Disclaimer : Bien évidemment, je ne possède rien, la série appartient à HBO, les personnages appartiennent aujourd'hui et à tout jamais à J.R.R Martin, le grand auteur de la série de Game of Thrones… que dire d'autre ? Ah oui, lisez et laissez un commentaire, ça fait toujours plaisir ! Surtout que je ne pense pas qu'il y aura beaucoup de recherche dans cette catégorie de personnage, alors au moins montrez-moi que vous existez :-)
Et si vous n'aimez pas, hé bien, ne me fustigez pas, je ne fais ça que pour faire partager ce que j'écris. Oui le style est différent, oui on ne voit qu'un aperçu de Bronn. Mais patience, il va bien se montrer au prochain chapitre, que je mettrai si je vois qu'on me lit un peu.
Bonne lecture.
I
Maurina était la fille d'un marchand de draps réputé à Port Réal. Elle habitait avec sa famille dans une vieille maison dans l'un des quartiers les plus animés de la ville. La maisonnée était composée de son père, sa belle-mère, de sa sœur cadette et du dernier-né, son demi-frère. Maurina avait un frère et une sœur aînés, mais l'un était parti faire fortune avec son propre négoce dans les îles, tandis que l'autre s'était mariée avec un soldat de profession qui était à présent basé dans le nord, selon les derniers messages qu'elle avait pu faire parvenir.
Depuis le mariage de sa sœur et le remariage de son père, personne ne semblait pressé de faire suivre le même chemin à la jeune fille, même si cette dernière approchait de sa vingtième année quand on pouvait déjà être mariée à seize parmi les gens du peuple. Aussi se considérait-elle davantage comme une jeune femme qu'une jeune fille en fleur. Il y avait dans cette appellation une sorte de naïveté qu'elle pensait avoir perdu depuis longtemps. Il semblait que l'on ne voulait pas faire de nouvelle dépense pour une nouvelle dot, mais Maurina soupçonnait aussi sa belle-mère d'avoir influencé son père pour que se dernier ne se préoccupe que de son nouveau couple. Leur bonheur était d'ailleurs assez relatif et ne pouvait selon elle ne consister qu'en une chose ; les craquements qui retentissaient au-dessus de sa tête en pleine nuit en étaient un constant rappel. Mais ce manque d'attention concernant son futur, bien loin de l'alarmer, lui convenait tout à fait. Il lui restait encore cette liberté. Elle aurait préféré toute fois que cela ne la fasse pas passer pour la suppléante toute désignée de Greyce, la servante de la maisonnée.
Parce qu'elle avait pris la place de sa mère dans le lit de son père, mais surtout parce qu'elle avait jeté son dévolu sur lui avant même que son veuvage soit terminé, Maurina avait toujours voué à sa belle-mère une aversion viscérale ; le fait qu'elle fut une assez belle femme d'un peu plus de trente ans, plantureuse et possédant un irrépressible besoin de donner son avis sur tout en affichant une assurance presque déplacée étaient autant de raisons de la détester. Depuis son installation, il lui semblait qu'elle était devenue la reine d'un royaume imaginaire dont la maison était le palais, sa chambre la salle de réception des doléances et son lit le trône. Elle donnait d'ailleurs depuis ce dernier tout un tas d'ordre du matin jusqu'au soir depuis la naissance de son rejeton. Quant à son père, Maurina pensait avoir encore de l'affection pour lui, comme on peut en avoir pour un homme qui connaît mieux son métier que sa famille et laisse volontiers les affaires domestiques aux femmes tout en s'assurant d'imposer son autorité à coup de ceinturon.
Le soleil ne s'était pas encore levé quand Maurina se leva de sa couche où dormait aussi sa petite sœur. Dans la pénombre elle lui lança un regard pour s'assurer qu'elle ne l'avait pas réveillée, puis tâcha rapidement de s'habiller. Puis elle descendit dans la cuisine qui servait aussi de pièce commune, où Greyce était déjà en train de faire chauffer le gruau.
