ralentissaient, et elle comprit soudain que leur destin à tous se jouerait sur trois secondes de silence. Trois secondes de trop.

Tel un oiseau fasciné par un cobra, Narcissa resta figée à observer la parabole gracieuse que décrivit la baguette de Dumbledore avant de se poser dans la paume du Seigneur des Ténèbres. Elle ne sortit pas davantage de sa transe quand l'éclair vert frappa Severus de plein fouet.

« Severus était un serviteur exemplaire, mais la baguette de Dumbledore ne peut avoir qu'un seul maître. »

L'épitaphe de Severus par son meurtrier jeta un froid dans la pièce.

« Plus rien ne m'arrêtera à présent. Mon règne peut enfin commencer. »

Tous s'inclinèrent.

« Jeune Malfoy, tu retourneras à Poudlard. Rodolphus, tu montreras à ton neveu comment se débarrasser proprement de ses anciens camarades Sangs-de-Bourbe. Greyback occupera les Aurors au même moment. »

Le loup-garou étira ses lèvres en un sourire qui révéla ses dents jaunes et pointues. Il referma la mâchoire d'un coup sec, et Narcissa sut qu'il aiguisait ses canines.

« Qu'ils comprennent mon message : leurs enfants ne sont plus hors de notre portée ».

Sa façade parfaitement composée ne s'était pas fissurée une seule fois. Cependant, alors qu'elle jetait un dernier regard au corps de Severus, et qu'elle songea à son fils désormais dépourvu de protecteur, Narcissa entendit repartir de plus belle : boum, boum, boum.

Grondant belliqueusement, tels des coups de canon tirés au loin.


Tic, tac, tic.

Etendue sur le ventre, joue contre l'herbe, avant-bras repliés en un angle bizarre et bracelet-montre au poignet, elle écoutait la valse de la trotteuse.

Une valse à trois temps, irrégulière et illogique. Rien à voir avec le rituel immuable et apaisant du balancier d'une pendule : tic-tac, tic-tac…se répétant à l'infini, jusqu'à ce que l'on stoppe leur routine, par respect pour un mort.

Une valse à trois temps. Un temps pour vivre, un temps pour mourir, et…

Elle ne se souvenait plus du troisième. Lorsque l'on était vivante et que l'on se sentait déjà un peu morte, à quoi consacrait-on ce troisième temps ?

Tout près de son oreille, la valse de la petite trotteuse d'ordinaire si discrète prenait de l'amplitude, crevant le silence qui s'était abattu sur la pelouse de Poudlard par une chaude journée de juin, quelques jours avant les vacances.

La valse continuait, impertinente, refusant de s'arrêter. En dépit de la mauvaise conscience que ce sentiment lui donnait, Mandy Brocklehurst lui en savait gré.

La mélopée sans notes qui émanait des cadavres lui brisait les tympans.

Le rythme de la trotteuse la transportait dans un monde intermédiaire, des limbes en suspension.

Tic, tac, tic.


Vanille, chocolat, citron.

La chance lui avait souri : dans les bacs déjà sérieusement entamés du marchand de glaces moldu, ses trois parfums préférés étaient restés en quantité suffisante.

Le jeune garçon entreprit de lécher avec enthousiasme non feint les boules colorées dépassant du cornet gaufré. Il aimait se promener sans but aux alentours de Charings Cross, s'aventurer à la lisière du monde moldu, et que ce soit dans les boutiques de l'un ou l'autre monde, dépenser ses maigres économies pour un dinosaure en plastique ou des Chocogrenouilles.

C'était une belle journée d'été, ensoleillée, et bientôt sa sœur préférée rentrerait de Poudlard, l'école dans laquelle il effectuerait sa première rentrée, en septembre prochain. Il avait hâte de faire ses emplettes dans les échoppes du Chemin de Traverse, d'avoir sa baguette à lui, et son hibou, petit et d'un blanc de neige, comme celui que sa sœur et lui avaient vu en septembre dernier, enfermé dans une cage étroite, avec de grands yeux tristes. Il s'était promis de le libérer, s'il tenait jusqu'en septembre prochain, et si Père le permettait, bien sûr.

