Bonjour !

J'espère que vous allez bien. Moi, pour le coup, je crois que je deviens un peu folle - ou du moins que je me suis embarquée dans un projet assez fou. Raconter la rencontre de chaque couple ayant donné un enfant demi-dieu. Une sorte de How I met your mother mythologique à la sauce Percy Jackson.

Aucun spoiler sur Les héros de l'Olympe. D'ailleurs je pense qu'on peut lire ce recueil de rencontres sans avoir lu aucun des livres, comme les événement ont lieu avant l'intrigue...

J'ai choisi de commencer avec la rencontre de la mère de Travis et Hermès. Je pense enchainer dans le prochain chapitre avec l'histoire de Sally et Poséidon. Pour la suite, si ce projet plait, je serais ravie d'écrire sur le couple que vous voudrez !

Voilà, je crois que je vous ai tout dit.

En attendant, je vous embrasse.


"Je crois que je me souviendrais toujours de la nuit où j'ai rencontré ton père.

- J'espère bien !

- ... ou du moins mon dos se souviendra toujours de la douleur que c'était de dormir dans cette voiture.

- Qui aurait pu croire que dormir dans une voiture volée aurait ses désavantages.

- Comme tu dis ! Surtout que j'avais choisi un joli modèle, je ne voulais pas prendre à quelqu'un qui n'avait rien. Enfin, toi, tu sais que c'est plutôt le modèle qui m'a choisi. On voulait que je vole cette voiture, que je dorme dedans. Finalement, je n'ai rien fait de mal, c'était une invitation. Je ne l'avais juste pas encore reçu expressément.

Il la regarde en coin, il ne sait pas pourquoi elle a décidé de lui parler de ça maintenant, après tout ce temps. Il ne s'était jamais demandé comment ses parents avaient pu se rencontrer. Il n'avait jamais demandé. En un sens, il lui semblait qu'il était évident que n'importe qui pourrait tomber amoureux de sa mère – encore plus un roi des voleurs. Mais maintenant qu'il y réfléchit, il se demande comment une personne aussi rusée et maligne que sa mère a pu être assez stupide pour tomber amoureuse. Surtout à l'époque.

- Une voleuse en plein déni de vol, tu m'étonnes que monsieur Hermès lui même se soit intéressé à ton cas.

- Je prefere penser que j'étais une voyageuse un peu particulière et que ton père entant que Dieu des vagabonds se sentait responsable de moi, si tu veux bien.

- Je ne pense pas que l'on puisse dire que papa soit la personne la plus "responsable" qui soit.

Un éclair déchire le ciel pourtant sans ombres quelques minutes auparavant. Susceptibilité des divinités.

- Voilà que tu nous as vexé ton père.

Travis hausse des épaules. Il n'est plus à ça près.

- Il est peut-être juste en colère que tu me racontes son histoire.

- Son histoire ? Mon histoire. S'il a un problème qu'il descende me le dire, je l'attends.

Elle regarde le plafond, comme si Hermès allait descendre tout armé pour l'affronter. Comme si elle n'attendait que ça. Parfois c'est à se demander avec un caractère comme le sien pourquoi elle n'a pas séduit Arès. Hermès ne viendra pas, Hermès ne viendra plus, elle le sait. Elle chasse cette idée, elle n'a plus dix-sept ans. Et l'espace d'un instant, son fils voit ce qu'elle a pu être, avant.

- Visiblement, non, il n'a pas de soucis. Continue. Tu étais partie depuis combien de temps de chez tes parents ?

- Depuis un mois. Je ne suis pas forcément fière de ce que j'ai fait pour survivre pendant ces trente jours. Rien que d'y repenser, je... Tous les matins, se réveiller à un endroit différent, tous les matins avoir peur de se faire rattraper par la police, tous les matins avoir peur de me faire tuer par le prochain épicier que je volerais, ou pire, tous les matins avoir peur que tes grands parents me ramènent chez eux. Mais je ne me suis jamais fait prendre. Pas une seule fois. J'aurais pu me laisser enivrer, me dire que j'étais intouchable, invincible, que jamais on ne m'aurait. J'étais effrayée. Parfois, j'avais tellement peur que je n'arrivais plus à bouger. Balancez une gamine de dix-huit ans cynique et fanfaronne dans la nature, vous la retrouverez un mois plus tard totalement frigorifiée par ses propres peurs. Quand je suis montée dans la voiture que ton père avait laissé pour me piéger, je m'étais dit que c'était la dernière nuit. Je ne sais pas la dernière nuit de quoi. Je veux dire, je pouvais avoir toutes les frayeurs du monde, je ne serais jamais rentrée chez mes parents. Jamais. Pourtant, je savais que je ne pourrais pas aller plus loin. J'ai juste pensé que ce soir là c'était le bal de promo et que dans l'état d'à coté tous mes amis célébraient la fin du lycée. Qu'ils allaient rire, s'amuser, m'oublier. Et moi, j'allais mourir de froid dans une voiture mal crochetée et non chauffée. Et pourquoi tu rigoles ? Est-ce que les cellules mâle de ton père ont tellement corrompu ton cerveau que tu n'es pas capable de compatir à une histoire ? Faites des enfants qu'ils disaient ! Faites des fils, vous serez heureuse ! Tu parles. Et en plus il ne s'arrête pas de rigoler. Moi à ton age je n'étais pas aussi insolente.

- Maman, à mon age tu étais en pleine fugue ! Avant de partir tu as incendié la voiture de tes parents pour ne pas qu'ils te suivent ! Papa m'a même raconté que tu avais craché à la tête d'un policier qui avait voulu t'arrêter !

- Et alors je ne vois pas le rapport.

- Quelle mauvaise foi !

