J'avais dit que je faisais une pause dans l'écriture sur Black Sails.
J'ai menti.
Pour ma défense, ma vague d'inspiration provient principalement du visionnage intensif des vidéos de Rackhamish sur Youtube, donc aller voir, son contenu est fort qualitatif.
Bref, je ne suis pas satisfaite à 100% de ce texte, il y reste sans doute quelques petites choses à modifier, mais je voulais vraiment le poster ce soir quand même haha
Donc en gros je corrigerais plus tard cassez pas les couilles : )
Enjoy ! ~
Toutes les couleurs se mélangeaient dans son esprit.
Jaune. La couleur des flames dansantes éclairant la taverne à cette heure avancée de la nuit.
Noir. La couleur des cheveux en bataille du jeune garçon qui se tenait à ses côtés.
Rouge. La couleur du sang qui s'échappait de la gorge de James Bonny pour former une flaque sinistre sur le sol.
Anne voulait détourner les yeux, elle le voulait vraiment, mais elle en était incapable. Elle ne pouvait que fixer son mari se vidant de son sang sur le sol, tout comme le reste des clients du bar.
Un bourdonnement résonnait dans les oreilles de la jeune fille, couvrant celui des chuchotements qui s'élevaient peu à peu pour se transformer en cris. La douleur dans sa mâchoire était toujours présente, mais elle ne s'en souciait même plus.
La lame brillait toujours dans la main du jeune garçon. Il l'avait décroché de la ceinture d'un des membres d'équipage.
Elle ne connaissait pas Port-Royal. James, elle et l'équipage venaient tout juste d'y arriver. Elle n'en avait vu que le chemin du port à cette sordide taverne.
Comme d'habitude, il l'avait trainée derrière lui. Comme d'habitude, elle l'avait suivi sans dire un mot. Comme d'habitude, elle avait attendu silencieusement à ses côtés tandis qu'il buvait. Et comme d'habitude, saoul, James Bonny avait saisi la première occasion de la frapper. Un coup à la mâchoire.
Mais cette fois n'était pas, justement, comme d'habitude.
Cette fois, un jeune garçon regardait la scène depuis le fond du bar. Un matelot, mince, les cheveux noirs en bataille, de quelques années son aîné.
Il n'aurait pas dû réagir, il le savait, en temps normal, il ne l'aurait pas fait. C'était triste à dire, mais elle n'était pas première femme qu'il voyait se faire battre par son mari, même si elle était définitivement la plus jeune. Mais ce qu'il l'avait fait marcher jusqu'à cet homme bien plus fort que lui, lame en main, c'était la lueur dans les yeux de la jeune fille. Il voyait la haine au fond de ses pupilles, son désir de vengeance, pas l'habituelle triste résignation des autres.
Il avait eu envie de libérer cette rage, de voir ce qui pourrait se passer si on aidait la tempête à sortir d'où elle était enfermée.
Un mouvement, rapide et précis, et tout était finit.
James Bonny n'avait même pas eu le temps de le voir, encore moins de riposter.
Le matelot était toujours passé inaperçu au fond des pièces, mais pour la première fois, ça avait été un vrai avantage.
Le silence qui suivit semblait si long. Le jeune garçon aurait voulu rester là un instant, contempler son œuvre, profiter de la sensation cruellement grisante qu'était celle d'avoir tué un homme, mais une petite voix résonnait sans cesse dans sa tête, répétant en boucles ces mots : « cours pour ta vie ».
Pour être exact, ce n'était pas tout ce que la voix disait. Elle disait plutôt : « cours pour ta vie, prend la avec toi ».
Alors il lui tendit la main.
Anne fixa la main tendue vers elle un instant, ses yeux vides de toute émotion. Il esquissa un geste la pressant de la saisir, de fuir le plus vite et le plus loin possible avec lui, maintenant. La jeune fille leva les yeux vers ceux bruns du jeune garçon.
Il y avait quelque chose, elle n'aurait pas vraiment su dire quoi, de magnétique dans ses yeux bruns.
Alors elle prit sa main.
Il la tira hors de l'établissement, profitant du chaos qui régnait pour s'enfuir en poussant tout le monde sur leur chemin.
Le vent froid de la nuit frappa Anne au visage.
Et ils coururent.
Longtemps.
Si longtemps que les jambes d'Anne semblaient ne plus vouloir la porter, si longtemps que ses poumons étaient en feu, si longtemps que le sang battait dans ses tempes, éclipsant tout autre son.
Elle voulait abandonner, s'arrêter, se laisser aller aux larmes qui coulaient sur ses joues, mais la main chaude entrelacée à la sienne refusait de la laisser faire, la tirant toujours plus loin dans la nuit éclairée par des lumières floues et dansantes autour d'eux.
Après ce qui lui sembla une éternité passée à s'enfuir dans les rues glacées de Port-Royal, le jeune garçon tira Anne dans un ruelle à peine assez grande pour qu'ils s'y tiennent tous deux face à face, à l'abri des regards.
La jeune fille se laissa aller contre le mur, cherchant à reprendre son souffle, calmer son cœur battant la chamade.
Le voile gris qui enveloppait son cerveau depuis la mort de son mari se dissipa peu à peu.
La mort de son mari.
La mort de son mari.
Il était mort, pour de bon. Elle ne l'avait pas complètement réalisé jusque-là. Oh combien de fois elle avait souhaité que sa fin survienne, et pourtant, maintenant que son souhait s'était réalisé, elle ressentait comme un pincement dans son cœur. Pas pour sa mort, oh non, si elle avait pu le tuer de ses mains, elle l'aurait fait sans la moindre hésitation, mais plutôt pour l'incertitude qui s'étendait devant elle en guise de futur.
