Le Gardien

Disclaimer : Les personnages ne m'appartiennent pas. Ils sont à Hiromu Arakawa :3

Base : FMA (manga)

Genre : Romance – Mistery – OS – Shônen-Ai (Edvy)

Résumé : Vigilant. Attentif. Mais irrémédiablement insupportable et, pourtant, si captivant. C'est ainsi qu'Edward le décrirait. Qui ça ? Le Gardien. Son Gardien. Et son plus précieux secret.

Musiques : Life is Strange Main Menu Theme (Jonathan Morali), Obstacles (Syd Matters, LiS OST)

Note : Ça fait longtemps que je n'ai pas écrit. Très longtemps. Trop longtemps. À vrai dire : mon environnement ne s'y prêtait pas trop. Et pouvoir écrire à nouveau, même un peu, me remplit de joie ^w^ Non, il ne se passera rien d'exceptionnel ou de trépidant dans ce petit OS. Ce que je souhaite vous faire découvrir, c'est une simple tranche de vie, à l'atmosphère proche d'un jeu que j'ai beaucoup apprécié (et que vous devez être nombreux à connaître, ne serait-ce que de nom ;p). Si vous ignorez tout de Life is Strange, je vous encourage fortement à l'acheter ! C'est une véritable pépite. Et si cet OS est certes loin d'égaler ce chef-d'œuvre, j'espère que vous aurez tout de même plaisir à le lire et à retrouver ma plume un peu déplumée après près d'un an à prendre la poussière. Cette histoire n'a pas spécialement été pensée pour la Saint-Valentin… Mais n'empêche : je la dédie à tous les amoureux qui ont déjà eu la chance de recevoir les soins de la personne qu'ils aiment. Bonne lecture ! ^o^

La chaleur.

Le froid.

La chaleur.

Le froid.

Pénétrant. Puissant. Saisissant.

« … ! »

Edward eut une brusque et violente quinte de toux. Il se redressa dans son lit d'un seul coup et fut aussitôt réceptionné par Alphonse, qui l'accueillit dans ses bras métalliques avec une extrême précaution malgré son gabarit : son grand frère, contre lui, paraissait bien fragile.

« Nii-san ! Ça va aller ?! »

Le jeune alchimiste fiévreux cracha encore quelques secondes le peu d'air contenu dans ses poumons encombrés puis se laissa mollement aller contre le plastron de l'armure qui, seule, l'empêchait de tomber du lit. Ses muscles étaient si engourdis qu'ils auraient été bien incapables d'empêcher qu'il ne chute violemment au sol.

Edward appuya son front où perlaient des gouttes de sueur contre l'armure, les yeux mi-clos. Le métal lui aurait presque paru chaud.

« Ça… Ça va… Arrête donc… de t'inquiéter… Al... » marmonna le petit blond d'une voix traînante, trop accablé par la fatigue et la maladie pour réussir à s'exprimer normalement. Il ne supportait pas d'être dans un pareil état de faiblesse face à son cadet alors qu'il aurait dû être l'Aîné ; celui qui était fort ; celui qui encaissait tout sans broncher ; celui qui ne devait pas être alité, à dépendre des soins du petit frère qu'il était censé protéger. Et, justement, c'était protéger Alphonse que de minimiser son propre état pour ne pas l'inquiéter inutilement. Non, il n'allait pas bien ; non, ça n'allait pas « aller ». Ni maintenant, ni plus tard, et surtout pas alors que ça faisait deux putains de jours qu'il se trimballait cette « crève » qui n'avait jamais aussi bien porté son nom.

Mais il devait faire comme si.

C'était son devoir de grand frère. Et il ne s'en détournerait pas.

« Et puis... » indiqua Edward en se décollant d'Alphonse avec difficulté. Il adressa à ce dernier un sourire qu'il espérait convaincant – mais qui était loin de l'être – puis reprit : « C'est pas… une petite grippe qui va me-… TEUH ! TEUH ! »

Une quinte de toux le reprit brusquement. Même cette fichue grippe attrapée en plein avril, un mois qui aurait pourtant dû être clément, se moquait allègrement de lui.

Fichus microbes… ! Vous ne pouviez pas aller faire chier quelqu'un d'autre ?! se lamenta intérieurement le jeune alchimiste.

