Disclaimer : SnK, son univers et ses personnages appartiennent à leur auteur. (Veinard)

Même si cette histoire se passe dans un univers alternatif qui ressemble globalement à la société moderne occidentale, si jamais vous n'avez vu que la série, il y aura énormément de spoilers. Au niveau du manga, je dirais que ça va environ jusqu'au chapitre 60 par rapport à l'histoire personnelle d'Historia.


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Je ne peux pas te décrocher la lune

(mais je peux tenir l'échelle pendant que tu essaies)

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Chapitre 1


Donc…

Ils ne s'embrassent pas, parce qu'en ce moment même, Eren Jäger a probablement sa tête dans sa lunette de visée et même si Jean est à peu près sûr qu'il ne lui tirera pas dessus s'il risque de toucher Armin, il n'en est pas absolument certain non plus.

Pixis a beau dire qu'Eren est digne de confiance, les rapports médicaux ont beau dire qu'il est parfaitement équilibré, Jean connait Eren depuis des années et il a une opinion tout à fait différente : Eren est fou à lier mais il est passé maître dans l'art de le dissimuler. Sauf quand les gens qu'il aime entrent en ligne de compte, et même si l'affaire a été étouffée, qu'il s'en est tiré avec un blâme disciplinaire et qu'il n'a fait que défendre Armin contre quatre de ses tourmenteurs, il a tout de même envoyé ces types, tous plus âgés et plus costauds que lui, à l'hôpital. Ces gars imploraient sa pitié et il continuait de les frapper, un grand sourire aux lèvres. Jean n'a jamais dit à personne ce qu'il a vu par hasard cet après-midi-là, même pas à Marco et sans doute aurait-il dû mais Eren et lui se bagarraient depuis la première semaine de classe et personne ne l'aurait cru. Et puis aussi, parce que Jean est parfois en proie à des crises de lâcheté mais pas au point de se mentir à lui-même, il était mort de trouille.

Jean n'est pas sûr de la réaction d'Eren s'il embrassait Armin mais il préfère largement le découvrir quand celui-ci n'est pas en embuscade en face de la maison de Krista Lenz, ou plutôt d'Historia Reiss, avec un fusil de précision dans les mains.

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Donc…

Ils ne s'embrassent pas, parce qu'ils sont actuellement en mission, même si ça fait trois jours qu'ils se baladent dans toute la ville, selon un plan soigneusement délimité, main dans la main et avec un air d'amoureux transis sur le visage.

La gentille fille qu'ils ont toujours connue comme Krista Lenz est en fait Historia Reiss, et, à présent que ses demi-frères et ses demi-sœurs sont morts, la seule héritière du fabuleux consortium Reiss. Elle avait toujours vécu dans l'anonymat et alors qu'elle avait jusque-là laissé entendre qu'elle renonçait à la fortune familiale, elle a désormais l'intention de la revendiquer. Ça énerve beaucoup de gens et l'opération qu'ils mènent en ce moment est un piège. Krista, non Historia, décidément, il n'arrive pas à s'habituer, après une première tentative d'enlèvement ratée, est en sécurité quelque part, Jean ne sait pas où évidemment, et Armin joue les doublures en attendant que quelque chose bouge. Dans deux semaines, Historia sera légalement en possession de son héritage et même si elle sera sans doute toujours une cible pour d'éventuels assassinats, c'est quelque chose dont Jean n'a pas à se soucier, du moins pas pour l'instant. De toutes manières, elle n'aura aucun mal à se payer des gardes du corps.

Tout ce dont il doit se soucier maintenant c'est de protéger Armin s'il y a une autre tentative d'enlèvement (et il y en aura sûrement une car si Historia signait un formulaire de renonciation à la succession, le consortium Reiss serait définitivement hors de sa portée et les présidents des quinze plus grosses sociétés du groupe pourraient, par fidéicommis, se partager un gigantesque et succulent gâteau. Si elle venait à mourir en revanche, ce serait l'État qui récupérerait les possessions Reiss donc une tentative d'assassinat est plutôt improbable ce qui est une bonne nouvelle) tandis que deux groupes d'intervention les suivent en permanence, non pas tant pour les protéger que pour arriver à mettre la main sur les futurs ravisseurs et de là peut-être remonter jusqu'aux instigateurs.

Même s'il en a vraiment envie, Jean se dit que la situation est un peu trop tendue pour la romance.

