Plop le monde. Eh, eh, eh, eh, vous savez quoi ? J'avais genre prévu une grosse surprise pour vous, pour aujourd'hui.
Mais ça a pas marché, parce que j'ai genre besoin de me faire corriger et que voilà.
Donc ceci est une surprise pas surprisante.
Et genre...
Y aura peut-être du pron, les gens ! *comment rameuter les gens gens par ici* Ahah.
Ahah.
JE. DECONNE.
Bref. C'est une histoire cheloue, vaguement angst A CHAPITRES. OUAIS. J AI. CHAPITRE.
Et même que les chapitres ILS ONT DES NOMS. Vous verrez ça. Sinon, aucun pairing précis de prévu, je pense...
J'ai dit: " je pense"
Comme d'hab, courage.
La première carte venait d'un pays au nom imprononçable, limitrophe d'un des pays limitrophes de la contrée du destinataire. Elle était d'une blancheur immaculée, et sur le papier glacé -neige, distance - se détachaient quelques notes de musique, presque une partition tenant sur un rectangle de quatorze centimètres.
J'imagine que ça ne te rappelle rien. Pourtant, il s'agit d'un de tes propres morceaux.
C'est bien pour cela que je te l'envoie. J'ai toujours admiré ton talent à savoir jouer d'un instrument bien trop connu. A sublimer chaque note, et l'agilité de tes doigts sur les cordes. Mais je m'interroge :
Te rappelles-tu de moi ?
Je t'embrasse
A l'instar de la plupart des hommes de cette génération plus que trop moderne, Cronus Ampora ne recevait jamais de lettres. Ou de cartes postales. Quelques e-mails, tout au plus. Déjà, c'était écologique, consommant moins que ce que pouvait polluer une seule missive, et puis tout le monde se sentait pousser une petite âme écolo ces derniers temps. Ensuite, il faut dire qu'il avait toujours, d'une certaine manière, adulé les ordinateurs depuis son plus jeune âge. Pas qu'il fut vieux, non ! Juste ... Que les ordinateurs ont toujours été l'une de ses passions, avec des choses aussi ordinaires que Grease et la destruction méthodique du stock planétaire de gel.
Et quand Cronus ne pouvait pas envoyer de mail, son choix se portait alors sur les sms, voire dans le pire des cas les appels. Il n'aimait pas appeler, penser que la personne au bout du fil puisse vouloir discuter avec lui de choses l'angoissait. Il préférait le contact plus chaleureux d'une accolade, une poignée de main et une vraie conversation; il était en quelque sorte un de ces phobiques du téléphone, dont le nom échappe toujours. Libre à vous de trouver comment on les nomme.
Non, Cronus, décidément, ne recevait jamais de lettres, hormis les échanges épistolaires passionnés entre sa banque et lui. Certaines entreprises avaient besoin de preuves manuscrites, de timbres léchés et collés sur des enveloppes et de pollution.
Cependant, lorsqu'une arrivait, il y répondait toujours consciencieusement, couchant sur son papier à lettres épais ses arabesques violacées. L'encre qui coulait dans son stylo-plume - encore une autre de ses manies - était d'un beau violet sombre, le genre qui tâchait vos doigts pour une semaine consécutive; de sorte que l'on pouvait, sans se tromper, être assuré durant sept jours qu'il avait pris sa plume pour écrire. Restait à deviner quoi.
Allongé sur son lit, il déchiffrait minutieusement les lettres noires sur le papier blanc, au verso de la carte. Au fur et à mesure de sa lecture, une sorte de trouble typographique s'empara de son être, tordant son esprit pour le teindre en noir et blanc. Il y avait quelque chose de malsain, d'angoissant, dans ces mots tapés à la machine - glacés, sur du papier glacé - , quelque chose qui attirait irrésistiblement les yeux violets de Cronus sur le mot "embrasse", à la fin de la carte.