Alphonse, un peu perdu, laissa Edward postillonner tout son soûl contre lui puis, une fois son frère remis, l'aida à se recoucher.

« Nii-san, tu ne tiens même plus debout – ou plutôt assis... » souligna le cadet, qui voyait clair dans le petit manège de son aîné : toujours à vouloir tout endurer tout seul au lieu de s'accorder, de temps à autres, le droit d'être un garçon comme les autres, bien impuissant face aux aléas du monde et aux noirs desseins des bactéries. « Arrête un peu de jouer les fortes têtes et reste donc couché.

- Mais… !

- C'est le médecin qui l'a dit. Tu es malade, nii-san. Les médicaments seuls ne suffiront pas, il te faut du repos ! Un vrai repos ! Et à vrai dire, à moi aussi, il m'en faut, quoi qu'on en dise ou qu'on en pense. Je ne vais pas passer toute ma journée à te courir après pour te forcer à te recoucher ! » le gourmanda Alphonse, qui n'allait certainement pas revenir une septième fois mettre son aîné au lit. Suffit, maintenant. « En plus, il faut que je te prépare quelque chose à dîner, alors… » Il appuya sur l'épaule d'Edward pour le forcer à s'allonger complètement, malgré ses grognements d'ours mal léché. « … Ça m'arrangerait... » Alphonse le recouvrit du drap puis de deux couvertures, histoire que son aîné eût bien chaud. « … Si tu pouvais rester là, tranquille, comme un malade est censé le faire, le temps que je prépare le repas. »

Alphonse borda son frère comme il put et tapota les couvertures pour s'assurer qu'elles fussent bien lisses et uniformément réparties, puis adressa un regard désolé à Edward.

« Je sais que tu n'aimes pas quand je dois me charger des choses à ta place, mais pour une fois, laisse-moi donc prendre soin de toi, d'accord ? » L'armure se leva. « De toutes façons, je n'en ai pas pour long. Je vais juste te faire une soupe, ça va te faire du bien. Je reviens juste après ! »

Alphonse accorda un dernier regard compatissant à son frère puis sortit en tirant la porte derrière lui. Edward, épuisé et assommé par la maladie qui le secouait de tremblements, ne le retint pas : il n'en avait plus la force. Sitôt Alphonse parti, il s'autorisa à être ce qu'il était : un malade alité.

Il ferma les yeux. Peut-être, ainsi, se concentrerait-il sur autre chose que sur le froid qui le saisissait jusqu'à l'os, malgré la chaleur environnante, les couvertures qui le couvraient et le soleil qui, à l'heure dorée, s'était frayé un chemin entre les deux épais rideaux partiellement tirés et projetait ses lueurs chaudes et bienveillantes sur le lit du jeune alchimiste.

Edward essaya de faire abstraction du froid. Il se concentra sur le reste : la caresse des draps de coton fraîchement lavés sur sa peau ; le poids rassurant de son cocon de couverture ; l'agréable fermeté du matelas alvéolé ; les bruits lointains qui lui provenaient de la cuisine, quelques pièces plus loin, où Alphonse s'activait. Ces sons familiers résonnaient à ses oreilles comme la douce litanie de son enfance trop tôt quittée. Pourtant… Si, à d'autres moments, il aurait pu pleurer en se rappelant les moments où, dans la maison qu'il avait cédée au feu, sa mère s'était occupée de lui… Cette fois-ci, ces bribes de souvenirs qui resurgissaient du passé lui apportaient du baume au cœur et le rassérénaient.

Le tintement des casseroles que l'on heurtait par moments, le claquement régulier du couteau contre la planche de bois sur laquelle on découpait des aliments qui, bientôt, chanteraient dans la poêle, le crépitement assourdi du feu venu lécher le métal, le clapotement de l'eau portée à ébullition… Toutes ces petites choses s'entremêlaient pour créer une harmonie un peu dissonante mais délicieuse tant elle rappelait au jeune garçon comme il était bon d'avoir un foyer.

Un foyer que l'on n'occupait pas seul.

Cette mélodie discordante était celle du soir et de la vie.

« ... »

À son écoute, Edward se sentit plus léger.

Un sourire discret se dessina sur ses lèvres rendues exsangues par la grippe. Avec lui vint le sommeil, qui ne pointa le bout de son nez que de longues minutes plus tard.