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Donc…

Ils ne s'embrassent pas, parce que même si ça fait quelques mois qu'ils flirtent plus ou moins, ils sont coéquipiers et Jean n'est pas sûr de vouloir que les choses prennent ce chemin-là. Armin lui plait, il lui plait beaucoup, et c'est la première fois depuis Marco qu'il a envie d'essayer quelque chose de plus que ses habituels coups d'un soir mais Armin a toujours été hétéro à sa connaissance et Jean ne sait pas si c'est la curiosité qui pousse le blond à agir ainsi ou alors s'il est simplement trop affectueux parce qu'avec une famille aussi particulière que la sienne, il a du mal à connaître les limites.

Jean n'est pas sûr qu'Armin ait envie qu'il l'embrasse, et même s'il a le visage levé vers lui avec un sourire adorable et que ses lèvres sont curieusement roses à cause du rouge à lèvres, c'est peut-être juste un rôle pour un éventuel observateur. Jean a passé beaucoup de temps à croire qu'Armin était une petite chose faible et fragile qui n'était arrivé à l'académie que parce qu'il y avait été entrainé par Eren et Mikasa. Depuis, Armin lui a sauvé deux fois la vie, la première en l'entraînant à l'écart lors d'une fusillade entre deux bandes rivales, au risque de se prendre une balle perdue et la deuxième en tirant dans la tête d'une femme qui le tenait en joue. (Il aurait pu viser le bras, la jambe, mais il a visé la tête. Bien sûr c'était un cas de vie ou de mort mais Jean se dit que s'il n'est que le frère adoptif d'Eren, que si le même sang ne coule pas dans leur veine, ils sont définitivement de la même famille.)

Jean est vraiment nul pour les relations. Marco disait qu'il ferait un bon leader parce qu'il n'était pas assez fort pour pouvoir ignorer l'inquiétude des faibles, mais Marco a toujours vu le meilleur de lui. Peut-être qu'un jour, effectivement, Jean sera un leader, mais pour l'instant il ne l'est pas, pour l'instant au jour le jour, il doit se battre seul au côté d'Armin, mettre sa vie et celle de son coéquipier en jeu et il n'est pas assez crétin pour ne pas savoir qu'un changement pareil dans leur relation ne signifierait pas que du bon.

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Donc…

Ils ne s'embrassent pas, parce qu'Armin porte une perruque de lourdes boucles blondes de la même teinte que ses sourcils et que son visage est maquillé, et même si ça lui va incroyablement bien, il ressemble plutôt à une fille (précisément, il ressemble à Historia et Jean sait que c'est bien le but) qu'à Armin. Jean n'a jamais eu envie d'embrasser une fille, pas depuis l'époque où il avait un monstrueux béguin pour Mikasa, la sœur adoptive d'Armin et d'Eren et il s'est souvent demandé depuis si ce n'était pas plutôt le bouillonnement des hormones couplé à une intense fascination pour la beauté aussi époustouflante qu'exotique de la jeune fille qu'un vrai sentiment amoureux.

Jean n'a jamais embrassé que Marco. Il y en a eu d'autres après, bien sûr, il n'est pas un moine mais c'était des baisers qui ne voulaient rien dire, des baisers de préliminaire, dans la fièvre du désir montant ou des baisers passionnés et souvent maladroits entre gémissements et halètements alors que l'orgasme approchait ou des baisers rapides, un simple effleurement, pour se dire au revoir après une bonne séance de sexe. Des baisers qui se perdent dans une valse de visages indistincts et de prénoms griffonnés à côté d'un numéro de téléphone sur des bouts de papier que Jean ne s'est jamais donné la peine de garder.

Il ne veut pas qu'Armin fasse partie de cette valse-là. Armin est déjà un ami très précieux, un coéquipier génial et c'est lui qu'il veut embrasser, pas un substitut de fille.

Plus tard, pourquoi pas, si Armin aime porter ce genre de fringues et du rouge à lèvres même si Jean ne trouve pas ça spécialement excitant mais, et tant pis si ça a l'air horriblement niais, Jean veut que la première fois qu'il embrasse Armin soit spéciale.

(Et pas spéciale dans le genre un garçon qui porte une jupe.)

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Donc…

Ils ne s'embrassent pas, et Jean se contente d'effleurer du doigt la joue d'Armin et de se pencher en avant, comme s'il allait effectivement l'embrasser. Il prend une mèche de faux-cheveux blonds et pose simplement les lèvres dessus.

« Bonne nuit, princesse, » murmure-t-il sans pouvoir retenir un petit rictus moqueur, et Armin répond sur le même ton, avec un sourire lourd de promesse : « Quand tout ça sera fini, je vais t'ouvrir le ventre et te faire bouffer tes tripes. »

Ses yeux bleus brillent d'amusement, et Jean se dit qu'une telle phrase ne devrait pas être capable de l'exciter.

