Disclaimer : Détective Conan et Magic Kaito appartiennent au grand Aoyama Gōshō-sensei, qui eu un jour l'idée de génie de se mettre au manga. Contient aussi une légère allusion à Yaiba (mais franchement, c'est tellement léger que c'est à se demander pourquoi je le fait remarquer). Et à ma connaissance, sensei ne m'appartient pas non plus. qu'il ne m'en veuille pas trop si je le fais apparaître le temps de quelques pages Word.


Kaito s'ennuie...


Ce monde avait encore changé en son absence. Pas que cela le dérangeât – il n'y vivait pas, après tout – mais cela voulait bien dire qu'il s'était écoulé du temps depuis la dernière fois. Alors que lui était resté bloqué.

Au début, cela ne l'avait pas franchement dérangé après tout, tant qu'il pouvait éviter d'être pointé par le pistolet de Snake, ou de voir le visage furieux – voire même haineux ou désespéré dans certains cas – d'Aoko, il n'allait pas cracher dessus. Mais bon, depuis le temps, il avait eu beau continuer les « petits » vols, aucun gros joyau n'avait daigné pointer le bout de sa chaîne. Rien ! Rien qui ne valût le coup d'être volé avec l'espoir qu'il pût s'agir de la pierre qu'il cherchait.

Kaito soupira. À croire que son monde avait décidé de se mettre en vacances à durée indéterminée. Il n'y avait guère que quand il se promenait dans le monde de Tantei-kun qu'il voyait des joyaux intéressants.

Car oui, aussi étrange que ce fût, il ne volait pas des joyaux uniquement dans son monde : le Tōkyō dans lequel il vivait et celui de Tantei-kun étaient si proches qu'il allait régulièrement y faire des allées et venues. Après tout, il ne voyait pas ce qui pouvait le surprendre encore, aujourd'hui, avec une pierre d'Immortalité et une sorcière comme camarade de classe. Qu'était-ce, qu'une promenade dans un Tōkyō parallèle au sien, après ça ?

D'ailleurs, il ne pouvait s'empêcher de penser que le Tōkyō de Tantei-kun était vraiment dangereux. Il avait toujours un sentiment d'appréhension en s'y rendant. En fait, ce gosse, du haut de ces sept ans à peu près – selon lui – était un véritable shinigami. Tout ces cadavres qui lui tombaient sur le nez sans qu'il n'ait rien à faire, et tout ces meurtriers qui décidaient de commettre leur meurtre de la manière la plus imaginative qui soit, à chaque fois quand il était là, et à chaque fois en laissant juste ce qu'il fallait d'indices derrière eux… il y avait également l'hypothèse que ce gosse eût le pire karma du monde, ou une poisse légendaire – il fallait voir toutes les fois où la voiture le transportant tombait en panne – mais en tout cas, ce n'était pas normal.

Kaito secoua la tête. La vie de Tantei-kun était décidément plus animée que la sienne, en ce moment. En revanche, il ne l'enviait pas. Les cadavres qui poussaient partout, très peu pour lui.


En sortant du lycée après les cours, il avait soudain eu envie d'aller marcher ailleurs que chez lui ou chez son détective en culottes courtes préféré. Il s'était alors naturellement dirigé vers l'autre monde. Il l'avait aussi visité, certains jours où il s'ennuyait, mais il y allait moins souvent. Il lui paraissait trop bizarre à son goût. Peut-être à cause des immeubles, ou du ciel, différents de chez lui ? Ou à cause de ses habitants, aux contours moins précis, aux visages plus détaillés ?

En tout cas, dans ce troisième Tōkyō, les distributeurs de boissons acceptaient toujours ses pièces de deux cents yens. Mais pas les billets par contre. Bon, ce n'était pas comme si cela le dérangeait, mais il aurait quand même bien aimé savoir pourquoi.

Il s'apprêtait à ouvrir une canette de soda quand il entendit quelqu'un l'appeler derrière lui.

