Nous revoila pour ce dernier épisode de la Trilogie de Drago ! Moi-même (Kya-the-viper) ai repris la tête de l'équipe suite au départ à la retraite d'Alana (qui avait mené l'équipe sur Draco Sinister d'une main de maître).

Bref, nous sommes toujours en course, donc si des anciens ou des nouveaux et courageux traducteurs veulent se joindre à nous, qu'ils n'hésitent pas ! Ma boîte mail est toujours ouverte lol.

Sur ce, bonne lecture !

Chapitre traduit par : Muriel (bienvenue dans l'équipe !) et Kya. Correction : Fred.

Chapitre Un : à travers l'argent et le verre.

Ton père est allé à la chasse

Il s'est profondément enfoncé dans la forêt sauvage,

Et il ne peut emmener sa femme avec lui

Il ne peut emmener son fils

Ton père est allé à la chasse

Dans les sables mouvants et l'argile

Où une femme ne peut le suivre

Bien qu'elle connaisse le chemin

Ton père est allé à la chasse

A travers l'argent et le verre

Où seule l'avidité peut pénétrer

Et l'esprit ne peut passer

Ton père est allé à la chasse

Pour la bête que nous ne pouvons enchaîner

Il laisse un bébé endormi

Et ses bénédictions toutes derrière lui

-Leonard Cohen, 'Hunter´s Lullaby´

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C'était en décembre et le froid était glacial dans le donjon des Potions, mais Rogue s'en fichait. "Est-ce que quelqu'un peut me dire ce que c'est ?" demanda-t-il, tenant dans une main une fiole transparente contenant un liquide vert fumant et regardant sa classe d'un regard critique. "Longdubat ?"

Neville, qui avait vainement essayé de réchauffer ses doigts bleuis par le froid au-dessus de son chaudron, le regarda terrifié. "Je ne sais pas, Professeur."

"N'avez-vous pas fini de lire ce qui vous avait été demandé hier soir, Longdubas ? La punition était de dix pages dans le manuel Lieber and Stoller."

"Je sais professeur, mais mon crapaud Trevor, avait disparu et je…."

"Dix points retirés à Griffondor !" aboya Rogue, qui était au meilleur de sa forme Il n'a même pas l'air d'avoir froid, réfléchit Drago. Peut être s'était-il concocté une potion Réchauffante avant la classe.

Rogue darda ses yeux noirs encre sur les étudiants. "Potter ?"

Du coin de l'œil Drago vit Harry pâlir, atterréA côté de lui, Hermione rougit. A chaque fois, elle connaissait la réponse et Harry non. Drago avait la sensation qu'elle allait littéralement imploser dans l'effort de communiquer sa connaissance à Harry.

C'est une potion d'Imperceptus,pensa nonchalamment Drago en direction de Harry. Cela te rend invisible. Harry se leva tout droit : "Une potion d'Imperceptus, cela rend le buveur invisible." Rogue parut déçu. "Et les ingrédients ?" menaça-t-il Armoise, pensa Drago. Os de dragon brisésdu sang d'Aspicen poudretanaisiementhe poivrée... "Armoise," répéta Harry, "os de dragon brisésdu sang d'Aspicen poudretanaisie,menthe poivrée..."

Et une paire de mes shorts, ceux avec les petits Vifs d'Or ajoutaDrago.

"Et une paire de…" commença Harry, qui s'arrêta, choqué. Sa figure devint rouge, puis blanche au moment où il succombait à une toux prolongée. Hermione le fixait d'un air paniqué. Drago regarda innocemment sa baguette, la tournant autour de ses doigts.

"Oui, Potter ?" les paupières de Rogue s'étaient refermées pour ne laisser passer qu'une ligne "Une paire de quoi ?"

Harry toussait toujours. "Scarabées ?" suggéra-t-il sans enthousiasme.

Rogue eut l'air contrarié. "Non, Potter. Le sixième ingrédient n'est pas une paire de scarabées. Néanmoins, cinq sur six ingrédients, ce n'est pas trop mal. Je ne retirerai pas de points à Griffondor." Il reposa la fiole sur le bureau en face de lui avec un petit bruit. "Maintenant, est-ce que l'un de vous serait volontaire pour venir ici et être rendu invisible ?"

Drago regarda Harry et sourit.

Jamais et la voix télépathique de Harry elle-même traduisait son énervement, ne m'aide plus jamais !

Hé ! Griffondor n'a pas perdu de points.

Non, mais je pense que j'ai perdu dix ans de ma vie. Oh, et puis, la ferme Malefoy. Rends-toi invisible ou fais quelque chose. Tu serais probablement tombé raide mort si tu avais dû passer dix minutes sans faire de réflexions.

Drago haussa les épaules modestement, puis réalisa qu'Hermione était en train de les suivre du regard, Harry, puis lui et de nouveau Harry. Elle mordit sa lèvre d'un air en colère, puis retourna à ses notes au moment où Ron était appelé au tableau pour être rendu invisible. Ron regarda d'un air suspicieux le liquide vert et fumant, et le but avec l'air de quelqu'un qui s'apprête à être assassiné.

Le son d'un papier froissé retint l'attention de Drago. Quand il se tourna sur le côté, il vit qu'Hermione tenait un mot, que lui seul pouvait lire. JE T'AVAIS DIT DE NE PAS PARLER A HARRY DURANT LES COURS !

Drago haussa les épaules en signe d'excuse, mais Hermione continua à le fixer jusqu'à ce que Ron distrait l'ensemble de la classe en devenant brusquement d'un violet luminescent, puis en disparaissant.

"C'est encore la meilleure apparence qu'ait jamais pris un Weasley." dit une voix douce derrière l'épaule de Drago. C'était Blaise Zabini, qui le regardait en dessous de ses longs cils sombres.

"Exactement ce que j'allais dire." répliqua Drago assez sincèrement.

Elle mit deux doigts sur sa manche et lui sourit, son joli visage brillant. Ses yeux étaient larges et gris-verts. "Ce que tu es intelligent !"

Drago lui sourit et se rassit sur sa chaise. Il était vaguement conscient, sans la regarder vraiment, que Hermione l'avait fusillé d'un regard dégoûté. Il avait l'habitude.

Ron avait réapparu. "Pas de chance." marmonna Drago à l'adresse de Blaise, et elle et Pansy Parkinson rirent sottement. Ron revint à son bureau, vert. Hermione le tira vers son siège par la manche et lui tapota l'épaule.

"Et maintenant, voici une autre potion." annonça Rogue. Il indiquait une fiole de liquide rouge sur son bureau. "Celle-ci est appelée Soporus, et que fait-elle ? Oui, Granger ?"

Hermione baissa la main. "Si vous la buvez, elle vous fait vous souvenir de vos rêves."

Rogue ne s'embarrassa pas de dire à la classe que c'était correct. "Très bien." Il s'éclaircit la voix. "Drago Malefoy, venez ici."

Drago était surpris. Le Maître des Potions ne lui demandait que rarement quoi que ce soit, préférant tourmenter les Gryffondors ou des Serpentards moins doués. Il se leva, et chemina néanmoins vers l'extrémité de la salle, où il se planta devant Rogue avec un regard inquisiteur.

Rogue ouvrit la fiole de liquide pourpre et la tendit à Drago. Cela ressemblait à du sang. "Cela va me faire me rappeler de mes rêves ?"demanda Drago, en regardant Rogue avec suspicion.

"Seulement les plus récents." expliqua Rogue. Son expression était neutre. "Allez-y !"

Drago lui envoya un dernier regard suspicieux, puis but la potion.

Sur le moment, rien ne se passa. Drago regarda la classe, qui lui rendait son regard, attendant. Hermione avait la tête sur le côté et semblait bizarre, Ron ressemblait à quelqu'un qui espère, contre toute attente que Drago explose, et Harry avait une paupière relevée. Blaise et Pansy le regardaient fixement, bouches bées. Neville paraissait sombrer dans de profondes considérations sur ses doigts de pieds. Drago allait se retourner vers le Maître des potions pour dire que rien ne se passait, quand il nota que le mur du fond de la classe paraissait s'effondrer sur lui-même et s'élancer vers lui comme une vague. L'obscurité l'entoura et il sombra comme s'il se noyait.

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Le rêve s'éleva comme une fièvre, le submergeant, l'aveuglant, l'emmenant au loin. Des murs de pierre se dressèrent autour de lui, et un sol de marbre se glissa sous ses pieds. Il était quelque part, et nulle part.

Il releva la tête et jeta des regards autour de lui. C'était comme s'il avait regardé à travers un panneau de verre teinté. Le monde alentour paraissait brumeux, distant, entouré de ténèbres, comme si la lumière avait été étouffée derrière un vêtement épais. Dans cette pénombre, il regarda autour de lui et vit qu'il était dans une pièce de pierre cylindrique avec d'étroites fenêtres anciennes, comme s'il se tenait au sommet d'une tour. Une longue table de chêne courait le long d'un mur, sur laquelle étaient alignées des bouteilles et des fioles d'argent incrustéesavec ce qui ressemblait à des gemmes coûteusesIl y avait d'autres objets dispersés :une clef faite d'os,une Main de Gloire, unpoignard menaçant. Une tapisserie couvrait la plus grande partie d'un mur : elle formait un cercle, coupé en quatre par une croix et dans chaque quart de la croix se trouvait un symbole que Drago ne pouvait déchiffrer. Au-dessous du cercle on pouvait voir une devise : Domina Nocturne Illuminate Meo

Au centre de la pièce se trouvait une table carrée, incrustéed'onyx. A chaque coin de la table se trouvait un disque d'or. Et à côté de la table se tenaient deux hommes.

Le premier sur la droite lui était familier au premier coup d'œil. Grand, les cheveux clairs, avec des petits yeux gris etfroids,paré d'un habitViridianses mains gantées de noirétreignant son front.Lucius Malefoy, son père.

L'autre homme était habillé d'un long manteau noir. Sa capuche était relevée, cachant son visage néanmoins, dans son for intérieur, Drago imaginait qu'il pouvait voir l'éclat de sesdeux yeux, semblables à du charbon. Sa main droite était nue, et Drago la reconnut : une peau horriblement blanche et des ongles rouges. Une fois, cette main s'était écrasée sur la sienne jusqu'à ce qu'il hurle de douleur. Quand l'homme déplaça sa main gauche, une paillettesembla scintiller faiblement, reflétant la lumière, puis une autre, et encore une autre. Il semblait porter un gant tronqué, comme une peau de lézard et dans sa main, il tenait quelque chose qui se tortillait, se tordait. Un serpent.

"Nagini me manque vraiment." dit le Seigneur des Ténèbres "Il n'y en a plus de comme elle"

"Non." répondit doucement Lucius "Maître, le sujet dont je suis venu vous parler… il reste irrésolu."

Le Seigneur des Ténèbres laissa échapper un souffle sifflant. "Le garçon ?"

Lucius acquiesça. "Le garçon n'est pas fiable, Maître."

"C'était ton rôle Lucius de voir qu'il ne l'était pas."

"Nous avons perdu contact cet été. C'était inévitable, considérant nos récents désagréments."

"Alors regagne sa confiance! Avez-vous été en contact ? Pas uniquement pour lui dire que tu es vivant ?"

"Oui, un contact à peu près constant. Bien qu'il sache, bien sûr, que je ne lui ai pas tout dit."

"Fais ce que tu as à faire, Lucius. Il est sous ta responsabilité." Le Seigneur des Ténèbres fit un mouvement soudain, saisissant le serpent juste sous la tête et pressant fermement. Quand il le relâcha, le serpent gisait apparemment mort. L'expression de Lucius s'assombrit quand Voldemort prit le serpent et le jeta dans le chaudron. "Tu sais ce qui arrivera si tu échoues."

"C'est un enfant, et les enfants ne sont pas fiables. Un risque de sécurité. Je vous l'avais déjà dit quand je ne voulais pas qu'il soit impliqué."

Il y eut un silence glacial. Lucius pâlit légèrement. Puis le Seigneur des Ténèbres parla enfin, doucement : "Ne présuppose pas que tu sais ce qui est le mieux, Lucius. Je t'ai appris tout ce que tu sais. Mais je ne t'ai pas appris tout ce que je sais."

Lucius passa sa langue sur ses lèvres sèches. "Oui, Maître, bien sûr."

Il y eut un bruit de mouvement et la tête du serpent apparut sur le rebord du chaudron. Apparemment, il n'était donc pas mort malgré tout. Voldemort sortit sa main gantée et le serpent rampa sur elle, encerclant son poignet comme un bracelet. "Et est-ce que Queudver a repris contact ?".

"Il cherche toujours, Maître." répondit Lucius, parlant soudainement très doucement, si bien que Drago avait du mal à l'entendre. "Il n'en est pas encore rentré."