Enfin. Edward n'en pouvait plus d'attendre cette douce délivrance ; ce moment où, perdu au milieu des rêves, il ne se figurait plus son corps comme un carcan étroit et désagréa-…

« … ! …. ! TEUH TEUH TEUH ! »

Une nouvelle quinte de toux, bien plus violente et soudaine que les précédentes, l'arracha au repos inespéré que son corps tentait d'obtenir. L'alchimiste se recroquevilla violemment, se tint les côtes, abîmées à force qu'il crachât continûment ses poumons en tous sens, et roula faiblement sur le côté. Son oreiller, bousculé par son brusque mouvement, glissa pernicieusement sous sa tête et tomba du lit. Le petit blond épuisé tenta de le rattraper en catastrophe, mais la fatigue qu'il éprouvait était si intense que son bras droit ne fit que glisser mollement pour finir par pendre lamentablement le long du matelas. Ses doigts, bien que faits de métal, lui semblaient engourdis et agrippèrent le vide avec une lenteur insupportable, mais force était de constater que l'oreiller avait dégringolé trop loin : impossible de l'attraper et encore moins de le ramener à son emplacement initial.

Pour ne rien arranger, le froid puissant qu'Edward éprouvait jusque là se changea aussi vite qu'il était apparu en une chaleur étouffante qui fit voir trouble le jeune garçon. Comme une vague brûlante apportée par la marée, cette touffeur le saisit progressivement, remontant le long de son abdomen centimètre par centimètre jusqu'à lui éclater en pleine figure. Le froid était définitivement parti ; ne restait plus que son parfait opposé : une chaleur insupportable venue étreindre son petit corps frêle, plus fort encore qu'une amante qui chercherait à retenir son homme avant qu'il ne parte au front. À la différence prêt que là, cette « amante » avait plutôt tout de la femme éconduite, parce qu'il avait l'impression, à chaque inspiration, d'être poignardé en plein cœur.

« … ! »

Edward étouffait. Et, plus les secondes passaient…

Pire c'était.

Impossible de respirer correctement et d'espérer un quelconque repos, à présent.

Son corps se recouvrit en un clin d'œil d'une lourde pellicule de sueur qui eut tôt fait de détremper son pyjama et d'inonder matelas et draps. Ceux-ci, presque visqueux, lui collèrent au corps, l'empêchant de se dépêtrer des couvertures qu'Alphonse avait disposées sur lui et qui avaient maintenant tout, aux yeux de son aîné, d'une prison.

Bon… sang… !

Edward fit un effort surhumain pour essayer de les dégager, mais il ne parvint qu'à les rejeter maladroitement au bas de sa taille. Résultat : il n'avait pas vraiment moins chaud sur la partie supérieure de son corps, mais l'inférieure, elle, criait grâce au sandwich de couvertures qui l'enrobait et menaçait de la faire fondre.

Edward hésita un instant : devait-il s'inquiéter de la capacité qu'avait son corps à changer sa perception de la température ambiante en moins d'une seconde ou devait-il réfléchir à l'éventualité d'être rapidement confronté à sa fusion totale avec le drap ?

Hm. Ni l'une ni l'autre des options n'était réellement satisfaisante. Mieux valait appeler au secours le vaillant…

« … Al… ! » gémit, plus qu'il ne héla, Edward. En raison de l'effort phénoménal qu'il lui fallut pour expectorer cette simple syllabe, le petit blond resta quelques secondes couché sur le dos à haleter fortement, essayant de récupérer le souffle qu'il venait de faire jaillir en un cri désespéré de ses lèvres sèches.

Il regarda le plafond, les yeux brouillés de larmes de fatigue ; un peu plus à chaque inspiration. Pitié, qu'Alphonse arrive vite. Pitié. Il n'allait pas dire qu'il allait passer l'arme à gauche sous peu s'il restait empêtré dans toutes ces couvertures à mourir de chaud sans personne pour l'aider, mais… mais… un peu quand même.

En tout cas, c'était clair, il allait finir par faire un malaise. Même son cœur s'accorda à cette idée : certainement car sa température corporelle venait haut la main de dépasser les quarante degrés, Edward sentit son cœur s'emballer et battre puissamment dans son cou et sous ses paupières clauses. Le rythme incohérent et précipité des pulsions, qui lui vrillait déjà le crâne, lui rendit la respiration encore plus difficile.

