Ah que coucou les enfants ! Parés pour une nouvelle aventure ? ... Non ? Eh bien tant pis.
C'est parti pour Cocode III ! Bonne lecture !
Chapitre 1 : Lieutenant (novembre et décembre 2013)
Ma nomination au poste de capitaine m'avait sincèrement surpris, mais cela se tenait, en fait. Le capitaine Valentine m'a expliqué que ma nomination était due au fait que j'avais joué un rôle décisif dans l'avortement des plans du Patron. Ce qui était le cas, en fait. Je trouvais cette nomination logique mais… Moi ? Capitaine ? Je mettrais sans doute beaucoup de temps à m'y habituer. Etre presque sur un pied d'égalité avec Chris, Sheva et Jill était bien sûr l'aspect le plus énorme de cette histoire. A cause de mon père, j'avais un sacré complexe d'infériorité, qui faisait que j'avais l'habitude de ne jamais être le chef de quoi que ce soit. Il fallait toujours qu'il y ait quelqu'un au-dessus de moi, hiérarchiquement parlant. Après ma montée en grade, j'eus le droit à un petit congé supplémentaire d'une dizaine de jours, et je fus donc de retour au B.S.A.A. au début du mois de décembre.
J'avais déjà fait l'expérience militaire en tant qu'handicapé de guerre avant, mais là, c'était légèrement différent. Cette fois, je pouvais saluer correctement les soldats qui me révéraient comme si j'étais le président des Etats-Unis. Ça me gênait, honnêtement, mais je n'osais rien dire. Aujourd'hui était un jour spécial, que je n'aurais jamais cru possible. J'étais devenu capitaine, et j'allais rencontrer mon nouveau lieutenant. Mon lieutenant. J'avais tellement l'habitude d'être celui de Chris que, pour un peu plus, j'aurais cru que "lieutenant" était mon deuxième prénom. Ou mon nom de famille. Même les rares soldats qui avaient l'occasion de me féliciter pour ma montée en grade, depuis presque un mois maintenant, avaient du mal à me tirer de mes habitudes. Sans parler de ce soldat qui m'appellera "capitaine" à longueur de temps à l'avenir. Brrr. Je pense que je vais le supplier d'entrée de m'appeler par mon prénom. Sauf devant Chris. J'avais mis trois ans et des cacahuètes pour l'appeler par son prénom, il serait capable de me bouder s'il savait que j'avais ordonné à mon lieutenant de faire de même.
En parlant du lieutenant, je me demandais à quoi il ressemblerait. Je n'avais pas l'habitude de partir dans les conjectures, mais là, j'en avais envie. J'avais bien envie que ce soit une femme. Je ne sais pas pourquoi, mais je préférerais. En fait si, je savais pourquoi. Je serais sans doute moins tenté de rougir bêtement que si c'était un homme. J'en avais bien peur. En fait, non, ça ne changerait pas grand-chose. Timidité maladive, selon Chris. Mais je pensais tout simplement que j'aurais sans doute moins de chance de ravoir un coup de foudre spontané pour une femme que pour un homme. Mes récentes expériences m'avaient appris ça. Je préférerais que ce soit une femme, c'est pour ça que je pense que ce sera un homme. Premièrement parce que, sincèrement, je n'avais vu que très peu de femmes au B.S.A.A., et deuxièmement parce que, à part Chris, je n'avais que rarement eu ce que je voulais vraiment dans ma vie. Mauvais karma oblige. J'en aurais le cœur net quand j'ouvrirais la porte de mon nouveau bureau. Ça aussi, ce serait une grande première.
Cependant, avant que je n'ouvre la porte, je fus intercepté par la personne la plus importante de ma vie, qui me rejoignit et m'embrassa après un coup d'œil à droite et à gauche.
-Tu penses être prêt ? me demanda-t-il
-Pas du tout, admis-je. Mais je n'ai vraiment pas le choix.
-Ne dis pas ça comme si c'était une épreuve, voyons, dit Chris d'un ton amusé. Tu étais aussi nerveux quand je t'ai auditionné en 2010 ?
-Non. Je l'étais beaucoup plus. La situation n'est pas la même, aussi.
Chris posa ses mains sur mes épaules, et me fit un sourire chaleureux, qui me fit fondre. Pour changer. Et c'est seulement maintenant que je me rends compte de mon jeu de mot foireux.
-Détends-toi, et tout ira bien, ok ?