Mais ce n'était pas la peine. Les mots s'évanouirent dans le néant, et la vision continua. La chambre se referma comme une fleur, le chaudron, les fioles serties de gemmeset les deux hommes debouts'éloignèrent de lui dans l'obscurité grandissanteet Drago se retrouva debout, le cœur battant la chamade et les yeux hagards fixant…

Le visage de Rogue. Le Maître des Potions le fixait avec consternation. "Malefoy ! Qu'est-ce qui ne va pas chez vous ?"

La pièce retrouva petit à petit sa netteté habituelle. Drago réalisa qu'il avait dû chanceler en arrière contre le murSon épaule lui faisait mal, comme s'il l'avait frappé durement, et ses yeux le brûlaient. Il pouvait voir la classe entière le fixant bouche bée, choquée. Harry s'était à moitié levé sur ses pieds et Hermione et Ron le repoussaient vers sa chaise. Hermione paraissait frappée d'inquiétude.

"Rien." Drago repoussa les mains du professeur. "Je vais bien."

"Est-ce que quelque chose est arrivé ?" Rogue avait parlé à voix basse, pour que seul Drago puisse l'entendre. "Avez-vous vu quelque chose ?"

Le serpent, le chaudron, le Seigneur des Ténèbres, la tour.

Drago secoua la tête. "Non. Juste un vertige."

Les yeux de Rogue se rétrécirent. "Vous n'avez rien vu ?"

Drago réalisa trop tard qu'il aurait dû inventer quelque chose. J'aurais dû dire que j'avais rêvé que j'étais un citron flottant sur un Gin Tonic géant. N'importe quoi.

En silence, il hocha la tête : "Non, Rien."

"Très bien." Drago aurait pu quasiment jurer que Rogue semblait déçu. Soucieux, même. "Retournez à votre place, Monsieur Malefoy."

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"Une autre lettre de Monique ?" demanda Hermione d'une voix taquine, s'étendant à travers la table vers Ron qui levait les yeux avec espoir vers le hibou noir qui s'était perché sur son épaule gauche. Son nom était Néfertiti et elle était un cadeau de ses parents quand ils avaient appris qu'il avait été fait Préfet-en-Chef (Coquecigrue avait été donné à Ginny). Maintenant, elle piquait son oreille et déposait une lettre dans ses mains : elle était imprimée sur une enveloppe or-et-blanc et était lourdement parfumée de jasmin.

"Qu'est-ce que je peux dire ?" Ron déroula le papier et l'examina avec un sourire."Monique ne peut simplement jamais assez obtenir de moi."

"Oh, tu la fais juste marcher." remarqua Ginny avec un sourire, en prenant le jus de potiron devant Ron. "Tu n'es pas sérieux à son sujet."

"Il y a certains aspects de cette relation, sur lesquels je suis très sérieux." révéla Ron gravement.

"Et il y a un Wonderbra qui soutient ces aspects." indiqua Hermione, avec un mauvais sourire oblique.

"De toute façon, je pense qu'elle est après moi à cause de mon argent." soupira Ron, qui s'était donné pour tâche de réduire la lettre de l'infortunée Monique en un papier Boule de feu.

Ginny souleva une paupière. "Est-ce qu'elle ne sait pas que tu n'en as pas ?" s'enquit-elle. C'était la vérité. Quand la découverte d'une cachette de trésors magique sous Le Terrier avait fait la une de la Gazette du Sorcier, les Weasley n'en avait pas tiré profit, puisque toute la collection avait été accaparée par le Collège des Aurors afin de servir d'objet d'études et de recherches. De tout ce trésor, la seule chose qu'ils avaient réussi à garder était les Gallions Gryffondorsque Ginny avait donné à Harry pour son anniversaire et quelques bibelots en étain. En outre, s'ils avaient attendu une énorme entrée d'argent de la nomination de Mr Weasley au ministère de la Magie, ils étaient déçus sur ce point également : peu de représentants de Ministère gagnaient beaucoup d'argent, et le Ministre de la Magie ne faisait pas exception, spécialement avec sept enfants. Les Weasley restaient ce qu'ils avaient toujours été jusqu'à ce que la boutique de farces et attrapes de Fred et George réussisse : bien portant, mais en aucun cas riches.

"Avez-vous vu ça ?" les interrompit Hermione. Son hibou venait de lui apporter la Gazette du Sorcier, et sa tête était dissimulée derrière le journal ; sa bouche grimaçait de contrariété. "L'enquête sur la mort de Lucius Malefoy a été fermée." lut-elle à voix haute. "Le Ministère a conclu à un suicide."

Ron avait l'air dégoûté. "Le Ministère a mis six mois pour découvrir qu'il s'était fait exploser lui-même ? Des génies."

Harry secouala tête. "Il ne s'est pas suicidé. C'est ce qu'a dit Sirius."

"Donc, il a dû appeler une créature maléfique." supposa Ron. "Et elle l'a dévoré. Peut-être qu'il l'a fait exprès. Qui sait ? Moi, je plains cette chose. Se voir servir un Malefoy pour le déjeuner rendrait quelqu'un assez fou pour faire tout sauter."

"Ron, sois gentil !" l'admonesta Hermione.

Ron semblait stupéfié. "A propos de Lucius Malefoy ?"

"Bon, simplement… pense à ce que Drago doit ressentir."

"D'acoooord" dit lentement Ron. "Parce qu'il a l'air si triste."

En dépit de son premier mouvement,Ginny regarda vers la table des Serpentards. Comme d'habitude, la table évoluait autour de Drago ; il était toujours le centre de l'attention. Il n'était plus flanqué de Crabbe et de Goyle (qui avaient quitté l'école après avoir réussi à obtenir une Buse chacun) et était maintenant suivi de Dex Flint, le Gardien de l'équipe de Serpentard et de Malcolm Baddock, un garçon mince, aux cheveux bruns qui avait remplacé Goyle comme Poursuiveur. Il se penchait vers Blaise Zabini, la nuque dans ses cheveux. Sur un ruban autour de la gorge de Blaise scintillait une amulette représentant un serpent d'argent, cadeau de Drago. Ses cheveux brillants blonds-rouges étaientrépandus sur ses épaules.C'est à cause de ses cheveux rouges ; Ginny se souvenait de Drago lui disant lors de l'anniversaire de Harry qu'il ne pouvait y résister.

Vaguement, Ginny entendit Hermione dire sur la défensive : "Eh bien, alors, peut-être qu'il cache à quel point il est malheureux."

Ron l'ignora et tira gentiment Ginny par la manche. "Ne regarde pas par là. Ca ne fera que te faire du mal.

"Je ne suis pas contrariée." Elle détacha ses yeux de Drago et les maintint sur sa fourchette. "Je vais bien." Elle donna un coup de fourchette aveugle dans l'assiette devant elle, à peine capable de voir quoi que ce soit.

"Peut-être que c'est pour cela qu'il est devenu comme ça durant le cours sur les Potions." ajouta Hermione

"Non." Harry posa sa fourchette. "Je ne pense pas que ce soit ça."

A la mention du cours sur les Potions, Ginny lança instinctivement un regard rapide en direction de la table des enseignants, mais Rogue n'était pas là. Dumbledore non plus. Ses yeux tombèrent sur son frère Charlie qui, engagé dans une conversation animée avec le professeur Lupin, utilisait sa fourchette pour ponctuer ses remarques. La vue de Charlie la fit sourire. Elle avait été ravie qu'il ait accepté de travailler comme Professeur de Soin aux Créatures Magiques. Comme s'il avait senti son regard sur lui, il leva les yeux et lui fit un signe de la main.

"Mangerais-tu dans mon assiette Ginny ?" demanda une voix sur sa gauche. C'était Neville. Ginny regarda vers le bas et réalisa qu'elle avait, en fait, planté sa fourchette dans le rôti de dinde de Neville au lieu du sien.

"Oh mon dieu ! Je suis si désolée." bafouilla-t-elle.

"Si tu en voulais, tu aurais pu simplement demander." remarqua Neville, semblant attristé.

"Pas contrariée, hein ?" chuchota Ron.

Ginny laissa tomber sa fourchette. "N'avons-nous pas un entraînement maintenant ?" questionna-t-elle pleine d'espoir en direction de Harry, trop embarrassée pour regarder Neville, et suspectant, de manière irrationnelle, que Drago devait la regarder de l'autre bout de la pièce.

Harry la regarda et sourit. "Si." acquiesça-t-il et Ginny se leva, attrapant son balai, trop heureuse d'avoir une excuse pour pouvoir s'éclipser. "Je te retrouve en bas." lança-t-elle et elle s'enfuit.

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Harry, Ron et Hermione descendirent ensemble vers l'endroit où le reste de l'équipe attendait, à l'entrée du terrain de Quidditch. Seamus, qui avait été fait Poursuiveur l'année précédente seulement, était déjà là, se tenant près de Ginny et du troisième Poursuiveur, Elisabeth Thomas, la jeune sœur de Dean. Un peu plus loin, se tenait les frères Crevey qui, Hermione le pensait, avait été fait Batteurs, principalement parce qu'ils étaient frères, et qu'il y avait une certaine superstition concernant la chance d'avoir des frères comme Batteurs. Ils saluèrent l'arrivée de Harry et des autres en levant gaiement leurs manches à balai.

Hermione se dirigea vers les gradins, contente de regarder, sa copie du livre Le Quidditch au cours des Ages en main pour le cas où Harry en aurait eu besoin comme référence.Non pas qu'il l'ait déjà fait. Autrefois, il avait été inquiet d'être fait capitaine d'équipe, mais il n'aurait pas dû ; il s'était avéré être aussi bon à mettre en place une stratégie qu'il l'était à voler. Hermione soupçonnait qu'il tenait une carte mentale complexe du terrain de Quidditch dans sa tête et qu'il s'y référait à volonté.

"D'accord," disait-il maintenant, consultant certaines notes qu'il avait écrites sur un morceau de parchemin, "je pense que cette fois, nous devrions travailler à améliorer notre coordination, et à moins télescoper nos mouvements. Seamus, tu devrais être plus rapide dans les tournants. Elisabeth, j'ai une idée…"

"En fait, j'ai une idée !" interrompit une voix traînante. "Pourquoi vous tous ne dégageriez-vous pas tout simplement, puisque vous n'avez rien à faire ici de toute façon ?"

C'était Drago, bien sûr, en tenue de Quidditch verte, entouré par le reste de son équipe. Il était flanqué de ses Poursuiveurs : Blaise Zabini et Malcholm Baddock, et de Graham Pritchard. Derrière lui, menaçantes, se trouvaient les Batteuses: Tess Hammond et Milicent Bulstrode, les filles les plus grosses et moches de l'école. Fermant la marche, se trouvait Dex Flint, un cinquième année aux traits anguleux mais beaux, qui jouait comme Gardien.

Drago leva une main nonchalante, prit le parchemin des mains de Harry, le regarda avec un certain désintérêt, et le laissa tomber dans la neige. "Nous avons réservé le terrain de Quidditch pour nous entraîner à cette heure." annonça-t-il, sa voix ressemblant à un sirop versé sur du verre cassé. "Je sais que vous, les Griffondors, n'êtes pas les plus intelligents, mais je pensais qu'au moins vous saviez lire l'heure correctement."

Harry ne changea pas d'expression. "Nous avons réservé cet entraînement la semaine dernière." répliqua-t-il avec arrogance. "Va donc consulter le registre."

"Oui, j'ai vu ça." agréa Drago en faisant tourner nonchalamment le manche de son balai. S'il avait eu une moustache, Hermione était sûre qu'il serait aussi en train de la tourner. "Quand Charlie me l'a donné. Vous voyez, Madame Bibine n'a jamais voulu me faire confiance pour y écrire moi-même, mais ton ami Weasley n'est pas depuis suffisamment longtemps parmi nous, il ne le sait pas. Il n'a même pas remarqué quand j'ai écrit juste sur ton nom. Tu sais que tu as une signature très féminine, Potter ? Tu devrais travailler là-dessus."

"Espèce de rat malhonnête !" s'exclama Elisabeth, ses deux nattes tremblant de rage.

"Je suis un Serpentard." la corrigea Drago, en lui lançant un sourire qui aurait fait fondre un bloc d'acier, bien qu'il n'eut pas beaucoup d'effet sur Elisabeth. "C'est dans la description de la fonction."

"Ce truc ne marchera pas plus d'une fois, Malefoy." remarqua Harry, ses yeux verts plissés. "Charlie ne te fera plus jamais confiance."

"Ca n'a besoin de marcher qu'une seule fois." Drago secoua la tête. "Parfois je me pose des questions à ton propos, Potter. Où étais-tu quand on distribuait l'intelligence ?"

