Objectif numéro 1 : Quitter ma ville natale, prendre le train à la première heure et tout recommencer. Tel était mon nouveau but en septembre de l'année 2013.

J'avais parfaitement tout planifié pourtant. Je devais à l'origine m'inscrire à l'université de Namur, donc celle de ma ville, après l'obtention de mon diplôme de secondaire mais voilà, ma situation familiale ayant pris une nouvelle tournure, il me fallait revoir mes plans et changer de direction.

Ce dont j'avais le plus besoin à ce moment-là, ce n'était plus seulement de changer d'établissement mais de changer d'air. Il fallait que je voie plus loin que cette ville que je connaissais bien trop par cœur. Encore, aujourd'hui, à chaque fois que je pense à Namur, je pleure autant que son ciel. Plus le moindre rayon de soleil n'y brille depuis trop longtemps maintenant. Alors quand j'ai opté finalement pour cette autre université où, paraît-il, Erasme y avait mis les pieds, j'imaginais des siècles d'Histoire dont j'allais enfin faire partie.

En effet, j'avais obtenu le soutien du CPAS pour poursuivre mes études et je n'avais qu'une envie dès cet instant, c'était de les poursuivre le plus loin possible de chez moi. Alors, Louvain me semblait être un bon compromis. Je dois avouer que je m'étais à peine renseignée sur cette ville, tout s'était déroulé si vite. Je savais juste deux ou trois choses dessus grâce à ma mère qui m'en avait parlé et que j'avais écoutée d'une oreille distraite, comme à mon habitude. Malgré tout, c'était mon erreur qui me permit de réaliser par la suite à quel point le destin peut nous jouer un curieux tour.

J'avais tellement hâte de découvrir ce qui allait devenir ma chambre d'étudiant. J'avais fort heureusement trouvé in extremis, grâce à un groupe Facebook, un apprtement à partager avec deux autres filles : une française et une montoise. Le prix rentrait dans mon budget et c'était tout ce qui comptait pour moi. Le contrat devait être signé le lendemain et je pouvais emménager tout de suite. Cela dit, j'avais prévu de passer la nuit soit dans une auberge de jeunesse soit chez une amie qui me l'avait proposé, mais ne tenant pas à la déranger, j'hésitais encore. Non, je ne pouvais plus faire marche arrière et je ne pouvais attendre plus longtemps ce que le destin me réservait.

On aura beau dire ce qu'on veut de moi : Que j'avais été naïve ou idiote de ne pas m'être renseignée d'avantage ou d'avoir cru que la séparation en deux en 68 de cette université belge n'avait juste consisté qu'en la simple création d'un bâtiment ou le déménagement des francophones dans un autre bâtiment qui se serait situé juste en face de ceux des flamands ou encore dans un autre coin de la même ville.

Mais voilà, ma vie fut chamboulée ce jour-là. Pas seulement parce que je venais de recevoir l'aide sociale nécessaire pour mes études. Pas seulement non plus parce que j'allais pouvoir changer de ville, ou que j'allais franchir un nouveau tournant dans mes études, non.

Ce jour-là était un jour important pour moi mais je ne le savais pas encore. Assise dans le train qui me menait à Louvain (ou Leuven), j'avais la sensation que le soleil n'avait jamais brillé autant de toute sa vie.

Le paysage défilait ainsi sous mes yeux à une vitesse non négligeable mais trop lentement à mon goût. J'avais une telle envie d'arriver dans cette nouvelle ville : Louvain. Cependant, il fallait que je tempère mes ardeurs et les chansons qui murmuraient dans mes oreilles m'y aidaient considérablement.

Lorsqu'enfin le train daigna arriver à Leuven, j'en descendis avec tant d'empressement que je manquasse de me vautrer par terre.

Cependant, ce n'était pas ma maladresse qui allait ternir cette merveilleuse journée. Une fois que je réalisai pleinement où je me trouvais, je ne pus m'empêcher de contempler avec émerveillement chaque magasin qui se trouvait dans cette gare. Un peu comme si j'étais une « Hermione » qui aurait traversé la voie 9 ¾, aurait pris le Poudlard express pour se rendre inéluctablement à Poudlard.