Cette phrase me ramena presque quatre ans en arrière. Ça ne m'aidait pas, mais j'allais être fort. Pour Chris, et un peu pour moi aussi.
-Ouais, bien sûr, dis-je d'un ton que je voulais déterminé. Sinon tu ne sais rien sur…
-Non, me coupa-t-il. J'ai promis de ne rien te dire.
-A qui ? sourcillai-je
-A Jake.
Je fronçai encore plus les sourcils. La nouvelle amitié qui semblait vouloir naître entre Jake et Chris me désarçonnait encore et toujours. Je devrais m'en réjouir, mais je vois toujours ça d'un œil louche. Ce n'est pas de ma faute, c'est maladif. Ils sont tellement incompatibles.
-Tiens donc, dis-je d'un ton sarcastique. Bon, laisse-moi aller à la potence.
-Quel mélodramatique, pouffa Chris. Allez, courage.
Chris me serra contre lui, et m'embrassa de nouveau en me murmurant un autre "Courage !", avant de partir au bout du couloir. Dans son bureau. Heureusement, il n'était pas loin. Je soupirai, et pris une grande inspiration, avant d'entrer dans mon office. Il n'y avait qu'une personne dans la pièce, qui se tourna vers moi lorsque je refermai la porte derrière moi, avec un peu trop de précaution, d'ailleurs. C'était une belle rouquine, avec de longs cheveux ondulés et des yeux couleur ciel, qui m'accueillit avec un sourire accueillant.
Finalement, je n'avais pas un si mauvais karma que ça. Bon sang.
Elle me fit face, et j'en profitai pour l'analyser. Je m'étais arrêté à son visage, et le reste m'étonna un peu plus. Déjà, son style vestimentaire. Elle était habillée d'un petit haut style débardeur rose, assorti à un pantalon blanc, et avait des longues mitaines noires, qui lui montaient quasiment jusqu'au coude, et des bottines à talons. Donc certainement pas l'uniforme réglementaire du B.S.A.A. Néanmoins, je vis au dernier moment l'insigne sur son épaule gauche. Ensuite, ses armes. Elle avait un arc dans le dos, accroché par un moyen que je n'identifiais pas tout de suite, le carquois était sur sa cuisse droite, et à sa taille, sur sa gauche, elle avait deux sabres japonais. Une arme efficace contre les armes biologiques, j'en conviens. Efficace, mais risquée. Enfin, j'aurais le temps de la juger, comme j'allais travailler avec elle.
Elle me rendit mon regard sans aucune retenue, et elle s'approcha de moi en enlevant sa mitaine droite pour me tendre la main.
-Bonjour, capitaine Nivans, me dit-elle. Je suis Alice Wesley, votre nouveau lieutenant. Enchantée.
-Enchanté aussi, Alice, lui dis-je en lui serrant la main. Et appelez-moi Piers, ce sera très bien.
-D'accord, dit-elle en remettant sa mitaine
-Sauf devant le capitaine Redfield, ajoutai-je avant d'oublier
Quand elle ricana, j'ai eu peur qu'elle le prenne bizarrement, ou qu'elle refuse, mais en fait pas du tout. A la place, ça se réglerait sur un compromis.
-Si vous me dites pourquoi, je veux bien faire l'effort, dit-elle d'un ton amusé
Je grimaçai, avant de lui dire la vérité. Une bonne relation se construit sur la franchise.
-Comme vous le savez sans doute, j'étais son lieutenant jusqu'à il n'y a pas longtemps. Et j'ai eu beaucoup de mal à l'appeler par son prénom. Donc s'il sait que je vous ai demandé la même chose, il risque de mal le prendre.
-Oh, ce n'est que ça ? répliqua Alice d'un ton étonné. Je pensais à quelque chose de plus tordu.
-Ah bon. Donc vous êtes d'accord ? éludai-je
Honnêtement, je n'avais pas du tout envie d'entendre ses suppositions.
-Oui. Bien entendu, capitaine Piers.
Pendant notre premier silence gênant, j'allai m'asseoir sur la chaise du bureau qui était réservée au capitaine, et mademoiselle Wesley s'assit en face de moi. Je visai déjà la pile de papiers administratifs qui m'appelait, et, entre deux analyses de papelard, je vis qu'Alice me regardait avec un certain intérêt.
