Ana arriva finalement sur le lieu convenu. Malgré la légèreté de sa tenue, un simple pantalon de soie accompagné par une veste de coton, elle se surprit à savourer le contact de l'air tiède sur sa peau. Caché derrière des nuages aux teintes rosées, le soleil commençait en effet à se coucher, laissant le ciel se mêler de nuances chaleureuses et permettant à la chaleur de la journée de se disperser doucement. Ana ne tarda pas à s'appuyer sur l'arbre juste à côté, unique point de repère dans l'étendue d'herbe. Elle se sentait un peu seule. Un frisson la parcourut. Était-ce la brise qui faisait danser ses cheveux sur ses épaules ou autre chose ?

Elle consulta son téléphone. Aucun nouveau message. L'aurait-il oublié ? Elle soupira, nerveuse. Et ne tarda pas à s'en vouloir pour ce trac inexplicable.

–– Ana.

Elle afficha un visage surpris en se retournant. D'étonnement elle ne sut que dire et se contenta d'un sourire accueillant, bien qu'un peu gênée.

–– Nous avions rendez-vous dans un quart d'heure.

–– La ponctualité est la politesse dans notre métier, commandant.

Jack eut un sourire en coin. Comme à son habitude il ne portait quasiment que du bleu. Une chemise marine aux manches retroussées jusqu'au coude, une ceinture à boucle noire, un jean.

–– Nous ne sommes pas en service, tu sais très bien que tu n'es pas obligé de m'appeler comme ça, la taquina-t-il. À moins que tu ne souhaites faire des pompes.

–– Tu sais bien que j'ai toujours été meilleur que toi à ce petit jeu.

Il releva un sourcil, un sourire toujours aux lèvres.

–– À ce propos…, commença-t-il. Tu n'as pas changé depuis que je te connais…

–– Toi non plus ! pouffa-t-elle.

–– C'est vrai.

Il inclina la tête en regardant le soleil se coucher. Lorsqu'il se tourna de nouveau vers elle son regard changea, s'alanguit.

–– Tu es toujours aussi belle…

Elle pinça les lèvres.

–– … Habiba.

La medjay le regarda en silence. Comme elle ouvrait la bouche elle chercha quelque chose à dire, sans succès. Ses yeux brillèrent comme les larmes se formaient. Ana ne sut que répondre et fuit son regard.

–– On en a déjà parlé.

D'un pas lent il se rapprocha et d'une main lui effleura l'épaule.

–– Non, Tu m'entendais ; tu ne m'écoutais pas. Ce n'était pas comme c'est actuellement. Nous n'avions pas parlé et les choses sont allées pour devenir ce qu'elles sont actuellement. Écoute-moi. Juste cette fois.

Ses yeux bruns se relevèrent et elle le fixa à s'en faire passer les mots par les pupilles comme cette fois. Il se rapprocha encore un peu et sa main passa sur la nuque d'Ana, juste sous sa chevelure. Elle était chaude, douce, impérieuse. Comme cette fois.

–– Je pense que…, commença-t-elle.

–– Ne pense rien. Dis-moi juste.

–– Je… Te dire quoi ?

Le visage d'Ana exprimait quelque chose de terriblement hésitant.

–– Ton parfum de miel et d'acacia, dit-il de sa voix de baryton… Je veux sentir tes longues boucles noires et me perdre dans tes yeux. Chaque jour. Chaque matin.

–– Je… (Elle baissa les yeux.) Je suis…

–– Ana.

Il lui releva le menton avec douceur.

–– Donnons-nous une chance de réécrire l'histoire.

Une seconde s'écoula. Une autre. Puis deux. Puis trois.

Quelqu'un qu'Ana ne connaissait pas murmura alors sa brève réponse.