- Tu veux parler ? Il me semble que toi c'est à dix ans que tu as fugué et qu'en plus tu as pris ton petit frère avec toi.

Il y a tant de charisme et de ruse dans sa mère, que parfois il oublie qu'elle est une femme comme les autres. Une mère comme les autres. Et d'un coup, ça le frappe, elle ne lui pardonnera jamais d'être parti. De ne pas être resté. Comme son père. Il a préféré partir que de se battre à ses cotés. Il a choisi l'autre camp, celui des dieux, de la colonie. Quand elle s'énerve elle a de nouveau l'air toute jeune. Il n'a plus aucun mal à l'imaginer, la jeune femme un peu trop grande gueule, un peu trop belle, capable de faire craquer le grand Hermès à deux reprises. Il l'a toujours trouvé jolie. Tous les petits garçons trouvent leur maman bien plus belle que la princesse au prince charmant. C'est pour ça que les contes de fées ne les intéressent pas, il n'y a rien qui pourrait être aussi beau que leur maman. Mais Travis a toujours su que sa mère était vraiment belle, pas que dans ses yeux d'enfants.

Avant même de savoir qu'il était fils d'un dieu grec, avant même ça, il avait vu les regards des papas devant l'école, des clients du restaurant où elle travaillait le soir. Il détestait ce regard. Toujours le même. Sale. Comme si sa mère pouvait leur appartenir. Si elle avait daigné les remarquer, elle se serait contentée de leur cracher à la figure. Elle ne faisait même pas intention à elle, il ne l'avait jamais vu mettre de maquillage, de talons et les seules fois où il l'avait vu en robe c'était pour des entretiens d'embauche. Elle laissait ses long cheveux bruns et bouclés sur ses épaules, elle ne mettait jamais rien sur ses grands yeux bleus, peut-être, parfois, si, un peu de rouge à lèvre sur sa bouche un peu trop pulpeuse. Pulpeuse. C'était un mot qui définissait bien sa mère. Malheureusement. Elle était petite mais cela n'empêchait pas d'attirer les regards sur sa poitrine et sa chute de reins. Elle avait dit une fois à une de ses amies qu'elle se trouvait trop grosse. Travis aurait voulu qu'elle soit moins belle, moins dangereuse pour elle même. Il aurait eu moins peur le soir à la colonie en l'imaginant rentrer seule dans leur petit appartement. Sans défense. Il a encore envie d'exploser de rire, imaginer sa mère sans défense en y repensant c'est comme imaginer sa mère regrettant le bal de promo.

- Excuse-moi, je pensais juste que tu n'étais pas vraiment le genre de fille à aller à un stupide bal de fin d'année.

- Tu as dix-huit ans Travis, tout te semble stupide. J'étais comme toi. Pourtant tu devrais comprendre mieux que moi à l'époque, tu en as perdu des amis dans cette guerre, si on te proposait de tous les revoir, même autour d'une soirée idiote avec des ballons, tu dirais oui, non ?

- Oui. Ils te manquaient tant que ça ?

- Pas autant que tu m'as manqué quand tu es parti, mon petit. Mais ils étaient tout ce que j'avais connu, tout ceux que j'avais connu. Et ce que je vivais à ce moment présent, je ne voulais pas le connaitre, le reconnaitre. J'aurais voulu être chez moi, mais je n'avais pas de chez moi. C'est à ce moment là que ton père est rentré dans la voiture. Il a mis le contact, m'a souri, tu sais de ce sourire que vous avez tous, vous ses enfants, puis il a démarré. Sans dire un mot.

- Tu avais peur ? Il était sous quelle forme ?

- Tu me demandes si moi Alexa Alatir j'avais peur ? Tu pourrais arrêter de m'insulter mon garçon. Je n'avais peur de rien. Je me disais qu'au prochain feu rouge, je n'avais qu'à descendre de la voiture. Dans l'action, je n'ai jamais peur. Je crois que tu es un peu comme moi pour ça, non ? Tu penses juste à la prochaine bêtise que tu vas faire pour t'en tirer. Il était sublime.

- Ils le sont toujours, grand et beau et sublime.

Elle éclate d'un rire silencieux. Il la dépasse de vingt centimètres maintenant, mais quand elle rit comme ça, il se sent toujours tout petit. C'est la chose à laquelle il s'interdisait de penser quand il a pris la route avec Connor, le rire de maman. Il serait rentré en courant.

- Tu as raison, mon chéri. Il devait avoir vingt ans. Grand, blond cendré, une dégaine de surfeur analphabète et flambeur. Pas du tout mon genre. Une barbe de trois jours, une musculature ridiculement parfaite et d'immenses yeux bleus clairs. Rien d'un vagabond, rien d'un voleur, rien d'un voyageur, tout du jeune premier. Le genre de quaterback décérébrés que j'adorais embêter au lycée.

- Cela ne te gênait pas qu'il ne parle pas ?

- Je pensais que c'était un malade ou un de ces jeunes riches sous ecstasy incapable de se rendre compte de ce qui se passait devant eux ou sur la banquette arrière.

- J'ai toujours adoré la façon dont tu vois le meilleur chez les gens.

- Ah que veux tu, si tu ne crois pas au vice, tu ne sais pas t'en servir. Je sais que toi tu préfères les gentilles filles.

- Quoi ? Non. Je ne prefere personne. De quoi tu parles ? Qu'est ce que Connor t'a raconté ? Je vais le tuer.

- Laisse ton petit frère en dehors de ça, je suis entrain de te raconter une histoire.

- Voilà, ça attire l'attention d'un dieu une fois et ça y est ça se croit déesse de la parole.