Alors qu'il alternait consciencieusement la dégustation des cônes de vanille et de chocolat, il s'aperçut avec horreur que la glace au citron dégoulinait. Il s'empressa de rattraper sa négligence, quand il entendit un hurlement au loin.

Puis d'autres hurlements, plus rapprochés. Il leva les yeux, le temps d'apercevoir une forme aux contours flous et massifs qui se jeta sur lui.

Son cornet tomba à la renverse.

Les boules fondirent au soleil.

Vanille, chocolat, citron.

Les trois cônes s'unirent en une mare tricolore.

La petite flaque prit une teinte fraise. Ou cassis, au choix.


Un, deux, trois.

Un, deux, trois…, répéta Madame Pomfresh. Le chiffre « quatre » restait étouffé dans sa gorge.

Sur les lits de l'infirmerie, les corps des étudiants qui avaient pris le frais sur la pelouse de Poudlard. Tous recouverts d'un drap blanc.

L'infirmière s'approcha du quatrième, découvrant Colin Creevey. Elle voulut retirer de ses mains rigides l'appareil photo qu'il avait serré contre lui jusque dans le trépas, mais dut s'y reprendre à plusieurs fois. Il était coriace, refusant d'abandonner son trésor.

Madame Pomfresh ferma ensuite les paupières du garçon, puis refit ses comptes, recommençant depuis le début. Les additions attendraient.

Un, deux, trois…


Un, deux, trois pas. Virer à droite.

Un, deux, trois pas. Virer à gauche.

Indifférent aux soupirs courroucés de Dean Thomas et Seamus Finnigan auxquels il donnait le tournis, Neville Londubat reprit sa marche sans but dans la salle commune des Gryffondor. La pièce avait perdu sa chaleur habituelle, désertée par Harry Potter, Ron Weasley et Hermione Granger le lendemain de la mort de Dumbledore, sans doute pour accomplir une mission cruciale dans la chute de Vous-Savez-Qui. Parvati Patil et sa sœur Padma avaient été pratiquement rapatriées par leurs parents, dont on pouvait comprendre l'inquiétude à l'assassinat du directeur de l'école de leur progéniture. Quant à Lavande et Ginny, elles s'étaient réfugiées dans le dortoir des filles.

Dans toutes les salles communes, excepté celle des Serpentards, tous rentrés chez eux avant même la mort de Dumbledore, les rumeurs circulaient. On disait que parmi les élèves ayant choisi de passer leur dernier jour d'école sur la pelouse de Poudlard, aucun n'avait survécu à l'attaque inopinée d'une poignée de Mangemorts. Il ne s'était écoulé que quelques minutes entre le début de l'attaque et l'arrivée des Aurors, mais ce laps de temps avait suffi à provoquer un carnage.

Colin Creevey, Su Li, Kevin Entwhistle, Anthony Goldstein, Terry Boot, Hannah Abbot, Eloïse Midgen, Jimmy Peakes, figuraient sur la liste temporaire des victimes, liste qui promettait de s'allonger. Il avait été si tentant de se reposer au bord du lac par ce doux soleil…

« Les Aurors étaient censés protéger l'école après la mort de Dumbledore ! Pourquoi n'ont-ils pas réagi plus tôt ! » explosa soudain Seamus.

Dean ne répondit pas. Arrivé au niveau de la cheminée éteinte, Neville s'arrêta net, puis fit marche arrière, direction la porte. Personne dans les couloirs, à l'exception d'Ernie MacMillan, l'air malheureux, qui salua machinalement Neville avant de retourner dans sa salle commune, porteur de mauvaises nouvelles. Les Poufsouffles étaient réputés pour leur amour de la nature et des activités de plein air.