-Qu'est-ce qu'il y a ? demandai-je
-Je n'avais pas remarqué la couleur de votre œil, dit-elle d'un ton timide
-Oh ça ? Ça vous fait peur ? dis-je en voulant être rassurant
-Non pas du tout. C'est… inhabituel, voilà tout. En fait, je trouve ça assez beau.
-C'est la première fois que j'entends ça, admis-je. Si ça ne vous gêne pas, tant mieux. Comme vous verrez sans doute ma tronche pendant un bon moment, ajoutai-je en ricanant
-Je vois ce que vous voulez dire, dit-elle avec un petit sourire
Ce fut à mon tour de me perdre distraitement dans ses yeux. Ils étaient du même genre de bleu que ceux de Jake, à bien y regarder. M'enfin bon. Je me remis à ma paperasse, et Alice resta assise en face de moi, me répétant que si j'avais besoin de quoi que ce soit, elle pourrait me le fournir. Mon manque de sommeil habituel depuis quelques mois me força seulement à m'amener un café quasi toutes les dix minutes. J'avais l'impression que c'était ma secrétaire et non mon bras droit, mais bon. Pour le moment, nous n'avions rien de mieux à faire. Alice était d'une docilité déconcertante. Même quand je n'avais besoin de rien, elle me proposait ses services, et elle me demandait régulièrement si j'allais bien. Au bout d'une heure, ou deux je ne savais plus trop, quelqu'un frappa à la porte. Alice se leva avant que je ne bronche, et elle ouvrit. Je ne levai pas mes yeux de mes papiers.
-Oh. Capitaine Redfield, déclara Alice
Je relevai vite le regard, là, bizarrement. Ou pas. Alice laissa passer Chris, qui entra suivi d'un jeune homme. En tous cas, il avait l'air jeune. Habillé d'un uniforme de base du B.S.A.A, ceux pour les novices, il avait des cheveux noirs d'encre courts et légèrement frisés, et des yeux verts brillants. J'avais l'impression de l'avoir déjà vu, mais où ?
-Piers ? Tu as une minute ou je repasse plus tard ? demanda Chris en se plantant au milieu de la pièce
-Je pense bien avoir une minute ou deux à te consacrer, répondis-je en posant mon stylo. Qu'y a-t-il ?
-Piers, voici Karim Denzel. C'est mon nouveau lieutenant.
Je plissai les yeux en regardant le dit lieutenant, qui intercepta mon regard, et me sourit en me faisant un salut militaire rapide. Je me surpris à repenser à une époque lointaine. L'époque où Chris m'avait dit vouloir tout arrêter, et que je prenne sa place. Je n'étais pas prêt à ce qu'il m'abandonne, et je ne le suis toujours pas. Rien ne me préparait à ma promotion, et, quelque part, je craignais qu'il me remplace. Dans ma tête, dans mon cœur, je serai sans doute le second de Chris. Le fait qu'il me présente on nouveau second était passé mieux, beaucoup mieux que je ne le pensais. Je réussis à rendre son sourire au lieutenant Denzel, dont le sourire s'élargit.
-Ravi de vous revoir, capitaine, me dit-il
Je fronçai les sourcils, alors que Chris nous regardait tour à tour, et qu'Alice regardait distraitement dehors, par la fenêtre qui était juste derrière moi. Donc, j'avais déjà vu cette personne, mais je n'arrivais vraiment pas à me souvenir.
-J'étais le leader de votre garde personnelle quand vous étiez à l'hôpital, précisa-t-il
Oh, c'était donc ça. J'avais gardé le souvenir de la visite d'Ada, et quand elle était partie, je voyais désormais clairement la tête inquiète du soldat en tête de file, qui me demandait si j'allais bien. C'était lui. Comment j'avais pu presque oublier des yeux pareils ?
-Je m'en souviens, dis-je après une courte réflexion. Vous êtes monté en grade ? Félicitations.
-Merci capitaine, dit-il en baissant les yeux d'un air gêné
Chris posa une main rassurante sur l'épaule de Karim, ce qui me rendit un peu jaloux il faut le dire. Non, je me mentais. En fait, ça me rendait carrément jaloux. Je m'en rendis compte quand je remarquai le pauvre stylo qui étouffait dans ma main, alors qu'il ne m'avait rien fait.
-Bon, on ne va pas vous déranger plus longtemps, lança Chris en tournant les talons. A plus tard Piers.