Elle lui tape le dessus de la tête, comme quand il était gosse. Il sera toujours son sale gosse. Comme quand les maitresses le grondaient et qu'il voyait l'éclair de fierté dans son regard. C'était son fils à elle. Son chenapan. Son brigand. Elle ne savait pas encore qui était son père.

- Deux fois. Ne minimise pas mon charme divin, veux-tu.

- Et donc tu es montée dans une chambre d'hôtel avec un parfait inconnu ? J'arrive pas à croire que je pouvais t'écouter des heures me faire la leçon parce que je sonnais à la porte des voisins et m'enfuyais en courant alors que toi tu as été assez inconsciente pour faire un truc pareil. Je comprends que tu me racontes tout ça que maintenant.

- Je ne l'ai pas suivi sans rien dire !

- Il ne t'a pas enlevé quand même ? Il s'est changé en aigle et t'as pris sur ses ailes ?

- Je ne m'appelle pas Emilie-Jolie, merci. En plus si ça avait été le cas j'aurais pas mis dix ans à comprendre que c'était un dieu. J'ai peut-être jamais eu mon bac, mais je suis pas si débile que ça.

- Tu es la personne la plus intelligence que je connaisse, maman.

Elle lui sourit. Il sait qu'elle sait qu'il ne ment pas. Il le pense vraiment.

- Oui mais ça mon chéri c'est parce que pour toi l'intelligence rime avec ruse, farce et roublardise. Dans ce sens, oui je suis la personne la plus intelligente que tu pourras jamais rencontrer. Je l'admets. Non, je l'ai suivi dans la chambre d'hôtel parce que quand il s'est stoppé devant le grand bâtiment il m'a dit : "Bon, regarde les choix que tu as. Soit, tu dois encore voler une voiture ce soir et tu dors très mal, en plus les flics finiront surement par t'attraper au matin, soit tu montes avec moi, tu prends le risque que je m'attaque à toi, sauf que si j'ai bien remarqué tu as un couteau dans ton sac et un autre dans ta poche, tu sembles plus bagarreuse que moi et tu as l'air du genre à ne pas aimer les petits prétentieux du coup tu me planterais sans regrets. En un sens, c'est moi qui prends un risque en te faisant monter par excès de générosité. Bien sur, tu peux jouer l'outragée qui ne veut pas d'hospitalité. Fort bien. Mais si je te dis les mots : douche chaude, lit douillet, eau potable. Ta fierté tu en fais quoi ?". Alors, je l'ai attrapé par le col et je lui ai dit qu'au moindre coup tordu je défigurerais son joli petit visage bien propre et qu'il verrait ce que c'est ma fierté. Après je suis montée.

- Et il n'a rien dit ?

- Tu connais ton père, il est comme toi, il a juste retenu que j'avais dit qu'il avait une belle gueule.

Il lui sourit, l'air d'un coup absent. Il voit qu'elle ne comprend pas vraiment son comportement. Elle lève un sourcil, interrogateur.

- Heu... maman... c'est juste que tu vois, ce n'est pas nécessaire de me raconter la nuit de ma heu conception, tu vois ?

- Mais on n'a rien fait cette nuit là, voyons, pour qui tu me prends.

- Tu m'excuseras ça ne ressemble pas trop à ce que font les dieux dans les histoires que j'apprends au camps !

- En plus, je ne vois pas ce que tu voulais que je fasse l'estomac vide, puant la fille des rues, totalement épuisée et pleine de saleté. J'aurais juste pu...

- Maman !

- Oui, d'accord. C'est bon. On a juste parlé cette nuit là, mère Thérésa. Connor m'avait bien dit que ta copine était une prude, je savais que tu étais du genre influençable.

- Connor t'a dit quoi ? Je n'ai pas de copine.

- Ah ouais et cette fille de la déesse de la terre ?

- C'est pas de ça dont on parlait, d'ailleurs de quoi vous vous avez parlé cette nuit là.

- May Castellan. Principalement.

- La mère de Luke ?

- La mère de ton ami Luke, oui, mais ça tu te doutes bien qu'il s'était gardé de me le dire.

- Mon frère Luke.

- Si tu veux.

C'était quelque chose que Travis avait dû souvent se demander les cinq derniers années : est-ce qu'il voulait que Luke soit son frère ? Les fils d'Hermès étaient voleurs, charmeurs, voyageurs, blagueurs, voyeurs. Mais ce n'étaient pas des traites. Et ça serait mentir de dire qu'il n'avait pas souffert du fait d'être le petit frère du plus grand traitre demi-dieu qu'on n'avait jamais vu. Même Katie avait pensé qu'il pouvait être lié à ce coup tordu. Même Katie. Pourtant, oui, Luke restait son frère. Même mort Luke restait son frère. Il avait voulu tous les tuer, anéantir les dieux, l'occident, mais c'était son frère. C'était la personne qui l'avait accueilli à la colonie, qui lui avait expliqué comment charmer les filles, qui lui avait même appris à séduire les plus jolies, qui lui avait appris à se battre contre leur maris. Luke était mort en héros, de toute façon. Pour Travis, il n'avait jamais cessé de l'être.

Après la bataille Percy lui avait expliqué que la mère de Luke était devenue folle en voulant devenir oracle alors qu'elle n'était pas destinée à l'être. Ou quelque chose comme ça. Hermès ne pouvait pas s'occuper de Luke. Il était rentré en rage contre ces dieux qui non seulement l'avait abandonné mais en plus avait rendu sa mère folle. Il fallait le comprendre, l'excuser. Percy peut penser ce qu'il veut penser. Lui il connait Luke, bon, bien sur, il a toujours eu ce coté un peu colérique, mais au fond, c'est un grand farceur. Il n'était pas là quand il est mort. Mais il l'imagine très bien : "vous pensiez que j'étais le méchant ? Ahahahahaha ! Eh bah non, je vous sauve tous. Rendez-vous aux Champs Élysées, looooosers ! Enfin, si vous mourez avec autant de classe que moi". Luke était un vrai farceur et sauver le monde avait été sa plus grande blague.

