Note : Ceci est une fan fiction, je ne possède aucun droit sur l'univers, et ne touche pas le moindre centime sur ces écrits. Qu'on se le dise.
Chapitre Un
Une mauvaise surprise
Alors qu'il était une fois de plus au centre de l'attention, Adrian ne put s'empêcher de penser que parmi l'éventail relativement large de ses compétences, aucune ne semblait pouvoir rivaliser avec sa capacité quasiment surnaturelle à se mettre dans des situations invivables.
Il n'était pourtant pas un de ces individus brailleurs qui passent leur temps à s'agiter en tout sens pour tenter d'occuper un instant le devant de la scène. Non, il essayait d'ailleurs d'être si discret – invisible, disaient certains – que Miss Waters, son ancienne institutrice, avait coutume de dire à son sujet que s'il tombait par malheur dans un lac après dix heures du soir, il se noierait en silence plutôt que de prendre le risque de déranger les voisins en appelant au secours.
Jamais Adrian ne se mettait volontairement sous les feux des projecteurs. C'étaient plutôt les projecteurs qui semblaient ne pas pouvoir s'empêcher de glisser sur lui dans les pires moments.
Les exemples ne manquaient pas. Lorsque, au cours de sa première année d'école, William Donnay, la terreur de l'école, lui avait volé sa boîte de peintures, les tubes de gouaches lui avaient éclaté au visage, le recouvrant d'une épaisse pâte multicolore, sans que quiconque ne puisse expliquer cette explosion inattendue. Un autre jour encore, tellement angoissé à l'idée de devoir réciter un poème au tableau devant toute la classe – lui que la perspective de demander l'heure à un inconnu terrifiait déjà au plus haut point – il avait été le premier surpris de voir ses chaussures soudain s'enflammer, et la fumée noire et âcre qui s'était élevée en lents tourbillons depuis ses semelles fondues n'avaient fait que rendre la situation encore plus chaotique lorsqu'elle déclencha l'alarme incendie de l'école. Et le jour où la petite Emilie l'avait embrassé sur la joue, trois de ses camarades – dont une Emilie particulièrement vexée – avaient assuré au surveillant de l'école que Adrian avait soudainement disparu pour réapparaître à l'autre bout de la cour de récréation, vomissant tout ce que contenait son estomac. Le médecin de la famille avait tour à tour écarté l'hypothèse de l'intoxication alimentaire et de la gastro, pour finalement lâcher sur le ton de la plaisanterie « Où alors, tu as couru tellement vite que tu en a été malade, c'est ça mon garçon ? ».
Aussi, lorsque trois mois plus tôt un énorme hibou grand duc s'était posé quelque part entre les œufs et le bacon de son petit déjeuner, une lettre dans le bec, et du ketchup sur les plumes, Adrian avait enfin été rassuré : ces événements regrettables n'auraient plus lieu. Il n'avait pas été le plus surpris de sa famille en apprenant la vérité sur sa nature. En fait, il en était depuis longtemps persuadé – l'hypothèse selon laquelle il avait frotté si fort ses pieds par terre en allant au tableau qu'il en avait produit une étincelle qui avait carbonisé ses chaussures ne l'avait jamais pleinement convaincu – d'appartenir à une réalité assez différente de celle dans laquelle il avait grandi, et la lettre d'admission à Poudlard lui offrait enfin la possibilité de contrôler ces manifestations. « Je n'attirerai plus jamais l'attention, enfin ! », avait-il alors pensé.
Et il avait eu tort.
Il s'en rendait compte à présent qu'il contemplait une foule de jeunes sorciers qui le fixaient, l'air inquiet. Derrière lui, une petite toux lui indiqua que les professeurs aussi commençaient à trouver le temps long. Et, une fois encore, Adrian se prit à penser : « Pourquoi est-ce que ça m'arrive encore à moi ? ».
Les choses avaient pourtant bien commencé. Tous les élèves avaient été répartis par ordre alphabétique par le choixpeau magique, et, après que « Weasley, Rose » ait été envoyée à Gryffondor, le directeur adjoint Londubat l'avait appelé, lui, le dernier des première année.
"York, Adrian."
Adrian n'avait pas été fâché de passer en dernier : la très grande majorité des élèves bavardaient à présent entre eux, et ne prêtaient quasiment plus attention à la Répartition. Aussi droit et digne que possible, il s'était assis sur le tabouret, et avait enfoncé le chapeau rapiécé sur son crâne.
Depuis dix minutes.
« Hum… C'est un profil intéressant que je vois là, mon garçon… Intéressant… Vraiment très intéressant… » avait murmuré à son oreille le Choixpeau.
« Merci. » avait répondu Adrian.