« Hey, toi là ! »

Se retournant, il vit un couple d'adolescents qui le regardaient fixement, l'air surpris. Il soupira. Il y avait eu droit aussi, la dernière fois qu'il était venu. Il comprenait bien que son apparence ne devait pas être ordinaire, mais c'était fatigant, quand même.

« Hmm ?

— Heu, désolé de te déranger, mais… tu viens d'où ? demanda le garçon qui paraissait particulièrement surpris.

— Pas d'ici, répondit Kaito distraitement. C'est normal que je vous paraisse bizarre. Pour moi, c'est cet endroit qui l'est.

— Non, mais c'est juste que… ben, tu vas rire, mais on a l'impression que tu as été dessiné, répondit le garçon avec un rire gêné. Genre, c'est comme si t'avais des contours, ou un truc du genre. C'est un peu flippant, en fait.

— Je suis un phénomène partout où je vais, décidément, répondit Kaito en souriant.

— Pardon ? »

C'était la fille qui avait parlé, cette fois. Le magicien, en la voyant, ne put s'empêcher de faire apparaître entre ses doigts une belle fleur aussi rose de couleur que de nom, et la lui tendit avec un grand sourire.

« Ojōsan, je ne peux qu'envier votre compagnon, à votre bras, en voyant un aussi agréable visage que le vôtre face à moi ~ »

Il n'en fallut pas plus pour que la demoiselle en question rougisse jusqu'aux oreilles. Elle prit la fleur qu'on lui tendait, baragouinant un vague remerciement, pendant que son petit-ami fixait désormais l'intrus avec méfiance.

« Comment tu as fais ça, toi ?

— Je suis magicien. Il n'y a rien de plus facile pour moi que de faire apparaître des choses – ou de les faire disparaître, rajouta-t-il dans un rire, se doutant bien que son interlocuteur ne devait avoir aucune idée de quoi il parlait.

— Un magicien, vraiment ? Et comment tu t'appelles ?

— Kuroba Kaito, enchanté. »

Les deux tiltèrent à ce nom.

« Attends… comme le…

— Kaitō Kid ? »

Kaito se figea.

« J-je ne vois pas du tout de quoi vous parlez, voyons, qu'est-ce que c'est que ces accusations sans fondement ? Je suis juste un magicien – très doué, certes, mais de là à m'accuser de…

— Heu… calme-toi, d'accord ? C'est juste qu'on était surpris de voir quelqu'un qui s'appelle comme ça…

— Et qui est aussi magicien…

— Et puis en fait, tu lui ressembles un peu…

— Mais vous allez arrêter, oui ? s'écria Kaito, agacé. Déjà que Hakuba me harcèle toute la journée avec ça, si vous aussi vous vous y mettez…

— Hakuba ?

— Quelqu'un qui est dans ma classe, peu importe. »

Les deux se regardèrent, perdus, avant qu'un éclair d'illumination ne semblât passer dans leurs regards.

« Bon, OK. Là, ça ne nous fait plus rire. Comment tu t'appelles, en vrai ?

— Mais je vous l'ai dit, Kuroba Kai…

— Ton vrai nom, coupa la fille. Je veux bien concevoir que tu sois un grand fan, mais là, tu vas un peu trop loin, non ?

— Je vous demande pardon ?

— Je veux bien que tu sois un fan du Kaitō Kid, au point d'être magicien et d'essayer de lui ressembler, mais essayer de faire croire que c'est lui en personne…

— Attendez, qu'est-ce qui vous fait dire que je voudrais me faire passer pour Kid ?

— Que tu nous donnes le nom de Kuroba, peut-être ? Tout ceux qui s'intéressent un temps soit peu à lui savent que c'est son nom ! »

Kaito déglutit. Ainsi, dans ce monde, non seulement il était connu, mais en plus on connaissait sa véritable identité ? Très dangereux ça. Il réfléchit deux secondes, et se força à installer une poker face correcte avant de demander :

« Pourrais-je, si ce n'est pas trop vous demander, savoir comment il est possible de trouver ce nom ?

