NdT : Je m'étais promis de ne plus me lancer dans aucune traduction mais j'ai vraiment eu un énorme coup de cœur pour cette histoire, écrite par iswyn, l'auteur de Qui ne risque rien. La fic est terminée, ma traduction est terminée, alors la publication des neuf chapitres de Reste avec moi sera régulière.
** AVERTISSEMENT : malgré les apparences initiales, il ne s'agit pas d'une mignonne comédie romantique. Il n'y aura ni viol, ni scène sanglante, mais l'histoire est assez sombre. Difficile d'en dire trop sans déflorer le sujet, je dirais juste que l'atmosphère est parfois pesante, stressante, comme dans le plus réussi des thrillers, de ceux qu'on lit en frissonnant sous la couette.
L'image de couverture est le Jeune homme nu de Hippolyte Flandrin
Disclaimer : les personnages appartiennent à Marvel et l'histoire à iswyn.
OoO
C'est lui, se dit Tony avec hébétude. C'est lui.
Le jeune homme debout à côté de lui était la perfection absolue. Sa peau lisse et crémeuse ne présentait aucun défaut. Ses cheveux bleu-noir lui évoquèrent un rideau de soie quand ils tombèrent entre eux deux, si épais et si brillants que Tony pouvait presque en sentir la texture sous ses doigts.
Un sourcil parfait s'arqua d'amusement et un sourire faussement désolé naquit au coin de ses lèvres.
« Désolé pour les cheveux, dit-il d'une voix suave, présentant des excuses aussi feintes que son sourire. Je n'arrive jamais à les faire rester en place, ils glissent tout le temps.
— Pas de problème, réussit à dire Tony à travers une gorge qui semblait avoir subi un gargarisme au sel. Beaux cheveux, soit dit en passant. »
Le bel homme sourit, et ce fut comme un rayon de soleil dans la morne pièce sans fenêtre. Il parvint difficilement à repousser l'envie folle de se pencher en avant pour capturer ces souriantes lèvres roses.
Que le Seigneur lui vienne en aide, c'était bel et bien lui.
Tony fut très surpris de se réveiller à l'hôpital. Quand on lui dit qu'il était au service psychiatrie, il fut encore plus surpris.
Un instant, il s'était demandé si Stane avait décidé d'essayer de se débarrasser de lui en le faisant interner. Ce n'était pourtant pas logique. Tony le laissait faire ce qu'il voulait chez Stark Industries. Pourquoi tuer la poule aux œufs d'or ?
Son esprit s'orienta vers des motifs plus sinistres pouvant expliquer sa présence dans un hôpital psychiatrique, mais cela ne pouvait pas être ça. S'ils savaient pour lui, savaient quel genre de créature il était vraiment, il n'aurait pas été dans un bon lit moelleux, même si celui-ci comportait des sangles. D'ailleurs, les sangles ne lui avaient pas été passées.
La vérité s'avéra bien plus simple.
Il avait été amené là par la propriétaire d'un bar qui s'était alarmée lorsqu'il s'était évanoui dans son établissement.
Il présentait un méchant taux d'alcoolémie, ce qui, en soi, n'aurait pas dû lui valoir un séjour de 72 heures dans un service psychiatrique mais, apparemment, il avait dit quelque chose lors de son admission qui les avait fait changer d'avis. Le médecin s'était montré très vague sur ce qu'il avait dit exactement, comme si c'était une sorte de mauvaise plaisanterie.
« Pourquoi ne pas me dire comment vous vous sentez, plutôt ? », avait-il demandé, en ajustant ses lunettes.
Tony ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel.
« Pourquoi ne pas me dire ce que j'ai pu dire qui semble avoir tellement inquiété tout le monde, que je puisse m'expliquer ?
— Il n'y a pas que ce que vous avez dit, M. Stark, souffla le médecin. Savez-vous combien d'alcool vous aviez dans le sang quand vous êtes arrivé ?
— Je ne sais pas, deux, trois grammes ? estima Tony au jugé. Cela ne devait pas être joli si vous en êtes venus à penser que je suis suicidaire. C'est ça, pas vrai ? Vous pensez que j'essayais de me foutre en l'air ? »
Soit le médecin fusillait Tony du regard, soit il souffrait d'un cas sévère de bitchy resting face[1]. « Essayiez-vous de vous tuer ? »
Tony leva encore les yeux au ciel. Si seulement c'était si simple.
