Je me recoiffe devant le miroir. J'ai beau déplacer des dizaines de fois mes cheveux, je ne trouve jamais le bon arrangement. Et Train qui m'appelle déjà de l'autre côté de la porte. Les minutes se sont écoulées beaucoup trop vite à mon goût. J'ai très peur. Cela ne me ressemble pas, pourtant. Peur de tout louper, peur de décevoir tout le monde.

Ma main tremble alors que je m'apprête à ouvrir la porte. Je ne peux pas. Je me regarde à nouveau, mais ce fichu miroir ne me renvois que l'image d'un pauvre trouillard, ce qui ne m'encourage guère. Je m'affaisse par terre et plonge mon visage dans mes mains. Je ne vais pas abandonner maintenant. Pas si près du but. Je dois respecter le code. Je suis un gentleman. Mais qu'est ce qu'un gentleman ?

J'entends Train qui m'appelle encore de sa voix miaulante. Allez, il faut que je le fasse pour lui, je ne dois pas le décevoir. Pour toutes ces années de partenariat. Il avait tellement confiance en moi. Car je crois que je l'ai vraiment trouvé, mon autre moi. La personne que je dois rendre heureuse, car je suis né pour la rendre heureuse. Parce que... je l'aime. Voilà Eve qui vient me demander de venir. Allez, je dois le faire, car je ne veux pas que cette gamine est pour idole un homme lâche. Et puis je ne vais pas attendre que Rins elle-même vienne me supplier derrière la porte des toilettes. Ce serait plus qu'inverser les rôles. Je réponds à la princesse que j'arrive, d'une voix que j'essaye de rendre la plus naturelle possible. Je pose mon chapeau sur ma tête, j'arrange une toute dernière fois mes cheveux. Leur vert semble avoir repris de l'éclat. Je sors de la pièce, convaincu, déterminé mais tremblant. Je m'avance vers le séjour. Elle est là, en train de lire. Elle est vraiment belle. Je l'aime. Elle se retourne, et me regarde. Mon regard et le sien se croisent durant une éternelle seconde. Je prononce son nom avec une légèreté soudaine, et les mots sortent tout seul. Mon instinct de gentleman, peut-être. Je lui tends une petite boîte rose. Ses doigts délicats l'ouvre et son visage devient écarlate quand elle remarque la bague à l'intérieur. Elle s'approche de moi, mon coeur bat la chamade. Je m'apprête à parler, mais elle me pose son index sur mes lèvres. Son visage me paraît n'être qu'à un millimètre du mien. Nous sommes enlacés comme deux enfants qui s'aiment, sans penser. J'ai l'impression de me consumer comme une vulgaire brindille entre ses mains. Notre premier baiser. Mais je suis sûr que ce ne sera pas le dernier. Mon chapeau tombe. Mais pour la première fois de ma vie, je n'y prête aucune attention.