Set the fire to the third bar (chanson interprêtée par Snow Patrol et Martha Wainright)
Seule dans son bureau, tard le soir, Riza pose son stylo et comme bien souvent depuis Son départ sort de sous son sous-main une carte du pays.
Elle suit du bout de ses doigts les routes et son esprit part en voyage à travers la lande, parcoure les vergers, les rivières, passe les ponts pour atteindre le pays des montagnes où règne la neige et le blizzard.
Après avoir longtemps caressé le papier usé de tous ces improbables voyages, elle revient à son point de départ.
Elle se met alors à compter les distances de son pouce à son index. Trois. Seulement trois écarts de doigts pour être auprès de Lui.
Elle ferme les yeux et laisse dériver son esprit vers l'endroit où Il se trouve. Elle s'enfonce dans le mirage de son imagination jusqu'à se laisser tomber de sa chaise sur le sol glacé.
Elle ne voit plus le plafond de son bureau. Elle a perdu toute notion de lieu ou d'espace.
Elle repose sur le dos, Il se tient nu penché au-dessus d'elle. Ses yeux noirs plongés dans les siens, Il lui sourit. Alors que Ses lèvres se posent enfin sur les siennes, le monde explose autour d'eux.
Elle est dans Ses bras, elle peut sentir Son souffle sur sa peau, elle Le sent en elle, elle L'entend prononcer son prénom…
Nouveau lieu, nouvelle taverne, nouveau comptoir et pourtant l'impression de toujours croiser les mêmes visages.
Les rires gras des entraîneuses qui répondent en échos aux gestes vulgaires des hommes abrutis par l'alcool. Les chopes qui s'entrechoquent entre elles ou sur le bois usé des tables.
Nouveau lieu, nouvelle taverne, nouveau comptoir, toujours les mêmes airs hagards de ceux qui recherchent le réconfort dans le cul d'une bouteille ou d'une fille facile qu'on achète pour quelques cenz.
Roy tire un siège et s'accoude au bar. Les chopes se suivent et se ressemblent.
Peu importe le goût pourvu que l'ivresse et l'oubli viennent…
Les autres ne sont plus que des fantômes dont les voix ne sont que crissement de craie sur un tableau noir.
Il se concentre sur le souvenir de Sa voix, la douce mélodie pénètre son oreille et se répand dans son cerveau. Le souvenir de Sa peau blanche qu'il a tant désirée sans jamais y toucher…
La voix aiguë d'une femelle qui s'accroche à son bras l'arrache à sa divagation.
Il ne trouvera jamais la paix dans cet endroit, au milieu de ces gens.
Il veut se relever pour partir, mais il a trop bu. Le décor tourne autour de lui avant qu'il ne s'effondre sur le sol glacé.
Allongé de tout son long, ses yeux ne voient plus le lieu sordide.
Au dessus de lui vogue le corps nu de sa bien-aimée qui l'enveloppe de sa chaleur.
Alors que Ses lèvres viennent embrasser les siennes, des tourbillons de flammes éclatent autour d'eux.
Il peut sentir le velouté de Sa peau, sentir Ses ongles qu'Elle enfonce dans son dos, il entend le son étouffé de Sa voix lorsqu'Elle crie son prénom… Rien ne peut plus l'empêcher de Lui faire l'amour au milieu de cet enfer de flamme qui n'en est plus un pour eux.
A trois écarts de pouce et d'index, ils se réveillent de leur rêve, seuls, en sueur et épuisés. Le goût du prénom de l'autre encore sur les lèvres…
L'enfer c'est d'être séparé de Lui. L'enfer c'est être séparé d'Elle.
L'enfer c'est d'en crever à petit feu…