"Je ne sais pas." répondit Harry d'une voix pincée. "J'ai peur d'avoir accidentellement postulé pour 'once de décence morale' à la place." (1)

"Il devait y avoir une queue assez longue alors." se moqua Drago. "Car apparemment, tu étais aussi en retard pour 'beauté', 'sens de la mode' et 'répartie spirituelle'."

Ron s'avança. Harry le retint en arrière par le col de sa robe. "Je pense que tu as passé trop de temps dans les cachots, Malefoy." Ron, lutta pour se débarrasser de la poigne de Harry. "Le manque de lumière naturelle doit t'avoir pourri le cerveau."

"Oh, d'accord, parce que vous tous vivez dans une tour." souligna Drago, sa voix pleine de sarcasme. "Une grande et grosse tour. Juste la bonne place pour les petits garçons qui se sentent peut-être un peu ... inadaptés ? On surcompensés, n'est-ce pas ?"

Harry le frappa. Drago, surpris, se retrouva projeté de manière assez théâtrale, en arrière dans les bras de ses coéquipiers ; puis, relevé, il se rua vers Harry, roulant ses manches jusqu'à ses coudes comme il avançait.

Hermione ferma son livre et soupira, ennuyée et irritée. Oh pour l'amour de Dieu, pensa-t-elle. Pas encore ça.

¤¤¤

La porte du bureau de Dumbledore était fermée. Charlie soupira. Il s'était précipité là après le déjeuner pour tenter d'attraper le Directeur, mais il avait apparemment perdu son temps. Il avait essayé de s'entretenir avec Dumbledore depuis plusieurs jours dans l'espoir de le faire consentir à sa suggestion qu'un petit groupe d'étudiants, avec la permission parentale bien sûr, puissent avoir l'autorisation d'étudier les dragons. Après tout, pensa Charlie avec humeur, pourquoi embaucher comme enseignant quelqu'un ayant pour spécialité les dragons si vous ne le laissez pas enseigner quoi que ce soit à leur sujet ?

"Les dragons sont vicieux." avait dit Rogue à la dernière réunion du personnel. "Ils sont capricieux. Ils aiment mettre le feu."

"Mais c'est ça qui est génial avec eux !" avait répondu gaiement Charlie.

"Je ne vois rien de 'génial' dans le fait de faire brûler des étudiants." avait rétorqué McGonagall d'un ton glacial.

"Cela dépendrait de l'étudiant." l'interrompit la Professeur Sinistra, qui enseignait l'Astronomie. Charlie pensait en lui-même que la Professeur Sinistra avait le béguin pour lui. Elle n'arrêtait pas de se glisser dans les couloirs à sa rencontre et d'admirer ses pantalons en cuir de Dragon.

Lupin l'avait soutenu durant ce débatmais cela ne l'avait pas beaucoup aidé.Finalement, McGonagall avait consenti à permettre à Charlie de porter cette question devant le Directeur.Ce qui était plus facile à dire qu'à faire. Il était très difficile de savoir où Dumbledore allait être, sauf aux heures des repas, où il refusait catégoriquement de discuter de quoi que ce soit ayant un rapport avec le travail.

Charlie était sur le point de se résigner et de repartir quand il entendit des voix émanant du couloir qui menait au bureau du Directeur. Il reconnut immédiatement l'intonation désagréable de Rogue. "Je vous le dis, il a eu une réaction comme je n'en avais jamais vue auparavant. C'était des plus alarmant."

Dumbledore parla ensuite. "Mais il en est revenu ? Et il était cohérent ?"

"Oui, il était tout à fait cohérent et il a prétendu qu'il avait seulement été pris de vertige et n'avait rien vu. Peut-être n'a-t-il vraiment rien vu."

"Peut-être. Mais c'est de Drago Malefoy dont nous parlons. S'il avait vu quelque chose, il ne l'aurait probablement pas annoncé devant toute la classe."

Charlie recula dans l'ombre. Sept ans d'espionnage autour des bureaux des professeurs de Poudlard prirent instantanément le pas sur ses cinq mois de professorat. Il se figea sur place et écouta.

"Je pense que je devrais l'appeler dans mon bureau." suggéra Dumbledore.

"Il n'aimera pas cela."

"Non. Mais la situation empire. Le risque de trahison…"

"Nous ne savons pas si ce risque existe !"

"Il existe vraiment, Severus. Vous, entre tous, devriez le savoir."

"Peut-être devriez-vous appeler plutôt Potter dans votre bureau."

"Nous avons déjà parlé de cela." Dumbledore semblait fatigué. "Si nous lui disions, nous risquerions une tragédie sans précédent, et probablement inutilement et je…"

Dumbledore interrompit la conversation et lui et Rogue tournèrent le coin du couloir, marchant bien en vue. Les yeux de Dumbledore rencontrèrent ceux de Charlie et un instant, ils prirent comme une lueur d'inquiétude, de souci. Puis il sourit. "Bonjour, Charlie !" lança-t-il.

"Oh. Bonjour, Weasley." Rogue lança un regard très désagréable à Charlie. Celui-ci avait l'impression que Rogue savait qu'il était en train d'écouter.

Dumbledore, cependant, lui adressa un sourire rayonnant : "Puis-je t'aider ?"

Charlie abaissa son regard vers le parchemin qu'il tenait dans sa main : sa suggestion pour un cours sur les dragons. Tout cela lui semblait soudainement très loin. Il tendit les papiers vers le Directeur, murmura quelque chose sur "les dragons", "permission" et "très improbable de manger quelqu'un", et partit la tête pleine de ce qu'il venait d'entendre.

Risque. Trahison. Tragédie. Que se passait-il ?

¤¤¤

"Ça devient ridicule !" se plaignit Hermione d'un ton réprobateur. Elle tenait une éponge humide dans une main et l'appliquait sur le coin de l'œil gauche de Harry, qui avait arrêté de saigner il y a quelques minutes. "Est-ce si important pour vous de faire semblant de continuer à vous haïr ?"

"Oui !" répondirent Harry et Drago d'une même voix. Puis, ensemble, ils sourirent, un peu douloureusement pour Drago dont l'œil au beurre noir s'étendait.

"Je veux dire qu'à force, Madame Pomfresh refusera de soigner vos blessures de guerre, et m'interdira de le faire pour elle !" Hermione leva les mains en signe d'impuissance. "Vous ne pourriez pas vous frapper moins fort au moins ?"

Harry essaya de cacher son amusement. "Ouais, Malefoy, tu es censé retenir tes coups."

"Moi ? Et toi alors ? Tu m'as frappé au menton !"

"J'ai glissé sur le verglas et mon pied t'a accidentellement atteint au menton."

"Deux fois ?"

Il y eut un coup à la porte, qui s'ouvrit pour laisser passer la tête de Ron. Il faisait le guet devant le placard à balai qui faisait office d'infirmerie. Il fallait que personne ne voit Hermione soigner les blessures de Harry et Drago. "Gagné !" dit-il en se glissant à l'intérieur. "Tout le monde croit à la bagarre, et ils en parlent tous à mots couverts. Tout cet 'engagement à se mettre sur la figure' marche vraiment bien." Il désigna Harry du menton. "Tu devrais revenir sur le terrain maintenant, ils t'attendent."

"Uhm…" grommela Harry en grimaçant et en touchant le bord de son œil blessé. "Tu ne veux pas diriger, Ron, juste cette fois ?"

"Non !" refusa fermement Ron. "Je ne veux pas qu'ils pensent que Malefoy t'a sérieusement blessé. D'ailleurs, les Serpentards rôdent toujours dans le coin, comme s'ils cherchaient la bagarre."

Drago eut l'air ravi. "Comme ils le devraient."

"Blaise Zabini a l'air particulièrement menaçante." ajouta Ron.

Tout le monde regarda Drago, qui fixait le plafond d'un air neutre. "Et bien, c'est ma petite amie."

"Merci de nous le rappeler." sourit Harry. "Je pense que j'avais occulté le moment où elle s'est jeté sur moi en hurlant : 'tu as frappé mon petit ami ! Je te déteste !'"

"Oui." soupira Drago d'un air vague. Les autres le regardaient toujours. Il continua à paraître sans expression. Personne ne comprenaient comment lui et Blaise en étaient venus à sortir ensemble, si c'était sérieux entre eux, ou si seulement il l'appréciait. Essayer de parler avec Drago quand il ne voulait pas vous dire quelque chose, pensa Hermione, était comme de discuter avec un mur particulièrement non communicatif.

"Très bien." soupira finalement Harry en se levant. "Je pense qu'on devrait y retourner." Il fit un signe de tête à Drago. "La prochaine fois, tu gagneras. On doit équilibrer les choses."

"Okay." Drago appuya le bout de ses doigts contre sa tempe en un salut sarcastique, et Harry se tourna vers la porte.

"Une seconde !" le rappela Hermione, et il s'arrêta. "Tu n'oublies pas quelque chose ?" et elle leva la tête pour qu'il l'embrasse.

"Oh, c'est vrai." s'écria Harry, et il la contourna pour prendre son Éclair de Feu. "Merci."

Il sortit, suivit par Ron. Hermione les regarda avec incrédulité. "Je…" commença-t-elle, puis son visage se froissa. "Argh !" s'exclama-t-elle, et elle jeta l'éponge pleine de sang qu'elle tenait contre le mur. "Franchement !"

Drago ramassa l'éponge et eut l'air compatissant, ou au moins aussi compatissant qu'il pouvait l'être, ce qui signifiait qu'il ne souriait pas. "Il fait toujours ça ?"

"Tout le temps." répondit Hermione, le visage triste. "Il fait comme si je n'existais pas. Je ne me rappelle pas la dernière fois qu'il m'a accompagné en cours, ou..." sa voix se brisa. "Et quand j'essaie de lui en parler, il dit que je m'imagine des choses et qu'il est occupé. Je sais qu'il est occupé… il est Capitaine de l'équipe de Quidditch, il prend des cours pour être Auror, et c'est pour ça qu'il a refusé d'être Préfet-en-Chef, mais..."

"Mais tu ne t'imagines pas des choses ?" finit Drago pour elle.

"Je ne pense pas."

"Tu ne t'imagines rien."

Elle le regarda et se mordit la lèvre. Elle savait qu'il le pensait. Il ne mentait pas. "Qu'est-ce qui se passe ?" demanda-t-elle d'une petite voix. "Il y a quelqu'un d'autre ?"

"Je ne sais pas. J'en doute."

"Alors quoi ?" sa voix se brisa "Tu ne peux pas lui demander ?"

Drago baissa les yeux vers ses mains, puis la regarda, et elle lut la réponse sur ses traits. Elle savait ce qu'il ressentait : le désir de le faire pour elle, le souhait qu'elle ne soit pas malheureuse, la peur que, quelle que soit la réponse, ça ne la blesse, et le fait de savoir qu'aussi fort qu'elle le voudrait, il ne pourrait pas arracher d'information à Harry pour ensuite le trahir en la lui donnant. Pas plus qu'il ne pourrait voler sans balai.

C'était plus compliqué d'être Drago, réalisa-t-elle, que ça en avait l'air.

"Je suis désolée. Je n'aurais pas dû te le demander."

"Il t'aime !" affirma Drago. Ses yeux étaient distants. Le vert sombre de sa robe de Quidditch aurait pu lui donner l'air terne, mais ce n'était pas le cas. Elle soulignait la pâleur de sa peau, ses cils si sombres en comparaison, ses yeux aussi clairs et gris qu'un miroir. Il a l'air d'un ange, pensa-t-elle, bien qu'il fut difficile de dire s'il était un enfant des cieux ou un déchu.

Elle se souvint de lui au Manoir, nouant son collier. J'ai attendu si longtemps que tu dises ça… si les choses avaient été différentes…

Elle secoua la tête pour éclaircir ses pensées. Elle pensait à ça simplement parce qu'elle était malheureuse et que Harry semblait aussi froid et distant qu'un glacier de Durmstrang. "Comment est-ce que tu le sais ?"

"Je pense que je le saurais s'il arrêtait. Il t'a toujours aimé…" Il tendit la main et lui caressa la joue du bout des doigts. "Tu sais mieux que quiconque ce qu'il traverse. Essaie de lui parler..." Il soupira et ôta sa main. "Oublie ça. Ce n'est pas dans ma nature de donner des conseils aux amoureux désespérés. Demande à quelqu'un qui a une vie romantique plus réussie."

"Tu as une petite amie." souligna Hermione.

"C'est vrai." Drago se rassit, la bouche tordue en quelque chose qui aurait pu être un sourire, ou pas. "Alors, je le ferai."

