Cette phanfiction s'appuie essentiellement sur la comédie musicale d'Andrew Lloyd Weber et sur le jeu vidéo (très sympa, d'ailleurs) Mystery Legends : Phantom of the Opera de Big Fish Games. Aucun des deux, bien évidemment, ne m'appartient ; je ne prétends à aucun droit sur eux, pas plus que sur Erik ou Evelina. Ma seule prétention est de faire plaisir à l'éventuel lecteur. ^^

Pour faciliter la compréhension de l'intrigue, il me semble intéressant de résumer le jeu… Bonne lecture et n'hésitez pas à poster des reviews, elles sont toujours les bienvenues ! =)

Paris, vers 1900. Trois personnes sortent d'un spectacle : le comte de Chagny, son épouse Christine et leur fille, Evelina. Pendant qu'ils discutent, ils sont abordés par un enfant : un monsieur lui a demandé de transmettre une invitation à la jeune fille. Celle-ci se retrouve brutalement transportée dans un opéra en ruines et entend une voix d'homme lui annoncer qu'elle restera avec lui pour toujours. Evelina accomplit alors une quête dans l'opéra : ramener quatre roses au Fantôme. Quand elle lui apporte la dernière rose, il l'emmène de force dans son « royaume » souterrain. Mais il y a un problème : tout à son obsession, le fantôme prend Evelina pour sa mère…


« Lâchez-moi ! Mais lâchez-moi ! »

Rien à faire. L'homme continuait à dévaler les escaliers, à enfiler les couloirs et à traverser les murs comme si de rien n'était. Le problème, c'est qu'il la tenait par le poignet et qu'il ne semblait pas du tout enclin à la lâcher. Or, il courait vite. Or, elle s'empêtrait dans sa robe. Or, il lui faisait mal, à force de serrer. Or, la cavale n'en finissait pas. Or, elle en avait marre. Et surtout : or, il s'agissait à coup sûr d'une erreur. Elle ne connaissait pas d'ange de musique, n'avait jamais eu de professeur de chant masqué à moitié psychopathe (soyons gentille !) lui enseignant son art à travers un miroir dans une loge d'opéra… d'ailleurs, elle n'avait jamais vécu dans un opéra. C'était la première fois qu'elle venait dans ce lieu, et franchement, si elle s'en échappait un jour, elle ne comptait vraiment pas y revenir. Non mais ! On n'avait pas idée, d'enlever ainsi les jeunes filles !

Et voilà qu'il la mettait dans une barque, maintenant. Et qu'il jouait au gondolier. Evelina tremblait, sans savoir si c'était de rage ou d'un fou-rire contenu. Allons bon ! Il se croyait à Venise, avec son radeau sur sa nappe phréatique ? Il allait se mettre à chanter en italien, aussi ? Ah tiens, non. Il lui déclarait (mais un séducteur vénitien aurait pu le faire aussi) qu'elle allait rester avec lui pour toujours. Dans un tout autre décor, avec une tout autre personne et à une tout autre occasion, elle aurait été charmée. Mais au septième dessous, avec un type masqué qui s'était amusé à la traumatiser durant les dix dernières heures en l'envoyant chercher ses maudites fleurs (ô Baudelaire !) aux quatre coins du bâtiment, après l'avoir enlevée… Non merci.

« C'est pas vrai… » soupira simplement Evelina en réponse à sa déclaration. La vérité était qu'elle était complètement dépassée par la situation. Momentanément résignée à n'y rien comprendre, elle décida de profiter du temps qui lui était accordé pour reprendre son souffle. Autour d'elle, des bougies apparaissaient dans la brume, qu'elle regardait un sourcil haussé : drôle de faste, recevoir une « invitée » dans un opéra à moitié détruit, puis l'éblouir sous terre de dizaines de bougies. Remplacer quelques vitres aurait fait un meilleur investissement. Ou déménager. Bêtement.

L'ange-batelier au masque et à la cape noire jeta les amarres et sauta au bas de l'embarcation. Il lui tendit une main avec galanterie… la même main qui, peu avant, lui serrait rudement le poignet. Evelina dédaigna l'offre. De la part d'un autre, elle aurait sans doute accepté cette petite aide, mais de lui, après ce qui venait de se passer… non merci. D'ailleurs, après ses mésaventures dans l'opéra, où elle avait dû entre autres escalader une corde, elle pouvait bien descendre d'un misérable rafiot toute seule. Ce qu'elle fit avec toute la dignité blessée dont était capable une aristocrate.

« Reconnaissez-vous la demeure du Lac, Christine Daaé ? » fit la voix grave et sombre de l'homme au masque. Evelina le toisa. « Vicomtesse Evelina Marie Françoise Elisabeth de Chagny, Monsieur. Ainsi que je me suis plu à le répéter, je ne suis pas celle que vous croyez. » Le fantôme ne répondit rien à cela. Pas même des excuses. Il devait se bénir de porter sa cape et son masque pour masquer sa réaction. « Puis-je savoir à qui ai-je l'honneur, Monsieur ? » Son ton ne s'était pas radouci. Toutes ces heures passées à rêver de cette confrontation ! Tout ce fiel à déverser sur son ravisseur ! Ah ! ce n'était pas le syndrome de Stockholm qui l'attendait !

« Votre Ange de musique. Cela ne vous suffit-il pas, mademoiselle la vicomtesse Evelina Marie Françoise Elisabeth de Chagny ? » À son tour, l'homme avait adopté un ton cassant, soulignant avec ironie le nom énorme de la jeune femme. Sous le masque, sa mâchoire remuait nerveusement. La vicomtesse Evelina de Chagny. La fille de Christine. Et de son bellâtre de mari. Oh ! il n'était pas encore un imbécile : il s'était bien rendu compte, à peine la jeune femme arrivée, qu'elle n'était pas Christine. En vingt ans, Christine n'aurait pas pu ne pas changer. Quant au lien de parenté unissant cette jeune femme-là à celle qu'il avait aimée, il était évident. C'était un coup du sort. Mais il avait résolu d'en tirer son parti : la vengeance est un plat qui se mange froid… et en charmante compagnie.