« Pas de quoi. Voyons… Oui… Du courage, il y en a… Plus que tu ne le supposes toi même, je présume… »
« Gryffondor donc ? »
« Non. »
« Mais, le courage… C'est pas… Enfin, c'est ce que vous avez dit dans la chanson, tout à l'heure… »
« Je sais très bien ce que j'ai dis dans la chanson tout à l'heure, mais tu n'iras pas à Gryffondor. » avait répliqué le Choixpeau, visiblement irrité.
« Pardon. »
« Bien… Voyons… De l'intelligence, tu n'en manques pas… Mais tu n'es pas un Serdaigle… Un peu trop d'ambition pour te sentir chez toi dans la Maison Poufsouffle… Hmmm… Oui… »
Adrian entendit rire quelqu'un dans la salle. Depuis combien de temps était-il sous ce chapeau ridicule incapable de le répartir ?
« Tu sais que je sais parfaitement ce à quoi tu penses, petit ? »
« Hum… Désolé… J'ai un peu exagéré en disant que vous étiez ridicule. »
Une nouvelle minute – une vraie minute d'attente, longue comme une semaine – s'écoula, sans que le Choixpeau ne prononce le moindre mot. A côté de lui, Adrian vit le directeur adjoint Londubat faire un geste au Professeur McGonagall qui semblait signifier « C'est normal que ça prenne autant de temps ? ». A en juger par l'air préoccupé qui s'installa sur son visage, la réponse de la Directrice n'avait pas du dissiper ses doutes.
Soudain, un grand raclement se fit entendre, si brusquement que la plupart des élèves sursautèrent. Le Choixpeau venait de prendre une immense inspiration, comme un nageur resté bien trop longtemps en apnée et parvenant enfin à briser la surface.
« HHHHHHAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA ! »
Le visage fripé qui se dessinait dans les plis du chapeau se tordit en un sourire difforme, et il déclara d'une voix amusée :
- "Depuis le temps que j'attendais ça…"
Puis, il rugit de toutes ses forces :
Chênombre !
Il serait faux de croire que les pensées d'Adrian défilèrent à cent à l'heure. Lui qui s'était déjà à moitié levé, persuadé et satisfait d'être envoyé à Serpentard, se bloqua en plein mouvement, et se contenta de résumer sa pensée le plus simplement du monde.
"Merde. C'est normal, ça ?"
Un vent de panique et d'incompréhension souffla dans la salle. Partout, on entendait les murmures intrigués des élèves.
"Chênombre ? Il a bien dit Chênombre ?"
"Doit y avoir une erreur !"
"Tu as déjà entendu parler de ça ?"
"Regarde la Directrice, elle n'a pas l'air d'en savoir plus que nous…"
En effet, le professeur McGonagall s'était figée sur place. Quelques éternités passèrent avant qu'elle n'émerge enfin de ses pensées. Elle se racla discrètement la gorge, et se leva.
"Bien… La cérémonie de Répartition est à présent achevée. Je ne peux que vous encourager à travailler dur cette année, encore qu'aucun de mes encouragements n'ait vraiment de valeur comparé au délicieux repas que vous attendez de pied ferme. Que le festin commence !"
Pour simpliste que puisse être la méthode de la directrice pour détourner un peu l'attention des élèves, elle n'en fut pas moins efficace. La tranche d'âge des onze – dix-sept ans semblait plus que sensible à l'argument gustatif. Dans le brouhaha du repas commençant – où s'entremêlaient les cliquètements des couverts, et les conversations dont Adrian devinait être le sujet – McGonagall put se lever et s'approcher d'Adrian sans que leur conversation soit entendue par toute la Grande Salle.
"York ! Dans mon bureau. Maintenant."
La voix du professeur était sèche et assez peu compatissante, et Adrian se sentit de plus en plus mal. Qu'allait-il se passer maintenant ? Allait-il devoir rentrer chez lui ? Il s'imagina débarquer dans sa famille pour annoncer à ses parents qu'il y avait eu une erreur, que tout ça n'était qu'une vaste blague, qu'il n'avait pas été accepté à Poudlard, et qu'il devait aller étudier la géométrie au collège public d'à côté. Quel idiot il avait été de croire sur parole cette femme qui était venu lui annoncer cette « vérité » le jour de son anniversaire. Lui ? Un sorcier ?
Si Adrian avait été un peu moins perdu dans ses pensées, il aurait sûrement été estomaqué par le château qu'il traversait. Lui qui avait passé la plus grande partie de sa vie dans un immeuble sale et malodorant n'avait que rarement eu l'occasion de voir des escaliers tournant sur eux même, des tableaux animés, ou des armures imposantes s'inclinant respectueusement devant le passage de la directrice, dans un concert de grincements particulièrement désagréables. Enfin, McGonagall s'immobilisa devant une gargouille imposante. La statue était effrayante. Ébréchée de partout, il lui manquait la moitié du visage, comme si quelqu'un s'était assuré de la rendre méconnaissable à l'aide d'un énorme marteau. Ce qu'il restait de bouche se tordit alors, tandis qu'elle demandait d'une voix dissonante :
"Le mot de passe ?"