Arrivé dans un couloir désert, il réitéra par trois fois son manège des trois pas.

La salle sur demande l'accueillit.


Une marche, deux marches, trois marches.

Megan Jones avait pleinement conscience du ridicule de la situation. Des camarades de classe étaient morts de mort violente, tous les élèves se réunissaient en conseil extraordinaire dans leurs salles communes respectives, et elle, assise devant l'entrée de la pièce des Poufsouffles, comptait le nombre de marches du Grand escalier. Ce qu'elle faisait consciencieusement, de mémoire, puisqu'elle ne l'avait pas sous les yeux à l'heure actuelle.

Les détails triviaux l'empêchaient de trop penser, ce qui était une bonne chose. Megan le reconnaissait elle-même, il ne fallait pas grand-chose pour l'effrayer. Une souris, un épouvantard, un scroutt à pétard, Vous-Savez-Qui…

Elle frissonna. Vous-Savez-Qui n'entrait certainement pas dans la catégorie du « pas grand-chose ». Depuis qu'elle était entrée dans le monde des sorciers, presque sept ans auparavant, la simple mention de Vous-Savez-Qui lui donnait des cauchemars. Il ressemblait au Croquemitaine de ses jeunes années, tapi dans l'ombre de sa chambre, attendant l'heure propice pour faire basculer la dormeuse sereine dans un gouffre sans fond.

Mais, comme dans les contes de fée, le méchant serait vaincu par les héros. Cet été, Megan serait à l'abri parmi les siens, et avec un peu de chance, sa rentrée dans le monde magique coïnciderait avec la défaite par Harry Potter du Méchant Mage Noir, et elle ne serait jamais confrontée à ces horribles Mangemorts.

« Tu es à Poufsouffle » énonça une voix douce.

Megan réprima un soupir. Cette voix si particulière, ce manque total d'à propos…

Luna Lovegood se tenait devant elle. Megan n'avait rien contre la Serdaigle d'un an plus jeune qu'elle, si ce n'est qu'elle la trouvait extrêmement bizarre. De plus, son calme surréel offrait un contraste humiliant avec sa propre fébrilité.

« Tu n'es pas avec les autres. » constata Luna.

Megan ne contesta pas l'évidence.

« Je vais rejoindre Neville à la salle sur demande. Viens. »

La requête, inattendue et formulée si simplement, prit Megan de court.

Une marche, deux marches, trois marches…

De toute façon, elle n'arrivait plus à se concentrer.

Cela n'engage à rien, se rassura-t-elle alors qu'elle suivait Luna.


Tap, tap, tap.

Sans qu'elle le réalisât, ses doigts battaient le rythme sur le blason de Serdaigle qui ornait sa robe.

Enfin, Minerva McGonagall passa en un coup de vent, l'admonestant au passage :

« Miss MacDougal, retournez dans votre salle commune ! »

Morag se lança à sa poursuite :

« Professeur, je vous en prie, c'est urgent !

-Miss MacDougal, j'ai rendez-vous avec le Ministre de la Magie en personne. Ceci est urgent !

-J'ai besoin d'une autorisation de sortie. » implora la jeune fille.

« Il suffit, Miss MacDougal ! » riposta sèchement la directrice, toisant l'audacieuse de son regard le plus sévère, mais les yeux bleu sombre ne cillèrent pas.

« Je dois absolument aller sur place…

-Vous n'irez nulle part tant qu'un contingent d'Aurors capables ne nous aura pas été fourni par le Ministère pour protéger la vie de nos élèves ! Il y a eu assez de morts pour aujourd'hui !

-Mais mon…

-Retournez dans votre salle commune et ne vous avisez pas d'en sortir, est-ce clair, Miss MacDougal ? »

La directrice s'éloigna à grands pas, laissant Morag furieuse. Au lieu de prendre la direction de la salle commune des Serdaigles, la jeune fille se dirigea sans hésitation vers une statue derrière laquelle elle avait vu les jumeaux Weasley disparaître, deux ans auparavant.