— Ben… en lisant le manga.

— Pardon ?

— Le manga. Magic Kaito. Celui qui met en scène le Kaitō Kid.

— Le… »

Kaito eut du mal à conserver sa poker face si récemment installée. Son esprit carburait à toute vitesse. Ainsi donc, dans ce monde, ses exploits étaient retranscrits en mangas ? Autant il était assez flatté de l'attention, autant il allait falloir faire attention à ce que l'inspecteur Nakamori ne mît jamais la main dessus, sinon il serait complètement grillé.

« Et où puis-je trouver ces mangas, exactement ?

— Ben… à la librairie, je pense.

— Je vois, merci beaucoup, et à bientôt peut-être, ojōsan ! »

Sur ce, il s'éloigna en sautillant, avec l'air d'oublier qu'il n'avait remercié qu'une seule des deux personnes – la plus jolie, d'accord, mais une seule quand même.

Les deux en question restèrent d'ailleurs un moment plantés sur le trottoir, avant que la fille ne jetât un coup d'œil à sa rose pour vérifier qu'elle n'avait pas rêvé. Puis…

« Bon, c'était un fou ou un fan hardcore, finalement ?

— Je sais pas. Je crois que c'était les deux. »


Le jeune magicien s'était basé sur ses connaissances des deux autres Tōkyō qu'il connaissait pour trouver une librairie. Il avait fini par en trouver une, et après avoir cherché un peu, avait fini par trouver les tomes du manga en question et les avaient lus caché derrière une pile de livres pas encore déballés, pour éviter qu'un vendeur ne le dérangeât en lui faisant remarquer qu'il était dans une librairie et non dans une bibliothèque.

Résultat des courses : il avait bien ri à certains moments, beaucoup moins à d'autres, mais avait en revanche la certitude qu'il lui fallait à tout prix éviter que l'inspecteur, Hakuba ou Conan ne mettent la main dessus, sinon il était dans de beaux draps.

Il avait d'ailleurs cru halluciner quand il avait vu son petit rival, lui aussi présent en librairie, mais aussi et surtout les numéros des tomes en question.

« Je rêve ou Tantei-kun a quatre-vingt-dix tomes de plus que moi ? C'est quoi ce délire ? »

Plusieurs personnes tournèrent la tête, mais plongèrent à nouveau dans leurs occupations diverses en voyant qu'il ne s'agissait pas d'un tsunami mais juste d'un adolescent bizarre un peu contrarié. Il y eu quelques regards courroucés, mais mis à part ça, rien de grave.

Kaito secoua la tête. Bien qu'il ne pouvait s'empêcher d'être jaloux, il comprenait bien que le gamin eût plus de choses à raconter que lui, avec tout les meurtres qui lui tournaient autour. Il feuilleta quelques-uns des mangas de son petit détective, en se disant que décidément, ce gosse voyait la forteresse cachée là où le commun des mortels ne voyait qu'un simple clou qui dépasse.

Comment on pouvait trouver des coupables avec des indices pareils, sérieusement ? Bon, d'accord, le génie qu'il était avait réussi à deviner plusieurs fois le coupable – en fait c'était assez amusant si on oubliait que tout ces meurtres arrivaient vraiment dans une dimension parallèle – mais ce gamin avait décidément quelque chose de spécial. Ce n'était pas son rival pour rien !

Il apprit en passant la vérité au sujet de son Tantei-kun chéri en lisant le résumé au début du manga. Il avait failli s'étouffer en voyant qu'une des plus grandes questions de sa vie (soit : « Mais c'est qui ce gosse, à la fin ? ») avait la réponse tranquillement écrite en noir sur blanc, et il s'était donc jeté sur le premier tome de la série pour voir ça en image.