« Bien sûr que je ne cherchais pas à me suicider. Et avant que vous ne me le demandiez, j'essayais juste de prendre une cuite. Rien d'autre.
— Rien d'autre », répéta le médecin d'un ton qui signifiait qu'il n'était pas du tout d'accord avec cette version. Il attrapa son bloc-notes sur son bureau et le consulta. « 3 grammes. Perte de conscience, possible crise d'épilepsie dans le taxi lors du trajet vers l'hôpital. »
Cela expliquait probablement les questions qu'on lui avait posées à son réveil. Quel jour était-on, où pensait-il être, combien faisait trois plus quatre. Ils avaient craint que son cerveau n'ait subi des dommages. Putain, c'était probablement le cas.
« J'ai donc surestimé ma tolérance à l'alcool. Cela faisait un moment que je n'étais pas sorti boire. » Un moment, avait-il dit. Plus d'un an. Trop longtemps, pas assez longtemps, souligna inutilement son cerveau. Pourquoi s'infligeait-il toujours cela ?
Au moins, la dernière fois, il n'avait pas échoué à l'hôpital, sans parler d'hôpital psychiatrique.
Reposant son bloc-notes, le docteur secoua tristement la tête.
« Nous avons toute la journée si vous le souhaitez, M. Stark. Pourquoi ne pas me parler de ce qui vous a amené à penser que vous deviez boire ?
— J'ai rompu avec ma copine, d'accord ? Ou plutôt, elle a rompu avec moi. » Ce n'était même pas une demi-vérité, mais il y avait un fond de véracité là-dedans. Marianne lui avait dit qu'elle avait besoin de se sentir « libre », quoi que cela veuille dire. Elle lui avait assuré toujours vouloir le voir. Il était apparu qu'elle voulait voir tous les autres, aussi.
Tony n'avait jamais vraiment été du genre partageur.
Le médecin avait hoché la tête comme s'il avait reçu l'information la plus importante de tous les temps. « Et comment vous êtes vous senti ? »
Tony le regarda si intensément qu'il faillit loucher. « Euh, triste ? »
Le médecin avait pris un stylo et griffonné quelque chose sur un morceau de papier.
« Consommez-vous toujours des quantités excessives d'alcool quand vous vous sentez triste ?
— Pas vraiment. Je ne bois pas beaucoup. Ce qui explique que je ne connaisse pas mes limites. » Tony secoua la tête. « Écoutez, pourriez-vous juste me dire ce que j'ai dit qui vous a tellement fait flipper ? »
Il ne le fit pas, bien sûr. Il lui dit un truc du genre, ce serait comme dire à Tony ce qu'il devait ressentir, et ajouta qu'il voulait que Tony prenne ses propres décisions sur la manière de ressentir les choses. Comme si ses sentiments de la veille n'avaient pas été les siens, mais des sentiments étrangers, dictés par l'alcool.
Ils n'avaient pas vraiment toute la journée. Le médecin avait des dizaines d'autres patients à voir et Tony, apparemment, devait regagner sa chambre et penser à ce qu'il avait fait. C'était soit ça, soit s'asseoir dans la grande salle commune avec un tas de gens en robe de chambre. L'un d'eux, assis devant la télévision, criait des imprécations à intervalles irréguliers.
Tony ne voulait pas qu'on lui mette sous le nez la réalité de la maladie mentale. Il n'était pas comme ces gens. Il avait le contrôle de lui-même. La plupart du temps.
Alors, il finit par revenir dans sa chambre, où il n'était pas autorisé à fermer la porte, même pour avoir un semblant d'intimité. Il s'allongea sur un lit défoncé et lut un exemplaire de People vieux de six mois. Il était surpris d'y être autorisé. Après tout, il pourrait tenter de se suicider en se coupant avec le papier.
Ils l'obligèrent à sortir et à « faire preuve de sociabilité » pour le dîner, ce qui signifiait, en gros, qu'ils ne voulaient pas qu'il mange dans sa chambre. On n'attendait pas réellement de lui qu'il se montre sociable. La nourriture était aussi fade et triste que les gens, alors Tony ne se découvrit pas beaucoup d'appétit. Il se força à avaler assez pour que personne ne puisse dire qu'il refusait de manger.