Tap, tap, tap.

Dûment tapoté, le crâne de l'elfe de pierre se fendit, révélant un levier qu'elle actionna. Le passage secret pour Honeydukes s'ouvrit à elle, et Morag quitta Poudlard sans regarder en arrière.

Inspirer, expirer, inspirer…

Dit comme cela, le procédé paraissait d'une simplicité confondante, mais Draco Malfoy pouvait en témoigner, son application lorsque l'on courait comme un dératé était beaucoup plus difficile.

Les mots de sa mère lui revinrent en mémoire :

« Tu dois fuir, Draco. »

Elle l'avait attiré à part, quelques minutes avant son départ pour l'attaque éclair de Poudlard.

Fuir ? Au moment où leur camp marquait des points ? Il avait protesté :

« Dumbledore est mort. Nous sommes du côté gagnant, Mère.

- Il ne s'agit pas d'être du « bon côté », mais de survivre ! » avait-elle sifflé en réponse. Puis, dans un murmure à peine audible :

« Servir fidèlement ne rapportera rien, pas même la garantie d'avoir la vie sauve. As-tu déjà oublié Severus ? »

Inspirer, expirer, inspirer.

Il avait faussé compagnie à Rodolphus dès leur arrivée à Poudlard. Ironiquement, il avait profité de la confusion pour chercher refuge au château qu'il avait dû quitter si précipitamment la dernière fois.

Enfin, il atteignit son but. Il voulait un endroit où il serait hors d'atteinte.

Le mur s'ouvrit, et il eut un soupir de soulagement. Il se jeta tête la première dans la pièce.

Inspirer, expirer…

Expelliarmus ! Stupefix !


Un, deux…

A trois, il attaquerait.

Comment Voldemort avait-il appris qu'il s'était rendu sur la tombe de ses parents, Harry Potter l'ignorait. Peut-être que Dumbledore avait eu raison de vouloir lui apprendre à fermer son esprit… mais il avait eu tort de faire confiance à un Serpentard, songea Harry haineusement.

La brûlure de sa cicatrice l'avertit de la présence de son adversaire. Ron, Hermione et lui étaient pris au piège. La bataille finale allait avoir lieu, trop tôt.

Ce n'était pas prévu, paniqua Harry. Il eut peur pour ses amis, pour la chasse aux Horcruxes dont ils n'avaient parlé à personne. Et si partir seuls, à l'aventure, au nez et à la barbe du Professeur MacGonagall, avait été une erreur ? Et s'ils s'étaient trompés sur toute la ligne en croyant qu'ils avaient encore du temps devant eux avant d'en arriver à la confrontation ultime ?

Il rassembla son courage. A trois, il surgirait de derrière la tombe de Lily et James Potter, et prendrait l'offensive, en digne Gryffondor. A trois, il serait prêt à rencontrer son destin.

Un, deux…

« Avada Kedavra ! »

Le corps du Survivant voltigea dans les airs.

Quelques secondes plus tard, ce furent trois cadavres d'adolescents qui reposèrent au cimetière de Godric's Hollow.


Une, deux, trois Mornilles, compta Parvati Patil.

Elle tendit la monnaie d'appoint au buraliste, puis s'empara sans plus de cérémonie du dernier numéro du Daily Prophet.

A la une, la triple exécution d'Harry Potter, de Ron Weasley et d'Hermione Granger par Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-le-Nom s'étalait en toutes lettres.

La vue de Parvati se brouilla. Un léger cliquetis qu'elle connaissait bien l'avertit de la présence de Padma. Une main lui tendit un mouchoir.

«La bataille finale…Nous l'avons perdue » dit-elle entre deux sanglots.

Elle s'accrocha au bras de sa sœur :

« Que va-t-il se passer maintenant, dis ? »

Les grands yeux noirs de Padma fixèrent un point de l'horizon inconnu à Parvati. Doucement, elle répondit :

« La guerre. »