« Hé bé, on dirait qu'il a encore plus de problèmes que moi avec les organisations secrètes ! »

Kaito ne put s'empêcher de ricaner bêtement en voyant son rival expérimenter tout les désagréments de la vie en petit. Mais bon, au moins il avait eu une déclaration de sa petite amie, il n'allait pas se plaindre ! Même si elle n'était pas vraiment au courant de la personne à qui elle l'avait dit…

Un appel dans les haut-parleurs avertit les clients que la boutique n'allait pas tarder à fermer, et le magicien se vit obligé de renoncer à chercher d'autres anecdotes croustillantes concernant Tantei-kun qu'il pourrait lui rappeler la prochaine fois qu'il le verrait, histoire de le mettre mal à l'aise – un de ses passe-temps favoris.

Il soupira, et s'apprêtait à remettre le manga dans les rayons, quand il remarqua une chose à laquelle il n'avait pas fait attention auparavant. Sur la couverture du livre.

« Aoyama Gōshō »

Il fronça les sourcils. N'était-ce pas le nom qui était aussi sur la couverture de son manga ? Il vérifia. Oui. Aucun doute : lui et Conan avaient le même mangaka.

En fait, ce n'était pas si surprenant que ça. Pour quelle raison aurait-il pu aller dans le Tōkyō de son rival aussi facilement sinon ? Il se souvint également qu'il était allé une fois dans le Tōkyō d'un autre jeune garçon, complètement survolté, et qu'il avait vu cet épisode en chapitre dans son manga : sans doute s'agissait-il d'un autre garçon dont le monde était géré par cet « Aoyama ».

Le magicien sourit. Cette situation méritait un petit détour quelque part, non ?


Le soleil s'était couché depuis longtemps. Affalé sur son bureau, le mangaka Aoyama Gōshō profitait d'un repos bien mérité après plusieurs jours de dessin à un rythme aussi monstrueux qu'habituel. Il fallait vraiment qu'il aille dans son lit. Ses assistants venaient de partir, et les planches de son dernier chapitre – enfin fini – avaient fait de même.

Il pensait donc pouvoir être tranquille, mais il entendit sa porte s'ouvrir et il se redressa, en se demandant si un de ses assistants avait oublié quelque chose. Il vit en effet sur une table de travail un portefeuille et le prit dans l'optique de le rendre à son propriétaire, mais quand il alla à l'entrée, ce fut pour y voir un jeune garçon qu'il n'avait jamais vu auparavant. Même s'il lui était étrangement familier.

Il le regarda. Il n'avait ni l'air d'un commis, ni d'un enfant égaré – qu'est-ce qu'il racontait, c'était un adolescent en face de lui – ni d'un livreur de pizza. En plus il n'avait même pas commandé de pizza.

Il décida donc de poser les deux seules questions logiques en cet instant :

« Qui es-tu, toi, et comment es-tu entré ? »

Le garçon eut alors un rictus qui le fit furieusement ressembler au chat du Cheshire, et il lança d'un air amusé :

« Nooooon, vous ne me reconnaissez pas ? Moi qui pensais que vous seriez content de me voir ! C'est vraiment triste, vous m'avez déjà oublié à ce point ?

— … il ne me semble pas t'avoir déjà rencontré.

— Mais si, mais si. Simplement, pas en chair et en os. Vous aviez plus l'habitude de me voir en noir et blanc, je me trompe ~ ?

— Pardon ? demanda Gōshō en clignant des yeux.

— Oh, mais voila que j'en perds mes manières, s'écria le garçon en se frappant la tempe du plat de la main. Quel tête-en-l'air je fais ! Toutes mes excuses, j'étais si pressé de vous rencontrer que je manque à tout mes devoirs. »

Il avança une main vide devant lui, qu'il agita en souriant avant de faire apparaître une carte à jouer entre ses doigts. De ce qu'il en voyait, Aoyama eut l'impression qu'elle était blanche, mais quand le garçon la mit dans sa main, il pu voir que sur l'autre côté avait été dessiné une petite caricature d'un personnage au grand sourire, portant un chapeau haut-de-forme et un monocle sur l'œil droit. Ce n'était quand même pas…

« Kuroba Kaito, alias Kaitō Kid deuxième du nom, ravi de vous rencontrer ! »

Il ne savait pas trop comment réagir, là. Cela lui arrivait tout d'un seul coup, il était fatigué, et son cerveau avait du mal à imaginer quoi que ce soit de plausible pour expliquer la situation.