¤¤¤

Le dernier rayon de soleil jaillit à travers la petite fenêtre d'Hermione, projetant un carré de lumière dorée sur le dessus-de-lit où Ginny était assise, la regardant ranger ses livres. Etant Préfète-en-Chef, Hermione disposait de sa propre chambre. Etant Hermione, elle n'avait pas passé beaucoup de temps à la décorer. Il y avait un lit avec un dessus-de-lit fleuri, trois grandes bibliothèques, un bureau, et une coiffeuse avec un miroir ; des photos de Harry, Ron et ses autres amis étaient accrochées le long de l'encadrement. Il y avait une autre photo de Harry et Hermione ensemble sur la table de nuit. Il n'y avait aucune photo de Drago. Peut-être, pensa Ginny, qu'il ne se laisse pas photographier.

"Et bien, je pense qu'il est temps pour les Mesures Désespérées." déclara Ginny en appuyant son menton sur sa main.

Hermione, qui déplaçait péniblement les livres sur sa commode, sembla alarmée. "Les Mesures Désespérées ?" bredouilla-t-elle. Elles discutaient du Problème Harry, et elle devenait de plus en plus tendue.

"Oui." dit Ginny en prenant un air sérieux. "Jupe courte. Haut moulant. Ce genre de chose."

Hermione sembla encore plus alarmée. "Tu penses que le problème est qu'il n'est pas assez attiré par moi ?"

"Non ! Non, bien sûr que non." Elle se leva et vint se placer à côté de son amie. "Je pense juste qu'il est distrait et inquiet, et que donc, il est plus difficile d'attirer son attention. Et toi, tu es occupée également, tu es Préfète-en-Chef, tu prends je ne sais combien de cours supplémentaires, et à quand remonte la dernière fois où Harry et toi avez fait quelque chose ensemble juste pour le plaisir ?"

Hermione ferma les yeux. Ginny ressentit une pointe d'inquiétude ; Hermione devait être vraiment triste de tout ça. Les cercles autour de ses yeux étaient sombres, et Ginny devina qu'elle était encore plus fatiguée qu'elle ne le laissait paraître. "Octobre." répondit-elle finalement, avec hésitation. "Nous sommes allés au Musée à Stonehenge ensemble."

"Donc, il y a longtemps." constata tranquillement Ginny. Hermione acquiesça simplement, l'air misérable. Elle était habillée comme toujours quand elle ne portait pas de robe : un pull de cachemire bleu pâle, une jupe froissée bleue et grise, les cheveux noués en une queue de cheval. Malgré la modernité de sa tenue, quelque chose en elle rappelait à Ginny le portrait de Rowena Serdaigle dans son livre sur l'histoire des Fondateurs. Une beauté émanait d'Hermione, une beauté qui n'avait rien à voir avec la forme de son visage ou la régularité de ses traits. Sa beauté résidait dans la lumière et l'intelligence qu'elle mettait dans chaque chose qu'elle entreprenait. C'était ce que Harry appréciait, la raison pour laquelle il l'aimait, pensa Ginny. Bien sûr, Drago avait été aussi amoureux d'Hermione.

Mais elle ne voulait pas penser à Drago.

"Tu penses vraiment..." commença Hermione en baissant les yeux vers ses chaussures et ses collants gris, "que je devrais… me bichonner ?"

Ginny haussa les épaules. "Et bien, c'est un garçon."

Hermione eut un pâle sourire. "C'est juste que… et bien… c'est Harry."

"Je sais et il est le héros du monde sorcier, et il est ton meilleur ami, et blablabla, mais c'est aussi un garçon, et je pense qu'il aimerait si tu portais ça." déclara-t-elle en sortant quelque chose d'un tiroir qu'elle lui lança.

Hermione en tomba presque du lit. "Je ne vais pas porter ça !"

"Il aimerait probablement."

"C'est une nuisette !"

"Oh. Je pensais que c'était une robe."

"Ginny ! Tu ne m'aide pas !"

"Okay, okay."

Ginny dénicha un pull décolleté noir et une jupe noire qu'elle jugea bons, surtout après qu'elle eut utilisé un sortilège de Raccourcissement sur la jupe.

"Je me sens ridicule." se lamenta sombrement Hermione en survolant sa tenue. "Ce n'est pas moi."

"Tu es adorable." Ginny se leva du lit et donna une légère accolade à Hermione. Dehors, la neige avait commencé à tomber dru. "Tout ira bien. Harry t'aime."

"Je sais." La voix d'Hermione était calme. "Mais dernièrement, c'est comme s'il était quelque part où je ne pouvais pas l'atteindre. Il peut être si… distant par moment."

Ginny ne dit rien. Elle savait ce que voulait dire Hermione. Parfois Harry était juste Harry, et à d'autres moments, il semblait être autre chose, quelque chose de distant, de puissant et d'effrayant. Elle se souvint s'être réveillée dans la Chambre des Secrets et avoir vu Harry penché sur elle, trempé de sang, une épée à la main. Et il n'avait que douze ans alors. Bien sûr que Harry était un héros, et les héros ne sont pas comme tout le monde.

"Ginny." Hermione était adossée au mur près de la fenêtre ; elle tourna la tête pour regarder à travers la vitre, et la lueur grise de l'hiver se perdit dans ses cheveux. Sans regarder Ginny, elle demanda : "Est-ce que tu… aimais Drago ?"

Déconcertée, Ginny resta silencieuse un moment. Puis elle se pencha pour ramasser son sac de livres posé contre la malle. "Je dois y aller. Je dois retrouver Elizabeth à la bibliothèque."

Hermione tourna la tête. Derrière elle, la neige continuait de tomber, silencieusement, couvrant le rebord de la fenêtre d'une couche de givre. "Ginny…"

"Bonne chance !" l'encouragea Ginny en mettant son sac sur ses épaules. "Ça va aller, tu verras."

Hermione acquiesça, et resta silencieuse un moment. "Je me sens tellement coupable." avoua-t-elle finalement, si faiblement que Ginny entendit à peine ses mots. Elle regarda son amie sans comprendre.

"A propos de quoi ?"

Hermione sembla fatiguée. "Rien. Peu importe."

¤¤¤

Il n'y avait personne d'autre dans la salle commune des Serpentards ; tout le monde était descendu dîner. Drago, n'ayant pas faim, était resté, bien que la salle commune ne soit pas un de ses endroits favoris. La longue pièce souterraine ne semblait jamais chaleureuse, pas même lorsqu'un feu brûlait dans la grande cheminée de marbre, comme c'était le cas en ce moment. Les lampes verdâtres suspendues projetaient une lueur morbide. Drago s'enfonça dans le fauteuil de cuir vert qu'il avait placé devant le feu, perdu dans ses pensées.

Il était toujours perturbé par la vision qu'il avait eu de son père durant le cours de Potions. Il était quasiment sûr que ce n'était pas un rêve ordinaire : il se rappelait de la douleur qu'il avait ressenti à la main en se réveillant, et de ce que Harry lui avait dit à propos de ses rêves prémonitoires sur Voldemort, comment il se réveillait, la cicatrice en feu. Et il avait lui-même déjà rêvé de la vie de Serpentard, chose qu'il lui arrivait encore de faire. Les rêves normaux étaient une chose ; ceci en était une autre. Ça avait semblé si réel. Il essaya d'imaginer où son père et le Seigneur des Ténèbres pouvaient être, mais il n'y avait rien de particulièrement reconnaissable dans la pièce. Ça aurait pu être n'importe où.

Et la voix de son père était si familière. Le ton traînant dont il avait hérité. Le garçon n'est pas fiable, Maître. Drago inclina la tête en arrière et regarda le plafond, qui était décoré de bandes de marbre et de malachite verte. Fais profil bas, Drago, et laisse l'Héritier de Serpentard faire, lui avait dit son père durant sa seconde année. Ton école doit être purifiée de tout ce sang de Moldu.

Bien sûr, il devait savoir que j'étais l'Héritier de Serpentard, pensa Drago. Il utilisait juste cette histoire comme couverture pour cacher ce qu'il préparait. Il s'étira et regarda le livre de Métamorphose sur ses cuisses. Ils apprenaient comment transformer différents éléments en d'autres. Aqua ad pulvis transmuta. Saxum ad viscerum. Transformer l'eau en poussière, la roche en chair. Mais il était trop épuisé pour se concentrer, et les mots dansaient devant ses yeux.

Il entendit des bruits de pas dans le couloir, et la porte des cachots s'ouvrit pour laisser passer des étudiants revenant du dîner. Il se tendit, avant de se rappeler que Blaise travaillait à la bibliothèque avec Pansy Parkinson. Il n'avait aucune envie de la voir.

"Hé, Malefoy." C'était Malcolm Baddock, le Poursuiveur brun qui rappelait vaguement à Drago Harry à cet âge-là. Si Harry avait été rusé comme une fouine et sournois comme un serpent, bien sûr. "Une lettre pour toi."

Il jeta le parchemin scellé sur les jambes de Drago. Il se déroula au contact de sa main, et Drago bougea rapidement le bras pour le cacher à la vue de Malcolm. "Merci, Baddock."

Malcolm acquiesça et s'en alla, et Drago eut tout le loisir d'étudier sa missive. Il avait déjà deviné ce que c'était, et il n'était pas déçu : une carte finement dessiné, montrant la porte d'entrée du château et la route qu'il devait prendre pour s'y rendre. Au bas de la carte étaient notés trois mots en lettres rondes : Retrouve-moi ici.

Avec un soupir, Drago roula la carte en boule, et alla chercher sa cape.

¤¤¤

Hermione leva les yeux vers Harry, assis devant la cheminée, une copie de la Défaite du Sorcier Grindelwald ouverte et délaissée sur les genoux. Ils étaient assis et 'étudiaient' depuis presque deux heures, et Harry n'avait même pas tourné une page. Ses yeux étaient ouverts et regardaient dans le vague, sa tête penchée, sa masse de cheveux noirs lui tombant devant les yeux. Il ne lui avait rien dit depuis qu'elle était descendu dans la salle commune pour travailler avec lui, et ne semblait pas avoir remarqué son nouveau style du tout. Tant pis pour la théorie de Ginny, pensa-t-elle sombrement. Elle aurait tout aussi bien pu avoir un blaireau dans les bras qu'il ne l'aurait pas vu.

"Harry." dit-elle finalement pour briser le silence. "Est-ce que tu lis ce livre au moins ?"

"Non." Harry leva les yeux en rejetant une mèche de cheveux d'une main impatiente. La lumière se reflétait sur la montre en or qu'elle lui avait offerte pour son anniversaire (une montre de poche à laquelle il avait fixé un bracelet pour pouvoir la porter au poignet comme son père le faisait). "Je n'arrive pas à me concentrer." Il repoussa ses cheveux à nouveau ; ils avaient poussé au point de presque toucher son col.

Ce qui donna à Hermione une idée. "Je sais ce dont tu as besoin." annonça-t-elle.

Harry haussa un sourcil.

"Une coupe de cheveux."

Il en sourit presque. "Une coupe de cheveux ?"

"Exact." Elle se leva et marcha jusqu'à l'endroit où il était assis, plaça ses mains sur son visage et le leva vers elle. Elle écarta gentiment les mèches de cheveux de devant ses yeux, les laissant glisser entre ses doigts. Ses cheveux étaient plus épais que ceux de Drago, moins délicats.

"C'est juste une excuse pour jouer avec mes cheveux, pas vrai ?" Il souriait vraiment cette fois. Elle put le sentir prendre conscience de l'endroit où le V de son pull s'arrêtait sur sa poitrine, de la proximité de ses jambes nues sous sa jupe. Il se déplaça sur sa chaise. "Hermione... ce sont de nouveaux vêtements ?"

C'était son tour de sourire. "Peut-être." Elle sortit sa baguette. "Accio ciseaux !" incanta-t-elle, et l'instant d'après, elle tenait la paire de ciseaux de broderie qu'elle gardait dans sa malle. Elle prit le livre de Harry et le posa sur la table avec ses lunettes. "Prêt ?" demanda-t-elle.

"Je ne…" commença Harry, mais la proximité des ciseaux le fit tomber dans un silence docile. Hermione essaya de couper les cheveux de manière régulière, mais elle dut admettre qu'elle n'y connaissait absolument rien. Elle espéra ne pas lui couper une oreille ou le dégarnir d'un côté. Harry était inhabituellement calme ; content de l'attention qu'elle lui portait ou assommé d'ennui, elle n'aurait pu dire. Elle, elle ne s'ennuyait certainement pas. Elle était consciente de chaque endroit où elle le touchait. Une main le tenait sous le menton, l'autre perdue dans ses cheveux, sa jambe entre les siennes, son genou contre sa cuisse. Elle pouvait sentir le parfum qui émanait de lui, ce parfum de savon qui était le sien. Ses yeux verts étaient levés vers elle, bordés de ces cils noirs qu'elle adorait et lui enviait. "Ici !" indiqua-t-il brusquement, la voix un peu rauque. Il tendit la main et posa sa main sur sa taille, la rapprochant de lui. Elle était maintenant à cheval sur lui et il était presque à hauteur de sa poitrine. Oh mon dieu. Ça marche ? Je pense que oui.