Ils recomptèrent ses couverts quand il rendit son plateau, ce qui fut profondément troublant. Le faisaient-ils à tout le monde, ou pensaient-ils vraiment qu'il allait voler une fourchette et... quoi, l'enfoncer dans une prise ? Ce n'était pas comme si on lui avait remis un couteau à viande.
Puis les infirmières furent remplacées par l'équipe de nuit, et Tony vit l'hôpital d'une façon radicalement différente.
Lorsque le beau jeune homme frappa timidement à sa porte, Tony leva les yeux du magazine qu'il connaissait déjà par cœur. Le souffle lui manqua, et ce fut comme si l'usage de la parole lui avait été retiré.
« Puis-je entrer ? demanda l'homme. Je suis censé prendre vos constantes. »
Okay Tony, se dit-il. Tu es dans un hôpital psychiatrique. Si tu restes là à dévisager le bel infirmier, il va penser que tu es comme le gars qui hurle dans la salle commune. « Euh, oui. Oui. Bien sûr. »
Ne plus savoir articuler ne va pas arranger les choses ! Dis quelque chose d'intelligent ou de drôle !
L'infirmier se contenta de sourire et se dirigea vers le côté du lit, et c'est alors que ses cheveux glissèrent hors de son catogan.
« Les infirmiers ne sont-ils pas tenus d'être stricts et exigeants ? demanda Tony, réussissant finalement à connecter son cerveau à sa bouche. Vous ne m'avez même pas lancé de regard noir ou un truc du genre. »
L'infirmier, dont le nom, « Loki », était épinglé sur sa blouse, se mit à rire, et ce fut magnifique.
Loki. Comme le dieu farceur de la mythologie nordique. Tony voyait un parallèle entre le nom et l'attitude, mais il ne voulait rien dire de tel. Avec un tel nom, il entendait probablement constamment parler de dieux nordiques.
« Alors, vous allez m'attraper le bras et le tordre jusqu'à ce que vous trouviez un pouls, ou quelque chose comme ça ? » Bon, si c'était pour tenter une sortie aussi spirituelle que celle-ci, il aurait peut-être dû s'orienter du côté des dieux farceurs, finalement.
« Si vous voulez, lui sourit Loki. Mais, généralement, je prends le pouls et la tension artérielle sans recourir au SM.
— Oooh, et que faudrait-il pour mériter le traitement SM ?
— Que vos mains s'égarent un peu trop et vous le découvrirez, M. Stark, fut la réponse quasi automatique.
— Non. » Tony secoua la tête et tendit le bras pour faciliter la tâche de Loki. « Mes mains resteront où elles sont à moins d'une invitation en bonne et due forme. Et c'est Tony. Il n'y a pas de M. Stark, mon père est mort. »
Loki resta interdit un moment, et il se demanda s'il n'était pas allé trop loin.
« Eh bien, c'est une façon inhabituelle de se présenter. Le docteur Mendez ne plaisantait pas quand il disait que vous étiez... spécial.
— Dites-moi ! » Tony se pencha rapidement. Suffisamment pour montrer son intérêt, mais pas assez pour empiéter sur son espace personnel. « J'aimerais entendre ce que le doc pense de moi. »
Le superbe infirmier haussa le sourcil encore une fois, darda sur lui son intense regard vif pendant un moment, avant de hausser les épaules. « Il dit que vous ne vous livrez pas facilement. Que vous aimez prétendre être dénué de sentiments, et que vous tournez tout en plaisanterie. »
Tony fronça les sourcils.
« J'ai des sentiments, protesta-t-il, sur la défensive. Je ne serais pas ici si je n'en avais pas, n'est-ce pas ?
— Ah, bien sûr. Vous avez bu jusqu'à l'inconscience pour une fille », fit Loki. À moins que Tony ait mal entendu, il y avait de la déception dans sa voix.
« Ce n'était pas vraiment à cause d'elle, vous savez, confia-t-il. C'est juste que tout le monde finit toujours par me quitter. Petits copains et petites amies ne sont que le sommet d'un pathétique iceberg. »
C'était surréaliste. Bien sûr, il était en train de draguer l'infirmier, mais dire la vérité sur ses sentiments ? Il ne faisait pas ça avec n'importe qui. Au moins, avait-il pris soin de dire qu'il était bisexuel.
