« Hogwart will always be there to welcome you home. »
Il avait fallu se souvenir de tout. De chaque petit détail, de chaque coin de rue, de chaque éclat de rire. Replonger dans les souvenirs, ouvrir les fioles les unes après les autres, et frôler les bords les plus lointains d'une mémoire qui, parfois, défaille.
Une fois l'esprit ouvert, tout était allé très vite une plume et quelques mots griffonnés sur le bord d'un parchemin. Une vague idée d'un monde effacé, détruit à jamais, et l'espoir d'un nouvel ordre à reconstruire.
Il avait fallu se souvenir des premiers pas, apprendre les hésitations avant que le rideau ne se lève et que l'histoire ne commence. You're a wizard, Harry, avait glissé Hagrid, comme une évidence.
Le gâteau d'anniversaire, la mer déchainée, le Chemin de Traverse.
Toc.
Toc.
Toc.
Toc.
Le parapluie rose sur les vieilles briques londoniennes.
Et Poudlard, ensuite. La quête effrénée du quai 93/4, le verni rouge du train ancestral, le bruit étrange et désormais si familier de la vieille locomotive, et le wagon de sucreries.
L'enfance. Le lac noir glacial dont on ignorait encore la profondeur, les chuchotements, les histoires de calmar géant à dormir debout, et les barques qui glissent doucement.
Ensuite, les souvenirs se mêlent. Tout est flou, confus, et il faut trier, défaire les nœuds, faire des listes, des chronologies, rassembler les éléments disséminés, les témoignages contradictoires, délier la mémoire, chercher la vérité.
Les longs escaliers qui bougent et changent de place au gré de leurs envies. Le premier sourire de Ron. Son sort qui ricoche sur Croutard et se perd on ne sait où. L'air hautain d'Hermione, perdu depuis. Le crapaud de Neville aux pieds de Mc Gonagall. Le discours de Dumbledore.
Le premier cours de balais et l'évidence d'une envie de s'envoler. Fuir tout ce que la magie permettait de fuir. Le sourire de Sirius.
Gryffindor, Slytherin, Ravenclaw and Hufflepuff : your house will be like your family.
Les potions et les sorts qui explosent au nez de Seamus. La découverte de la poudre de Cheminette. Les livres d'Hermione, Rogue coincé dans les vêtements de la grand-mère de Neville, la Carte du Maraudeur et ses passages secrets. Le Polynectar dans les toilettes des filles. Les boules de poil dans la gorge d'Hermione. Les hurlements stridents de Mimi Geignarde.
La cape d'invisibilité et la voix qui résonne – Fais-en bon usage. La potion de Fred et George avant le Tournoi des Trois Sorciers, les babes qui poussent sans s'arrêter, et le sourire de Dumbledore qui flotte dans l'air.
La tente immense déployée pendant la Coupe du Monde de Quidditch,
Pas de pieds sur la table !
La voix agacée d'Hermione pendant le premier cours de Sortilèges, les fous rires, les premiers regards entre Harry et Ginny, le bruit des plumes de Buck l'hipogriffe, la danse de Ron avec le professeur Mc Gonagall, l'imitation de Fred et George.
Le Retourneur de temps qui cliquette doucement, les vies sauvées, les professeur Lupin – Remus – les quantités astronomiques de nourriture ingurgitées par Ron.
La mort de Cédric. La valse d'Hermione avec Victor Krum. Les branches de gui pour Mc Laggen. La voiture volante. Les araignées géantes. Les paquets de dragées surprise de Bertie-Crochu.
Le retour d'Hagrid à la fin de la deuxième année, le hurlement de Katie Bell, les verres de Bierraubeure alignés au Chaudron Baveur, les colliers et les boucles d'oreilles de Luna, les barreaux arrachés de la fenêtre d'Harry.
La peur dans chaque cellule au départ des sept Potter du 4, Privet Drive. Le placard vide sous l'escalier. Le cimetière où renait Lord Voldemort. Le lien étrange entre les deux baguettes. Les plumes de phénix. Les larmes de Fumseck sur les plaies ouvertes.
La plus belle partie d'échec vécue à Poudlard depuis des années, les oiseaux d'un maléfice qui s'abattent sur une porte refermée de justesse le Déluminateur qui murmure encore un espoir, les heures à contempler sans comprendre le Miroir du Rised.
Le corps de Dumbledore dans son dernier envol. Des centaines de baguettes levées vers le ciel Le dernier regard de Severus Rogue qui demande un sursis d'émeraude.
Les pas lourds de Graup, les galions brulants de l'AD, les immondes tasses de thé du Professeur Ombrage, le regard tranchant de Kingsley Shacklebolt - Harry is the best hope we have trust him.
Les journées à errer en quête du moindre indice, les blagues de Peeves, les octaves de la Grosse Dame, la page trois-cent-quantre-vingt-quatorze, le premier Vif d'Or presque avalé, les huit pattes d'Aragog, les chansons de Slughorn et les photos de Colin.
Le voile déchiré derrière lequel disparaît Sirius. Les étreintes de Molly. Le feu des dragons. Ten points to Gryffindor ! Les cris des mandragores. Les baguettes cassées. Le vol à dos d'hippogriffe.
La toute dernière bataille.
You have friends here. You're not alone.
L'histoire d'amitié plus forte que la guerre. Les fondations d'une nouvelle famille. Les racines retrouvées, ancrées, éternelles. Les bases d'un nouveau monde au-delà de toutes les différences.
Rose lève les yeux vers sa fenêtre ouverte, et observe sa famille qui s'apprête à entamer une énième partie de Quidditch dans le jardin des Weasley. Elle regarde le soleil qui brille au-dessus de Loutry Sainte Chapsoule, Harry et Ginny qui se disputent le poste de capitaine, George qui prête sa seconde batte à James, Ron qui prend place devant les anneaux, face à Lily, Teddy qui embrasse Victoire avant d'enfourcher son balais, Albus qui se prépare au poste d'attrapeur, contre son père, Dominique, Fred et Roxanne qui se battent un moment avant de laisser le souaffle au plus jeune et de s'élever dans les airs.
Elle regarde devant elle, sur l'épaisse table en bois, les dizaines de parchemins étendus, les bouteilles d'encre vides et celle à demie remplie qui sera sa dernière. Elle regarde la pensine et toutes les fioles posées dans la malle à côté, rassemblées d'années en années, et soigneusement étiquetées. Elle jette un regard aux carnets remplis de noms et d'anecdotes, aux photos mouvantes collées aux murs, aux visages qui la saluent.
Elle soupire doucement, et sourit à Hugo qui vient de s'arrêter devant la fenêtre.
Tu nous rejoins, Rosie ? Il nous manque notre meilleure poursuiveuse.
Rose acquiesce d'un signe de tête. Elle pense aux batailles, au marbre gravé, aux livres d'histoire, au bouquet de lys blancs que sa mère fait apparaître chaque semaine devant une grande statue qui garde le souvenir de tous leurs combats.
Une dernière fois, Rose pose sa plume sur le parchemin et clôt l'histoire que le monde entier devrait connaître. Celle d'une lutte sans fin pour que le soleil puisse briller chaque jour au-dessus de tous les anneaux de Quidditch du monde. Celle d'une famille qui s'est construite avec ses pièces rapportées et ses convictions de toujours. Celle d'un monde merveilleux dans lequel elle a toujours vécu parce que d'autres ont su en protéger la beauté.
Elle pense à tout ce qui a été fait, et à aujourd'hui, au bonheur, à l'absence de douleurs, aux sourires innocents de son frère et de ses cousins dans le jardin familial.
Tout était bien.