Harry bougea à nouveau sur sa chaise.

"Reste tranquille." lui intima-t-elle. Sa voix se brisa en un couinement.

Il relâcha sa taille et attrapa son poignet avec sa main droite. Les ciseaux tombèrent et rebondirent sur le tapis. "Hermione…" murmura-t-il, et il la tira vers lui.

Et elle l'embrassa. Elle se laissa aller à son baiser avec une urgence presque douloureuse et, à sa surprise, il ouvrit la bouche sous la sienne, accueillant le baiser, accueillant son toucher. Ses mains passèrent de ses cheveux à ses épaules, puis s'enroulèrent autour de son cou. Elle sentit ses genoux céder, et elle s'assit sur ses cuisses, enroulant ses jambes autour des siennes. Elle pouvait sentir la pression de son torse contre elle, les battements de son cœur à travers le fin tee-shirt qu'il portait. "Hermione." Sa voix était rude à son oreille, ses mains encore plus sur son dos. Sa bouche passa sur sa joue, son oreille, la ligne de sa mâchoire, la peau sensible de sa gorge. Ses ongles la griffant presque, il l'agrippa par la taille et passa rudement sous son pull, trouvant et dessinant les contours de son soutien-gorge. Hermione frissonna à cette sensation, et aussi de surprise : ça ne ressemblait pas à Harry, d'être agressif. Mais il était là au moins, vraiment là, et alors que ses doigts traçaient des cercles de feu sur sa peau, elle cessa de se demander ce qui lui arrivait, et s'abandonna à ce moment. C'était simplement Harry, ses doigts sur sa peau et sa bouche sur la sienne et elle…

Bascula. Avec un petit cri, elle se retint à Harry, et réussit à l'emporter avec elle alors qu'elle tombait par terre. Ils atterrirent sur le tapis dans un torrent de halètements et d'éclats de rire. Il fallut un moment à Hermione pour réaliser qu'elle était la seule à rire. Harry ne riait pas du tout. Il avait les yeux baissés vers elle dans une expression d'horreur, et une telle douleur brillait dans ses yeux que son rire resta bloqué dans sa gorge. "Harry ?" s'étrangla-t-elle, luttant pour se redresser. "Harry, qu'est-ce qui ne va pas ?"

Il secoua la tête et s'éloigna d'elle. "Qu'est-ce qu'on a fait ? Qu'est-ce que tu faisais ?"

"Ce que je faisais ?" Hermione le dévisagea. "J'embrassais mon petit ami."

Harry cacha son visage dans ses mains.

"Mon petit ami." répéta-t-elle, mais cette fois avec colère. "Qui ne me parle presque plus, qui ne me regarde plus…"

"Ce n'est pas vrai." l'interrompit sèchement Harry en ôtant ses mains de son visage. Il prit ses lunettes sur la table et les mit. "Je suis juste occupé, c'est tout."

"Et pas moi ? Je suis Préfète-en-Chef, Harry, et j'ai des cours supplémentaires et des groupes d'étude, et j'ai quand même du temps pour toi. Je n'ai que du temps pour toi, mais tu ne sembles pas vouloir passer un seul instant avec moi."

"Hermione !" cria sèchement Harry. Ses yeux étaient froids et distants derrière ses lunettes, et sa mâchoire était crispée par la colère. Il n'avait jamais été comme ça auparavant. Sommes-nous en train de nous disputer ? pensa-t-elle vaguement. Est-ce cela ? Mais tout le monde se disputait. Ça semblait être autre chose. "Hermione, laisse tomber !"

"C'est à cause de cet été ?" demanda-t-elle, la voix cassée. "Je sais que nous avons traversé l'enfer, Harry, et je sais à quel point c'était douloureux…"

"Tu ne sais pas !" lâcha-t-il, et sa voix était comme la glace qui s'agglutinait sur le rebord de la fenêtre.

"Alors dis-moi."

Harry sembla hésiter un moment. Il était assis contre un fauteuil, les cheveux en bataille, les joues rougies par le baiser et la colère. Ses yeux rencontrèrent les siens et, pendant un instant, elle put sentir l'ancien lien qui les unissait, aussi vibrant que s'il était vivant.

Puis Harry détourna les yeux, et cela disparut. "Laisse tomber, Hermione. S'il-te-plaît !"

"Non, je ne ferais pas ça."

"Alors nous n'avons plus rien à nous dire !" s'exclama-t-il, et il se leva. Hermione le regarda avec incrédulité.

"Harry…"

"Laisse-moi tranquille !" cria-t-il, et l'écho de son cri résonna dans le silence. Elle resta assise, sans bouger, alors qu'il prenait sa cape rouge et passait le trou du portrait.

¤¤¤

Harry vérifia à peine les alentours alors qu'il descendait les escaliers, parcourait de sombres couloirs, et atteignait les portes de l'école. Il était trop animé de cette rage irrationnelle, née d'une douleur si incompréhensible et aveuglante qu'elle aurait pu être physique. Ses mains frissonnaient encore de la sensation de la peau d'Hermione sous elles, et sa bouche avait encore son goût, et il voyait encore son expression quand elle l'avait dévisagé. Alors dis-moi !

Mais je ne peux pas faire ça.

L'air froid le frappa comme un Cognard alors qu'il sortait. Il resserra sa cape autour de lui, mais il ressentait toujours la douleur au niveau des yeux et de la bouche. Il descendit les escaliers et ses bottes firent crisser la neige sous ses pieds. Il n'avait aucune idée d'où il allait. Le monde était resplendissant d'argent et d'obscurité, le ciel pareil à un diamant parsemé d'éclats ferreux. L'orée de la Forêt Interdite paraissait sombre et acérée à cette distance. Harry voulut disparaître en elle, dans le froid et les ténèbres. Il voulait être seul et ne plus penser ou parler à qui que ce soit.

Il ne s'était jamais senti ainsi auparavant. Il n'y avait jamais de problème que la présence de Ron ou d'Hermione ne saurait soulager. Il ne savait pas quand est-ce que ce changement subtil s'était insinué en lui, mais c'était arrivé, et alors qu'il supportait la présence de Ron, qui ne lui posait pas de questions, être avec Hermione l'emplissait de honte, de culpabilité et de douleur.

Il shoota dans la neige. Davantage en était tombé après le dîner et le sol était blanc et immaculé, seulement marqué par les ombres. Il aurait pu être la seule personne vivante, traçant son chemin solitaire à travers la peau d'un monde.

Il atteignit l'orée de la Forêt, et se souvint y être allé en première année, traînant un Drago Malefoy furieux dans son sillage. Ils avaient alors onze ans. Ça semblait s'être déroulé il y a des siècles. Il leva la main pour écarter une branche, et la lumière de la lune vint frapper la montre attachée à son poignet.

Il s'arrêta et la regarda. Sa surface dorée, les chiffres noirs, la montre que son père avait porté jusqu'à son dernier jour, et que Sirius avait ôté de son poignet mort. Cette montre qu'Hermione avait fait remarcher, pour lui. Il connaissait par cœur l'inscription à sa base. Pour Harry, de la part d'Hermione, ta meilleure amie.

Hermione. Un sentiment de désarroi le transperça. Qu'est-ce que j'ai fait ? Il s'arrêta brusquement et fit demi-tour vers le château, mais son pied se prit dans une racine, et il tomba la tête la première.

¤¤¤

La carte mena Drago à un vieux mur de pierre à l'orée de la Forêt Interdite, au centre d'une clairière déserte. Un arbre avait poussé au centre du mur, écartant les pierres avec ses racines. Drago s'adossa au tronc, dans l'ombre des branches sans feuilles, et regarda le paysage gelé.

Le ciel était devenu d'un bleu cobalt, marqué ici et là par l'ombre d'un nuage noir. Le lac était un diamant gelé, teinté d'un bleu doux par les ténèbres environnantes. Et au loin se dressait le château, sombre et ancien, identique à ce qu'il était quand Salazar Serpentard et Godric Gryffondor y vivaient durant leur enfance.

Parfois, en regardant le château, des souvenirs de son autre vie lui venaient, aussi facilement que les souvenirs d'un rêve. Ils avaient été là pour la construction du château, deux jeunes hommes, presque encore des enfants, galopant côte à côte dans les chants des bleuets. Simplement en touchant le vieux mur de pierre, il pouvait entendre leurs voix résonner en lui.

Descends du mur, Salazar, pourquoi te briser la nuque ?

Pourquoi pas ?

Je sais pourquoi.

Tu m'aimes tant que ça, Godric ?

Je t'aime bien assez.

Drago ouvrit les yeux. Il se demanda si Rowena, si elle était toujours vivante, pleurerait de savoir ce qu'était devenu son premier amour, à jamais piégé en Enfer ? Il se demanda brièvement comment était l'Enfer. Un endroit en flammes, comme il était si souvent décrit ? Ou un endroit glacial, réchauffé par aucun feu, éclairé par aucune lumière ?

Alors qu'il pensait à tout ça, il y eut un bruit sec au-dessus de lui, et une jeune fille tomba de l'arbre.

Il essaya de sortir les mains des poches pour l'attraper, mais le son de la branche brisée l'avait surpris et ralenti ses réflexes. Il recula d'un pas, mais ça ne suffit pas. Elle lui tomba directement dessus, et ils roulèrent sur le sol. Quand ils s'arrêtèrent, il vit qu'elle était à demi sur lui, ses genoux bloquant presque ses bras le long de son corps, ses yeux gris brillant d'amusement.

"Salut Drago." dit-elle en se redressant. "Comment vas-tu ?"

Drago cligna des yeux. Elle était vêtue, comme toujours, de ce qui semblait être une tenue d'époque. Ce soir-là elle portait une riche robe de laine noire décolleté, avec des manches échancrées à peine visible sous sa cape violette. La cape était fixée sur ses épaules par une épingle dorée en forme de coquelicot. Elle avait des joyaux dans les cheveux, des émeraudes et des grenats, qui captaient la lumière de la lune quand elle bougeait et faisaient penser à des lumières de Noël, effet qui était probablement voulu.

Il soupira. "Rhysenn. Oui. Fort heureusement, j'ai utilisé ma colonne vertébrale pour amortir ta chute." (2)

"Tu n'as pas l'air content de me voir."

"Je suis surpris d'avoir l'air de quelque chose. Je ne peux pas respirer."

C'était la vérité. Au lieu de s'asseoir sur son ventre, Rhysenn était carrément sur ses côtes. Elle était légère, mais sa respiration était tout de même comprimée. Au lieu de bouger, elle fit la moue. Comme toujours, elle lui rappelait un instrument de musique. Un violon, peut-être. Elle avait cette apparence délicate, et vibrait à cette hauteur de note.

"J'avais un très joli commentaire à te faire." raconta rêveusement Drago. "Puis tu m'es tombé sur la tête et j'ai oublié ce que c'était."

"Dis toujours."

"Je ne peux pas, le moment est passé."

Rhysenn secoua la tête et les gemmes brillèrent dans ses cheveux. "Tu penses trop !"

La neige commençait à mouiller le dos de la cape de Drago. Il frissonna. "Ce genre d'hommes est dangereux." (5)

Rhysenn ne répondit pas. Ses yeux brillaient, froids et amusés. "Tu veux le message que j'ai pour toi ou pas ?"

Drago bailla. De la neige tomba dans sa bouche. Il essaya de ne pas tousser. "Est-ce que j'ai le choix ?"

"Pas vraiment." Rhysenn souriait. C'était son moment préféré, quand Drago devait jouer à cache-cache pour trouver le parchemin dissimulé sous ses volumineux vêtements. D'habitude, Drago jouait le jeu, mais ce soir, il semblait inhabituellement irritable. Il posa une main fermement sur sa taille, et glissa l'autre sous sa robe, le long de ses collants, et trouva le parchemin soigneusement accroché au sommet de ses bas. Il le prit, et le tint devant elle. "Je l'ai."

Elle sembla irritée. "Comment as-tu... ?"

"Tu es une femme, et par conséquent prévisible."

"Oh !" Rhysenn poussa un petit cri d'agacement très féminin, et se leva de la poitrine de Drago. Elle se tint au-dessus de lui, les mains sur les hanches, dans une position qui lui offrait une vue imprenable sous sa jupe s'il tendait le cou. Il décida d'agir en gentleman et ne le fit pas. A la place, il se leva en brossant la neige sur sa cape. Quand il leva les yeux, il se retrouva pile aligné sur les siens. Il n'y avait rien de féminin dans son regard : il était aiguisé, froid, calculateur, âgé. Il se demanda à nouveau quel âge elle pouvait avoir, chose qu'elle ne voudrait jamais lui dire. "Tu es horrible."