Puis il se rendit compte que le garçon avait royalement ignoré sa seconde question, qu'il se sentit obligé de réitérer.

« Et comment es-tu entré ici ?

— Oh, voyons, ce n'est pas bien difficile pour un cambrioleur de mon acabit ! Passons, ce n'est pas de ça que je voulais vous parler… »

Il sortit alors deux petits livres de sa poche. Le mangaka pu voir qu'il s'agissait du quatrième tome de Magic Kaito et du dernier tome de Détective Conan, qui était sorti la semaine précédente. Avant de pouvoir dire quoi que ce soit, le garçon attaqua :

« Je ne sais pas pour vous, mais moi je trouve qu'il y a un peu trop de différence entre les deux chiffres, pas vous ?

— Heu…

— J'aimerais donc, si ce n'est pas trop vous demander, que vous acceptiez de me faire un chapitre, ne serait-ce que de temps en temps, histoire que je puisse m'amuser dans mon monde aussi, parce qu'en ce moment, je suis obligé d'aller dans celui de Tantei-kun pour avoir un peu de répondant !

— Et bien…

— Non, parce que, c'est bien gentil, mais chez moi en ce moment il n'y a que des petits joyaux, aucune chance que la pierre de Pandore soit dedans ! Et puis ce n'est pas marrant. Si vous pouviez réveiller Hakuba, aussi, ce serait bien aussi. Il a l'air de faire une dépression en ce moment. Je le comprends d'ailleurs, il ne se passe pas grand-chose chez nous. Alors, bon, voilà, c'était pour vous demander ça que je suis venu. Maintenant, si vous me permettez… »

Il s'apprêtait à partir quand une pensée sembla lui venir à l'esprit.

« Au fait, vous écrivez nos histoires parce que vous les entendez de quelqu'un ou c'est vraiment vous qui les inventez ?

- Ben… je les invente… enfin je crois… répondit Gōshō qui commençait sérieusement à douter, sur le coup.

— Donc, d'une certaine manière, c'est un peu comme si vous étiez notre père ? demanda le garçon, un grand sourire sur le visage.

— On peut voir les choses de cette manière, oui…

— Parfait, alors ! »

À ces mots, une fumée rose entoura le garçon, qui avait disparu un instant plus tard. Hébété, le mangaka retourna s'asseoir à son bureau. Il considérait en effet qu'il valait mieux pour le moment. Il posa la carte dans un coin et resta ainsi quelques minutes, jusqu'à ce qu'un autre bruit de porte ne résonne.

« Excusez-moi, sensei, il me semble que j'ai oublié mon portefeuille ici. Je m'en suis rendu compte à la gare, vu que je ne pouvais pas entrer sans ma carte. »

L'assistant vit, surpris, son maître toujours immobile, assis sur son bureau.

« Quelque chose ne va pas sensei ?

— Si, si tout va bien, finit par répondre l'intéressé en tournant la tête. J'ai juste fait un rêve très étrange.

— C'est parce que vous êtes fatigué, sensei. Vous feriez mieux d'aller vous coucher.

— Peut-être que je dessinerai un cambriolage du Kid, pour la prochaine enquête, déclara Gōshō.

— Pourquoi ?

— Je ne sais pas. Ça m'est venu comme ça. »

L'assistant haussa un sourcil avant de prendre le portefeuille que lui tendait son maître. Il ne prit pas la peine de regarder le bureau, sinon, il aurait peut-être pu voir une carte portant le symbole du Kid qui n'était pas là quand il était parti un quart d'heure plus tôt…


Conan s'étira avant de bâiller. Quelle idée qu'avait ce voleur, aussi, de programmer ses vols au milieu de la nuit ! Il était épuisé de sa journée et il n'aurait rien plus aimé que d'aller se coucher. Mais bon, se plaindre au Kid de ses horaires de « travail » était à peu près aussi utile que d'essayer de convaincre Haibara de lui donner de l'antidote sans une raison de vie ou de mort. Et encore.

