Chapitre 1 – Passations de pouvoir

La fin de la Winter cup apportait son lot de changement au sein des différentes équipes de basket. À Tôo, les terminales pensaient sérieusement à leur avenir et un nouveau capitaine venait d'être désigné pour l'année suivante. En conséquence, Wakamatsu Kosuke monta subitement en grade au départ de l'ancien capitaine, Imayoshi Shoishiro. Une décision prise après leur défaite face à Seirin. Occupé ce poste provoquait une fierté en soi, une récompense. À son tour, il emmenait son équipe jusqu'à la victoire, comme l'avait fait son aîné avant lui.

Quelques jours après, le blond avait invité son aîné chez lui après la fin de l'après-midi. Ils profitaient du cadre familial afin d'aborder le sujet. Dès leur arrivée, ils avaient été reçus par madame Wakamatsu, préparant des biscuits. Elle leur suggéra d'en apporter avec des boissons chaudes. Puis, elle les laissa dans leur occupation.

Shoishi appréciait la mère de son cadet, douce et accueillante. Ce cadre lui plaisait et le permettait de se reposer durant cette longue période de révision. Cependant, son visage demeurait sérieux quand il se tourna vers son compagnon, connaissant le sujet du jour.

Cette année fut des plus mémorables pour le renard, tant qu'elle fut riche en rebondissements. L'arrivée de la génération miracle, durant la compétition, lui avait offert un surplus d'adrénaline. De plus, l'issue incertaine des vainqueurs s'agrémentait avec surprise au résultat final. Seirin, une toute jeune équipe parvint à écraser ses adversaires, bouleversant le pronostic des experts grâce à leur force d'équipe.

Shoishi ne pouvait guère nier. Il regrettait amèrement de quitter les festivités alors qu'elles commençaient à peine. Observer les changements opérés sur la génération miracle, suite à leurs premières défaites, l'intriguaient. Il aurait souhaité être en première ligne en tant qu'acteur, au lieu d'être un simple spectateur dans les gradins. Mais à présent, il devait se retirer de la compétition et laisser place à la nouvelle génération. Son rôle se limiterait à soutenir ses « petits frères », comme le ferait un grand frère. N'était-il pas une famille dans le fond ?

Même si l'esprit d'équipe était à revoir, ils s'étaient battus et avaient pleuré sous le même maillot. Le club de basket de Tôo Gakuen était devenu une seconde maison pour un grand nombre d'entre eux, comme la peste pour d'autres. Cependant, personne ne pouvait nier qu'ils portaient encore tous l'espérance d'une prochaine victoire.

Pour cette victoire, il fallait clairement un remplaçant digne de ce nom. Un homme capable de garder les épaules solides, dans la joie comme dans les larmes. Ce dernier avait pris la forme du Pivot, Wakamatsu Kosuke.

Et le sournois lui offrit sa confiance, comme il le sentait capable de relever la tête dignement, emportant ceux qui sont tombés. De plus, il ne voyait personne d'autre gérer le caractère de leur as.

-Je sais que le sujet sera délicat, mais j'ai confiance en tes capacités pour gérer Daiki, déclara Shoishiro.

Le blond soupira.

Kosuke douta sérieusement de ses capacités à tenir le bleuté en place. Il ne pensait pas contenir l'indomptable, alors que son aîné n'y était pas parvenu. Daiki, un véritable électron libre, faisait tout ce qui lui chante. Tout en sachant qu'il était le meilleur joueur de sa génération, agile et féline. Il espérait secrètement que cette défaite lui ouvre les yeux et le pousserait aux entraînements. Or, mes espérances furent vite déchanté en voyant son comportement inchangé.

-Je pensais que la défaite le pousserait à s'entraîner sérieusement, grogna le pivot. Mais, il en fait qu'à sa tête.

-C'est de ma faute aussi. On s'était mis d'accord sur la place de chacun au sein de l'équipe dès le début. Tant que nous gagnons, nous avions pas besoin d'avoir une bonne entente. Mais, plus maintenant. Et j'espère que tu réussiras dans cette voie.

Wakamatsu le regarda, les yeux ronds comme des billes.