« Je m'appelle Jack. Jack Rackham. »
La voix l'avait surprise. Elle releva la tête, essuyant les dernières traces de larmes de ses joues d'un revers de manche. Elle réalisa que c'était la première fois qu'elle entendait la voix du prénommé Jack, c'était sans doute ce qui l'avait surprise.
« Anne. Anne Bonny. »
Sa voix tremblait, et elle s'en voulait.
Le jeune garçon lui sourit et se laissa tomber sur une caisse en bois proche avec un gloussement nerveux.
Elle fit de même, ravie de pour donner ne serait-ce qu'une seconde de répit à ses muscles brulants. Après un moment de silence seulement perturbé par les bruits de la ville la nuit et de leur respirations encore saccadées, Jack lui adressa un signe de tête.
« Ça va ton visage ? »
Anne porta une main à sa mâchoire, là où James l'avait frappée plus tôt. A vrai dire, elle n'y pensait même plus. L'endroit était toujours un peu chaud, mais loin d'égaler tout ce qu'elle avait déjà pu endurer. Elle hocha la tête, fixant ses jupes pour ne pas à avoir à croiser son regard. Après un autre silence, la voix de Jack s'éleva à nouveau.
« Qu'est-ce que tu vas faire maintenant. »
Elle se tendit, pour quelque raison, cette question la terrifiait.
« Je n'en sais rien. Me cacher sans doute. »
« Tu penses que les hommes vont te chercher ? »
Un frisson lui parcourut la colonne vertébrale à l'idée d'être poursuivit par l'équipage de son désormais défunt mari. Elle réfuta cette idée, essayant de rassembler le peu de logique qui lui restait.
« Je ne pense pas. Ils n'avaient aucun intérêt pour moi, pas plus qu'ils n'avaient de respect pour mon mari. »
Elle avait craché ce dernier mot comme si elle voulait s'en débarrasser.
« Si personne ne te cherche, pourquoi te cacher ? »
Anne releva les yeux vers Jack. Malgré tout ce qui s'était passé cette nuit, malgré le fait que ce soir, il ais tué un homme, il souriait.
Pas le sourire sadique qu'Anne avait vu cent fois sur les lèvres de feu James Bonny, ou ses hommes d'équipages, un vrai sourire, qui disait « tant qu'on est ensemble, on peut s'en sortir ».
« Qu'est-ce que je pourrais faire d'autre ? »
Qu'est-ce que pouvait bien faire une jeune fille de treize ans à peine dans une ville comme Port-Royal sans compromettre son intégrité ?
Jack se pencha légèrement vers elle, comme s'il allait lui dire un secret dont elle seule pouvait avoir connaissance.
« Il y a un bateau qui m'attends au port dans deux heures. Il part vers Nassau. Viens avec moi. »
Anne hocha négativement la tête. Pour une raison qu'elle ne s'expliquait pas, la perspective de quitter cette ville, aussi exécrable qu'elle était, pour un endroit inconnu et incertain, la terrifiait.
« Je n'ai pas d'argent. »
« J'en ai. »
« Je ne le prendrais pas. »
« Et bien tu me le rembourseras plus tard. »
« C'est hors de question. »
« Pourquoi ? »
« Parce que je te dois déjà quelque chose, et je ne veux pas avoir une dette de plus envers toi. »
Jack semblait presque surpris.
« Tu crois que je vais te demander quelque chose pour avoir tranché la gorge de ton mari ? »
« Rien n'est jamais gratuit. »
Et c'est à cet instant que Jack réalisa, ce qui rendait le regard d'Anne si particulier, c'était le manque de l'innocence d'une jeune fille de treize ans en eux. Le jeune homme décida d'arrêter de lui parler comme à une enfant, car clairement, et ce malgré son jeune âge, elle n'en était plus une depuis longtemps.
« Bon Anne, écoute-moi bien. Je ne veux rien de ta part pour avoir assassiné cet enfoiré qui te servait de mari, parce que quelque chose me dit que si je ne l'avais pas fait aujourd'hui, tu l'aurais certainement fait plus tard. Maintenant, tu n'as pas le choix. Si les hommes de l'équipage ne viennent pas te chercher, les gardes de la ville le feront sûrement. Malgré ce que tu crois, et ce que tu veux, pour le moment, tu ne peux pas survivre seule. Et moi non plus. Pas après ce que je viens de faire. Je pense qu'on peut s'aider tous les deux. Alors, acceptes-tu d'embarquer sur ce putain de bateau avec moi quand le soleil se lèvera ? »
Anne avait toute la haine du monde dans les yeux. Elle se rendait bien compte qu'elle était une fois de plus au pied du mur. Elle ne pouvait pas rester ici, et n'avait pas d'autre moyen de quitter la ville que de suivre Jack. Il avait raison, et elle détestait l'admettre.
Elle regarda la main qu'il avait tendu vers elle pour qu'elle la serre, et finit par la saisir. Il sourit alors qu'elle ajoutait, sourcils froncés.
« C'est provisoire. »
Il hocha la tête avec un grand sourire.
« Bien sûr, provisoire. »
Elle s'autorisa elle aussi un léger sourire, presque imperceptible. Elle ne faisait pas confiance à Jack, n'appréciait même pas son partenaire par défaut, mais pour quelque raison, l'inconnu semblait moins effrayant avec lui à ses côtés.