- Donc papa, lors de votre premier "rendez-vous" t'a parlé de son ex ? Et Connor dit que je n'ai pas de tact avec les filles.

- J'ai trouvé ça plutôt mignon en fait.

- Imaginons qu'une fille me plaise, c'est que de l'imagination maman, arrête de sourire, donc j'aurais juste à lui parler de mes ex-copines et voilà ?

- Déjà, je ne suis pas sure que moi, ta mère, je pourrais t'entendre parler de tes nombreuses conquêtes, dont j'espère le nombre est largement exagéré par ton petit frère, sans m'évanouir d'ennui. Ensuite, non, tu as raison c'est un total manque de tact. Mais la façon dont il en a parlé, bien sur, il ne m'a pas raconté la vraie histoire, juste, il m'a touché. Il était vulnérable. Je crois que je me suis un peu vu en lui. Je me suis dit que ce n'était pas un hasard qu'il me trouve, finalement. Qu'on devait se rencontrer. J'étais la première mortelle avec qu'il avait une aventure depuis May, tu sais.

Elle a dit ça avec une once de fierté. A Travis, ça lui fend le cœur. Il avait toujours cru que sa mère était au dessus de tout cela, au dessus d'Hermès. Elle ne s'est jamais sentie plus grande juste parce qu'elle avait séduit un dieu, au contraire, ça semblait juste l'ennuyer de ne pas avoir de père régulier et réglementaire pour ses enfants. Elle avait tant rêvé qu'ils aient la stabilité qu'elle n'avait jamais pu avoir. Pourtant, là, dans sa voix, il le sent, autre chose que du ressentiment, un gout d'avant. Il comprend. Il y a longtemps, elle a été amoureuse sa maman.

- J'ai deux ans de moins que Luke, c'était un an et demi après, c'est bien ça ?

- Oui. En temps humain c'est pas grand chose, alors tu dois te dire que sur les milliers d'années de la vie d'un dieu, c'est juste un battement de cil. Mais quand tu sais le nombre d'aventures qu'ont les dieux, avec leur pouvoir d'être à plusieurs endroits à la fois, sous plusieurs formes, ça prend tout son sens. Je crois que ce qui était arrivé à May avait vacciné ton père contre les amours mortels.

- Toi, tu as attiré son attention, à nouveau.

- J'étais jeune. Hermès protège les jeunes gens. Je voyageais. Hermès protège les voyageurs. Je volais. Hermès protège les voleurs. Je charmais. Hermès protège les charmeurs. J'étais insolente. Hermès bénit les insolentes. Ce que je faisais ne pouvait qu'attirer son attention, tu vois.

- Tu sais maman, tu n'étais pas la première jeune voyageuse volant et charmant avec un petit soucis pour tenir sa langue. Ce que tu faisais n'était pas si original. Ce n'est pas pour ce que tu faisais qu'il est venu, mais pour ce que tu étais.

- Tu crois ? Je ne sais pas, on ne saura jamais.

- Moi je sais. Il me l'a dit. Après la bataille, quand Luke est mort, il est venu me voir, il a dit que d'autres de ses enfants allaient venir au camp et qu'il fallait que je m'en occupe, que j'étais son nouvel ainé. Je lui ai promis que je le ferais. Ensuite, il a rigolé, il a dit que j'avais pas besoin de promettre, qu'il me faisait confiance. Il a ajouté que je m'étais toujours bien occupé de toi et que même lui n'avait pas su le faire. Il a dit qu'il était fier de moi parce que j'avais toujours su à quel point tu étais précieuse. Il n'a pas dit que tu faisais quelque chose de précieux, il a dit que tu étais précieuse. C'est un voleur de grand chemin, il ne se serait pas déplacé pour quelque chose sans valeur.

Elle a les yeux humides. Il sait qu'elle ne pleurera pas. Elle est touchée, il réalise qu'il ne lui a jamais vraiment dit qu'il l'aimait. Ce n'est pas comme ça qu'elle l'a élevé. Il n'a jamais manqué d'amour, jamais. Mais il ne sait pas vraiment comment le montrer. Il se demande s'il est plus comme sa mère ou son père. Au fil de cette histoire, il commence à comprendre, son père et sa mère se ressemble bien plus qu'il ne l'aurait jamais cru.

- Arrête de m'interrompre dans mon histoire, Travis ! Donc, il m'a parlé de May. Je lui ai parlé de ma mère. Il m'a parlé de ton grand-père Zeus. Je pourrais t'en raconter des belles, mais je n'ai pas envie de mourir foudroyée. Tu sais ton père a beau être le dieu des menteurs, j'ai toujours su voir clair quand quelqu'un cherchait à me tromper. Je crois que c'est ce qu'il m'a le plus intrigué chez lui, je savais qu'il me mentait mais pas vraiment. Je ne pouvais pas démêler le faux du vrai. J'étais déjà sortie avec un mythomane qui ne savait pas ce qu'il disait et vivait dans son monde, un espèce d'accro à l'héroïne et aux jeans noirs, Hermès soit loué, cet idiot aurait pu être ton père. Mais lui, c'était différent, il me mentait consciemment et je le voyais, pourtant, sa souffrance elle était réel. Je crois que quand il me parlait de l'amour qu'il avait eu pour cette femme, je me disais qu'avec de chance, il pourrait m'aimer un peu comme ça rien qu'un peu.