Depuis qu'il le connaissait, jamais il n'avait vu Shoishi avouer ses torts à haute voix, même le jour de leur défaite. Bien évidemment, le blond se souvenait encore du long discours d'adieu et avait également noté les yeux rouges de son prédécesseur, qui se montra digne jusqu'au bout. Un trait de caractère qu'il appréciait et renforça son admiration pour lui.

-Autrement, reprit-il. Je m'inquiète beaucoup pour Sakurai, maintenant que tu seras capitaine.

Wakamatsu grimaça à la prononciation de ce nom. Il doutait que le sujet aurait été mentionné à un moment ou un autre. Contrairement à Imayoshi, il ne comptait pas s'attarder sur lui. Il se montrait dur avec le châtain, certes, mais il l'appréciait. Bon. Il avouait s'emporter en voyant son manque de confiance. Il lui reprochait même de s'excuser sans raison et ne supportait pas que son camarade se soumette aux caprices du prince.

Imayoshi n'avait pas besoin de s'immiscer dans ses jugements. Il savait parfaitement gérer sa colère. En dépit de son assurance, ses répliques défensives naissaient au fond de sa gorge. XXXIl s'empara d'un biscuit, au centre des garçons et croqua énergiquement dessus, avant de mâchouiller bruyamment.

-Pourquoi ? Il a un bon niveau. Je compte bien le garder en tant que titulaire. Il t'a parlé de quelque chose à mon sujet ?

Sakurai, leur arrière, démontrait un réel talent dans ce poste. Ses tirs rapides les avaient sauvés à maintes reprises. Ceux qui pouvaient se venter de suivre son rythme se comptaient sur les doigts d'une main. Rien que pour cette raison, il ne se serait détaché de leur tour de commando. Il le gardera, même pour cela, il devait s'arranger avec lui.

À son tour, Imayoshi s'empara de son verre, ainsi que du pichet. Il versa le liquide à l'intérieur avant de le porter à ses lèvres. Puis, il but deux grandes gorgées.

-Pas du tout. C'est juste que parfois, tes paroles à son encontre le perturber. Maintenant que tu seras capitaine, il risquerait de se braquer.

Wakamatsu reconnaît. Il voyait bien le mal-être du châtain, comme sa peur d'être la victime de brimade. Toutes ses précautions l'énervaient. Il ne supportait pas ses flots d'excuses à longueur du temps. Si le disque était déjà rayé, il fallait le changer et se focaliser sur autre chose. Et rien que pour ça, il mettait en colère.

-S'il pensait moins que le monde lui en veut, je serais plus tendre. Mais pas moyen, il m'énerve.

-Sakurai est naturellement stressé, informa Imayoshi. Il m'a avoué qu'il a conscience de soûler et m'a promis de s'améliorer. Je compte sur toi pour prendre sur toi et de lui tendre la main.

-Pourquoi je ferais ça ?

-J'aimerais voir un peu plus de cohésion dans l'équipe mais que vous gardez le talent de chacun. J'observerais votre performance du haut des tribunes. Plus, avec les nouveaux, ton entente avec Sakurai et Aomine sera primordiale. Vous serez la pierre angulaire du nouveau Tôo.

Wakamatsu pesta. Il avait conscience que l'année prochaine, lui aussi partirait à son tour. À cet instant, il devra choisir son remplaçant parmi ceux qui restent. Mais qui devait-il choisir entre ses deux premières années, qui seront en second l'année prochaine. Aomine se montrait toujours aussi peu concerner, sauf s'il y a de l'intérêt. Et Sakurai... Non, ce dernier se fera certainement manger tout cru, à cause de sa personnalité.

Il n'avait pas à dire. Wakamatsu craignait pour l'avenir de Tôo.

Imayoshi remonta ses lunettes. Il tenait à ce que cette histoire soit réglée le plus rapidement possible. Il avait eu de nombreuses discussions avec Sakurai afin de mieux le comprendre, ses passions, comme ses doutes. Il avait découvert ce qui se cachait sous ses tremblements et s'était montré laxiste sur certains points. En même temps, l'arrière se montrait plus compétent, dès qu'il avait de la compétition. Un autre homme, en somme.

