« Raaah pourquoi faut-il qu'il fasse si chaud aujourd'hui... ». Tomori continuait de se lamenter de la chaleur ambiante : on a beau être au BDE et être des espers : des êtres doués de pouvoirs surnaturels, on ne peut même pas lutter contre la canicule d'été sans la climatisation. Le fait est qu'elle nous avait lâché plus tôt dans l'après midi pour je ne sais qu'elle raison : la mécanique n'étant pas une de mes principales forces. C'est ainsi que nous nous retrouvions seuls, à nous apitoyer sur notre sort.
« Quand même, Nishimori à beau devoir se déplacer souvent, elle échappe quand même à cette chaleur j'en suis sur : Raaahhh On se croirait dans un four ! »
« Crier ne fera pas ramener la climatisation, cesse de te plaindre »
Tomori me dévisagea du regard. Elle était à sa place, derrière le grand bureau faisant face à la porte de la pièce. Malgré l'espace studieux dans lequel nous nous trouvions, elle était à son aise, essayant tant bien que mal à trouver une posture suffisamment confortable dans le grand siège du bureau, ses jambes se reposant tranquillement sur ce dernier.
Cependant, elle se leva en un seul geste :
« Raaah j'en peux plus ! J'ai besoin de boire ! Takajyō ! apporte moi à boire avec ta super vitesse !» ragea t-elle en priant le ciel pour que sa demande soit prise en compte.
« il n'est pas là aujourd'hui non plus : on est seul je te rappelle... »
« Pff, comment ce type a pu chopper un rhume à cette époque de l'année... » ronchonna t-elle d'un air désespérée.
Elle n'avait cependant pas tord : comment on pouvait attraper un rhume en pleine été ? J'acceptais le fait que nous étions peu ordinaire, mais de là à réussir l'impossible...
De toute manière, le problème était toujours là : nous mourrions de chaud, et il n'y avait personne pour nous sauver de notre situation.
Pour tenter de tromper la chaleur, j'ai essayé de me concentrer sur quelque chose : il n'y avait pas grand chose d'intéressant dans la salle : une télévision haute définition, la table avec la carte nous servant à localiser les espers, une grande bibliothèque se trouvant à un étage plus haut. Au fur et à mesure que je contemplais la scène, mon regard s'est penché sur Tomori, qui s'était effondré de nouveau sur son siège, abandonnant l'idée de déguster une boisson fraîche. L'uniforme d'été du lycée était le même que celui d'hiver, mais en blanc : la texture devait certes être différent car sinon pourquoi changer de tenue si ce n'est pour le style. Cette tenue blanche allait pourtant à merveille à la personne devant moi : Les yeux ciel ressortaient entre ces cheveux argentés et son uniforme. La peau lisse de son visage était perlée par la chaleur. Si l'on se baladait sur ce dernier, on pouvait tomber sur ses lèvres légèrement entre ouverte, cherchant désespérément l'air frais rare de la salle.
« Tu vas continuer à me regarder combien de temps comme ça ? »
Elle me foudroyait du regard. Apparemment, je m'étais perdu trop longtemps sur ces lèvres pour ne pas voir ses deux yeux me fixer lourdement, quoi qu'il en soit, je devais m'expliquer.
« Aaah... euh... »
C'était mal parti.
« Je regardais la vitre derrière toi, je me disais qu'on devrait sortir au lieu de cuire ici... »
Il fallait attirer son attention sur autre chose, et la chaleur me paraissait convenable. Cependant...
« Crois moi, si je devais pas attendre le réparateur, je serais déjà dehors. Oh mais j'y pense : je n'ai qu'à te donner les clés de la salle, comme ça moi je pourrai sortir et tu pourras contempler le paysage par la vitre comme tu l'insinues. »
Son ton confirmait que ma ruse n'avait pas fonctionné. Pire, elle avait retourné mes dires contre moi. Quoi qu'il en soit :
« Tout compte fait, je préfère contempler ce qu'il y a ici que ce qu'il y a dehors. Et hors de question d'attendre à ta place. »
Je n'avais pas envie de jouer à ce petit jeu. Enfin, peut être cela aurait occupé mon esprit, bannissant les envies de glaces ou autres produits typiques de l'été. Tomori devait avoir les même préoccupations, ce qui veut dire qu'elle aussi devait avoir envie de penser à autre chose : autant briser la glace.
« Comment vas ton frère ? Il n'y a aucune progression ? »
Malgré la tragédie qu'était leur histoire, Tomori restait toujours de marbre lorsque l'on parlait de son frère : elle faisait peut être cela dans le but de se protéger.
« Les médecins s'occupent bien de lui : c'est un hôpital réputé, je n'ai pas de soucis à me faire concernant son traitement. Et si il y a le moindre soucis, je suis la première appelée. »
Normalement, ce serait les parents à qui on téléphonerait en premier, mais dans ce cas, c'était une autre histoire.