Il se mit à voir tout blanc.

« Al… ! » appela plus fort le jeune alchimiste. « Al… ! Al ! »

Tant pis pour son ego et sa fierté d'aîné. Là… Là… Il avait besoin d'aide. Vite. Il se sentait mal. Très mal.

« Al !… TEUH TEUH ! … Al… ! »

Trop mal.

« Al... »

Aucune réponse.

Edward, que la vue ne pouvait plus aider, essaya de reprendre un minimum conscience et de se concentrer sur les sons.

Pas de grincement caractéristique à l'horizon. Rien.

Rien.

Alphonse ne viendrait pas. Sa voix cassée ne portait pas assez loin et ne pouvait faire concurrence au joyeux tintamarre ambiant de la cuisine.

« … Al… » tenta une dernière fois Edward, plus bas encore. Néanmoins, il eut beau instiller dans cette brève supplique les dernières forces qu'il lui restait… Une fois de plus, ce fut vain.

Alphonse ne l'entendit pas, et ne vint pas.

Il était seul.

Désemparé, face à la maladie.

Et effrayé, aussi.

Être malade comme ça, il n'avait jamais connu ça. Il avait déjà attrapé des rhumes, parfois des gros, mais jamais quelque chose d'aussi violent, qui le laissât pour mort sur un lit. Et chaque fois, sa mère avait été à ses côtés. Depuis son départ… Il s'était toujours arrangé pour ne pas tomber malade. Pour éviter tout tracas à son frère… Et pour éviter de ne se retrouver dans cette situation précise où il ne maîtrisait plus rien. Où il redevenait un enfant que l'alchimie n'aiderait en rien et qui ressentait, effroyablement, l'absence de ses parents.

« ... »

Et soudain.

Un vent frais et inattendu se leva.

« ... »

Une brise douce et caressante s'engouffra dans la chambre et embrassa le visage aux traits crispés de douleur du jeune garçon. Avec une infinie précaution, comme douée d'une vive propre, elle enroba délicatement son corps et, d'une étreinte, emporta avec elle une partie de la souffrance qui marquait son visage juvénile… et chassa toute inquiétude. Ou peut-être était-ce plutôt la vision brumeuse et lointaine de cette silhouette sombre aux contours flous, là, postée devant la fenêtre à présent grande ouverte, qui rassérénait le petit blond ?

Depuis quand était-elle là ? Le vent l'avait-il portée jusqu'ici ? Le jeune alchimiste ne l'avait pas vue arriver.

Il avait laissé son regard errer, fermé puis rouvert les yeux… Et, d'un seul coup, cette silhouette s'était matérialisée dans son champ de vision obscurcit par la maladie.

Peut-être que d'aucuns auraient vu là un signe précurseur de la Mort venue les chercher à leur chevet et n'en auraient été que plus catastrophés encore… Mais Edward, lui, savait étrangement qu'il n'avait rien à craindre de cette silhouette inopportune. Il le sentait. Déjà, car il refusait de mourir à cause d'une petite grippe et que si d'aventure, la Mort elle-même prenait la peine de faire le déplacement jusqu'à son pauvre lit pour l'emmener dieu-savait-(pas)-où, il lui décrocherait une sympathique droite pour la faire s'en retourner chez elle… mais aussi car… il y avait un il-ne-savait-quoi de sécurisant et de familier dans cette étrange apparition qu'il n'entrapercevait qu'à moitié, là, à quelques mètres de son lit. L'Apparition, statique, se tenait droite et silencieuse et semblait le jauger du regard ; un regard qu'il sentait pénétrant. Ou peut-être était-ce juste qu'elle se sentait bien, là-bas, lovée dans le halo de couchant qui nimbait ses contours, et qu'elle ne souhaitait pas s'approcher davantage au risque de partager les miasmes du petit blond dont elle n'avait, peut-être encore, rien à faire. Compréhensible aussi, après tout. Qui aurait voulu se retrouver dans le même état que lui ou lui porter un peu d'attention alors qu'il ressemblait à une vieille loque, hein ?