Mis à part le fait que mon Pourdlard, c'était cette ville universitaire : Leuven.

Oui, j'avais la sensation d'avoir atterri dans un autre monde. Un nouveau monde s'ouvrait à moi et je n'avais qu'une envie c'était de le découvrir.

Alors, dès que j'aperçus une librairie, je me dépêchai d'aller acquérir une carte de la ville. Je la regardai sommairement parce que personnellement, je me moquais un peu de ce qu'il y avait dessus, trop excitée pour rester concentrée. Lorsque je sortis de la gare et que j'eus pointé mon nez au cœur de la ville, j'avais envie de m'y perdre pour en connaitre les moindres recoins. C'est donc sans surprise que j'eusse envie de m'y promener ça et là sans savoir où j'allais exactement durant plusieurs heures. Je m'arrêtais bien sûr pour manger un truc dans le magasin du coin et/ou m'assoir sur un banc pour profiter de cette incroyable journée. Je me sentais enfin libre. Libre de vivre ma vie comme je l'entendais.

Lorsque je repris le chemin pour continuer cette visite, je finis par tomber sur un bâtiment plutôt moderne comparé à d'autres qui paraissaient avoir traversé tant de siècles.

Je notai rapidement que ce devait être un bâtiment universitaire. Des jeunes, portant des syllabi, y entraient et en sortaient. D'autres papotaient assis sur les marches qui menaient à l'entrée principale, présumai-je.

Alors avec précaution, je montai ces marches afin de voir sur quel bâtiment j'étais tombée, quels cours y donnait-on, où cela y était mentionné … ?

Mais tandis que j'essayai de trouver une plaque et/ ou un panneau qui pourrait m'en apprendre davantage sur le lieu où je me situais, j'eus le pressentiment que l'on m'observait. C'est pourquoi je regardai en vitesse autour de moi si cette sensation était réelle ou imaginaire. Je pus vite apercevoir un groupe de 4 ou 5 garçons me jetant des coups d'œil dans ma direction, dissimulant fort mal des sourires malicieux.

Je ne voulais guère perdre mon temps à chercher à savoir ce qui les faisait tant sourire ainsi, alors, je retournai aussitôt à ma première occupation et lorsque je pensai avoir aperçu une plaque informative, je sentis une main se poser sur mon épaule.

Saisie par ce geste inattendu, je pivotai brusquement pour faire face à celui ou celle qui m'avait importuné.

J'eus à peine le temps d'articuler quoi que ce soit qu'un garçon, que j'aurais pu trouver pas mal, s'il n'avait pas cet air suffisant et narquois pour me répugner, s'empressa de débiter:

- - Je ziet er verloren uit. Kan ik help je (tu as l'air perdue, puis-je t'aider) ? déclara-t-il d'un ton que je qualifiais de hautain. Wat is je naam ? Ik wil heel graag je leren kennen. (Quel est ton nom, j'ai très envie d'apprendre à te connaitre). Continua-t-il dans sa lancée.

Ce n'était curieusement pas en tentant de traduire ce qu'il venait de me dire que j'essayais de discerner ses intentions. A vrai dire, c'était peine perdue, j'étais si mauvaise en langue.

C'est pourquoi, je pris le temps d'étudier les traits de son visage et surtout de lire dans ses yeux noisette le moindre détail sur lequel m'appuyer pour savoir à quel genre de spécimen j'avais affaire. Son regard était farceur. Il semblait sans l'ombre d'un doute sûr de lui.

Je jaugeai de bas en haut le plus rapidement possible cet individu. D'un seul coup d'œil, je pus conclure que nous n'avions rien en commun. Il ne venait pas du même milieu que moi.