« _Bon jour maîtresse, » dit-elle en lui servant un bol fumant.
« _Bon jour, Greyce, » répondit-elle d'une voix encore ensommeillée.
Maurina mangea rapidement sa ration, bu un gobelet de lait que la servante était allée traire de leur chèvre dans la petite cour de la maison, puis se leva. D'un pas qui se voulait énergique, une bougie à la main, elle sortit, traversa le couloir d'entrée —dans lequel se trouvaient la porte d'entrée de la maison et l'escalier au fond qui desservait les chambres, puis ouvrit la porte qui donnait sur l'atelier, y alluma une seconde bougie, puis entra enfin dans la boutique. Là elle en alluma une troisième puis une quatrième pour avoir un maximum de luminosité. Elle nettoya les tables et les étagères, puis se mit enfin à balayer, l'oreille tendue par habitude. Enfin retentit —quoi que de manière étouffée à cause de la cloison— le coup familier frappé à la porte du côté maison. Elle entendit la Greyce qui faisait entrer l'apprenti, pour l'emmener dans la cuisine. Maurina arrangeait les étoffes sur les étals quand Jonas entra dans l'atelier. Puis elle le vit enfin du coin de l'œil passer la tête par la porte de communication.
« _B'jour, mademoiselle Maurina. »
Elle lui rendit son salut en hochant la tête, puis il alla se mettre au travail dans l'atelier. La jeune femme inspecta la pièce, pivotant pensivement sur ses talons, puis quand elle jugea que tout se trouvait à sa place, elle repassa par l'atelier où Jonas terminait une commande, et alla s'occuper de faire se lever et manger sa sœur. Son père quant à lui devait déjà se débarbouiller dans une cuvette dans sa chambre ; bientôt il descendrait pour donner ses consignes, puis après avoir mangé il ouvrirait son commerce.
L'un des moyens d'éviter Magda ou la boutique était encore d'accompagner Greyce au marché. Maurina se proposait toujours de l'accompagner, panier à la main. En d'autres circonstances et si par exemple sa belle-mère n'avait jamais existé, la jeune femme aurait volontiers dédaigné cette sortie répétitive, mais ses options n'étaient pas variées. La servante n'était pas dupe de son stratagème, et d'ailleurs en voyant son air renfrogné quand elle devait l'aider à choisir du poisson et à le mettre elle-même dans le panier, Greyce lui répétait qu'elle n'avait pas à faire tant de manières car une fille de drapier était loin d'être une princesse, ni même une dame. Ce à quoi Maurina lui rétorquait qu'il fallait dans ce cas qu'elle en informe aussi sa belle-mère car ce fait semblait lui avoir totalement échappé.
« _Votre belle-mère est une femme de moyens qui a fait son chemin dans le monde, maîtresse. Vous ne pouvez pas espérer avoir droit aux mêmes avantages. »
« _Hé bien je devrais, Greyce. Car dans les faits c'est moi qui tient la maison avec ton aide, pas elle ! »
Elle sentait que la servante allait répliquer quelque chose de désagréable, quand une clameur vint troubler le marché.
La jeune femme mit un certain avant de comprendre ce qui se passait. Malgré les protestions de son acolyte, elle s'approcha jusqu'à voir au milieu de la foule qui s'écartait progressivement un homme grand et brun, l'allure élancée et féline donner un coup de poing à un homme du peuple, puis se battre brièvement contre deux autres. Il était difficile depuis son point de vue de savoir qui avait commencé et pourquoi. C'est alors que Maurina vit le nain qui lui tournait le dos, à quelques mètres devant elle, et qui reculait à pas lents dans sa direction. Elle remarqua qu'il était richement vêtu pour un homme de petite taille, ce qui laisser penser qu'il était de haute naissance. Son identité la frappa alors comme une gifle. Bien sûr. Sans jamais l'avoir vu, la jeune femme cru reconnaître Tyrion Lannister, la Main du Roi par procuration. L'un des seuls avantages de la boutique de son père était de pouvoir recueillir les derniers potins de la Cour. Par les temps qui couraient, il était peu étonnant que celui qu'on surnommait le Lutin ne soit pas apprécié dans les rues de Port Réal. Son nom et celui du Roi et de la Reine Régente revenaient souvent dans la bouche des harangueurs de foule. Face au tumulte, il reculait pour se mettre à l'écart. Il n'était plus qu'à un pas d'elle. C'est alors qu'un autre homme s'avança pour attaquer le Lannister.