« ... »

Mais… mais... Pourquoi se préoccupait-il tant de ce que souhaitait ou non cette apparition ? Ce n'était qu'une illusion. Et jusqu'à preuve du contraire, les illusions font ce qu'elles veulent, car justement, ce sont des illusions. Par exemple, rien ne leur interdit de vous narguer, comme le faisait probablement celle-ci. En tout cas, c'était l'impression qu'avait Edward. Parce qu'elle était si belle, et semblait si libre, là… Près de la fenêtre, encadrée par les deux masses épaisses et sombres qui devaient être les rideaux qui, pourtant, flottaient si légèrement au vent. On eut presque dit que la silhouette avait des ailes, avec ces rideaux taquins qui ondulaient paisiblement le long de ses flancs. Pourtant, dans le tableau vaporeux que dessinait la silhouette par sa simple présence… Ce qui se dégageait davantage était une étonnante impression de puissance. Rien ne semblait pouvoir ébranler ou inquiéter l'étrange apparition. La silhouette respirait la force, dos au ciel et aux éléments… et n'en gagnait que plus encore en splendeur et en prestance.

Comme elle était belle, cette illusion…

Edward voulut la toucher, sans trop savoir pourquoi. Peut-être pour attester de son existence ?

Elle était bien trop loin, mais il s'en fichait : il usa de toute sa volonté pour tendre le bras en sa direction, fébrilement, mais avec une farouche détermination. Il la toucherait ! Il la toucherait !... Peut-être qu'en le souhaitant assez fort, il pourrait infléchir la réalité pour qu'elle correspondît à son souhait ; faire fi de la distance et…. et… !

« … Eh… ? » souffla-t-il faiblement, surpris.

Il avait cligné des yeux. Et ce court laps de temps avait suffi à la silhouette pour se téléporter jusqu'à lui ou lui en donner l'impression. Avec douceur, elle réceptionna sa petite main dans ce qui semblait être la sienne. Cette illusion… était-elle réelle, finalement ? Était-ce quelqu'un ? Ou délirait-il à nouveau et imaginait-il jusqu'au contact agréablement frais de cette main qui retenait la sienne ?

Intrigué, Edward leva ses yeux fatigués.

Mince.

Le contre-jour et les larmes. Tous les deux faisaient mauvais ménage : il était bien incapable de discerner le visage de son Apparition. Ne pouvait-elle donc pas se pencher un peu plus ? Juste un peu plus ?

« Qui… ? » commença dans un murmure le petit alchimiste, avant de se voir intimer le silence par un :

« Ssh. » intempestif et impérieux. L'Apparition fit un brusque geste en sa direction et colla son index contre les lèvres sèches du petit blond pour appuyer son ordre. Edward, toujours patraque, loucha difficilement sur ce doigt qui envahissait son espace vital.

Eh ben. Plutôt contrariante, son Apparition. Et drôlement gonflée. Mais étonnamment… impressionnante. Alors que le jeune garçon hésitait à la contrarier, l'Apparition décrocha son index de ses lèvres et posa une paume divinement froide sur son front. Ce contact soudain ôta à Edward toute envie d'émettre la moindre protestation. Sa contrariété s'évanouit aussitôt et ses muscles, crispés sous le coup de la vexation, se détendirent. Edward se laissa complètement choir contre le matelas et apprécia tout son soûl cette caresse bienveillante qui allait, il en était sûr, faire retourner à la normale la température de son corps.

« Vache. C'est chaud », marmonna l'Apparition en retirant, au grand dam du petit blond, sa main bienfaisante. « Bordel, mais t'attends toujours d'être sur le point de crever pour réaliser que ça ne va pas, ou comment ça se passe ? »

En plus d'être mal aimable, son Apparition jurait comme un charretier. De mieux en mieux.

Edward tenta de rouler sur le côté pour échapper aux remontrances.

« Ne bouge pas. Reste tranquille. »

Et autoritaire, pour parfaire le tableau. Bref : insupportable.

Edward grommela pour la forme lorsque l'Apparition le força à se recoucher correctement… mais soupira d'aise lorsqu'elle eut le bon sens de dégager la masse de couvertures qui lui ceignait les jambes. Enfin ! Enfin… Il n'était plus empêtré dans ce tas de draps et-… !