-En plus, Sakurai travaille mieux sans pression, conclura Imayoshi.

-D'accord ! Je promets d'être plus tendre. Cependant, je ne te garantis pas du résultat.

-Eh bien, on n'a qu'à faire un essai. Ce week-end, on ira au cinéma ensemble. Tu ne dois pas t'énerver dessus jusqu'au chemin du retour.

Wakamatsu sursauta en entendant sa proposition. Avait-il mal compris ? Ce dernier parlait de cinéma avec ... Sakurai. Il venait de promettre qu'il fera des efforts, mais, il ne pensait pas toute suite.

-Pas question ! Ce sera la honte !

-Allons. Prends ça comme un exercice. Et je te ferrais signe si tu commences à t'emporter contre lui.

Le blond s'appuya contre le bord de son lit, pensif. Il sentait le coup bas venir du renard, comme si une tempête se préparait. Il le regarda du coin de l'œil et vit le sourire narquois se dessiner de ses lèvres. Oui, le noir avait bel et bien une idée en tête. Avec ou sans son consentement, Imayoshi suivrait son plan, jusqu'au bout. Et connaissant l'animal, il risquerait bien d'avoir un blessé psychologique.

Il devrait limiter la casse.

-D'accord.

-Parfait. J'appelle Sakurai.

Bordel ! Pourquoi acceptait-il cette sortie ? Pour Sakurai ? Non, cette situation ne le mettait pas à son avantage. Certes, il craignait pour la malheureuse victime. Il l'imaginait facilement trembler de tous ses membres. D'un côté, cette situation serait évitée lui-même, s'il avait refusé catégoriquement cette requête. Après tout, Imayoshi ne fera jamais de mal à Sakurai.

Et lui, comme un idiot, il creusait la tombe du châtain.

-Sakurai ! C'est Imayoshi. J'aimerais savoir si tu as prévu quelque chose ce week-end.

-Non, je serais seul à la maison, répondit la voix derrière le téléphone.

-Je te propose qu'on aille au cinéma samedi soir avec Wakamatsu. Tu es d'accord ?

-Vraiment ?!

Wakamatsu entendit enthousiaste de Sakurai à l'autre bout du fil, inconscient des raisons qui le poussait à l'inviter. Soudain, il a eu un silence, dont même Imayoshi ne brisa pas.

-Je ne vous dérangerais pas ? Reprit-il.

-Mais non. Si je te propose, c'est que j'aimerais passer un peu de temps avant mon départ.

Wakamatsu remarqua le sombre sourire d'Imayoshi. Il n'avait pas à dire, Sakurai creusait également sa propre tombe.

-... D'accord. On verra quel film ?

-Je te le dirai à mon retour. Bonne soirée, Sakurai.

Imayoshi raccrocha et ferma le clapet de son portable. Puis son regard se pose vers son coéquipier, les nerfs à vif.

-C'est ok pour lui, transmit-il, le sourire aux lèvres.

-Tss. Je n'ai pas le choix, pesta-t-il. Par contre, c'est à savoir lequel de nous deux n'est pas tendre avec lui.

Imayoshi remonta à nouveau ses lunettes, amusé. Le tic du sournois prouvait que tous se déroulaient suivant ses plans.

-Je ne vois pas de quoi tu parles.

Il ne voyait pas ses allusions ? C'était pourtant assez clair. Il comptait provoquer un typhon dans la vie de Wakamatsu – ou celle de Sakurai. Quoi qu'il en soit, il fallait être aveugle pour ne pas remarquer le traquenard et qu'il venait d'y poser un pied.

Bon sang ! Maintenant que la machine était en place, il ne pouvait plus faire machine arrière. Et le dernier sur la liste y laisserait des plumes. Dans le cas du Shooting Guard, on pouvait être sûr qu'il ne survivrait pas.

-Fait chier ! Souffla Wakamatsu entre ses dents, à peine audible.

Imayoshi le regarda, étonné, le voir tomber dans ses filets en toute connaissance de cause. Il n'avait pas à dire, Wakamatsu le comprenait. Et bien qu'il soit conscient, il se soustrait au plan qu'il venait de confectionner par lui-même. Et cela l'amusait déjà.

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