- T'avais pas besoin de lui. Je veux dire à part pour l'argent et le shampoing, mais sinon t'avais pas besoin de lui. Tu t'en es très bien tirée quand il est parti. Tu es une Alatir, ton charme, ta génialitude et ta cool-attitude font tout le boulot.

- Travis, tu sais bien qu'on aurait pas cette discussion toi et moi si notre charisme suffisait à nous rendre heureux.

- Mais je suis heureux !

- Pour l'instant, parce que tu ne sais pas ce qu'est le bonheur. Tout simplement. Bref. Tu comprendras dans un instant. Je ne voulais pas emménager avec lui. Je ne lui faisais pas confiance, je ne connaissais rien de lui, je ne voulais rien de lui. L'équation était simple. A part, peut-être, sa présence. Je dormais dans sa voiture. N'importe qui dirait que je déplaçais le problème, mais toi tu sais, si je ne dormais pas dans ses draps, je ne lui appartenais pas. J'ai pu trouvé un petit boulot dans le sud du New-Jersey, les restaurants m'appelaient pour faire des extras. Ton père m'emmenait dans des endroits sublimes, mais je n'en démordais pas, le soir je dormais sur la banquette arrière pendant qu'il allait je ne sais où et le matin j'allais à mon job du jour. Finalement, j'ai mis assez de coté pour pouvoir payer la caution d'un studio. Il était temps, j'étais enceinte de deux mois et mon dos n'aurait pas supporté une nuit de plus sur un siège de voiture.

- Tu étais enceinte de moi ?

- Non, du pape. D'ailleurs ça fait de moi une sainte, ou quelque chose comme ça.

- La phrase consacrée c'est "sainte priez pour nous", pas "sainte pillez pour nous", tu sais ! Papa a pris comment la nouvelle de ta grossesse ?

- Je ne lui ai pas dit tout de suite.

- Tu avais peur qu'il te laisse ?

- Pas peur, mais je n'en avais pas envie, tu vois. Je me disais qu'il était toujours aussi fou de May. Quoiqu'il ait pu te dire, j'étais la fille de rebond. J'étais celle qui servait à le soigner et qui lui permettait d'aller vers de nouvelles conquêtes. Même s'il avait été mortel, ton père et moi, ça n'aurait jamais duré. Juste, je n'avais pas envie que tu grandisses sans père. Peine perdue, tu me diras !

- C'est le dieu des communications, il n'aurait pas du le savoir directement ? Savoir tout tout de suite, c'est un peu son job à plein temps.

- Je crois que ton père sait tout ce qu'on dit, murmure ou hurle. Or, je n'avais dit à personne que j'étais enceinte. En plus, comme la nature (c'est qui votre déesse qui dessine les corps, en passant ? J'ai deux trois mots à lui dire.) m'a fait plutôt hum en formes, cela ne s'est pas vu tout de suite. J'ai fini par lui dire, comme ça, un soir, devant la télé. Je pensais qu'il allait s'en aller. Il m'a serré dans ses bras et m'a demandé comment je voulais t'appeler. Tout allait bien.

- Il est resté pendant ta grossesse ?

- On ne vivait pas ensemble. Je le voyais au moins deux fois par semaine, il disait être souvent en déplacement. Je trouve le terme drôle en y repensant. Mais il s'occupait bien de moi et je n'en voulais pas plus. Je ne voyais pas l'intérêt d'avoir plus de bribes d'un homme qui ne serait jamais tout à fait à moi.

- Tu étais plus sage que je ne le serais jamais.

- Tu as mes lèvres, mes pommettes, mes grains de beauté, mes boucles chocolats et mon sens du sacrifice, Travis. Ne te sous-estime pas.

- Tu vois c'est ce que je dis à chaque fois aux filles ! Je suis beau, c'est normal, je ressemble à ma maman. Et elles pensent que je suis prétentieux.

- Bande d'idiotes. Tu étais tellement beau quand tu es né, que j'ai su ce qui allait se passer. Ton père n'allait pas me laisser tranquille. Il n'allait pas me laisser t'élever dans un ridicule studio moisi. Il voudrait le meilleur pour toi. La perfection pour la perfection. Et ce fut le cas. On a emménagé ensemble.

- Un type bien papa, toujours dit à Luke, jamais voulu m'écouter.

- Je l'ai écouté. Je l'ai suivi. Pour toi. Je me suis dit que moi je pouvais bien ne pas être une femme entretenue et tout ça, mais que mon honneur c'était rien face à toi. On a joué la parodie de la parfaite petite famille. Le soir, je mettais une jolie robe, je lissais mes cheveux et je mettais la table. On mangeait ensemble et on te regardait froncer tes sourcils et penser à quelle bêtise de bébé tu ferais dès qu'on aurait le dos tourné. Et puis, ton père a recommencé avec ses déplacements, il ne rentrait que le week-end. Il était toujours pareil, léger, heureux, détendu. On parlait des heures, on se foutait du monde et je ne voyais pas que le monde se foutait de moi.

- Tu étais amoureuse ?

- J'étais amoureuse.

- Ça craint.

- Grave. Enfin, non. Tu sais, j'étais tellement heureuse.

- Et puis il est parti.

Il la sent la rage monter, agripper sa gorge, tout saccager. Ils partent toujours. Il est parti. Et sa mère s'est retrouvée dans un appartement miteux avec deux enfants à jongler entre plusieurs travail et obsédés sexuels, pendant que monsieur se nourrissait d'ambroisie et de nectar.

- Tu te moques de moi ? Je l'ai foutu à la porte.

- Tu as foutu un dieu à la porte ?

- Oh ça va, il est dieu des vagabonds, il pouvait retourner vagabonder dehors. On va pas le plaindre non plus.

- Moi, j'aurais dit un truc pareil, il nous aurait balancé des éclairs de l'Olympe.