"Ne fais pas comme si tu te souciais de ce que je faisais." lui suggéra Drago en chassant la neige accumulée sur ses manches à l'aide du parchemin

Rhysenn sourit, dévoilant des dents blanches acérées. "Tu as raison. Je ne m'en soucie pas." Elle s'avança vers lui, et pressa ses lèvres sur sa joue ; c'était comme toucher une cendre chaude. Il frissonna. "Joyeux Noël ! Je te verrai avant ton anniversaire."

"Je n'en doute pas. Mon anniversaire est en juillet."

"C'est ce que tu crois !" lança-t-elle, et elle disparut. Drago fixa l'endroit où elle s'était évanoui. Il lui avait dit auparavant que c'était impossible de transplaner à Poudlard, mais elle ne semblait pas s'en être formalisé.

Il regarda sombrement la lettre dans sa main. Il s'était habitué à l'apparence des missives de son père. Un beau parchemin en vélin, proprement roulé, serré dans un ruban noir et marqué d'un sceau représentant une tête de mort. Son père ne pouvait pas utiliser le sceau des Malefoy, après tout : ce sceau brillait désormais à la main gauche de Drago, contre le cuir soigné de ses gants d'hiver. Avec un soupir, il se prépara à l'ouvrir, quand le crissement de la neige le fit relever vivement la tête, son regard fouillant la demi-obscurité. C'est alors qu'il vit Harry, étendu à quelques pas de lui, la tête dans la neige.

¤¤¤

"'Soir Potter !" La voix provenant d'au-dessus de Harry était pleine d'amusement. "Tu nous fait un ange des neiges, ou tu es juste très, très fatigué ?"

"La ferme, Malefoy !" Harry roula sur le dos. Il regarda Drago, qui semblait être une silhouette noire contre le ciel saphir. Des cristaux blancs étaient pris dans ses cheveux argentés, et ses yeux gris s'accordaient avec la couleur du lac gelé. "Je suis tombé."

"C'était plus qu'évident." Il tendit une main, bien au chaud dans un gant de cuir. "Debout, alors."

"Je ne veux pas." refusa Harry d'un air rebelle.

"Tu vas geler."

"Et alors ?"

"C'est vrai, un point pour toi." Sur ce, il se laissa tomber dans la neige à ses côtés. Harry se tordit le cou pour regarder Drago d'un air irrité. Pourquoi est-ce que Drago ne pouvait pas simplement le laisser seul ? N'était-ce pas évident qu'il voulait être misérable en paix ?

"Tu vas ruiner tes précieux gants."

"J'en ai encore six paires à la maison." répliqua Drago d'un ton neutre. "Maintenant, qu'est-ce qui t'arrive ? On dirait que tu as un rencard avec Rogue."

Harry eut un rire amer.

"Ah, le rire jaune. Ça signifie un problème avec une fille."

Il parlait légèrement. Sa voix était prudente et égale. Harry leva la tête et appuya son menton sur sa main, ses yeux scannant l'expression de Drago, qui était imperméable. Même après tout ce temps, le sujet d'Hermione était toujours tendu entre eux. Drago était prudent, respectueux et réticent à parler d'elle. Ce qui en soi était suffisant à Harry pour savoir que peu importe les problèmes qu'avait valu à Drago ce qu'il ressentait pour Hermione, il le ressentait toujours. Harry suspectait que c'était ce qui l'avait tenu éloigné de Ginny, mais il n'en avait aucune preuve. Quoi que ce soit, Blaise ne l'avait apparemment pas compris, ou s'était convaincu que ça importait peu.

"Ouais. On peut dire ça."

Les sourcils de Drago se levèrent, mais il ne dit rien.

"Nous nous sommes disputés."

Drago resta silencieux.

"Hermione et moi." précisa Harry.

"Je me serais douté que tu ne parlais pas d'Hedwige."

Harry sourit malgré lui. Ce geste sembla renforcer une résolution en Drago. Il se leva, et tendit à nouveau une main vers Harry. "Debout. On va faire un tour."

Cette fois, Harry prit la main tendue. "Où ?" demanda-t-il en se levant.

"Pré-au-Lard."

"Pré-au-Lard ?" Harry essaya d'ôter sa main de celle de Drago, mais celui-ci le tirait fermement vers la Forêt Interdite. "Pourquoi ?"

"On va prendre un verre."

"Mais… les Trois Balais n'ont que de la Bièraubeurre. Je ne suis pas un elfe de maison !"

"Tais-toi simplement, Potter, et fais-moi confiance."

¤¤¤

Le soleil disparaissait derrière les montagnes qui bordaient Pré-au-Lard, illuminant le village d'une lueur rosée. La neige, pareil à du sucre glace, recouvrait le toit des maisons, qui étaient ornées de décorations de Noël magiques. De la fumée s'échappait des cheminées, marquant le ciel de faibles ombres telles des traînées d'aquarelle.

"Joli." apprécia Drago en s'arrêtant sur le chemin qui menait au village. Le panneau doré Vous entrez à Pré-au-Lard était couvert de guirlandes, tout comme le reste de la ville, étincelante de lumières vertes et rouges. Drago la regarda. "Aucun risque d'oublier que Noël approche ici."

"Noël." répéta Harry. Sa voix était vide. Il aurait aussi bien pu parler d'une récente tragédie. "Je n'ai acheté de cadeaux pour personne."

Drago lui jeta un regard de côté. "Est-ce que je dois comprendre que je n'aurais pas la maquette de train que j'ai demandé ?"

"Et le mariage…" continua sombrement Harry. "Il aura lieu le jour du Nouvel An et je n'ai rien acheté non plus."

Drago cligna des yeux pour chasser les flocons pendus à ses cils. "Tu as eu des nouvelles de Sirius ?"

Harry secoua la tête. "Pas tellement. Je pense qu'il est occupé avec les préparatifs."

"Rien à propos des cornemuses ?"

Un faible sourire souleva un coin de la bouche de Harry. "Je pense que c'est toujours en cours de négociations."

"Plus pour longtemps, je connais ma mère." sourit Drago, mais il vit que Harry n'écoutait plus. Il regardait le village, le regard sombre et distant. Le temps lui allait à merveille : la neige faisait ressortir ses cheveux noirs et sa cape rouge d'une manière incroyable, et le froid colorant sa peau pâle lui donnait l'air d'être en bien meilleure santé. Mais sa bouche était serrée en une ligne qui démontrait clairement le contraire. "Oh, allez, Potter, on dirait que ta chouette vient de mourir."

"Hermione me déteste." maugréa Harry. Ses mains jouaient nerveusement avec sa ceinture. Pas avec le matériau en lui-même, mais avec l'ornement circulaire rouge, trop petit pour être un bracelet, qui le recouvrait. Drago remarqua qu'il ne lui avait jamais demandé ce que c'était. Quoi que ce soit, il y était très attaché. Drago ne se rappelait pas l'avoir déjà vu sans depuis septembre.

"Te déteste ?" Drago secoua la tête, mais Harry ne semblait pas disposé à lui expliquer pourquoi. "J'en doute."

"Qui s'intéresse à ce que tu penses ?" répliqua Harry d'une voix sans inflexion.

"Un autre point pour toi. D'accord. Personne en dehors de toi." Il alla jusqu'à Harry et le prit par le dos de sa cape. "Viens."

Il le tira, et Harry suivit sans la moindre résistance. Ils descendirent le chemin enneigé menant au village, passant devant des fenêtres éclairées sentant le pain d'épice et la cannelle. Ils arrivèrent finalement dans la petite zone commerciale de Pré-au-Lard, délimitée par la boutique de Zonko d'un côté et les Trois Balais de l'autre. Zonko était fermé mais les Trois Balais étaient ouverts et, alors qu'ils passaient les portes pour entrer dans la pièce bruyante et chaude, Drago murmura un sortilège pour faire disparaître la neige de leurs capes. Toujours présentable, c'est mon slogan.

Derrière le bar, la jolie madame Rosmerta sourit aux garçons. "Bonsoir, Drago ! Harry !" les salua-t-elle.

Drago lui fit un signe de tête. "Nous ne faisons que passer." indiqua-t-il de façon significative.

Elle haussa un sourcil. "Bon, amusez-vous bien alors."

Harry regarda Drago sans comprendre. "Malefoy, qu'est-ce que… ?"

"Viens." Drago déplaça sa prise du col de Harry à son poignet, et le traîna dans son sillage. Ils traversèrent la pièce à demi-pleine de sorciers buvant tranquillement, puis passèrent devant un énorme sapin de Noël, sous l'escalier, jusqu'à ce qu'ils atteignent… un mur. Un mur entièrement nu excepté le portrait d'une très jolie jeune fille ressemblant à Madame Rosmerta, perchée sur une balançoire. Quand elle vit Harry et Drago, elle eut un sourire coquet. "Et bien, n'êtes-vous pas adorables tous les deux ?" demanda-t-elle. "Vous venez passer un peu de temps avec moi ?"

Drago secoua la tête, souriant légèrement. "Bouton d'Or." lança-t-il.

"Oh, pas encore un !" geignit la jeune fille, l'air ennuyé, mais le portrait s'écarta, révélant un passage dans le mur. Drago le traversa, et Harry, l'air perplexe, le suivit.

Un large espace s'ouvrait devant eux. C'était une pièce élégante, étincelant de bois de teck, de chêne foncé et de laiton poli. Un long bar courait le long du mur, et derrière lui étaient alignées des bouteilles de liqueurs : sang de Dragon rouge, vin de Géant noir, bière de Troll d'un vert visqueux. Un grand verre de vodka de la taille d'un homme se trouvait d'un côté du bar ; à l'intérieur de minuscule balais volaient en cercle. Les mots QUIDDITCH ABSOLU étaient écrits en volutes de fumée à son sommet.

Une grande sorcière se tenait derrière le bar, vêtue d'un haut argenté, et remplissait le verre d'un sorcier accoudé au comptoir d'un liquide rose. Alors que les yeux de Harry s'habituaient à la lumière, il réalisa deux choses. D'une : ce bar était, comparé aux autres bars, peuplé seulement de sorciers ; il ne voyait aucune sorcière. De deux : la fille derrière le bar ne portait pas de haut argenté ; en fait, elle ne portait pas de haut du tout. Elle était seulement vêtue de ses longs cheveux argentés et d'un mini-short.

"Bienvenue à la Belette Sordide." dit Drago en indiquant le bar d'un large mouvement de bras.

"Aah…" gémit Harry en reculant d'un pas. "Je… Je n'ai jamais… Je n'ai jamais vu…"

"Maintenant si !" Drago saisit à nouveau le dos de la robe de Harry et le tira fermement jusqu'au bar. Trouvant deux places vides près d'un sorcier grassouillet avec du cocktail rose, il lâcha Harry près de son siège et s'appuya sur le comptoir. "Hé !" appela-t-il. "Des boissons, ici."

Une serveuse seins nus se retourna. "Drago !" s'écria-t-elle, apparemment heureuse de le voir. Elle se pencha en avant et l'embrassa sur la joue. "Ça faisait un bail !"

Harry émit une sorte de gargouillement. "Tu viens souvent ici ?" demanda-t-il à Drago.

"Crois-le ou non, mais mon père concluait ses affaires ici." expliqua Drago en acceptant le baiser de la barmaid avec l'air de quelqu'un dont tout lui est dû. Ses yeux parcoururent rapidement le bar. "Bon, alors. Un Mai Tai." commanda-t-il. "Avec une ombrelle. Verte. Et un..." Il jeta un coup d'oeil à Harry. "Un Bloody Mary, avec double dose de sang de Dragon."

La barmaid sourit. "Une ombrelle ?"

"Bien sûr. Une rouge."

Elle lui sourit. "Tout ce que tu veux. Et mon beau, tu restes là jusqu'à ce que le spectacle commence cette fois."

Drago sourit simplement. Le spectacle ? pensa Harry. Ses yeux se posèrent sur une petite scène dans un coin sombre de la pièce. Il y avait plusieurs perches, et loin derrière se tenait un petit groupe de musiciens. Tous des hommes, forcément. Celui avec la clarinette ressemblait désagréablement à Rogue.

Harry avait vu assez de mauvais films pour savoir à quoi servaient les perches. Il se tourna lentement vers Drago, qui fouillait dans les poches de sa cape avec un air de suprême indifférence. "Malefoy," interrogea-t-il, un peu sèchement, "tu m'as amené dans un club de strip-tease pour sorciers ?"

"Ouaip !" dit Drago, et il jeta une poignée de Gallions sur le comptoir. "Ça devrait suffire pour plusieurs tournées."