"Patronus", répondit la directrice, qui n'avait toujours pas jeté le moindre coup d'œil à Adrian.
"Correct."
La statue pivota sur elle-même, dévoilant un escalier en colimaçon qui grimpait de façon particulièrement raide.
"Après vous, Adrian."
Il ne se le fit pas dire deux fois, et se dépêcha d'entreprendre l'ascension de l'escalier. Ses pensées s'accéléraient de plus en plus, et l'immense panique qu'il avait ressenti en entendant le Choixpeau annoncer ce qu'il avait annoncé semblait à présent minuscule par rapport à celle qui lui enserrait la gorge comme du lierre. Finalement, n'y tenant plus, il renonça à attendre davantage avant d'avoir une réponse. Il se retourna, regarda le professeur MacGonagall dans les yeux, et demanda :
"Madame… Je vais être renvoyé ?"
"Je ne pense pas. Mais attendons d'être dans mon bureau pour discuter des détails, voulez vous ? Vous n'aurez pas attendre : il est juste en haut de l'escalier."
Adrian ne répondit pas, mais il sentit son appréhension diminuer quelque peu. Il n'allait donc pas être renvoyé ?
McGonagall ne lui avait pas menti : quelques secondes plus tard à peine, ils franchirent la porte de bois clair, et Adrian put voir ce qu'était le bureau d'une directrice d'école de magie. Pour autant qu'il pouvait s'en souvenir, ce bureau n'avait pas le moindre point commun avec le bureau du directeur de son école, qu'il avait visité plus d'une fois – il y était envoyé chaque fois qu'un événement étrange se produisait, et il s'en produisait beaucoup. La salle était large et agréable, ses murs recouverts de portraits pour la plupart somnolents, et réchauffée par la cheminée la plus énorme qu'il n'ait jamais vu. Même le bureau en lui même ne pouvait être plus étrange. Il était composé d'une unique plaque de marbre qui flottait en l'air – comme par magie, ne put-il s'empêcher de penser avant de prendre conscience du ridicule d'une telle remarque – autour de laquelle tournoyaient des petites sphères de métal coloré. Des rouleaux de parchemin s'entassaient sur la « table », et une plume écarlate était posée à côté d'un encrier de cristal.
McGonagall dépassa Adrian et s'approcha d'un petit globe argenté qui flottait à côté d'elle. Elle le tapota trois fois du bout de sa baguette magique, et, une seconde plus tard, le globe avait disparu, laissant place à un énorme fauteuil rembourré qui atterrit sur le plancher dans un grand fracas, réveillant quelques uns des portraits qui sursautèrent en jurant.
Excusez pour le bruit, déclara McGonagall en prenant la plume et un parchemin qu'elle commença à noircir de mots qu'Adrian ne pouvait pas voir. « Je cherche encore une solution à ce petit problème. J'ai besoin d'espace, et n'ai aucune envie d'utiliser le peu de place à ma disposition pour stocker des fauteuils que je n'utilise quasiment pas. Asseyez-vous, York. »
Adrian s'assit, et ne put s'empêcher d'observer toutes les sphères, en se demandant en quoi elles pourraient bien se changer si lui-même s'amusait à les tapoter avec sa nouvelle baguette.
"Votre cas est… plus que préoccupant… Je ne pense pas que pareil événement se soit produit de mémoire de sorcier."
"Qu'est-ce que… Chênombre ?" put enfin demander Adrian.
"Je n'en ai pas la moindre idée", répondit-elle.
La directrice devait avoir terminé son message, car elle le roula, et agita sa baguette ce qui eut pour effet de faire apparaître un sceau de cire dorée. Elle se leva, s'approcha de la cheminée, et prit dans un petit coffret d'ivoire une poignée de poussière grise.
Le Choixpeau vous a réparti York. Mais il vous a réparti dans une maison qui n'existe pas…
Elle lança la poussière dans le feu, qui prit aussitôt une couleur émeraude, puis elle laissa tomber le rouleau dans les braises. Il y eut un craquement sonore, et Adrian vit que le parchemin avait disparu. Il songea un instant à demander des explications sur cette étrange poudre, mais il se résolut à attendre un peu. Il y avait des affaires bien plus urgentes à traiter.
"Je… vais devoir rentrer chez moi ?"