« Là. »

Ce petit mot fut prononcé avec une telle douceur par la silhouette qu'Edward en fut tout déstabilisé. Dans cette simple syllabe se trouvaient tout ce dont il avait besoin depuis plusieurs et interminables minutes : un soupçon de tendresse et l'assurance que, bientôt, tout irait mieux. Il ne trouva ainsi pas la force de tenir rigueur aux gestes un peu bourrus de l'Apparition qui, après avoir disparu un court instant, revint pour lui appliquer sans ménagement un gant frais et un peu trop imbibé d'eau sur le front dans un « SCHPLAC » sonore. Le petit alchimiste poussa un petit couinement de surprise qui arracha un rire très certainement moqueur, vu l'intonation, à la silhouette… Mais ne s'en offusqua pas le moins du monde. Il s'en fichait. C'était tellement agréable… Cette fraîcheur, sur sa peau… Ce gant qui absorbait à chaque instant un peu plus de la touffeur de la pièce pour ne plus laisser en lui qu'une délicieuse sensation de bien-être…

« C'est pas vrai, quand même... » soupira la silhouette alors qu'elle tombait lourdement sur le matelas, à côté du jeune alchimiste aux yeux mi-clos de bonheur tant il se sentait mieux. « … Il faut toujours veiller sur toi. T'en as pas marre, de te mettre dans des situations pas possibles ? »

Edward esquissa un sourire, et dans une profonde expiration, souffla du bout des lèvres :

« Si… Parfois… »

Ainsi donc, cette Apparition veillait sur lui ? Était-ce son ange gardien ? Si c'était lui, c'était une chance, quand même, qu'il fût aussi réactif et efficace. Oui… une chance…

« Et pourtant, tu continues. T'es pas possible », asséna alors la voix grave mais attendrie de la silhouette.

Edward ne répondit rien.

L'Apparition avait attrapé l'une de ses mèches de cheveux pour l'écarter de son visage contre lequel elle était restée collée à cause de la sueur qui avait coulé le long de ses tempes. Le fil d'or fut soigneusement replacé derrière l'oreille de l'adolescent par cette main tantôt brusque, tantôt douce… Et Edward, inexorablement attiré par le contact paradoxal de ces doigts, ne put s'empêcher de tourner la tête pour pouvoir lover à l'envi sa joue contre la paume de son illusion.

Curieusement, cette dernière ne la retira pas.

Non. La paume resta là, à accueillir sa petite tête dolente dans son creux rassurant.

Mieux encore : une seconde main vint se perdre dans ses cheveux en caresses lentement mais savamment exécutées.

Edward se surprit à se réjouir d'être malade.

« ... »

Il entrouvrit les yeux.

La silhouette avait enfin décidé de ne plus mépriser le soleil qui tentait vertement de saisir ses contours troubles en éclatant de mille feux derrière elle.

Légèrement tournée de trois quart pour pouvoir mieux se pencher sur le corps du jeune garçon, l'Apparition montra enfin un pan de son visage ; infime, mais si révélateur.

Un sourire.

Ce sourire enjôleur, parfois carnassier, toujours goguenard…

… et aujourd'hui si doux.

Malheureusement pour Edward, ce sourire, il ne le verrait pas.

Car le temps de lever les yeux, ceux-ci s'étaient déjà retirés sous ses paupières trop lourdes.

Sa tête s'alourdit au creux de la paume qui la soutenait précautionneusement.

Sa respiration se fit plus profonde encore.

.

.

.

L'alchimiste dormait.

Le soleil, gommé par l'ombre de la silhouette projetée sur le corps du petit blond, retrouva alors ses droits et étreignit le petit malade.

Et la brise, à nouveau, secrète et tendre, se leva.

« Nii-san ? »

La voix était indistincte. Presque chuchotée.

Edward plissa les yeux.

« Nii-san, ça va ? »

Il les ouvrit.

La voix s'éclaircit, et l'identité de son propriétaire, aussi.

En face de lui, Alphonse ; préoccupé, vraisemblablement.

« Al ? » articula son aîné d'une voix rendue rauque par un sommeil trop profond.

« Désolé, nii-san. Je… Je n'avais pas vu que tu avais trop chaud… » bafouilla, contrit, Alphonse, tout en posant un plateau où trônaient un bol fumant, une cuillère à soupe et un verre d'eau sur la table de chevet. L'armure se tourna ensuite vers lui et tritura ses lourdes mains gantées comme un enfant venu avouer sa faute.

