Monstres de Poudlard

Parce que la vie de certains élèves de Poudlard fut placée dès leur enfance sous une mauvaise étoile et qu'ils durent se battre de toutes leurs forces pour gagner leur place au firmament... voilà un petit recueil d'histoires en leur honneur, les bons comme les mauvais, ceux qui surent porter leurs convictions jusqu'au bout comme ceux qui se contentèrent du moindre mal... ou du moindre bien.

La plupart des personnages et des lieux décrits sont de JK Rowling mais je me réserve la possibilité d'en créer de nouveaux pour illustrer des valeurs qui me tiennent à cœur.

Bonne lecture, et n'hésitez pas à me faire part de vos remarques et commentaires...

Hagrid n'avait vraiment compris qu'il était différent des autres qu'une fois arrivé à Poudlard. Certes, il dépassait déjà son père de deux ou trois têtes et il avait déjà remarqué que les gens se retournaient et murmuraient sur son passage lorsqu'ils allaient tous deux au chemin de Traverse, une fois l'an. Mais il était alors tellement occupé à regarder tout autour de lui qu'il n'y avait jamais prêté grande attention. Il avait bien perçu l'angoisse de son père lorsqu'il lui avait demandé de s'asseoir à coté de lui le dernier soir, mais il l'avait écartée de son esprit très vite :

_ Écoutes mon fils, lui avait dit le petit sorcier avec douceur. Je t'ai déjà dit que ta maman était partie après ta naissance, qu'elle n'avait pas pu rester avec nous. Hagrid avait hoché la tête, un peu chagriné. Il n'avait jamais compris pourquoi une boule se formait dans sa gorge quand il pensait à cela et donc faisait de son mieux pour y songer le moins possible. Ce qui étant donné sa nature bonhomme et l'environnement paisible et plein de douceur que lui offrait son père n'était guère difficile.

_ Ta maman n'a pas pu rester avec nous parce que ce n'était pas une sorcière, comme toi et moi, Hagrid. Les géantes ont des goûts et des besoins différents et je ne pouvais pas lui apporter ce qu'elle souhaitait. De plus, les gens sont plein d'à priori et ne parvenaient pas à l'accepter. La forcer à rester, cela aurait été la rendre malheureuse. Tu comprends, Hagrid ?

_ Oui, Papa. Pourquoi me parles-tu de ça maintenant ?

_ Parce que tu es assez grand pour comprendre, avait dit son père en se mettant sur la pointe des pieds pour lui ébouriffer les cheveux. Et puis je veux que tu saches d'où tu viens et que tu saches que tu n'as pas à en avoir honte. C'est parce que nous nous aimions énormément ta maman et moi que tu es venu au monde, Hagrid. Tu es la chose la plus merveilleuse que j'ai jamais pu faire, assura le sorcier avant de s'étrangler dans l'étreinte spontanée de son demi-géant de fils.

Mais Hagrid avait rapidement compris que l'opinion paternelle était loin d'être partagée par le plus grand nombre. En une semaine, il avait déjà essuyé de nombreuses railleries tant de la part des professeurs que des autres élèves. Ces derniers avaient été impressionnés dans un premier temps par sa taille et sa force physique mais avaient rapidement découvert la maladresse et la naïveté de leur condisciple et étaient immédiatement passés à l'offensive. Alors il faisait de son mieux pour les éviter, proposant ses services aux professeurs qui faisaient preuve d'un peu d'aménité à son égard ainsi qu'au garde-chasse. Cet homme renfermé, au visage tanné par le soleil et couvert de cicatrices diverses ne lui adressait jamais la parole qu'en monosyllabes mais tolérait la présence de l'enfant à ses cotés en toutes circonstances. Hagrid se passionna donc pour les créatures magiques que les autres élèves trouvaient aussi répugnantes que lui, les plantes-sorcières les plus agressives et apprit à déchiffrer le langage secret de tout ce qui hantait la Forêt Interdite. Il se sentait une communauté d'esprit avec ces bêtes et ces plantes qui ne développaient leurs griffes et leurs épines que pour mieux se préserver. Le demi-géant n'hésitait pas à leur porter assistance à ses risques et périls, se faisant parfois punir pour avoir introduit en fraude dans le château des créatures considérées comme dangereuses.