« Tout le monde ? demanda Loki, la tête sur le côté.
— Quoi, vous voulez une liste ? Amis, parents, mentors, copains, copines... Je pourrais vous faire la revue de détail, et quelle excuse chacun m'a donné quand ils n'ont plus voulu être avec moi. » Il ferma la bouche et se renversa sur le lit.
Putain. Beaucoup trop de vérités en une seule fois.
« Désolé, s'excusa-t-il. Vous n'avez pas besoin que je vous ennuie avec mes problèmes.
— Je suis infirmier dans un service psychiatrique, vous savez. » Loki lui souriait encore mais il n'y avait plus trace d'amusement dans ses yeux. Ce n'était pas la trop familière pitié, non plus. « Vos problèmes sont mon métier. Et franchement, vos problèmes ne sont pas trop effrayants, comparé à ce que je peux voir ici. »
Tony ne put s'en empêcher, il éclata de rire. Si Loki remarqua que son rire était teinté d'hystérie, il ne le montra pas.
« Oh, allez, protesta le sublime infirmier. Vous êtes allé là-bas. Nous avons des patients atteints de schizophrénie, de troubles limites de la personnalité, de dépressions si profondes que cela les rend suicidaires — pratiquement tout le monde ici est pire que vous. Peut-être même moi. »
En disant cela, il cligna de l'œil. Il cligna de l'œil à Tony.
Beau, intelligent et drôle, aussi ? Non. Il était trop tôt. Tony se relevait d'une rupture. Marianne était censée être la dernière. Il ne voulait pas retomber amoureux. Cela finissait toujours de la même manière.
L'infirmier lui sourit et lui tapota la main, avant de rajouter des notes sur le dossier près du lit.
« C'est dur, je sais. Pas au point de noyer votre chagrin dans l'alcool, cependant. Si elle vous a quitté, elle ne valait pas la peine que vous pleuriez pour elle.
— J'aurais trente ans dans quelques mois, soupira Tony. Et si vous avez raison, alors, en près de trente ans, je n'ai jamais rencontré une seule personne qui valait qu'on pleure pour elle. »
Le sourire se fit malicieux, et Loki posa la main sur le bras de Tony. « Là, vous commencez à comprendre, bello. »
Après un ultime clin d'œil, il tourna les talons et sortit, laissant un Tony stupéfait le suivre des yeux.
En six ans passés dans ce service psychiatrique, Loki n'avait jamais flirté avec un patient. En fait, pas avant lui.
Loki était devenu infirmier psy parce qu'il voulait vraiment aider les gens souffrant de maladies mentales. Il voulait empêcher les filles de quatorze ans de se taillader les poignets. Il voulait rendre plus heureux les personnes atteintes de maladies chroniques.
Puis arriva Anthony Edward Stark.
Il revenait juste de deux jours de repos quand le Docteur Mendez était venu le trouver.
« J'ai besoin de votre aide avec un patient, Loki », le médecin semblait inhabituellement contrarié, alors Loki se figura qu'il devait s'agir d'un de ces cas. Les patients limites. Colériques, manipulateurs et têtus, ils étaient toujours les plus difficiles à traiter.
« Est-ce encore Sif qui soutient que je lui ai teint les cheveux en noir au milieu de la nuit ? », demanda-t-il d'une voix fatiguée.
Au moins, cela suscita un petit rire.
« Il est juste têtu. Vous savez y faire avec eux. Je m'y prends toujours...
— Comme un médecin ?
— Oui, soupira le docteur. Je n'aurais jamais imaginé que tant de gens puissent voir ça comme une mauvaise chose. Celui-ci semble penser que j'en ai personnellement après lui.
— Lui avez-vous fait votre tête de docteur avant de le menacer de passer toute la journée avec lui ? », demanda Loki tout en connaissant déjà la réponse.
Jaime Mendez était un homme brillant et formidable avec des patients schizophrènes que d'autres auraient considérés comme perdus, mais parfois il passait à côté des choses simples. Il oubliait parfois que les relations humaines étaient plus importantes que de jouer le rôle du docteur.
Jaime soupira et ne répondit pas, ce qui était en soi une réponse. « On l'a amené ici à moitié mort. Intoxication alcoolique. L'urgentiste était joliment inquiet pour les éventuels dommages au cerveau. Il a dit un truc du genre qu'il ne voulait pas être responsable d' « une perte comme celle-là ». Apparemment, cet homme est une sorte de génie scientifique.