- Mon petit, je suis bien plus effrayante que toi. C'était peu après la naissance de Connor, tu avais quoi, deux ans ? Je devenais folle. Je ne savais pas ce que ton père faisait comme travail mais il venait toujours avec les mains pleines d'argent. Je ne comprenais pas d'où ça venait. Je refaisais les mêmes cauchemars que pendant ma fugue, les policiers venaient et l'embarquaient. Et ils vous prenaient avec eux. C'était atroce. Avant, je n'avais que moi à perde et je ne savais pas où j'étais. Mais maintenant que je vous avais tous les deux, je ne voulais plus jamais, jamais, jamais vivre sans vous. Tu sais, c'est un cadeau à double tranchants que m'a fait ton père. En me sortant de la rue et en m'offrant une vie de femme honnête, il m'a appris des valeurs que j'avais toujours négligé. Il m'a fait prendre conscience qu'on ne pouvait pas vivre ainsi, d'adrénaline et de vol à l'étalage. Or, en y repensant, étant divinité des voleurs et des truands, en faisant de moi une femme respectable, on se quittait à jamais. Un soir, il est rentré, avec son sourire à vingt mille dollars, la même somme dans les mains, ses grands yeux bleus, sa cicatrice sur le menton et son allure de dieu grec, je l'ai regardé dans les yeux et je lui ai dit de dégager. J'ai ajouté : Non, tu sais quoi, mieux je me casse. Je ne veux plus jamais te revoir. Toi et tes activités, je ne vous veux pas à moins d'un kilomètre de mes enfants. Tu prends ton fric et tu quittes la ville, tu quittes l'état. Je veux pas savoir que ce que tu fais, parce que si un jour on vient m'interroger, j'aurais pas à mentir pour te sauver. Alors on fait ça, moi je vais pas voir les flics et toi tu t'approches plus jamais de mes mômes et moi. Il m'a regardé avec tant de tristesse dans les yeux , il avait l'air d'avoir trois mille ans, et puis il a souri. Il a posé l'argent sur la table, t'as serré dans ses bras, une fois, deux fois, j'ai cru qu'il ne te lâcherait pas, il a embrassé Connor sur le front et il est parti. Deux heures plus tard, on était dans un motel à l'autre bout de l'état.

Elle a l'air vidée. Comme si de raconter tout cela ça l'a désincarnée. Pourtant, il y a cinq minutes, quand elle disait danser avec Hermès, elle avait l'air si jeune, si heureuse.

- Il aurait pu te dire qu'il était un dieu et te garder auprès de lui plus longtemps.

- Après ce qui était arrivé à May ? Je ne suis même pas sure que ton père dise à ses nouvelles conquêtes qui il est vraiment, encore aujourd'hui. Ça l'a traumatisé cette histoire. Et puis, tu sais, prendre l'argent qu'il a laissé c'est la dernière chose irréfléchie que j'ai faite. C'est ce que je te disais, je n'étais plus sous sa bénédiction. J'avais grandi avec lui, mais séparément.

-Maman.

- Oui ?

- Je suis désolé.

- Ce n'est pas ta faute voyons ! Connor et toi vous êtes la meilleure chose qui me soit jamais arrivée. Vous êtes la seule bonne chose qui me soit jamais arrivée. Avec Hermès, bien sur.

- Justement, je suis désolé d'être parti avec Connor cette nuit là. Tu as du tellement... et tant... Enfin... Je ne m'étais jamais excusé, mais...

Il se souvient, il a des flash. Les monstres qui venaient de plus en plus souvent. Maman qui ne les voyait pas. Maman qui les emmène chez un psy. C'est une cyclope. Puis une autre. C'est un lynx. Maman qui renonce aux psys. Maman qui les regarde avec déception et incompréhension. Les parents qui les regardent avec appréhension. Le monstre de trop. La fuite en pleine nuit. La marche jusqu'à Long Island. Le satyre qui les protège. La main de Connor dans la sienne. Fermement accrochée. L'appel à maman. Être un demi-dieu. Voir maman dans l'Iris message. Le visage plein de larmes. La voix qui tremble. C'est maman mais on ne dirait pas maman. Maman qui ne parle pas. La voir venir jusqu'aux limites magiques de la colonie pour leur déposer leurs affaires. Maman qui a du manqué deux jours de travail. Maman comment tu vas manger ? Sois sage, Travis, prends soin de ton petit frère et fais plein de bêtises. L'arrivée de Katie. Le soulagement. Noël avec maman. Le silence. Et puis la tape sur la tête. Maman est redevenue maman. Maman est toujours en colère et le sera toujours.

- Ne t'excuse pas, je ne t'excuserais jamais. Mais surtout je ne me pardonnerais jamais. J'aurais dû savoir que vous étiez différents. J'en ai tellement voulu à ma mère de ne pas me croire enfant, quand on me faisait, enfin, ces horribles choses. Et moi, je n'ai pas cru mes propres enfants. J'aurais dû vous protéger. Savoir que vous ne mentiez pas. Pas à moi.

- Tu ne pouvais pas savoir, tu ne pouvais pas prévoir.

- J'aurais dû. Mes parents ne m'aimaient pas beaucoup, mais moi je vous aimais, je vous aime tellement. Tu ne devais rien comprendre et Connor... Je...

- Connor ? C'est pas le plus futé de la famille, hein. Donc bon, comprendre des trucs. Tant que tu lui donnes des gâteaux, tout va bien.

- Arrête de parler de ton frère comme ça, en plus il a augmenté ses prix. Si tu savais combien de pots de beurre de cacahouètes ça m'a couté pour obtenir le prénom de Katie et savoir qui était sa mère, tu serais choqué !