Sans savoir pour qu'elle raison elle agissait de la sorte, Maurina se plaça devant lui pour tenter d'arrêter l'assaillant d'une main levée, mais elle n'eut pas le temps de respirer pour parler qu'il lui asséna sur la tête le coup qui était destinait au Lutin. Mince comme elle était et de constitution plutôt frêle, Maurina se retrouva projetée au sol avec un cri de détresse comme une brindille que l'on venait de faucher. Tout devint obscur, pourtant, à plat ventre, elle entendit clairement les bruits autour d'elle. Apparemment quelqu'un d'autre venait de mordre la poussière. Et comme on ne la rouait guère de coups de pieds, elle espéra qu'il s'agissait de son agresseur. Après, on n'entendit plus que les commentaires inarticulés de la foule. Elle sentit alors des mains la retourner sur le dos. Sa vue troublée, Maurina entr'aperçu Tyrion Lannister penché au-dessus d'elle en la regardant d'un air surpris et étrange, tandis qu'une forme plus haute qui ressemblait à Greyce criait quelque chose dont elle ne comprit pas un traître mot. Trop sonnée, elle ferma à nouveau les yeux.
« _Bronn, transporte la demoiselle dans un endroit moins peuplé. »
Ah. Ça, elle venait de le comprendre. Elle entendit à nouveau Greyce qui s'insurgeait à l'idée même que l'on touche à sa maîtresse, mais cela n'empêcha pas de toute évidence deux bras forts et plutôt musculeux de la soulever et de la transporter, plaquée contre un torse solide. La jeune femme sentit tout flotter autour d'elle pendant plusieurs minutes puis on la posa sans grand ménagement sur les marches d'une fontaine publique.
Hébétée, la jeune femme regarda à tour de rôle Greyce, le Lutin, et ce qui devait être son homme de main. Ce dernier la fixait par-dessus son nez cassé avec un air assez goguenard qu'elle n'aurait su interpréter. Greyce s'assit à côté d'elle en affectant de l'inspecter.
« _Il semblerait que je vous dois mes remerciements pour m'avoir protégé, ma dame, » dit courtoisement le nain en esquissant un semblant de révérence.
Maurina le regarda un temps en battant des paupières, puis secoua la tête pour essayer de se débarrasser de cette désagréable sensation de vertige.
« _J'ai...agi par impulsion. J'ai fait ce que je pensais être juste sur le moment. »
Elle ne savait même pas ce qu'elle racontait, se rendit-elle compte, en se sentant extrêmement stupide. Elle se rendit compte avec une certaine horreur qu'elle aurait pu dire la pire des niaiseries sans pouvoir y faire quoi que ce soit.
« _Vous êtes une fille courageuse, » répondit-il en plissant légèrement les yeux. Il lui apparaissait que le Lannister, encore surpris de cet acte dénué de préméditation, cherchait à comprendre les motivations de la jeune femme, ainsi que sa personne.
« _...ou inconsciente, » ajouta le reître en la reluquant, la main posée sur son épée.
Maurina lui lança un regard courroucé mais déjà Greyce renchérissait.
« _Vraiment maîtresse, où aviez-vous la tête ? » fit-elle en lui prenant cette fois-ci la tête entre les mains pour examiner son front.
Ce n'est qu'à ce moment-là que Maurina réalisa qu'elle était peut-être en train de saigner. Elle repoussa doucement la servante pour toucher l'endroit endolori.