On embrasse quelqu'un que l'on connait, non ? Il effleura du doigt l'enveloppe elle aussi gelée - légère odeur chlorée, toucher humide. Il neige dehors - en se demandant quelle personne saine d'esprit conclurait une carte postale ainsi. Sans signer.
Sans doute était-ce un simple oubli de la part de l'envoyeur, qui dans la précipitation avait posté sa pseudo-lettre - réservée d'ordinaire aux souvenirs de vacances, "ouais maman je m'amuse bien j'ai plein d'amis non la nourriture est bonne" et autres superbes histoires qui sentent bon les soirées au coin du feu dont on a rien à faire - et simplement oublié son nom !
Mais au fond de lui, il sentait bien que ça ne collait pas. Une lettre tapée à la machine, sur une carte qui devait avoir passé une dizaine de jours dans un local avec du chlore, peut-être au bord d'une piscine municipale, ce n'était pas le genre de choses sur lesquelles on oublie de signer.
Il restait donc cette question. La question.
Qui ?
"Sans doute une ancienne amie, pensa-t-il en laissant ses doigts dériver le long de l'ouverture déchirée de l'enveloppe, son autre main glissant pour déposer la carte sur l'oreiller derrière lui. Elle aura retrouvé mon adresse dans un vieux papier, roulé en boule dans une poche, et a envie de jouer un peu. Si je répondais..."
Il s'interrompit, soupirant. Comment répondre sans nom, sans adresse ? Comment se permettre de prendre part au jeu, si jeu il y avait, sans personne à qui envoyer sa réponse ? Le jeune homme se redressa, dans un grognement qui se mêlait au soupir. Aucune poésie là dedans. Juste une envie dérangeante, comme l'anxiété temporaire qui l'avait saisi plus tôt. Ne pas savoir qui le dérangeait au plus haut point.
Entre ses doigts roula une cigarette, qui s'alluma dans la lumière grise du jour. Il avait neigé ce jour-là. Il neigeait depuis deux jours, de cette neige sucre glace qui ne tient pas et fond sur les lettres et les trottoirs. Par la fenêtre entrouverte du petit appartement, alors que la fumée toxique s'envolait, l'air glacé de Janvier rentrait, tentant de vivifier la pièce; c'était la mort contre un souffle désespéré de vie, c'était la froideur d'un monde hostile contre la chaleur d'un monde dans ce monde.
C'était sa fumée dans le ciel du treize janvier.
Une fois le bâtonnet toxique, quasiment entièrement consumé, écrasé dans un cendrier en forme de coquillage, Cronus se leva. Sur son oreiller, échouée, restait la carte postale. Il la contempla, comme s'il eût s'agit d'un corps endormi, comme si la personne responsable de ce petit jeu était là en face de lui. Il tenta en vain de se représenter l'Inconnue. Le réveil sur une table de nuit proche eut le temps de passer de douze heures quatorze à quarante-cinq. Il avait du mal à évaluer le temps et son écoulement, absorbé par la création mentale de sa Joueuse Idyllique.
Qu'il détruisit dans un sifflement rageur. Le visage restait blanc, immaculé, sans traits. Ses cheveux avaient une couleur indescriptible. Sa peau était parsemée de tâches noirâtres, telles des notes de musique sur une partition. Il n'arrivait pas à se représenter la Femme. Il ne parvenait pas à deviner.
Se saisissant de la carte, qu'il tordit dans l'espoir - vain - de l'anéantir, il murmura :
"Comment jouer si tu n'es pas toi-même fair-play...? Essaye encore."
Il s'approcha de sa fenêtre, son briquet dépassant de sa poche. La carte suspendue au dessus du vide, il ricana doucement. La flamme lécha le papier gelé - glacé- et se laissa glisser pour la réduire en cendres, emportées par le vent de Janvier.
Il ne savait pas encore qu'une carte ne peut jamais vraiment brûler.