- Mais attends une minute, ça veut dire que Connor n'est pas le premier à t'avoir dit que j'avais embrassé Katie ?

- Je le savais ! Tu l'as embrassé ! Connor n'a pas voulu me le confirmer ! Je le savais. Je lui ai bien dit que j'avais pas perdu la main.

- A qui maman ? Tu me fais peur. Qui t'a raconté tout ça ?

Elle hausse les épaules.

- Bah ton père, évidemment !

- Papa ?"

Mais qu'est ce que son père peut bien avoir à faire avec sa vie sentimentale ? En avoir à faire. Sincèrement. Maman ne répondra pas, elle est déjà loin.


Elle n'en peut plus, elle a l'impression d'étouffer. Pourtant elle a l'habitude de la fournaise de la cuisine, des clients aux mains baladeuses, de l'exigence de son boss, pour chacun elle a un mot malin et une baffe à porter de main. Mais ce soir elle n'arrive plus à respirer, de sa poitrine imposante à la courbe de ses hanches, elles se sent enfermée, elle n'arrive plus à respirer. Elle n'a pas dormi de la nuit. L'angoisse la prend à la gorge. Elle a fait ce rêve atroce. Connor et Travis. Ils sont en danger, elle le sait, elle le sent. Cet ouragan qui bouleverse les États-Unis, il va s'en prendre à eux. Ne lui demandez pas comment, mais elle le sait. Elle est leur mère, après tout. Elle a fait ce cauchemar horrible. Ils se battaient dans les rues de Manhattan contre des formes floues. Ils explosaient de rire, déments, à chaque fois qu'une des ombres explosaient. Puis tout d'un coup, Connor est tombé, son t-shirt imbibé de sang. Elle sentait le froid le prendre, son tout petit. Il a toujours eu trop chaud, mais là elle le sait, si elle pouvait le toucher, il serait glacé. Travis était au dessus de lui, pendant qu'une fille éloignait les ombres en appelant à l'aide. "Connor, Connor reste avec moi, voilà, reste avec moi. Katie va appeler un enfant d'Apollon, ils vont te ramener du nectar, tout va aller bien. Ce n'est rien. Connor. Reste avec moi. Arrête, ce n'est pas drôle. Reste là." Travis plaque ses mains sur la blessure, ne prend pas la peine de chasser ses larmes, Connor se fend d'un sourire. Pas le dernier, je vous en prie, pas le dernier. Hermès, pas mon fils. "Travis, tu es juste jaloux parce que je vais aller aux Champs Élysée avant toi, je vais te voler la meilleur place. Tu vas mourir au fond de ton lit alors que je serais mort en guerrier. Les filles vont m'adorer." Travis soupire : "Si tu as besoin de ça pour que les filles t'adorent, c'est que tu es une cause perdue. Un gosse perdu, comme dirait maman." Un éclair traverse leurs regards bleu, si similaire. Connor reprend : "Maman. Maman va trop te tuer si tu me laisse me faire tuer. Elle va te tuer tellement fort que tu vas mourir. Tu seras le pire héros de la terre, tuer par sa mère." Travis acquiesce inquiet : "Raison de plus pour ne pas crever espèce d'enfoiré. Will arrive. Il va te soigner." Connor rigole, mais la douleur le reprend, il n'y arrive plus : "Tu vas laisser Will Solace me soigner ? Tu sais que ça voudra dire qu'il m'a sauvé et que ça sera lui le héros aux yeux de Katie !" Travis regarde derrière lui sans lâcher la pression sur l'abdomen de son petit frère. Katie. Grande. Châtain clair. Regard bleu ciel. Très maigre. Visage rond. Bouche en cœur. Fossette sur le menton. Choix acceptable. Mais Travis, elle le sent, voit plus que ça. Il hausse les épaules : "Comme si j'en avais quelque chose à faire de Katie Gardner. Tant qu'elle se fait pas tuer. Avec qui elle sort, c'est pas mes affaires. Toi, par contre, si." Will arrive à ce moment. Alexa n'est pas rassurée, ce jeune homme à le visage rempli de cicatrices, s'il ne peut pas se soigner lui même, il ne pourra pas soigner son fils. Après ça elle s'est réveillée, elle ne s'est pas rendormie. Elle ne se rendormira sans doute jamais. Pas avant de savoir comment vont ses enfants. Elle a tenu à venir travailler aujourd'hui parce qu'elle veut les emmener en vacance quand ils rentreront à noël. Elle doit économiser. S'ils rentrent. Elle doit travailler, essayer d'oublier. Ce n'est qu'un mauvais rêve. Rien leur est arrivé. Tout va bien aller. Elle doit respirer. Juste respirer. Inspirer. Expirer. Elle n'y arrive pas. Une main chaude se pose sur son épaule.

Hermès.

Il a eu le bon gout de prendre un age similaire au sien, comme si le jeune homme de vingt ans avait fait place un bel homme de bientôt quarante. Comme s'il était un ex comme les autres. Refaisant surface. Elle a toujours l'air d'avoir quinze ans à coté de lui, dans son uniforme de serveuse, la bouche seulement de maquillée, ses cheveux lâchés. On dirait une gamine. Comment il disait ? Une baby doll.

"Qu'est ce que tu veux ?

- Moi aussi je suis très heureux de te voir Alexa ! Tu es sublime, comme toujours.

- Tu sais quoi, je m'en fous de ce que tu me veux, en fait. Rentre sur ta montagne.

Elle ne le regarde plus et va préparer les petits pains pour faire les sandwichs du service de soir. Mais elle sent son sourire dans son dos. Elle pourrait désarçonner n'importe qui, mais pas lui. Il ne bouge pas. Il reste là à sourire. Elle va le gifler.