Des histoires de l'Ange de musique que contait autrefois le père Daaé, Evelina en connaissait beaucoup. Elle y avait cru… les premières années de sa vie, disons. Evelina n'était pas sa mère. Evelina n'était pas crédule, elle était rationnelle. Froidement rationnelle. Quant à l'Ange de musique, elle n'avait pas besoin de le fréquenter pour exceller au clavier : son professeur suffisait, d'autant plus qu'elle n'avait rien d'une concertiste. Ajoutons enfin qu'elle ne savait quasiment rien du mystérieux professeur de sa mère, et nous aurons un bel aperçu de sa perplexité. « Mon Ange de musique ? » Elle éclata d'un rire âcre. « Voulez-vous, Monsieur, que je vous démontre l'impossibilité de la chose par l'iconographie ? Le cartésianisme ? La théologie ? Mon Ange de musique !… Allons donc ! Vous avez, tout au mieux, la physionomie affable du Diable boiteux* ! »

Le Diable boiteux accusa le coup sans broncher : « Appelez-moi le Fantôme de l'Opéra, alors. » Un nom qui était tombé dans l'oubli, au même titre que l'opéra lui-même. Vingt ans plus tôt, le Palais Garnier avait été victime d'un immense incendie. Il n'en restait plus que des ruines, quelques pièces encore en état… Cet endroit-là avait vu la gloire de Christine Daaé. Evelina l'avait bien compris : le lieu qu'elle avait exploré, c'était celui-là. Quant à son étrange et unique occupant… elle n'allait pas le lâcher de sitôt : « Un fantôme, Monsieur ? » Le ton sur lequel elle disait cela rappelait curieusement à Erik une phrase prononcée vingt ans plus tôt, à l'adresse de la Carlotta… « Erik, puisque vous y tenez tant ! » marmonna-t-il entre ses dents. La jeune femme eut l'air satisfaite – du moins, autant qu'on pouvait en avoir l'air lorsqu'on adoptait une mine si hautaine ! Elle semblait dire : « soyez déjà content que je ne vous demande pas vos titres, votre filiation, vos cinq premiers prénoms et votre nom de famille. »

Crispant le poing pour maîtriser sa fureur, commençant à se demander si son plan de vengeance était si bon que ça, le Fantôme se détourna et se dirigea vers sa demeure. Son air fit joliment comprendre à la vicomtesse qu'elle avait intérêt à le suivre si elle tenait un peu à la vie et beaucoup à la liberté : il n'était pas temps de (trop) provoquer son geôlier. Ca attendrait un peu. Elle le suivit, il lui fit visiter les lieux. Un décor de fantasmagorie sur fond d'obsession pour une seule femme, la demeure du Lac n'avait pas beaucoup changé. Elle aurait la chambre, le lit de Christine. Qu'elle s'installe ! Il l'attendrait dans la salle à manger. Elle devait avoir faim.

Magnifique, songea Evelina en inspectant les lieux. Un décor de féérie digne de Shakespeare sous un opéra en ruines, habité par un homme masqué se prétendant tour à tour ange et fantôme, ainsi que par sa jeune prisonnière ! Qu'on mande un librettiste, tout de suite : voilà matière à spectacle ! Elle ouvrit une penderie, y trouva plusieurs toilettes et des souliers : on avait visiblement prévu sa venue depuis longtemps… à moins qu'il s'agisse d'effets de sa mère. Elle attrapa la robe la moins contraignante, les souliers les moins hauts, fit une très rapide toilette et rejoignit son ravisseur dans la salle à manger : elle mourait de faim, quand bien même le dîner ne s'annonçait pas joyeux.

Il ne le fut effectivement pas. Erik était sombre, ne mangeait pas, ne parlait pas, semblait à peine respirer. Quant à Evelina, outre le fait qu'elle songeait surtout à manger avec hâte et distinction (croyez-le, ce n'était pas simple !), elle était impressionnée par cette attitude bien plus qu'elle ne l'aurait jamais reconnu. Ils échangèrent à peine quelques civilités. Elle n'osa poser la question qui lui brûlait les lèvres qu'à deux bouchées de la fin du dessert : « Pourquoi m'avez-vous enlevée ? » À vrai dire, elle en avait une idée très précise, mais elle désirait l'entendre de sa voix.

« Ne vous l'ai-je pas assez dit ? Parce que je vous aime.

– Non, répondit-elle fermement en regardant droit dans le masque le fantôme de l'Opéra. Pour vous venger de mes parents. Parce que vous aimiez ma mère. La belle vengeance !

– Très belle. » Il avait répondu sérieusement.

Le silence se refit autour du guéridon. Evelina avala une dernière bouchée, puis quitta la table sans plus de manières : elle jugeait inutile de faire preuve de bonnes manières devant ce… cet abject personnage. Et elle alla se coucher. Rien ne vaut une bonne nuit avant une bataille.


* Le Diable boiteux : titre d'un (excellent) roman de Lesage. Le diable en question est en fait le dieu de l'amour, d'une apparence assez repoussante et particulièrement doué dans l'art des unions ridicules. Pour dire la chose plus simplement, Evelina se paie cruellement la tête, euh, le masque du fantôme… même si elle met plutôt dans le mille.

En espérant que ce petit début vous ait plu ! ^^