Parfois, être le Kid Killer était un véritable fardeau. À chaque fois que le Conseiller Suzuki provoquait Kid en duel, ou que Kid prévenait le Conseiller d'un cambriolage, il était traîné là-bas par Ran et Sonoko.

Certes, il adorait se mesurer au Kid, déchiffrer ses messages et tenter de l'arrêter, mais… pas à presque minuit, après trois affaires de meurtres en une seule journée, couplées d'une grève des trains, d'une crise de colère d'Ayumi, d'une alerte incendie à l'école Teitan, et d'un jonglage maladroit avec des alibis bancals, ce afin éviter qu'un mail qu'il avait reçu sur son téléphone « Shinichi » ne compromette sa couverture auprès de Ran.

Autrement dit, ce que Conan avait l'habitude d'appeler : les jours de poisse.

Il soupira et regarda sa montre. 23 heures 56. Plus que quatre minutes. Il jeta un coup d'œil à la salle dans laquelle était exposé la cible du voleur. C'était une salle d'exposition privée appartenant au rival auto-proclamé de Kid : le Conseiller Suzuki Jirokichi. Les vitrines, qui recouvraient les murs aux tons clairs de la pièce, contenaient divers trésors de la période Heian : poteries, coffres, calligraphies et poèmes, tableaux, ainsi que plusieurs pierres, dont la plus grosse était actuellement dans la seule vitrine à être au centre de la pièce – apparemment un caprice du Conseiller Suzuki.

La gemme, d'une jolie couleur bleutée, avait la taille d'un œuf d'oie. Yoru no yume. C'était son nom.

Il n'y avait dans la salle que les policiers, le détective britannique Hakuba Saguru, la famille Suzuki et les Mōri, le Conseiller ayant accepté, après maintes remarques de l'inspecteur Nakamori, de faire sortir les « autres gêneurs » de la salle.

Il soupira, pendant que Ran le traînait par la main en direction d'un vieux vase aux teintes ocre, non pas pour voir le vase en lui-même mais la jeune fille qui avait décidé de se planter à côté : Suzuki Sonoko, nièce du Conseiller Jirokichi. Elle faisait de grand signes dans leur direction en criant leur noms, apparemment incapable de bouger elle-même, ayant déjà pris racine.

« Ran ! Ran ! Regarde-moi ça ! Regarde les motifs de ce vase ! »

Conan releva un sourcil. Il était assez surprenant de voir quelqu'un comme Sonoko trépigner pour un vase, et il suspecta qu'il y eût anguille sous roche.

« Qu'est-ce que tu as, Sonoko ?

— Regarde ce motif, il ne te rappelle rien ? demanda Sonoko, surexcitée.

— On dirait… une fleur… ? tenta Ran, hasardeuse.

— Mais non ! s'écria l'héritière. Tu ne vois pas que ce motif ressemble aux dessins que Kid-sama utilise comme signature ? C'est incroyable ! »

Conan, statufié pendant une seconde, lâcha un rire nerveux en se disant que d'une, le cas de Sonoko était définitivement désespéré, et que de deux, non, il ne voyait rien d'autre qu'une fleur sur ce fichu vase, et il se demanda d'ailleurs comment elle avait fait pour voir Kid là-dessus.

Soudain, les lumières s'éteignirent d'un coup, plongeant la pièce dans la pénombre. L'inspecteur Nakamori, comme monté sur un ressort, s'écria d'un coup :

« C'est Kid ! Il est là ! Allumez les projecteurs ! »

Les enceintes, placées dans la pièces, illuminèrent à nouveau la pièce. Dans le petit laps de temps nécessaire aux policiers pour les allumer, le Voleur en Blanc avait eu le temps d'apparaître et il était à présent nonchalamment assis sur le piédestal, jouant avec le joyau qu'il avait dans les mains.