« Hein ? » lâcha Edward, encore groggy. « De quoi... » Il gémit. Bien qu'il se sentît mieux qu'en début de journée, il avait toujours un peu mal à la tête. « De quoi tu parles... ?

- Tu aurais dû m'appeler, plutôt que de te lever… Je serais venu t'aider, avec les couvertures… Je t'aurais rafraîchi un peu… » poursuivit Alphonse, sans relever la question de son frère… probablement trop accablé par l'incompréhensible sentiment de culpabilité qu'Edward décelait dans ses dandinements confus. Puis, Alphonse termina, plus dur, comme un parent contrarié et inquiet : « Je t'avais dit de ne pas te lever tout seul !

- Mais... » Edward laissa son petit frère l'aider à se redresser et s'attrapa le crâne. Il se sentait tout chose. « Je ne me suis pas levé… Qu'est-ce que tu racontes ? J'ai dormi comme un loir… depuis que tu es parti et-... »

SCHPLAC.

Edward sursauta presque en sentant un poids, certes minime, heurter d'un seul coup sa cuisse. Quelque chose lui était brusquement tombé dessus.

Il baissa les yeux : un gant.

Un gant humide et moite, un peu trop chaud, écrasé sur sa jambe et tombé vraisemblablement de son front contre lequel il était jusque là posé.

« … »

Dans un silence inhabituel, Edward s'essuya grossièrement le front à l'aide de sa manche puis s'empara de l'objet incongru qui détrempait son pyjama. Alors qu'il essayait de fouiller dans ses souvenirs encore confus ce qu'il s'était passé avant qu'il ne ferme les yeux, Alphonse intervint :

« Tu mens mal, nii-san. Ce gant n'a pas atterri là tout seul. Tu es allé le chercher malgré ce que je t'avais dit, pas vrai ? » Le plus jeune soupira. « Loin de moi l'idée de te gronder parce que tu es allé te rafraîchir ! Ce qui m'embête vraiment, c'est que tu l'aies fait alors que… alors que j'étais là, à deux pas ! »

Edward garda le silence : il n'écoutait pas vraiment ce que lui disait Alphonse, trop absorbé par le mystère qui flottait autour de ce petit objet qu'il tenait au creux de ses mains ; ce petit gant qui contenait les bribes d'un moment… les vestiges de l'une des plus précieuses parenthèses de sa courte vie.

« Pourquoi tu refuses toujours de compter sur moi, nii-san ? » lâcha soudainement Alphonse, ramenant son aîné à la réalité. « Je peux t'aider, moi aussi. »

Edward reporta son attention sur son frère, qui semblait réellement peiné. Il avisa du coin de l'œil le bon repas qu'il lui avait préparé. Alphonse s'était démené pour lui préparer quelque chose de bon… Il s'était vraiment impliqué. Même si, dans le fond, il savait qu'il s'agissait d'un quiproquo, il comprenait que la situation ne jouait pas en sa faveur et qu'effectivement, Alphonse pût se sentir vexé parce ce qu'il croyait constater… et de ne pas, du coup, être considéré comme capable d'être responsable vis-à-vis de lui quand besoin était.

Le petit blond perçut alors pleinement le malaise qui s'était glissé entre lui et son cadet.

Il allait le résoudre, et pas plus tard que tout de suite.

« Détrompe-toi, Al. Je te fais confiance et… bon… J'admets, j'ai du mal à déléguer, surtout à toi. Mais… Mais c'est comme ça. J'aime pas être assisté. Sérieux, c'est horrible, comme impression ! » expliqua Edward en posa le gant qu'il tenait sur le plateau, pour le troquer contre le bol de soupe. « Mais ça ne veut pas pour autant dire que je ne veux pas me reposer sur toi : la preuve, j'ai suivi tes conseils à la lettre ! Je n'ai pas bougé d'un yota depuis ton départ : je suis sagement resté dans ce lit, à dormir et SI ! Je te le certifie. » Il porta le bol à ses lèvres et avala goulûment une divine gorgée de la soupe qu'Alphonse lui avait préparée. Butternut aux épices. Délicieux. Edward reprit : « Cela dit, tu as raison. Ce gant n'est pas venu jusqu'à moi par magie. Quelqu'un me l'a apporté. Parce que tu n'as pas entendu mes appels – non, ce n'est pas un reproche –, car j'étais trop fatigué pour arriver à les faire porter jusqu'à toi, tout simplement.