-A bientôt, dit Karim en me saluant encore. A plus Alice, ajouta-t-il à ma collègue
-A plus Karim, lança cette dernière en se retournant pour faire coucou
Chris et Karim partirent en même temps, et Alice ferma la porte derrière eux pour se rassoir en face de moi, alors que je relâchais le pauvre stylo. Alice attrapa un stylo dans la corbeille qui était entre nous, et se mit à dessiner des cercles aléatoires, comme pour passer le temps.
-Alice ? tentai-je
-Je suppose que vous vous demandez comment je connais Karim ? répliqua-t-elle d'un ton amusé
-Il y a de ça, concédai-je. Je vous écoute.
-Nous venons de la même promotion. Nous étions dans la même classe, les deux meilleurs élèves, et nous sommes devenus lieutenants en même temps, il y a deux semaines.
Comme Sherry et moi, donc. A la différence que Sherry n'est pas entrée dans le B.S.A.A. Je me demandais d'ailleurs à quel point ma vie aurait été différente si elle était y entrée en même temps que moi. Mais bon, je n'allais pas plus loin dans les conjectures. On peut refaire le monde avec des 'si', et ce n'était pas trop mon style.
-Je vois. Et donc vous êtes encore amis, conclus-je
-Oui, bien sûr. Il est juste de l'autre côté du couloir. Je pourrai aller le voir quand vous irez faire des galipettes avec le capitaine Redfield, s'esclaffa-t-elle
-Pardon ? dis-je en rougissant d'un seul coup
-Désolée, dit-elle d'un ton soudain gêné. Je suis trop franche c'est ça ? J'ai juste remarqué que… vous et lui… Voilà quoi.
-Il n'y a pas de mal, dis-je avec un franc soupir qui semblait me contredire. Vous pouvez être franche avec moi. Je suis juste surpris que vous ayez deviné tout de suite, comme ça.
-J'ai l'œil, capitaine Piers, répliqua Alice d'un ton prudent. Je pense que le capitaine Redfield devrait arrêter de vous dévorer des yeux comme ça en public si vous ne voulez pas que ça se sache.
-Je lui dirai, dis-je d'un ton assez convaincu pour que je me croie moi-même
Je me replongeai dans mes papiers, et Alice se remit à gribouiller. La suite de la journée se passa tranquillement. Je mangeai le midi avec Alice, et nous échangeâmes chacun nos expériences personnelles. Je lui racontai vaguement mon enfance – une bonne partie n'étant pas réellement intéressante –, mon cursus militaire, ma rencontre avec Chris – non sans rougir d'ailleurs, et ça fit sourire Alice –, mes aventures avec lui, et l'histoire de mon injection. J'avais franchement envie d'éluder la partie la plus récente de mon cursus, mais étrangement, je lui racontai, comme par réflexe. J'avais vraiment envie de lui faire confiance, je ne savais pas pourquoi. Elle compatit sincèrement avec moi, et ce fut à son tour de me raconter sa vie.
Elle est née au Canada, et n'a jamais connu ses parents génétiques. Elle a été élevée dans un orphelinat et a vécu avec des parents adoptifs de ses cinq ans à ses treize ans. Après, elle est entrée dans une école prémilitaire, dans laquelle elle est restée pendant trois ans, et dans une autre école militaire, pendant deux ans. A dix-huit ans, elle a été repérée par une association de mercenaires qui s'appelait 'la Routine du Massacre', car elle a été manipulée par la chef de cette association, qui disait avoir des renseignements sur la famille d'Alice. Mais en fait, ce n'était pas le cas, et Alice a détruit l'organisation à l'âge de vingt-et-un ans, après trois ans de service dedans. Finalement, elle est allée dans la même école que moi, pendant deux ans, et a été chaudement recommandée avec son ami Karim, qui a deux ans de moins qu'elle.
En fin d'après-midi, je rentrai à la maison peu avant Chris, et je replongeai dans l'autre partie de ma routine. Les soirées avec Claire et Chris, tranquille, les petits repas 'en famille', c'était juste génial. Malheureusement, pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines, je me réveillai en suant et en hurlant. Je voyais ma famille mourir encore et encore, et ça me rongeait. Je n'avais pas envie d'en parler, je ne comprenais d'ailleurs toujours pas pourquoi je m'étais confié à Alice aussi facilement. Mais en fin de compte, je devrais le faire, sinon ça allait me bouffer de l'intérieur. Des gens sont devenus marteau pour moins que ça.