Passant les trois-quart de l'année à l'école, il ne vit pas son père déclinait peu à peu, rongé par un mal mystérieux qui laissaient les spécialistes de Ste Mangouste totalement impuissants. On finit par prévenir le directeur que le petit sorcier était au plus mal et qu'il était plus que temps de faire venir son fils à son chevet. Hagrid, hagard, ne put que tenir la main de l'homme qui lui avait donné la vie en regardant la lumière s'éteindre dans ses yeux si doux. A l'enterrement, il entendit le cœur gros, les adultes parlaient de lui comme d'un fardeau encombrant, se demandant qui accepterait de le prendre en charge étant donné sa nature « hybride ». Le salut vint de manière inattendue du vieil garde-chasse qui pour la première fois depuis sa prise de fonction vingt ans plus tôt avait pris un jour de congés pour assister son apprenti volontaire. Il avait posé sa main sur l'épaule de l'enfant et affirmé qu'il était prêt à accueillir Hagrid chez lui tant que celui-ci le voudrait. Lorsqu'on lui avait fait remarqué qu'il n'avait jamais eu de famille et qu'on avait mis en doute ses capacités à s'occuper d'Hagrid, il avait rétorqué que ce n'était pas le jeune âge de celui-ci qui préoccupait réellement ses interlocuteurs et que chaque jour, il se confrontait à bien pire qu'un demi-géant monté en graine. La cause fut entendue et l'été suivant, au lieu de quitter Poudlard comme le faisaient tous ses condisciples, Hagrid rejoignit la cabane de son protecteur.

Les choses auraient pu continuer paisiblement ainsi jusqu'à ce que le jeune sorcier obtienne ( avec difficultés ) ses diplômes. Même si les moqueries restaient quotidiennes, il s'étaient peu à peu fait un cercle restreint d'amis qui appréciaient son affabilité naturelle et sa fidélité sans faille. Il consolait ceux que l'on raillait et défendait ceux que l'on persécutait, heureux lorsqu'on lui rendait son amitié. Et puis un jour, ou plutôt un soir, tout s'écroula.

Hagrid n'avait jamais aimé Jedusor. Celui-ci ne s'était jamais abaissé à l'insulter, mais son entourage ne s'en était jamais privé, le traitant de demi-sang, de monstre ou d'hybride contre-nature. Bien des fois, Hagrid avait du se faire violence pour ne pas les suspendre en haut d'un mat ou bien les traîner de force dans la forêt interdite. Mais il s'agissait d'élèves bien notés, au petit soin avec les professeurs et enfants de personnages influents pour la plupart. Les représailles les plus justifiées lui auraient valu que de graves ennuis. Son père adoptif, plus direct que son géniteur en son temps lui avait mis les points sur les i à propos des préventions qu'avaient la plupart des gens à son égard. Si jamais il cédait à sa juste colère, il ne bénéficierait d'aucune circonstance atténuante. Hagrid avait donc appris à ronger son frein en prenant son expression la plus abrutie dont ses tourmenteurs se lassaient généralement assez vite. Il avait vu des vertes et des pas mûres durant toutes ces années mais ne se serait jamais attendu à ce qu'on l'accuse de meurtre. Certes, certains de ses pensionnaires en convalescence s'étaient parfois échappés de leurs cages, semant la panique dans les couloirs, mais rien de grave ne s'était jamais produit, Hagrid parvenant toujours à leur remettre la main dessus avant que quiconque soit blessé. Certes, il s'était déjà servi de son physique impressionnant pour mettre en fuite certains de ses tourmenteurs. Mais le jeune homme n'avait jamais cessé de croire que malgré tout, ceux qui l'entouraient le connaissaient assez bien pour savoir que jamais il n'avait eu la volonté de nuire à quiconque. Mais la psychose avait atteint son sommet culminant avec la mort d'une élève et les Aurors étaient venus le chercher et l'emmener à Azkaban. Les quelques mois qu'il y passa se gravèrent au fer rouge dans son esprit et lorsqu'il fut finalement libéré, il se jura de faire en sorte de ne jamais y retourner. Il fut libéré, mais pas innocenté. Le juge avait pris en considération son jeune âge et les témoignages des professeurs et de son tuteur le décrivant comme incapable de la moindre volonté de nuire il en avait déduit que l'enfant avait perdu le contrôle de la créature qui s'était alors attaqué aux habitants du château. Hagrid perdit cependant l'autorisation d'utiliser la magie et sa baguette fut brisée en deux.

