En réponse au défi n°9 du Poney Fringant, et en l'occurrence, mon premier défi.
Le souffle d'Aman
oOOo
Je me rappelle les éternels scintillements des fleurs dans les vertes collines d'Aman. Nulle peine pour mes yeux, tant leur éclat se mêlait de douceur dans le chatoiement des gemmes qui s'éparpillaient librement dans les herbes folles de cette terre.
Cette paix, chassée à jamais par des chaînes trop lourdes pour le Temps même. Quelle différence la fin, la lente coulée vers l'inévitable oubli qui m'attend. Tandis que je sens se déliter les lambeaux de ma puissance, le goût amer de l'échec m'envahit. Quelle ironie, en perdant mon corps et mes pouvoirs, je n'ai pourtant pas tout perdu, quelle cruauté a permis que je ressentisse jusqu'à la fin ces émotions, me reliant à un corps qui n'existe plus ?
Je me rappelle les rires d'Alyë de Valinor, la belle Alyë, qui dansait pour nos yeux, qui dansait pour notre plaisir, je me rappelle d'Alyë de Valinor, la belle Alyë, qui riait à l'ombre des cyprès, qui courait dans les charmilles, et dont les yeux d'ambre ne cillaient jamais.
Où est-elle aujourd'hui ? Elle dont les yeux se baissèrent jadis vers moi, elle qui apaisa un peu l'effroyable folie qui couvait en mon cœur, où se trouve-t-elle ? Ses pas la mènent-ils encore dans les ombres de la montagne, elle dont le front doré m'opposa la barrière inaltérable de sa pureté, pureté dont la flèche diamantine finit par faire couler mon sang et guida mes pas loin de leur colère. Eux, que ma haine ne peut nommer, plutôt partir avant d'être chassé.
Le Roi est tombé et son royaume le suit. Je sens la peur qui suinte de ces misérables créatures qui ont échouées. Les pans de ce que je fus s'effacent mais la rage ne s'éteint pas, les derniers sursauts de ma volonté se nourrissent de cette peur, me permettent de tenir encore, de profiter des derniers souvenirs d'une existence trop bien remplie. Qu'ils souffrent encore un peu, que je vive autant, moi qui ne vivrait plus.
Je me rappelle les chemins tortueux qui me menaient vers Tar Minastir, les jeunes filles qui s'effaçaient, les princes qui s'inclinaient. Que ne revivre une seconde de ces années, une seconde où mon visage affable reflétait encore un peu la lumière d'Alyë et de ses yeux d'ambre qui ne cillaient pas.
Cette lumière, que ne m'a-t-elle servie contre ces insectes... Je me souviens avoir vainement recherché sa lueur sur les flancs de l'Anneau, alors que les derniers feux de l'Orodruin s'estompaient dans les ténèbres de Gorgoroth. Est-ce elle qui brillait dans leurs yeux lorsque la convoitise putréfiait leur cœur et que leurs mains avides se tendaient vers lui ? Je sais que non, ce sont les Trois Porteurs qui la contemplent à leur main. Et à cette pensée se consument un peu plus rapidement les liens que je retiens encore un peu.
Quelques moments encore, et je ne serais plus, et la dernière trace de Morgoth, de ce monde s'effacera. Le semi-homme a signé ma perte même si ma chute signe la sienne. Pas d'apaisement à cette pensée, l'obscurité m'entoure et je ne sens plus rien, juste une trace d'une rage au delà des mots pour ce vermisseau rampant, juste une once de nostalgie pour ce parfum insaisissable, pour cette arabesque tracée d'un pied agile, pour ces trilles d'un rire léger…
oOOo
Voilà, j'espère faire mieux la prochaine fois mais que vous avez quand même apprécié. Je sais que ça ne correspond vraiment pas à ce que l'on sait de Sauron, mais bon, tout auteur est libre, n'est-ce pas, et, éternelle romantique, je ne pouvais imaginer une seconde que nulle n'est jamais fait battre un tant soit peu le cœur d'Annatar.