« Et toi ? Comment vas tu ? »
« Je... m'y suis habitué, grâce à toi. »
Il était vrai que sans elle, qui sait dans quel état je serais. Quoi qu'il en soit, je lui devais beaucoup ces derniers temps.
« Mon quotidien a changé, mais au moins j'ai arrêté de manger des nouilles instantanées. »
« Aahh tu te serais vu, une vrai larve ! Et dire que j'ai contemplé ce spectacle tout ce temps... »
Elle avait, littéralement, gardé un œil sur moi après tout. J'avais perdu la notion du temps, je n'osais imaginer le temps qu'elle a perdu en restant avec moi.
« Désolé, j'ai du te faire perdre tellement de temps... »
« Tu peux le dire ! J'ai du regardé les mêmes programmes télévisés, avec l'odeur des nouilles insupportables, franchement, n'en rachète plus ! »
« Oui oui, de toute façon, j'ai beau avoir fait le ménage plusieurs fois depuis, il reste toujours une odeur bizarre. »
« Tu es sur que ce n'est pas ton odeur naturel ? Héhé »
Malgré tout, Tomori restait Tomori.
« Je ne sais pas, et si c'était pas toi qui avait laissé ton odeur chez moi ? »
« Venant que quelqu'un qui ne s'était pas lavé pendant des jours, vivant encore plus reclus qu'un otaku, ce n'est pas très convaincant. »
« Je te rappelle que tu étais avec moi ! »
« Je prenais quand même soin de moi. Alors, as tu autre chose à ajouter ? »
C'était difficile de penser qu'elle a pu utiliser mon appartement pour prendre soin d'elle...
prendre soin d'elle...
Oh.
A la seconde même où j'avais réalisé, j'étais entre le rire et l'embarras. J'esquissais un petit sourire en coin et j'espérais que Tomori ne le remarquerait pas.
« Pourquoi ce sourire ? »
Sans succès.
« Je me disais juste que ça devait être pratique d'être invisible. »
Pas besoin d'explication, Tomori avait compris où je voulais en venir, le coup de pied qui avait suivit les 5 secondes de réflexion était bien assez explicite. Du moins, la douleur du coup a bien fait passer le message.
« Peut être devrai-je appeler la police ? Ou alors te livrer au scientifique. »
Son ton allait de paire avec son visage, à mi chemin entre un sourire et la colère. Après tout, tout le monde ne serait pas indifférent dans cette situation.
« Oh mais j'y pense, tu n'as qu'à échanger les rôles ! »
« Eeeeh, malgré la chaleur, je refuse de faire ça. »
« Justement ! Vas y fait donc ! On sera quitte après ! »
« Eh, je n'ai rien vu moi ! Tu étais invisible ! Si tu tiens vraiment à voir ça, tu n'as qu'à imaginer ! »
Au moins elle ne pensait plus à la chaleur, mais ce qui remplaçait cette idée n'était guère plus glorieuse, et plus j'y pensais, plus je me demandais ce qui m'avait poussé à dire ce que j'avais dit.
Enfin, Tomori savait gérer son esprit, même si son côté enfant laissait penser autrement, le fait qu'elle savait gérer ses émotions lorsque l'on parlait de son frère.
Cependant, Après mes précédents dires, il y avait un problème : Tomori se tenait là, en face de moi, mais détournait le regard. Elle détournait le regard ? Son visage semblait gêné, ses joues assez rouge, les yeux dans une direction indéfinie.
« Tu dis beaucoup trop de connerie. »
J'avais dis une connerie ? J'avais simplement conseillé à Tomori de... Oh.
« Ne me dis pas que... »
« Tais toi. »
Généralement on en rigolerait, on se moquerait, ou on l'ignorerait, on y penserait même pas et on ne serait pas gêné Sauf si... Après tout, j'ai été gêné tout à l'heure, mais... Non vraiment ?
« Attends, attends, attends, Mais c... »
« Plus un mot. »
Elle se retourna, et regagna le siège derrière le bureau de la salle. Le silence avait gagné nos lèvres, je pouvais voir encore le visage de Tomori, toujours embarrassée. Ma curiosité hurlait pour avoir la réponse qu'il voulait entendre.
« Excusez moi, je viens réparer la climatisation. »
Je n'avais pas eu le temps d'entamer la parole qu'une personne toqua et entra dans la salle.
« Je m'en remets à vous. »
Tomori le salua, lui expliqua où se trouva la climatisation et le remercia le travail fini. Sitôt cela fait, nous avons quitter la salle pour regagner nos appartements respectifs. Tomori me salua et se sépara de moi, elle se comporta comme d'habitude. Cependant, en l'espace d'un instant, il me semblait que son visage n'avait pas regagné sa couleur d'origine.