Harry secoua la tête. "Je te verrais bien trinquer sur les flammes de l'enfer, Malefoy."

"Tu as dit trinquer ?" La barmaid aux cheveux argentés était de retour (certainement une Vélane, pensa Harry) avec une boisson fumante rouge dans une main et une tourbillonnante verte dans l'autre. Elle les posa devant Harry et Drago et sourit. "Un toast pour les deux plus beaux garçons de Poudlard ?"

Malgré lui, Harry se sentit rougir. Il n'était pas immunisé contre le charme Vela, pas même maintenant. Drago, en revanche, souriait. "Angélique, tu n'as jamais vu aucun autre garçon de Poudlard."

La Vélane lui rendit son sourire. "Je suis seulement ici pour les pourboires, amour."

Drago lui tendit un Gallion. Elle le mit précieusement à un endroit qui fit presque tomber Harry de son siège. Quand il se redressa, il saisit son verre vivement et le porta à sa bouche. Il le vida aussi facilement qu'une pinte d'essence, mais même à travers sa toux, il pouvait sentir le liquide répandre son énergie brûlante à travers ses veines.

Il agita faiblement une main. "Un autre," commanda-t-il, entre deux toux. "Un autre comme celui-là, s'il-te-plaît."

¤¤¤

Ils avaient déjà descendu quatre verres et le "spectacle" n'avait toujours pas commencé. Non pas qu'Harry s'en inquiète. Il était penché sur son quatrième cocktail au sang de Dragon, le fixant comme s'il contenait tous les secrets de l'univers.

Gentiment, Drago lui tapota l'épaule. "Hauts les cœurs, Potter. La nuit ne fait que commencer et nous avons des ombrelles dans nos verres." (3)

Harry tourna un regard trouble vers lui. "Qu'est-ce qu'il y a entre toi et les ombrelles ?"

"Et bien, c'est une bonne histoire. En fait non, pas si bonne que ça, seulement une longue histoire. Parlons plutôt de toi à la place. Comment est-ce que tu t'es retrouvé la tête la première dans la neige ?"

"Je te l'ai dit. Je me suis disputé avec Hermione."

"Et elle t'as frappé avec une pelle, t'as traîné jusqu'à la Forêt Interdite et t'as laissé là ?"

Harry poussa un soupir exaspéré. "Non. Je me suis en quelque sorte… enfui. Les choses prenaient trop d'ampleur et… tu ne te disputes jamais avec Blaise ?"

Drago grogna. "Pas exactement."

"Ce qui veut dire ?"

Drago secoua la tête. "Je ne veux pas parler d'elle."

"Mais c'est ta petite amie."

Drago ne put retenir un frisson. "Ne me le rappelle pas."

Harry le regarda, bouche bée. "Tu ne l'apprécies pas ?"

"Personne n'apprécie Blaise !" déclara Drago d'un ton péremptoire.

"Pourquoi pas ?"

"Ha !" Drago se redressa, les yeux brillants. "Par où commencer ? 'Fais-moi un cadeau' 'Amène-moi à Pré-au-Lard' 'Achète-moi ce bracelet' 'Fais-moi l'amour à même le sol tout de suite' 'Non, pas comme ça, comme ça' 'Arrête de perdre du temps et enlève ton pantalon'"

"Par quoi est-ce que tu veux que je commence ?" demanda Harry, en touillant son quatrième (cinquième ?) verre avec son ombrelle. (4)

Drago grogna. "Non, c'est comme ça qu'elle est. Elle a la pire personnalité de toute notre Maison, et comme tu dois t'en douter, la compétition est rude."

Harry le regarda avec curiosité. "Alors pourquoi est-ce que tu sors avec elle ?"

Drago vida son verre si vite que Harry s'inquiéta de le voir tomber de son siège. Il posa bruyamment son verre vide sur le comptoir. "De quoi est-ce que tu parles, Potter ? Elle est fantastique."

"Euh…" grogna Harry, perplexe. "Très bien. C'est juste… que s'est-il passé entre toi et Ginny ? Je pensais que vous alliez... tu sais. Sortir ensemble. Peut-être."

"Nous allions quoi ? Okay, Monsieur Sentiment, cette discussion n'était pas censé être sur moi. C'était supposé être à ton sujet."

Harry se redressa avec difficulté. Il lui fallut un moment pour fixer son regard sur Drago. Puis son regard s'aiguisa, se durcit, et il n'eut plus l'air ivre du tout. "Très bien, parlons de moi."

Drago fit courir son doigt sur le bord froid du verre. "Pourquoi vous êtes-vous disputés avec Hermione ?" demanda-t-il d'une voix neutre.

"Pourquoi est-ce que tu ne me le dis pas ?"

Drago cligna des yeux. "Hein ?"

"Elle t'a parlé." affirma Harry, d'une voix froide. "Je sais qu'elle l'a fait."

Drago regarda Harry dans les yeux. "Ça t'ennuie ?"

"Si ça l'aide, je pense que non."

Drago abandonna l'approche prudente. "Elle dit que tu l'ignores. Elle dit que tu ne lui parles presque plus."

Un rougissement commença à envahir le visage de Harry. "Ce n'est pas vrai."

Drago ne dit rien.

"Ce n'est pas vrai." répéta Harry, les pommettes rougies par la colère.

"Très bien. Dis-moi quels cours elle prend ?"

Harry cligna des yeux et ouvrit la bouche. "Quoi ?"

"Quels cours prend Hermione cette année ?"

Harry resta la bouche ouverte. "Potions," énonça-t-il lentement, "Défense contre les Forces du Mal Avancées avec Lupin..."

"Et les cours qu'elle n'a pas avec toi ?"

Harry baissa les yeux vers le comptoir. "Arithmancie," répondit-il, incertain. "Médecine Magique. Sorts et Protection..."

"Elle a laissé tomber." l'interrompit Drago, la voix dure. "En octobre. Elle a pris Etude des Runes à la place."

Harry détourna les yeux, la mâchoire serrée. "Où veux-tu en venir ?"

"Tu l'ignores. Pourquoi ?"

"Je ne…"

"Oh, arrête, Harry !" s'écria Drago avec exaspération. "Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre ?"

Harry frappa du poing si fort que les verres se renversèrent. Drago était conscient que le sorcier potelé à sa droite les regardait d'un drôle d'air. Il était aussi conscient que sa dernière question pouvait prêter à confusion pour quelqu'un d'extérieur à la conversation. Oh, bon.

"Il n'y a personne d'autre !" cria Harry. "Il n'y aura jamais personne d'autre pour moi, jamais !"

Le sorcier potelé tapota Drago dans les côtes avec sa baguette. "Je pense qu'il est sincère."murmura-t-il à l'oreille de Drago. "Allez, donne-lui une autre chance."

"Oh, taisez-vous !" s'écria Drago sans se retourner. Il regardait Harry. Le rouge de son visage avait disparu et il était devenu très pâle.

"Désolé, tu n'y es pour rien." admit Harry.

"Ça pour sûr. Et ne pense pas que je vais m'amuser à faire les intermédiaires entre Hermione et toi, car je ne le ferais pas."

"Alors pourquoi... ?"

"Je n'aime pas la voir malheureuse."

A ça, Harry resta silencieux. Il regarda les bouteilles alignées contre le mur, derrière le comptoir. Les liqueurs magiques de différentes couleurs tourbillonnaient à l'intérieur : des nuances de lavande, de turquoise et d'or clair. "Peut-être que je deviens égoïste." réfléchit-il finalement. "Mais c'est parce que je l'aime et que je ne veux pas la perdre même si je ne… même si je ne peux..." Il s'arrêta, et Drago attendit, sachant qu'il ne devait pas l'interrompre. "Même si je ne peux rien lui offrir maintenant." acheva Harry.

"Tu t'es éloigné d'elle."

Harry fixait son verre vide désormais. La lueur d'une torche parsemait ses cheveux d'or et illuminait un objet doré contre sa gorge. Le Charme Epicyclique. "Peut-être la meilleure chose pour elle."

"Conneries! Elle t'aime."

"Aimer…" répéta platement Harry. Sa voix était dénué de la moindre intonation. "Peut-être..."

"Ne soit pas un parfait abruti. Bien sûr que oui."

La barmaid posa un nouveau verre devant Harry, qui le regarda sans vraiment le voir. Drago essaya de se rappeler combien de verres il avait déjà consommé. Il avait le sentiment que c'était plus qu'un chiffre à un nombre.

"Voldemort va venir pour moi." dit Harry. "Tu le sais."

Drago se pencha. "Je ne sais rien de tel." le contredit-il, bien qu'au fond de lui, il ait le souvenir de la douleur lancinante à sa paume, et de la voix d'un homme disant : Le garçon n'est pas fiable, Maître.

"Bien sûr qu'il vient ! Il va encore essayer de m'avoir. Pourquoi arrêterait-il maintenant ? Serpentard est hors-course, et plus je serais jeune et sans expérience, et mieux ce sera pour lui."

"Potter..." Drago laissa sa voix s'éteindre. "Tu ne sais pas."

"Je sais." Sa voix était sûre.

"Alors… tu as peur ?"

"Non. Je suis content."

Drago cligna des yeux. "Redis-moi ça ?"

"Je suis content." répéta Harry, et sa voix contenait quelque chose, quelque chose de sauvage et primitif. Sa main tenait étroitement son verre. "Je suis content. J'y pense tout le temps, Malefoy, au fait de le combattre, ma chance de me venger, de libérer mes parents… Je rêve que je le tue. Je me réveille avec des bleus sur les mains et je sais que j'ai frappé le mur en dormant. J'étais furieux auparavant mais je n'avais jamais connu de haine comme celle-ci, forte et permanente, qui ne me quitte jamais, alors comment pourrais-je être avec Hermione quand je ressens ça ? Si elle savait comment je suis réellement, si plein de haine et de poison… elle pense que je suis au-dessus de ça, mieux que ça, et je voudrais que ce soit vrai, mais…" Il secoua la tête comme pour éclaircir ses pensées, et ses cheveux volèrent autour de son visage. Hermione avait raison. Il avait besoin d'une bonne coupe. "Mais ça ne l'est pas."

Drago le regarda fixement. "Je ne savais pas..."

La respiration de Harry était précipitée. "Je continue de penser à mes parents là-bas… dans cet endroit..."

Drago parla à travers sa gorge serrée : "Est-ce que tu as utilisé la Pensine que je t'ai donné ?"

"Non." Harry secoua la tête. "Je ne peux pas..." L'alcool avait rendu sa voix plus rauque, et lui donnait un air encore plus désespéré. "Je ne peux pas le supporter, je ne peux..." et il se pencha en avant et cacha son visage dans ses mains.

Drago resta immobile, glacé, son coeur battant douloureusement contre ses côtes. C'était sa faute, sa faute, il était le seul à avoir dit à Harry pour ses parents au pays des morts, faisant ressortir des sentiments de perte et de rage insupportables par la même occasion. Il avait pensé que la Pensine l'aiderait, mais ce n'était pas le cas, puisque Harry ne pouvait supporter l'idée de s'en servir. Il avait été idiot d'avoir eu cette idée.

Il tendit la main, et toucha gentiment l'épaule humide de Harry. "Potter." Harry ne bougea pas. "Potter, je suis désolé, je…"

Harry glissa de son siège et tomba mollement sur le sol.

"Oh, merde !" Drago descendit de son siège et s'agenouilla près de Harry. Il posa une main sur son épaule et le retourna. Il semblait indemne, et regarda vaguement Drago à travers ses yeux à demi-ouverts. "Harry ? Harry, est-ce que ça va ?"

"Très bien merci, Professeur !" répondit Harry en souriant, et il ferma les yeux.

"Et un jour je me souviendrais pourquoi est-ce que je t'ai laissé boire autant." Drago soupira et s'assit sur ses talons. A ce moment-là, il réalisa que le bar tout entier les regardait. Même les serveuses dévêtues les regardaient curieusement. "Allez, Harry, debout. Non, ne retombe pas. Oui, je sais, la gravité est une rude maîtresse. Mais nous devons apprendre à vivre avec elle. Maintenant lève-toi..."

¤¤¤

"Allons, il va revenir." Ginny tapota gentiment la main d'Hermione. Elles étaient assises sur le grand escalier devant les portes de Poudlard. Elles étaient toutes deux enroulées dans de chaudes capes : une bleue nuit pour Hermione, une couleur or pâle pour Ginny. Des flocons argentés étaient pris dans les boucles de Ginny, et elle regardait son amie avec anxiété. "Vous ne vous étiez jamais disputés comme ça."

"Je sais." fit Hermione, la gorge serrée. "C'est ce qui rend les choses si affreuses."