Mais c'est Armin, son odeur, son sourire, sa voix, ses yeux et merde, même s'il a décidé de ne pas l'embrasser, pas ce soir en tout cas, Jean en a vraiment envie. Alors qu'il va peut-être faire une bêtise, parce qu'il y a beaucoup de plus de bonnes raisons de ne pas l'embrasser que de l'embrasser, Armin rentre et avec un clin d'œil et articulant un silencieux « bonne nuit », il ferme la porte derrière lui.

A l'intérieur, il y a Sasha, la « colocataire » d'Historia qui est elle aussi chargée de protéger Armin et Jean a quartier libre jusqu'au lendemain, où il viendra chercher son coéquipier travesti pour une balade en ville.

Pendant un bref instant il reste sur le pas de la porte, indécis. Il hésite entre aller dans un bar pour essayer de rencontrer un gars juste pour la soirée ou rentrer sagement se coucher. Il se décide pour cette dernière option et même s'il a envie de se dire que c'est parce que demain, il doit être en forme, la vraie raison c'est qu'ils ne se sont pas embrassés et qu'ils ne sortent décidément pas ensembles, mais il a l'impression que d'une certaine manière, ce ne serait pas honnête vis-à-vis d'Armin.

Mon dieu, est-ce qu'il a vraiment pensé ça ? C'est peut-être Armin qui s'habille en fille, mais visiblement c'est lui que ça commence à affecter.

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« Donc, dit Jean à Marco lorsqu'il rentre dans son appartement, nous ne nous sommes pas embrassés. »

Tristement, il ne possède que deux photographies de Marco. L'une est celle prise à l'occasion de son entrée à l'académie, et il est tellement jeune et tellement beau dans son uniforme tout neuf. L'autre, ils sont tous les deux et c'est Connie qui a pris la photo. A l'époque, ils ne sortaient pas encore ensembles et pourtant il aime penser qu'il y avait déjà plus que de l'amitié dans leur sourire complice.

La première, c'est la sœur de Marco qui la lui a donnée quelques semaines après l'enterrement et la seconde, elle était chez ses parents le jour où l'académie a…

(Non, il ne faut pas y penser.)

« Je parie que tu leur as pardonné, pas vrai Marco ? Je parie que si le ciel existe, alors tu es sur un nuage à leur trouver des excuses. Peut-être que si j'étais mort avec toi, je pourrais leur pardonner aussi. Mais tu vois, j'ai dû continuer à vivre, et j'ai dû continuer à vivre sans toi. Et pour ça, j'espère qu'ils crèveront en hurlant. »

Il fait une pause, ses yeux fixés sur les deux jeunes hommes qui croyaient qu'ils avaient tout le temps du monde.

« Tu me manques. »

C'est vrai. Il lui manque encore tellement, malgré les années, qu'il a parfois physiquement mal. Marco est l'amour de sa vie. Et peut-être que s'il n'était pas mort ce jour-là, ils se seraient séparés et ils auraient finis par se détester mais c'est quelque chose qu'il n'expérimentera jamais. Son amour pour Marco est pour toujours cristallisé dans la plénitude du premier amour, éternellement heureux et éternellement fort.

« Et pourtant, j'ai quand même envie que ça marche entre Armin et moi. Et s'il y a quelqu'un qui peut comprendre toute cette merde, c'est bien lui. »

(Armin aussi a perdu celle qu'il aimait, et dans un sens, il l'a perdue d'une manière encore plus cruelle. Il ne faut pas penser à ça. En thérapie, on lui a dit qu'il devait y penser mais il y a certaines choses qu'il vaut mieux laisser dormir.)

« C'est décidé, demain, je l'embrasse. Même s'il est maquillé et qu'il porte une jupe, même si Eren peut nous voir, même si ce n'est sans doute pas le meilleur moment et que je ne suis pas sûr de ce que ça donnera… »

Et c'est peut-être une fuite en avant, c'est peut-être juste une mauvaise solution pour oublier mais lorsque Jean rêve cette nuit-là de Marco qui lui sourit, un demi sourire dans un demi-visage et qu'il a comme toujours envie de pleurer, il se rend compte que quelqu'un lui tient la main, quelqu'un qui lui dit que tout va bien se passer et Jean n'a pas besoin de regarder pour savoir que c'est Armin.

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*câlin virtuel à Jean* Eren comme beau-frère, Eren, possédant un fusil d'assaut, comme beau-frère. Je suppose qu'on hésiterait à moins.