« _Ce n'est qu'une égratignure, » dit l'homme de main avec un ton dégagé qui voulait montrer qu'il parlait d'expérience. Et au grand dam de la jeune femme, elle devait reconnaître qu'il avait raison. La plaie saignait, mais très peu, car superficielle.
« _Dans ce cas, » répondit-elle en essayant de se relever avec l'aide de Greyce, « je ne voudrais pas vous retarder dans vos affaires, monseigneur Lannister. »
Le nain sembla à nouveau pris de court par son attitude, ce qui commença à exaspérer légèrement la jeune femme sans qu'elle n'en montre rien. Vraiment, se comportait-elle de manière si extraordinaire ? Après un tel coup, elle n'avait qu'une seule envie, rentrer chez elle. Elle lança alternativement des regards entre le Lutin et son homme, qui semblait seul à goûter la situation, franchement amusé par l'échange.
« _Ma douce dame, » reprit le nain, « dites-moi à comment se nomme la personne à qui je dois ma reconnaissance et où elle vit. » En voyant sa réticence, Tyrion ajouta « il me serait agréable de pouvoir vous envoyer un présent en gage de ma gratitude. »
Ce fut au tour de Maurina d'être surprise. Un Lannister paie toujours ses dettes. Oui, peut-être, mais elle n'aurait jamais pensé que cette devise populaire serait appliquée à la lettre par l'un d'eux. Elle songea une seconde à décliner son offre par soucis de garder son identité inconnue, mais elle se rappela qu'elle avait à faire au deuxième homme le plus important du royaume et qu'il aurait été de la première offense de le refuser.
« _Je me nomme Maurina. J'habite dans le quartier des tisserands chez mon père, Maître Roderick, près de la place ***. »
« _Ainsi votre père est tisserand— ? »
« _Drapier, » corrigea-t-elle. « Et l'un des meilleurs. Il y avait un temps où notre maison fournissait le palais, monseigneur. »
Tyrion arqua un sourcil, l'œil vif, comme quelqu'un qui venait de trouver ce qu'il cherchait.
« _Et pourquoi cela a-t-il changé ? »
Maurina se mordit brièvement la lèvre, regrettant de s'être lancée sur ce sujet. Si son père était là, il lui donnerait une bonne correction.
« _Une histoire de rivalité entre marchands, mon seigneur. De toute évidence, notre concurrent avait les moyens d'assurer son avancement. »
« _Mais vous deviez être bien jeune quand cela s'est produit, » remarqua le nain l'air anodin.
Maurina cligna une fois des yeux, prise de court pendant un instant.
« _ En effet monseigneur. »
« _Votre père vous aura alors raconté cette histoire, comme étant l'un de ces évènements qui marquent les esprits et les motivent à travailler pour réparer l'honneur familial meurtri. »
La jeune femme hocha lentement la tête, l'air légèrement rembruni car elle entrevoyait vaguement où il voulait en venir.
« _Je suis certaine que mon père n'a pas affabulé. »
Tyrion sourit, en brandissant ses mains en l'air.
« _Loin de moi de penser le contraire. Toute fois, retenez ceci, ma chère enfant. Certains pères ont cette désagréable habitude de vouloir faire combattre leur guerre personnelle par leur progéniture, quand au final... elle ne regarde qu'eux et devrait finir... avec eux. »
Sans départir de son sourire, il lui fit une esquisse de salut.
« _Je vous souhaite la bonne journée, Maurina. Attendez-vous à recevoir une visite prochaine. »
Sans rien ajouter, elle regarda l'homme de main hocher la tête en guise d'adieu sans pour autant départir de son air goguenard. Elle soutint son regard, l'air fier, puis attendit qu'elle les ait perdu de vue dans la foule. En suite, et seulement en suite, elle laissa échapper le souffle qu'elle avait retenu pendant la durée de l'échange.