"Se disputer tout le temps est mauvais à long terme, crois-moi." affirma Ginny, et elle roula des yeux. "Drago et moi…" Elle s'arrêta. Malgré son état misérable, Hermione écouta avec intérêt.

"Drago et toi quoi ?"

"Rien !" dit Ginny avec un élégant haussement d'épaule. Hermione l'étudia du coin de l'oeil. Ses cheveux écarlates et sa cape or ressortaient comme une balise sur la neige blanche. Quand des étudiants se demandaient quelle fille était la plus belle fille de l'école, ils se retrouvaient sûrement à devoir choisir entre Blaise Zabini et Ginny. Ginny, du point de vue d'Hermione, était naturellement belle, contrairement à Blaise qui faisait des efforts pour l'être. Hermione se demanda pour la centième fois ce qui avait causé sa rupture avec Drago. Ils avaient semblé si proches quand ils étaient revenus à l'école en septembre, et puis, soudainement et sans la moindre explication, ils cessèrent de se parler. En fait, à moins qu'il ne s'agisse d'un match de Quidditch, ils semblaient essayer de ne pas se retrouver à moins de cent mètres l'un de l'autre.

Ron avait été ravi. Hermione, bien qu'elle essayait de le cacher, en était aussi contente. Et Harry n'avait presque rien remarqué de la situation.

Harry. Le coeur d'Hermione fit un bond dans sa poitrine, et elle leva les yeux vers la ligne sombre des arbres, cherchant des cheveux noirs familiers et une cape rouge…

Ginny les vit la première. "Regarde !" s'exclama-t-elle, et elle se leva, sa cape volant derrière elle. Hermione plissa les yeux, mais ses yeux n'étaient pas aussi aiguisés que les siens : elle vit seulement une forme sombre approcher. Ginny renifla. "Il est de retour… va savoir où est-ce qu'il est allé." Elle se retourna. "Je retourne à l'intérieur."

Hermione lui prit la main. "Non. Attends."

Ginny attendit, à contrecœur. La forme en approche s'éclaircit. Hermione put voir qu'il s'agissait de Drago, la tête nue, ses cheveux argentés luisant contre l'horizon sombre. Mais il n'était pas seul : il portait Harry, dont la cape écarlate se détachait sur la neige comme une tâche de sang.

Hermione fut en bas de l'escalier en quelques secondes. Dans le silence gelé de la nuit, le bruit de ses pas était comme un bruit de verre brisé. Elle rejoignit Drago et le percuta presque dans sa hâte. "Qu'est-ce qui s'est passé ? Est-ce qu'il va bien ?"

"Il va bien." Les yeux de Drago étaient sombres, ses cils luisant dans la lueur de la lune. "Il a simplement trop bu, c'est tout."

"Oh…" Hermione laissa ses bras retomber le long de ses flancs. Elle ne pouvait regarder le visage endormi de Harry, il semblait si vulnérable et si enfantin dans la faible lumière. Elle leva les yeux vers Drago à la place. "Alors, il s'est évanoui ?"

"Et bien, il s'est réveillé à un moment, m'a appelé Professeur, et m'a demandé de l'emmener au Buckingham Palace car il allait être en retard pour prendre le thé avec la Reine. Quand je ne l'ai pas laissé courir prendre son train, il est devenu grossier, alors je l'ai assommé, et nous voici."

Hermione secoua la tête. "Avec des amis comme toi, qui a besoin d'ennemis ? Je ne peux pas croire que tu l'aies laissé boire autant."

Drago la regarda avec de grands yeux.

Elle soupira. "D'un autre côté, tu l'as porté jusqu'ici."

Drago haussa les épaules. "Je ne pouvais pas le laisser sur le sol de la… ah… des Trois Balais. Je lui ai jeté un sort d'Allègement pour le porter plus facilement."

"Vraiment ?" C'était Ginny, qui avait rejoint Hermione. Elle pointa sa baguette sur Harry. "Finite incantatem !" incanta-t-elle.

Il y eut un court éclat de lumière, et Drago chancela et perdit presque l'équilibre alors que son fardeau reprenait son poids normal. Hermione se précipita et attrapa Harry. Ensemble, ils le déposèrent sur le sol gelé où il roula sur lui-même avec un bruit endormi, et posa sa tête sur ses mains.

Drago se redressa et regarda Ginny. Ses yeux brillaient de rage. "C'était stupide, Weasley. J'aurais pu le lâcher."

"Comme si tu t'en souciais." contre-attaqua Ginny en repoussant ses boucles rousses. "Tu aurais pu utiliser un Mobilicorpus et l'amener ici. Tu n'avais pas besoin de le porter. Tu l'as juste fait pour impressionner Hermione."

Hermione hoqueta de surprise. Qu'est-ce qui arrivait à Ginny ? Elle regarda Drago, presque effrayée de ce qu'elle allait voir. Ses yeux étaient réduits à des fentes, la bouche pincée en une ligne fine. "Quel riche et inventif fantasme tu nous racontes là, Weasley !" répliqua-t-il froidement. "Je suppose que ce n'est qu'une conséquence de ta vie ordinaire et ennuyante."

"Au moins, j'ai une vie !" s'exclama Ginny.

"C'est vrai, et elle consiste à attendre devant l'école à deux heures du matin que les petits amis des autres reviennent, car tu n'en as même pas un toi-même."

"Tu n'as pas besoin de montrer à quel point tu es haïssable. Je le sais déjà." Elle tourna les talons et remonta les escaliers, ouvrant les portes avec force avant de disparaître.

Hermione se retourna et regarda Drago. La colère avait disparu de son visage, et une lueur étrange brillait dans ses yeux. Sans la regarder, il lui dit : "Si tu commences à me demander ce qui s'est passé entre Ginny et moi, et me dis quel couple formidable nous faisions, je t'enterre jusqu'au cou dans la neige."

"Est-ce que je peux te demander comment est-ce que tu as commencé à sortir avec Blaise Zabini à la place ?"

"Ai-je jamais répondu à cette question quand tu me la posais ?"

"Non, mais je pensais que cette nuit serait différente."

"Ça pourrait, en fait, être la nuit où ton petit ami meure de froid, à moins que tu ne le ramènes à l'intérieur." Drago désigna Harry, qui était toujours allongé par terre, la tête lové sur ses bras. Hermione douta qu'il y ait un quelconque risque d'hypothermie, puisqu'il était allongé sur sa cape, et qu'elle y avait jeté un sortilège de Chaleur en octobre.

"Il a l'air si adorable." dit-elle.

"C'est discutable." Drago s'éloigna. "Mais il est tout à toi désormais. Passe une bonne nuit, et ne le laisse pas te vomir dessus."

"Tu ne vas pas m'aider à le ramener à l'intérieur ?"

"Non. Demande à Weasley de t'aider." Elle savait qu'il parlait de Ron ; même s'il appelait Ginny "Weasley" il y avait une différence de ton quand il faisait référence à l'un ou à l'autre.

"Je ne sais pas où il est."

"Je suis sûr que tu peux le trouver." Drago la dépassa, monta les marches deux par deux, la lumière de la lune brillant sur les broderies de sa cape. Elle se demanda s'il allait courir après Ginny. Elle ne semblait pas vouloir être suivie. Enfin, avec ces deux-là, on ne savait jamais.

¤¤¤

Ginny avait déjà monté la moitié de l'escalier de la Tour des Gryffondors quand elle entendit une voix derrière elle. "Weasley. Attends !"

Malgré elle, elle se retourna. Drago se tenait au pied de l'escalier, enroulé dans sa cape noire. La neige dans ses cheveux avait fondu et faisait de petites traînées le long de son visage. Derrière lui, à travers la fenêtre, elle pouvait voir le ciel nocturne parsemé d'un millier d'étoiles de la couleur de ses yeux.

"Qu'est-ce que tu veux ?"

"Je pense que ce serait mieux si tu ne parlais de cette nuit à personne. Par égard pour Harry."

Ginny plissa les yeux. "J'ai déjà promis que je ne révèlerais pas que vous êtes amis."

"Je sais." Le non-dit flottait entre eux : Mais c'était avant. "Je voulais parler du fait qu'il ait trop bu. Les professeurs n'apprécieront pas et ils pourraient l'empêcher de jouer. Il a déjà des problèmes avec ses notes. Tu le sais."

"Est-ce que tu te soucies de qui que ce soit en dehors de Harry ?" Elle entendit la glace dans sa propre voix et en fut surprise. Où avait-elle appris à parler comme ça ? La réponse fut immédiate : de lui, bien sûr. "Et Hermione, je suppose. Mais bon, nous nous sommes entendu pour ne pas parler de ça."

"Je ne te demande pas de me promettre quoi que ce soit. Mais Harry est ton ami."

Ginny sentit les muscles de ses épaules se tendre. "Tu ne tiens pas tes promesses." le contra-t-elle à voix basse. "Pourquoi le devrais-je ?"

"Je ne t'ai jamais rien promis." La voix de Drago était calme. Il rejeta ses cheveux en arrière et la lumière d'une torche illumina la chevalière qu'il portait.

"Tu as sous-entendu que…"

"Tu as choisi de lire une implication dans mon comportement." Les yeux du jeune homme n'étaient plus que deux fentes argentées. "Ce n'est pas ma faute."

Ginny sentit une bande glaciale lui serrer le coeur. Elle savait que c'était vrai. Drago n'avait pas simulé ses sentiments pour elle. Mais ils avaient déjà eu cette conversation, et il était inutile d'essayer de lui faire dire autre chose. Mais quand elle repensa à l'anniversaire de Harry, à la main de Drago sur la sienne alors qu'ils descendaient l'escalier, et à ses yeux quand il la regardait, et à toutes les lettres qu'elle lui avait écrit au cours de l'été, la rage s'empara d'elle, si violente et tragique qu'elle en était presque douloureuse.

"Tu es un bâtard !" cracha-t-elle sans réfléchir. "Comme ton père."

Drago renifla. Un bref éclat d'émotion assombrit ses yeux : ça aurait pu être de la douleur ou de la rage, ou simplement de la surprise. Mais ça avait disparu. "En fait," dit-il d'une voix acide, "je suis un bâtard d'une façon qui m'est propre."

Ginny n'avait rien à répondre à cela. Elle se retourna et monta l'escalier, et Drago ne la suivit pas.

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L'aube approchait, et la pièce avait commencé à se remplir de lumière. "Le soleil va se lever." dit la jeune fille en roulant sur elle-même dans l'obscurité jusqu'à ce que son épaule nue touche la sienne. "Nous devrions y aller."

"Non." Sa voix était distante, endormie. "Restons ici. Laissons-les nous trouver. Qui s'en soucie ?"

"Oh, Ron." Elle se redressa sur un coude et le dévisagea. Il était enroulé dans les draps, les cheveux collés à son front par la sueur. Cette chambre était une des seules de Poudlard à ne pas être glaciale en hiver. Dans la pâle lueur de l'aube, la marque argentée sur le front de Ron à l'endroit où Rowena Serdaigle l'avait embrassé luisait faiblement. "Tu sais qu'on ne peut pas faire ça."

"Je sais." Il l'attira à elle de manière à ce qu'elle soit au-dessus de lui et l'embrassa.

"Personne ne doit savoir pour ça." dit-elle précipitamment. "Pour nous."

"Ouais. Je sais aussi." Ses lèvres se posèrent sur sa gorge. "Je n'aime pas les mensonges, d'ailleurs."

"C'est seulement pour un moment." ajouta-t-elle, la voix un peu rauque. Ses résolutions avaient commencé à faiblir et elle commençait à s'abandonner à ses baisers. Quand il arrêta, elle émit un gémissement déçu et le regarda d'un air suppliant.

Ses yeux bleus brillèrent d'amusement. "Je pensais que nous devions y aller ?"

"Bon," murmura-t-elle, "peut-être pas tout de suite." et elle le laissa la prendre dans ses bras.

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Références:

(1) "Je ne sais pas." dit Harry, la voix acide. "J'ai peur d'avoir accidentellement postulé pour 'once de décence morale' à la place." Buffy.

(2) "Fort heureusement, j'ai utilisé ma colonne vertébrale pour amortir ta chute." Blackadder.

(3) "La nuit ne fait que commencer et nous avons des ombrelles dans nos verres." The Tick.

(4) Par où commencer ? 'Fais-moi un cadeau.' 'Amène-moi à Pré-au-Lard.' 'Achète-moi ce bracelet.' 'Fais-moi l'amour à même le sol tout de suite.' 'Non, pas comme ça, comme ça.' 'Arrête de perdre du temps et enlève ton pantalon'."

"Qu'est-ce que tu veux que je fasse en premier ?" Blackadder.

(5) "Tu penses trop, ce genre d'homme est dangereux." Julius Caesar, Shakespeare.