- Mais alors… Quoi ?! Attends. Tu as dit ''quelqu'un'' ? » releva Alphonse, intrigué. « Comment ça, ''quelqu'un'' ? Quelqu'un est venu ici ?! »

Edward reprit une gorgée de soupe et rit entre deux quintes de toux face à la surprise de l'armure. Un sourire malicieux accroché aux lèvres, il leva les yeux vers Alphonse, tout en sirotant paisiblement sa soupe. Le geste ne passa pas inaperçu :

« Tu te fiches de moi », asséna son cadet, presque vexé.

« Pas du tout ! ~ » chantonna Edward en reposant son bol. « Tu n'es pas le seul à veiller sur moi, apparemment. Pendant que tu t'affairais en cuisine, j'ai reçu la visite d'un genre de… de… Comment on dit, déjà ? Tu sais ? Les gens qui te protègent quand tu en as besoin ?

- Un ange gardien ? » tenta prudemment Alphonse.

- C'est ça ! »

Alponse lui jeta un regard inquiet.

« Tu es sûr que tout va bien, nii-san ? » demanda-t-il tandis qu'Edward voyait la main de son petit frère être grandement démangée par l'envie de se coller sur son front. « Tu n'aurais pas une poussée de fièvre ou quoi ? Tu crois sérieusement qu'un ange gardien est venu t'apporter ce gant ?!

- Haha ! Non, non ! » Edward regarda par la fenêtre qui s'ouvrait sur un ciel teinté d'orange et d'indigo, un doux sourire éclairant son visage. « Quelqu'un est venu me l'apporter, c'est certain. Mais il n'avait rien d'un ange.

- J'ai de plus en plus de mal à te suivre.

- C'est pas grave, Al. C'est pas grave », s'amusa son aîné en donnant une petite bourrade fraternelle à son cadet.

Car non, ce n'était pas grave, qu'Alphonse ne pût s'imaginer cette visite qu'il avait reçue ou, même, qu'il n'y crût pas.

Car lui savait ce qu'il avait vu.

Lui savait ce qu'il avait vécu.

Et tandis qu'il remerciait chaleureusement son petit frère pour ses soins et dégustait avec une joie exagérément démonstrative son repas… Edward laissa un morceau de son esprit vagabonder dans sa mémoire et se remémorer ces courts instants, suspendus dans le temps, suspendus dans son cœur, où l'Apparition avait pénétré dans sa chambre.

Ce moment hors de tout qui l'avait fait basculer de l'agonie à la plénitude par une caresse ; par une présence. Ce moment où tout l'univers avait convergé vers un unique point : cette silhouette bienveillante.

Non, ce n'était effectivement pas ni un ange gardien qu'il avait rencontré.

C'était un gardien. Simplement. Un gardien.

Son Gardien.

Un autoritaire malotru, un peu brusque et bourru…

… Mais son Gardien tout de même.

Edward jeta un coup d'œil vers la fenêtre.

Vivement sa prochaine et vilaine grippe.

FIN

Voilà ! ~ J'espère que cette brève histoire vous a plu ! :D Et si vous vous demandez comment Envy s'y est pris pour avoir connaissance de l'état de santé d'Edward, rappelez-vous simplement que notre palmier préféré (Envy : Pardon ?) est censé veiller à la survie des sacrifices et à leur intégrité (physique, surtout) ! Or, il semblerait que dans le cas d'Edward, Envy soit particulièrement impliqué et vigilant ~ (Envy : N'importe quoi ! T'as pas de preuves ! Lust : Oh ! C'était donc pour ça, ces heures supplémentaires ? Envy : Mais tais-toi donc ! Edward : … *se dirige d'un pas décidé vers les rideaux et les tire d'un coup sec*).

Je pense inscrire cet OS dans un recueil d'autres histoires un peu « tranches de vie » comme celle-ci. J'espère donc que vous serez au rendez-vous pour les prochaines ! :p

Bisous à tous et à toutes ! ~

White Assassin