— Alors, il s'est pris une cuite, et on l'a envoyé chez nous ? », demanda Loki, tout sauf ravi.
Ils avaient eu plus que leur part de patients qui n'avaient rien à faire là. Le garçon dont les parents avaient décidé que sa rébellion adolescente était un comportement antisocial. La fille de vingt ans et quelques qui pensait que faire semblant d'être suicidaire lui éviterait une inculpation pour conduite en état d'ébriété. Le toxicomane qui attendait son heure pour pouvoir sortir et sniffer plus de coke.
Un mec bourré, pourtant, c'était le pompon.
Au moins Loki avait-il été en mesure d'aider l'adolescent à accepter sa puberté, et s'était assuré que la jeune fille comprenne que les professionnels de la santé mentale ne pouvaient pas être manipulés et croire qu'elle était au bord du précipice juste parce qu'elle pleurait de façon charmante à l'idée d'aller en prison. Quant au drogué, eh bien, il ne pourrait pas être aidé s'il n'était pas prêt pour cela. Avec un peu de chance, ce serait avant que le seul médecin en mesure de s'occuper de lui soit le légiste.
« En temps normal, je serais d'accord avec vous, Loki. Mais lors de son admission, il a dit des choses assez violentes. » Jaime lui tendit le dossier, et il ne put s'empêcher de hausser le sourcil en lisant les notes. Le médecin hocha la tête. « Exactement. C'est un peu dramatique pour un gars qui m'a juré aujourd'hui être seulement « triste ». Il a dressé un mur autour de lui et il ne me laisse pas l'approcher. Vous savez mieux traiter ces patients, Loki. Le voulez-vous ? »
Même avant de le rencontrer, Loki dut s'empêcher de regarder les photos du dossier. Contempler ces yeux bruns si expressifs et ces cheveux en bataille était suffisant pour le faire soupirer intérieurement Oui, oh Seigneur, oui.
Il était peut-être temps de se remettre à sortir, s'il était désespéré au point de baver devant les photos de ses patients.
Quand il passa la porte d'Anthony Stark, son imperturbabilité professionnelle l'avait complètement abandonné. Il ne vit pas un homme souffrant qui avait besoin de son soutien pour surmonter ce qui était manifestement une grave dépression. Il vit le plus bel homme qu'il ait vu depuis longtemps. La photo ne rendait pas justice à ces yeux. Ses cheveux était encore hérissés dans tous les sens, mais cela lui allait bien.
Et la première chose que fit Loki, sans en avoir conscience, fut de commencer à flirter. Des bêtises sur ses fichus cheveux. Au moment où il quitta la chambre, il réalisa qu'il n'avait posé aucune question pertinente. Il avait entendu l'expression « petit copain », manifestement employée pour montrer que M. — euh, Tony — était ouvert aux relations avec les hommes, et son cerveau avait disjoncté dans une spirale de logique illogique.
C'était un patient et Loki ne pouvait pas sortir avec lui.
Ses angoisses d'abandon étaient si grandes qu'elle pourraient probablement être vues depuis l'espace. Sa dépression venait du fait qu'il voulait une relation sérieuse, et que sa petite amie l'avait quitté. Il était beau, charmant et, apparemment, c'était un génie. Il avait répondu instantanément et instinctivement quand Loki avait voulu prendre ses distances. Rien ne pouvait guérir le syndrome d'abandon, mais une relation saine et forte pourrait aider.
Ce dont Tony Stark avait vraiment besoin, c'était un petit ami, un qui n'allait pas le quitter. Loki pourrait être dans une relation comme celle-ci.
C'était un patient et Loki ne pouvait pas sortir avec lui !
Loki ressassait encore la situation dans sa tête à deux heures du matin. Il n'assurait pas toujours la garde de nuit, mais parfois les autres appréciaient une pause et Loki n'avait rien d'un esclavagiste. En outre, les nuits étaient presque toujours plus faciles à gérer. Beaucoup de sommeil, pas beaucoup de drame.
Tony serait présent dans le service encore deux jours, à moins qu'il ne manifeste des signes de grave maladie mentale constituant une menace pour lui-même ou pour les autres. Cela semblait plutôt improbable, étant donné son calme et son état d'esprit. C'était possible, pourtant, Loki en avait déjà été témoin.