_ Tu peux garder les morceaux, lui dit l'employé du Ministère, pris de pitié devant l'expression de tristesse qui s'inscrivit sur le visage d'Hagrid. Mais il ne faut pas le dire à qui que ce soit. Je pourrais avoir de graves ennuis.

Hagrid sourit et serra ce qu'il restait de sa baguette contre son cœur. Il se souvenait encore très bien de cet après-midi qu'il avait passé dans la boutique d'Ollivander avec son père et était reconnaissant au sorcier qui lui permettait de garder un vestige de ce passé heureux qui lui paraissait maintenant si lointain. Bien qu'il ne puisse plus suivre les cours, il revint à Poudlard avec son père adoptif. Celui-ci, lors de leurs retrouvailles, l'avait devancé, l'étreignant avec une force qui avait fait monter les larmes aux yeux d'Hagrid, non de souffrance, mais d'émotion :

_ Je sais que tu n'as rien à voir avec cette histoire, mon garçon. Le plus important, c'est que tu sois libre à nouveau. Rentrons chez nous maintenant.

A la mort de son mentor, Hagrid avait assuré sa succession grâce à l'appui de Dumbledore qui lui aussi avait toujours cru en son innocence. Quelques années passèrent puis les ténèbres s'abattirent sur le monde des sorciers et la méfiance revint en flèche. Pourtant Hagrid n'hésita pas un instant sur le camp à soutenir mettant sa force, ses connaissances ainsi que ses connexions avec le monde magique aux services de l'organisation fondée par son protecteur. Il rencontra là toute sorte de gens, honnêtes , droits et généreux pour la plupart, qui apprirent à se fier à lui et à apprécier sa nature profonde. Ils devinrent sa seconde famille et à nouveau, il dut affronter la douleur de perdre ceux qu'il aimait. Parfois, il serrait leur main et quelques heures plus tard, retrouvait leur cadavre torturé abandonné sur un chemin isolé. Hagrid ne les aimait que plus fort, partageant leurs joies et leurs peines, les soutenant dans la douleur et la détresse, et n'hésitant pas à les protéger de son propre corps en plein combat.

Lorsque la rumeur annonça que Lily et James étaient morts, il fut l'un des premiers sur place, recherchant avec frénésie une trace de vie dans les décombres, se guidant sur les pleurs d'Harry pour le localiser à l'étage de la maison éventrée. La Mort et la Destruction avaient encore frappé, mais la Vie avait fini par l'emporter. Il prit le bébé dans ses bras, prenant soin de ne pas l'écraser, le berçant jusqu'à ce qu'il s'endorme, lui promettant de tout faire pour qu'il ait une vie longue et heureuse, croyant encore que le destin ne pouvait encore s'acharner sur les mortels qu'il avait tant éprouvés déjà.

Il repensa à cette nuit-là en tenant dix-sept ans plus tard le corps inanimé de son protégé, désespéré pour la première fois de sa vie, ayant épuisé toutes ses réserves d'optimisme et de foi en l'humanité.

Heureusement, chacun de nous connaît la suite. Enfin presque. Hermione, Ron et Harry ne furent pas les seuls à se marier et à avoir beaucoup d'enfants. Hagrid après quelques années de cour assidue finit par demander à Madame Maxime de devenir Madame Rubeus Hagrid, ce qu'elle accepta aussitôt. Le mariage organisée par leurs amis fut grandiose, à la hauteur de ces deux grands personnages, et même la présence de Graup ne parvint pas à faire fuir les invités. Quatre solides enfants, deux garçons et deux filles vinrent égailler cette union. Ils héritèrent tous du goût pour les créatures surnaturelles de leur père mais leur mère parvint à leur inculquer un sens de l'esthétique plus conventionnel, bien qu'elle accepte toujours avec le sourire les fleurs étranges et monstrueuses que lui ramène très souvent ( trop souvent ? ) son mari amoureux comme au premier jour. De son coté, celui-ci a construit un appentis réservé à ses croisements expérimentaux et s'est entraîné à lancer des sorts d'enfermement capables de retenir ses pensionnaires qu'il évitait désormais de ramener à la maison. Comme il l'expliquait gravement sans remarquer leurs sourires entendus à ses jeunes amis qui venaient souvent lui rendre visite, les compromis étaient la base d'un mariage réussi.