Conan se redressa avant de se libérer de la main de Ran. Il y avait de fortes chances pour que Kid, comme à son habitude, s'amuse à railler les policiers en général, l'inspecteur Nakamori en particulier, et Hakuba en prime, et il avait bien l'intention de mettre un de ses mouchards-autocollants sur les vêtements du voleur, s'il arrivait à trouver le temps de le faire.

« Ladies and Gentlemen, c'est un plaisir de vous croiser ce soir. Je ne vous ai pas trop manqué, j'espère ? »

Pendant que Sonoko, hystérique, criait que si, il lui avait énormément manqué, sous le regard désabusé de Ran, Conan couru en direction du piédestal, en profitant de sa petite taille pour se glisser entre les jambes des adultes.

Il avait à peine fini de se dégager que Kid s'écria :

« Tantei-kun ! C'est génial, je voulais te voir en plus ! Tu m'as manqué, tu sais ? »

Conan trébucha avant de se relever le plus vite possible. Il venait de dire quoi, ce voleur ?

« Dis-donc, Kid, ce n'est pas à moi que tu dis ça, d'habitude ? demanda Nakamori, apparemment affreusement vexé, allez savoir pourquoi.

— Ouiiiiii, mais vous voyez, il s'est passé des trucs dernièrement qui faisaient que j'avais très envie de voir ce gosse, vous voyez ? »

Conan eut très peur sur le coup. Ran et l'inspecteur Nakamori aussi, d'ailleurs.

« Je peux savoir pourquoi tu voulais me voir à ce point ? demanda le petit détective, redoutant la réponse.

— Ah, ravi de voir que ça t'intéresse. Ça te concerne directement, après tout. Figure-toi qu'hier je m'ennuyais, et j'ai décidé d'aller me promener à… peu importe où, en fait. Bref, je t'épargne les détails, mais disons que de fil en aiguille, je suis allé faire un tour à la librairie, et… »

Les gens dans la salle se mirent à cligner des yeux, tentant vainement de comprendre quelles pouvaient bien être les raisons pour lesquelles Kid déballait tranquillement sa vie, adossé au piédestal, en face d'un Conan à la mâchoire décrochée.

« … et enfin, j'ai fini par rencontrer quelqu'un de fort sympathique, et qui m'a appris un truc de DINGUE ! »

Conan sursauta. Il fixa le voleur surexcité, dont le sourire coupait presque son visage en deux.

« Qui est… ?

— Tantei-kun, tu es mon petit frère ! »

Il y eut un silence de mort dans la salle. Même les mouches semblaient avoir peur de voler.

L'inspecteur Nakamori sembla être le premier à retrouver ses esprits, et lâcha :

« C'est vrai, ça ?

— Parfaitement, clama le voleur, avant de rajouter d'un ton goguenard : on a le même père ! »

Conan fini par se souvenir de la manière dont on bougeait les bras, car il sortit un téléphone portable de sa poche. Sans se soucier de l'intégralité de la pièce qui le regardait, il sélectionna un numéro enregistré et attendit que son interlocuteur décroche.

« Oui, allô, papa ? … Oui, c'est moi. Il faut que je te parle, c'est urgent. »

Kid sembla faire un geste vers lui, lâchant un « Ce n'était pas de celui-là que je… » qui s'interrompit quand il vit que personne ne l'écoutait, ce qui était en passant assez peu courant.

« Non, je me fiche de l'heure qu'il est, c'est important, là ! … oui … en fait, je voulais savoir… quand tu disais que j'étais fils unique, rassure-moi, tu disais bien la vérité ? … Je n'aurais pas, genre, un frère non-officiel dont on m'aurait caché l'existence ? … Non, parce que si c'est le cas, il est à côté de moi, en ce moment… »