Chapitre I : Incipit, le printemps de l'amour

En cette belle après-midi printanière, Tsubaki se préparait pour rejoindre Kousei son petit ami depuis près de deux ans déjà. Dans la voiture, elle jeta un énième coup d'oeil à sa montre Piaget arguant au chauffeur qu'elle allait être en retard.

- « Je vous assure Ojousama, sur mon permis limousine, nous serons à l'heure !»

- « Eh bien ma foi, je l'espère Yamatori », lui répondit Tsubaki, une légère pointe d'anxiété et de reproche mêlées à sa voix. Yamatori était son chauffeur attitré depuis ses cinq ans. Elle avait ainsi pris l'habitude de le désigner par son nom, sans aucune trace honorifique puisqu'il était son chauffeur. Quant à lui, il s'adressait à elle de la manière qui incombait à son rang.

13H58, enfin arrivée, même deux minutes d'avance. Soudain elle le vit, elle sourit, elle se dirigea vers lui. Elle le vit tout sourire lui faire de grands signes pour qu'elle ne le perde pas de vue parmi la foule quotidienne qui passe et repasse devant la gare de Tokyo. Une fois retrouvés ils se saluèrent affectueusement, non une certaine retenue en raison des éventuels indésirables engagés par la mère de Tsubaki qui gisaient dans l'ombre. Kousei lui offrit son bras et ils s'engagèrent dans la longue allée de cerisiers en fleurs qui bordait la gare. «C'est vraiment magnifique. » murmura Tsubaki la tête posée sur l'épaule de son chère et tendre. À cela il répondit à sa belle presque sur un ton de défi : « Les bonheurs simples comme celui-ci ne sont pas supérieurs à ce que vous faites, vous dans la haute société ? ». « Bien évidemment », répondit au tac au tac Tsubaki qui venait de relever la tête. Elle croisa son regard et ne pu s'empêcher de sentir le rouge lui monter aux joues.

« Après deux ans tu ne peux toujours pas me regarder dans les yeux sans rougir », dit-il d'un ton taquin. Lorsqu'il vit que gênée, elle tenta de bredouiller quelque chose il la pris dans ses bras.

« Ne t'en fait pas Tsubaki après tout ce temps tu connais mes petites plaisanteries et puis tu sais bien que je ne ferai jamais rien qui puisse te blesser.

Très bien, dis donc que tu m'aimes que je puisse te croire en âme et conscience !

Eh bien, je … je …

Après deux ans tu ne peux toujours pas dire je t'aime sans devenir rouge comme une tomate ! ».

Tsubaki comme toujours n'a pas raté l'occasion de lui rendre la monnaie de sa pièce et elle le trouvait vraiment touchant lorsqu'il cherchait ses mots. Arrivés à leur destination, ils mangèrent une glace à leur café habituel, allèrent voir un film à leur cinéma habituel et quelques heures après ils se séparèrent comme toujours devant la gare de Tokyo. Il prit le train et quant à elle son chauffeur était là pour la récupérer. Voilà en quoi consistait les rendez-vous hebdomadaires de l'heureux Morigawa Kousei et de la gracieuse Domyoji Tsubaki.