Il se demanda s'il voulait que cela se produise ou non. Il verrait davantage Tony, bien sûr, mais s'il devenait résident à long terme, il lui serait définitivement interdit.
Ne lui était-il pas déjà interdit, de toute façon ?
« Hé là, House, vous filez des trucs aux pauvres types qui ne peuvent pas dormir ? » La voix de Stark s'éleva non loin. Loki leva les yeux pour voir sa tête dans l'entrebâillement de la porte.
Quand il entra et s'adossa contre le mur, Loki oublia ce qu'il était censé faire.
Tony avait réussi à rendre attrayants les affreux vêtements remis par l'hôpital. Bon, la moitié, en tout cas. Il avait retiré le haut et portait juste le pantalon gris. Porté taille basse comme s'il sortait tout droit d'un calendrier des Dieux du Stade. Le regard que porta Loki sur ses hanches fut trop appuyé pour être professionnel.
Quand il parvint finalement à croiser le regard de Tony, il nota le trouble dans ses yeux. En fait, il semblait dans le même état que Loki. Il aurait voulu contempler ce corps magnifique toute la nuit, peut-être même y porter les lèvres. Mais il avait besoin de conserver son professionnalisme intact. Il savait qu'il n'était pas censé vouloir ce qu'il voulait.
Tony n'avait pas à se montrer professionnel, lui. Quel problème un comportement inapproprié de la part de Loki pourrait-il poser à Tony ? Bon, mis à part le fait que ce serait inapproprié, bien sûr.
Loki fut soudainement conscient qu'ils avaient été silencieux pendant bien trop longtemps.
« Avez-vous habituellement des troubles du sommeil, ou est-ce juste le lit d'hôpital qui est inconfortable ? », demanda Loki sur le ton de la conversation, comme s'il n'était pas en train de faire un diagnostic.
Le froncement de sourcil de Tony lui dit qu'il avait échoué à masquer ses intentions. « Aucun des deux — cet endroit est bizarre. Je ne peux pas dormir à moins d'être bourré ou dans mon propre lit. »
C'est compréhensible et pas extraordinaire.
« Vous avez le choix. Je peux vous donner un comprimé de Tylenol, ou nous pouvons discuter et voir ce qui se passe.
— Quand vous dites « discuter », vous ne pensez à rien d'amusant, je suppose ? lui sourit Anthony. Alors attendez. Vous pouvez me donner des trucs costauds ? Je pensais que vous étiez infirmier.
— Tout d'abord, je ne me souviens pas avoir suggéré la possibilité de « trucs costauds ». Deuxièmement », Loki se tut un instant. Il n'avait généralement pas de problème avec son titre, mais il aurait voulu que Tony ne le perçoive pas comme une menace. Oh, allez. « Je suis un ISP [2]. Ce qui, en dehors d'être difficile à dire, signifie que je peux prescrire des calmants si vous en avez réellement besoin. »
Se qualifier d'infirmier n'était pas seulement plus facile, c'était également beaucoup moins menaçant pour des patients comme Tony, qui semblaient ne pas vouloir l'aide d'un médecin.
« Un I... euh ?
— C'est une façon élégante de dire que je suis votre patron », tenta de plaisanter Loki.
Cela sembla fonctionner, puisqu'Anthony gloussa et ne se réfugia pas immédiatement dans sa chambre.
« Vous dites donc que c'est votre travail de me donner des trucs costauds ?
— Seulement si vous êtes un très bon garçon, » susurra Loki avant de réaliser ce qu'il faisait. Encore.
Tony sourit et baissa timidement la tête, ses cheveux lui tombant devant les yeux. « Je peux essayer d'être un bon garçon, Dr Loki. »
Putain de merde. Que quelqu'un le protège de Tony Stark.
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[1] Bitchy Resting Face : Je l'ai laissé en VO parce que c'est un terme que j'ai vu repris par des francophones sur les réseaux sociaux. Et franchement, c'est assez intraduisible en français, ou alors vous considérez que « une tête de garce au naturel », ça le fait. :D En clair, la BRF, c'est le fait d'avoir l'air de faire la gueule - alors que pas du tout - quand on pense à autre chose... ou qu'on ne pense pas.
[2] ISP : Infirmier de secteur psychiatrique