Cela dit, étant donné que je ne voyais pas ce qu'il me voulait exactement, je dus lui répondre malgré tout :

- - Excusez-moi, je n'ai pas compris… ? avouai-je d'un ton malencontreusement naïf

- - Oh, je vois, reprit-il aussitôt, tu es française… ? S'exclama-t-il d'un ton interrogateur.

Un autre garçon vint le rejoindre et contrairement à ce que j'imaginais, il n'était pas là pour le soutenir mais semblait lui conseiller en flamand de me laisser tranquille.
Il était évident qu'ils provenaient tout deux d'un monde qui était littéralement l'opposé du mien.

Et tandis que le nouveau venu tirait son ami par le bras pour l'éloigner de moi, il ne daigna même pas poser un seul regard sur moi.
Néanmoins, je ne pus m'empêcher de constater l'immense fossé qu'il y avait entre eux.

Certes, ils provenaient de la haute société. Leur langage du corps, leur façon de s'habiller, leur attitude ne laissaient aucune place au doute. Malgré cela, il y avait chez cet Inconnu quelque chose en plus qui me paraissait familier. Comme un air de déjà vu. Peut-être l'avais-je déjà rencontré ou croisé… ? Je ne pouvais le dire mais ce fut cette curieuse sensation de familiarité qui m'intrigua le plus chez lui. C'était ce truc en plus qui fit toute la différence entre Lui et l'autre prétentieux qui m'avait dérangée.

Lorsque cet inconnu retourna s'asseoir à côté de ses amis, il ne se mêla pas à leur conversation. Il paraissait comme détaché d'eux, tout en étant assis à côté d'eux… Il regardait au loin, à l'opposé d'où se trouvait son groupe. Il avait l'air tellement perdu dans ses pensées. Comme s'il rêvait d'ailleurs …

Je me souviens clairement avoir été impressionnée par Lui. Dire qu'il était beau aurait été un intolérable euphémisme car il était tel qu'on pouvait largement supposer que son apparence était tout simplement la raison même pour laquelle le mot Beauté avait été inventé. Sa physionomie passait pour être au-dessus de tout ce que l'humain pouvait imaginer.

J'eus, par chance ou par malheur, le temps de l'observer lorsqu'il fut proche de moi. Il avait une présence qui inspirait le respect. Son corps élancé balançait entre une corpulence un tantinet gracile quoi que davantage musclée. Il avait plus de 18 ans, c'était certain. Malgré son visage poupin et angélique, ses grands yeux translucides trahissaient chez lui une sagesse qu'il devait arborer depuis longtemps. Les traits de son visage étaient fins mais acérés, lui donnant cet air si sérieux qui lui permettait sans conteste de ne plus passer pour un adolescent mais pour un jeune homme bien ancré dans la vingtaine.

Quand j'y repense, c'était assez curieux, en passant devant des étudiants parlant le flamand, je m'étais demandée ce qu'aurait été ma vie si j'étais née de l'autre côté du pays. Lorsque je vis une fille ayant la même apparence que moi, je crus un instant que j'aurais pu être cette fille… Mais alors, elle se mit à rire et à sautiller dans tous les sens auprès de ses amis. Elle respirait tant la joie de vivre que j'aurais sincèrement voulu être comme elle. Cependant, j'avais bien trop tendance à me replier sur moi-même et je n'avais certainement pas autant de connaissances voire même d'énergie qu'elle devait probablement avoir. Elle semblait être, malgré notre ressemblance, l'opposé de ce que j'étais et de ce que je suis encore. Je ne me reconnaissais tout bonnement pas en elle. Qui pouvait prétendre que j'aurais eu une attitude différente dans un autre lieu, finalement ? L'on croit si souvent que l'herbe est plus verte ailleurs…

Mais ce garçon, assis non loin de moi, le regard perdu dans le vague, dégageait toute la maturité dont ses amis semblaient cruellement manquer. Ce garçon était, contre toute attente, la personne que j'aurais été si j'étais née de l'autre côté. Malgré nos différences, il était sans conteste mon alter ego…

(La suite viendra dans les 2 ou 3 jours à venir :) )