"Impossible. Vous êtes inscrit à Poudlard depuis votre naissance. Nous ne pouvons pas renvoyer les élèves comme ça…"
"Mais si je n'ai pas de maison…"
"Il est indéniable que cela pose problème. Je viens d'envoyer un message au Ministère de la Magie afin de demander l'avis de certains des sorciers contemporains les plus éminents. Peut-être auront-ils un avis là-dessus. En attendant d'avoir tiré cette affaire au clair, nous allons devoir trouver une solution temporaire."
"C'est à dire ?"
"Prenez un biscuit, York."
"Je… quoi ?"
"Prenez un biscuit, répondit la sorcière en contournant le bureau pour reprendre sa place. « Ils sont dans la petite boîte en fer devant vous ».
Adrian souleva le couvercle, et prit un biscuit en forme d'étoile, étonnamment friable, d'une couleur vert sombre.
"Vous devez comprendre, reprit McGonagall, que la répartition n'est pas une simple cérémonie. Les élèves ne changent pas de maison. Jamais. Vous y êtes liés par un contrat magique très puissant. Il n'est donc pas possible de « repasser » sous le Choixpeau en lui demandant expressément d'être envoyé autre part."
"Mais… Si cette maison n'existe pas ?"
McGonagall était sur le point de répondre, mais elle fut interrompue lorsque les flammes prirent à nouveau leur couleur verte. Un instant plus tard, une jeune femme à l'allure sévère, vêtue à la manière d'une employée de bureau moldue, se matérialisa dans la cheminée. Elle en sortit comme si de rien n'était, et salua McGonagall d'un sourire.
"Bonsoir Professeur. J'ai cru comprendre que je pouvais vous aider."
La directrice lui rendit son sourire le plus chaleureux. On aurait dit que rien, en cet instant, n'aurait pu lui faire plus plaisir que de voir arriver la jeune femme.
"Bonsoir Miss Granger. Vous avez fait extrêmement vite."
"J'étais encore au bureau lorsque nous avons reçu votre message. Je suis venu tout de suite."
"Parfait… Prenez un siège Miss Granger."
La jeune femme sortit sa baguette, et tapota à son tour sur une des balles métalliques, qui se métamorphosa en un énorme rocking-chair. Elle n'en était visiblement pas à sa première visite. Elle se laissa tomber sur son siège, et se tourna enfin vers Adrian. Elle lui sourit, et lui tendit la main, qu'il serra machinalement.
"Enchantée. Je suis Hermione Granger-Weasley. Je fais partie du Ministère de la Magie."
"En…chanté… Adrian York."
"Bien. Que s'est-il passé exactement ?"
"Le Choixpeau a réparti Monsieur York dans la maison Chênombre. Maison dont, je ne pense pas avoir besoin de vous le dire, nous n'avons pas la moindre trace. Pour autant qu'on puisse en dire, le Choixpeau pourrait très bien avoir complètement perdu la raison, avoir inventé une nouvelle maison de toute pièce, ou même avoir été ensorcelé. Bien qu'il soit extrêmement difficile d'imaginer qu'un intrus puisse pénétrer en cachette jusqu'à ce bureau, vous en conviendrez."
"En effet... c'est assez problématique… Il ne va pas pouvoir accéder à la moindre salle commune, ne va pas pouvoir gagner ou perdre de point…"
"Pour ce qui est de l'emploi du temps, il pourra toujours suivre les même cours qu'une autre maison. Qu'est-ce que vous en pensez York ?"
"Je… oui… Enfin, je ne sais pas… Je ne comprend pas bien…"
"Si cela peut vous rassurer", répondit McGonagall d'une voix douce, « personne ne comprend. Miss Granger, à votre avis, que convient-il de faire ? »
Granger rougit. Le fait que McGonagall accorde autant d'importance à son avis semblait la ravir au plus haut point.
"Oh je… Je ne suis peut-être pas la mieux placée pour…enfin… York doit suivre ses études. Il ne doit pas prendre de retard. Nous trouverons bien une solution dans les jours à venir."
Adrian ne put s'empêcher de pousser un soupir de soulagement.
"Il va aussi falloir s'attendre à ce que la Gazette du Sorcier cherche à le rencontrer. Je ne serais pas surprise de voir cette nouvelle à la une de l'édition de demain matin."
"Quoi ? s'exclama Adrian. « La Gazette ? Moi ? La une ? »
"Oui, la une, York. Je vous l'ai dit : c'est la première fois que l'on est confronté à un cas pareil."
"Si le Choixpeau n'a pas été ensorcelé, poursuivit Granger, « et il me semble très difficile de croire qu'il puisse « perdre la raison », il va falloir admettre que la maison Chênombre existe bel et bien. »
"Alors… Pourquoi personne ne la connaît ?" demanda Adrian.
"Ça, jeune homme, ça ne peut vouloir dire qu'une chose, répondit MacGonagall avec une étrange lueur dans le regard. « Quelqu'un a voulu faire oublier cette maison. »