Elle ne le lui dira probablement jamais, la fierté de son copain en prendrait un coup, mais Tsubaki aimait beaucoup voir la sensibilité ou plutôt la vulnérabilité de Kousei s'exprimer. Peut être une résurgence de l'instinct dominateur des Domyoji, peut être l'amusement d'observer un miroir d'elle même, elle n'en savait trop rien et son bonheur était bien trop luxuriant pour qu'elle se pose ce genre de questions. Deux ans d'un amour simple et grandissant, des souvenirs impérissables et Tsubaki et Kousei imaginaient déjà leur vie ensemble à l'abri de tout soucis. Car il faut le dire, leurs caractères s'accordaient si bien qu'une dispute aussitôt arrivée, s'estompait tout aussi rapidement. Après tout, ils étaient en dernière année (du lycée) et aucune considération matérielle ne s'était encore tenue entre eux deux. En effet si Tsubaki était la fille d'une grande famille d'industriels japonais dont les entreprises étaient réputées à l'international, Kousei quant à lui était ce que l'on peut appeler un arriviste. Fils d'un simple instituteur d'une petite école privée et d'une mère tout aussi modeste, il avait tracé son chemin jusqu'à Eitoku à force d'un travail acharné et d'une détermination féroce. En effet, en plus de rester à la bibliothèque jusqu'à la fermeture pour travailler, il avait également un petit travail à temps partiel pour aider sa famille à payer la partie des frais de scolarité qui n'était pas couverte par sa bourse. «Le boursier», c'était là le sobriquet dont l'affligeait toute l'école. Enfin pas réellement, Tsubaki bien sûr l'appelait par son prénom ainsi Shizuka, Rui, Akira et Sojiro. Quant à Tsukasa il l'appréciait énormément et se plaisait à l'appeler Ni-san au grand plaisir de Kousei et de Tsubaki qui y voyait la bénédiction de son frère. Lui avait fait de ce sobriquet à connotation péjorative dans la bouche de ses camarades, sa plus grande fierté. Car si sa condition économique était inexistante pour une institution comme Eitoku, ses qualités intellectuelles étaient flamboyantes. Il dominait ses camarades dans presque toutes les matières, mise à part la biologie pour laquelle il ne possédait nulle fougue et aucun don particulier. Avant de le connaître Tsubaki n'avait jamais considéré les études avec sérieux. Elle était toujours classée première grâce aux leçons reçues étant plus jeune. Et puis pourquoi devait elle travailler, elle dont la famille possédait déjà tout. Ne pouvant répondre à cette question elle s'était contentée de suivre les chemins de la paresse plus par lassitude que par répulsion vis-à-vis des études. Quand elle l'avait rencontré elle s'était retrouvée deuxième, et alors. Cela ne l'a pas dérangé plus que ça. Quant à lui les études étaient sa vie. Son grand rêve était de devenir universitaire est de passer sa vie à enseigner et à étudier. Cependant son autre rêve plus grand encore était de soutenir et sa famille et Tsubaki lorsqu'il l'épousera. Ainsi il se plongeait régulièrement dans bon nombre de manuels d'économie et de droit des entreprises qui l'ennuyaient profondément dans l'optique de créer une start-up florissante dès son diplôme d'ingénieur en poche. Tsubaki savait qu'il prenait énormément sur lui pour ne pas décevoir les espoirs que sa famille plaçaient en lui. Kousei, tel une statue antique, ne laissait rien transparaître et n'en parlait presque jamais. Une fois en avait il parlé à Tsubaki qui comprit que rouvrir le débat serait entièrement superflu.

Un problème bien plus grand encore que tout ce qu'ils pouvaient imaginer allait bientôt se dresser entre eux deux. Ce problème avait un nom : Domyoji Kaede, la femme qui dirige la Zaibatsu Domyoji d'une main de fer depuis la mort de son très estimable mari il y a cinq ans de cela. Depuis ce triste événement, son caractère d'un naturel si doux s'est incroyablement durci et elle s'est depuis jetée dans le travail avec pour obsession la croissance à tout prix encore et toujours de l'entreprise. Malheureusement pour Tsubaki elle voyait d'un très mauvais œil l'affection de sa fille pour cet espèce de pouilleux, terme dont elle désignait tous les membres de la classe moyenne qui tentaient de s'élever au dessus de leur condition. Car s'il y a bien quelque chose qu'elle ne supportait pas, c'était bien les arrivistes. Ce pouilleux n'allait tout de même pas lui retirer son unique fille qu'elle pouvait facilement marier à un grand héritier ! Bien que le mépris qu'elle ressentait pour la classe moyenne était énorme, Kaede Domyoji était une femme pragmatique. Elle voyait bien qu'il ne s'agissait pas d'une simple amourette de jeunesse. Sa fille s'était bel et bien entichée de ce pouilleux. Et si elle se mariait secrètement avec lui ? Et si elle avait avec lui des relations dépassant le cadre de ce qui est tolérable, ou pire et si elle tombait enceinte ? Autant de questions qui tourmentaient nuits et jours durant la matriarche. Car s'il était bien vu qu'un jeune homme de bonne famille s'amuse un peu avec les filles pour faire son initiation, la virginité d'une jeune fille était presque encore aujourd'hui une obligation pour se marier dans certaines familles d'influence. Elle se devait d'intervenir au plus vite. Elle consulta pour cela Nishida, qui bien qu'effaré qu'une mère veuille priver sa fille d'un bonheur sans nuages, ne pu qu'acquiescer aux dires de la Présidente. Elle savait bien que Tsubaki réagirait au quart de tour, mais elle considérait comme sa responsabilité première qu'elle soit bien établit et que son mariage aide l'entreprise.

Bref, le moment où Tsubaki franchira le seuil de la demeure des Domyoji s'annonçait musclé...