- Tu vas vraiment rester là à me regarder ? Si tu veux me parler, rends toi utile, je sais pas moi, marie les ketchup, apporte moi la salade. Cette pièce a déjà assez de colonnes, t'as pas besoin de soutenir les murs.

Elle marmonne quelque chose sur les hommes et leur inutilité pendant qu'il retrousse les manches de sa chemise en lin et se met au travail en riant.

- Tu n'as pas bien dormi n'est ce pas ?

- Oh tu sais, on n'a pas tous la chance de dormir sur un lit de nuages, mais ça va merci, mon sommeil se porte mieux depuis que je ne suis plus obligée de dormir dans des voitures.

- A la bonheur. Pourquoi tu ne me demandes pas ?

- Pourquoi tu es aussi nul en mariage de ketchup? Je voulais le faire, mais tu sais, vu que t'es une sorte de relique grec avec des supers pouvoirs et tout, j'avais pas envie que tu le prennes mal et me carbonise.

- Et tu penses que je vais mieux prendre le fait que tu me traites de relique.

Elle écarte les bras dans un geste dramatique et rejette sa longue chevelure brune en arrière, ferme les yeux et puis sourit.

- Tu vois, je n'ai pas été foudroyée, ça a donc l'air de passer.

- Tu me fais rire. Mais toi tu n'as pas trop envie de plaisanter, non ? Alors pourquoi tu ne me demandes pas s'ils sont encore en vie.

Elle perd son sourire. Il regretterait presque d'avoir introduit le sujet. Il aurait pu rester là à l'écouter le chambrer toute la journée. S'il est un peu brutal, c'est pour lui aussi, pour ne pas se laisser tenter à trop rester, il a des milliers de choses à faire – comme toujours. Il n'a pas de temps à perdre. Il a beaucoup de choses à lui dire.

- Ce que j'ai vu hier, c'était réel ? Est-ce que je commence à voir des trucs de votre monde ? Tu sais comme... Connor, mon Dieu, Connor, est-ce qu'il va bien ?

- Oui. Non. Oui.

- C'est normal, c'est mon fils. Ce n'est pas comme si un coup de griffe allait le tuer. Toujours su que ce gamin allait mourir au volant d'une voiture volée à l'age de 85 ans. Je n'envisage pas son futur autrement. Merci d'être venu me rassurer, mais tu fais un terrible travail, tu peux t'en aller.

Il la met mal à l'aise. Elle n'aime pas son sourire. Il est trop charmeur. Elle n'aime pas ça.

- Je t'ai envoyé cette vision pour autre chose en fait...

- C'est toi qui m'a envoyé une vision de mon fils aux portes de la mort ? Tu veux que je te tue ?

- Tu peux toujours essayer, ça ne serait pas la première fois d'ailleurs, mais la dernière fois que j'ai vérifié avec papa, j'étais toujours immortel.

- Oui, mais mes fils non. Alors la prochaine fois tu bouges tes jolies petites fesses de Dieu, mon chéri, et ta guerre tu vas la faire tout seul. Je t'ai pas donné deux enfants pour que tu m'en fasses de la chair à canon.

- Tu sais très bien que je ne peux pas.

- Ah oui, c'est vrai vous ne pouvez pas mener vos batailles tout seuls. Quels grandes divinités vous faites !

Le ciel est déchiré par les orages. Hermès les regarde inquiet.

- Alexa, fais attention à ce que tu dis. Ma famille n'a pas le même amour pour l'insolence que moi.

Elle le fixe, les yeux vides, hausse les épaules.

- Qu'est ce que j'ai à perdre, de toute manière ?

- Mes fils.

- Tes fils. Ils se sont battus pour toi hier, ils ont failli mourir pour toi, ils t'ont rejoins toi. Je ne vois pas très bien à quoi une mère mortelle leur sert.

- Dis ça à Travis, tu vas voir ce qu'il va te servir.

Elle sourit de toutes ses dents à la mention de son ainé. Il va rentrer. Ils vont rentrer. Elle le savait tout va bien se passer. Hermès, lui, ne sourit plus. Elle pose sa main sur la sienne, un instant. Il la regarde comme s'il n'était pas sur de ce qu'elle était entrain de faire, puis elle murmure :

- Et toi, qu'est ce que tu as perdu ?

- Luke.

- Le fils de May ?

- Après tout ce temps tu te rappelles toujours de son prénom ?

- Quand on est une fille qui sert à rebondir, on se souvient toujours du prénom de celle qui a fait tomber.

- Tu penses que c'est tout ce que tu étais ?

- Tu arrives dix sept ans trop tard pour me faire de grandes déclarations fumantes. J'appréciais que tu ne le fasses pas avant, ne commence pas aujourd'hui. Merci.

- Je n'avais jamais eu deux enfants avec une mortelle avant toi, tu le sais ?

- Oh, tu m'en vois flattée. C'était une telle joie d'élever deux enfants hyperactifs, voleurs, avec le pouvoir d'enjôler tout le monde, manipulateurs et perturbateurs toute seule. Une bénédiction !

- C'est toi qui m'a jeté !

- Comme si tu allais resté ! De toute façon, je n'étais pas ironique. C'était une joie. Aussi nul que tu sois, tu es la meilleure chose qui me soit arrivée !

Elle a dit ça en criant, sans même s'en rendre compte. Elle espère que son patron ne va pas venir voir ce qui se passe. Elle n'a pas envie d'avoir à expliquer pourquoi un sosie de Brad Pitt est entrain de préparer des hamburgers avec elle.

- Tu aurais pu te remarier. Refaire ta vie.

- Je n'en avais pas besoin, j'avais déjà une vie. Tu ne l'as pas ruinée, tu ne ruines pas forcement la vie des gens.

- Tu peux aller dire ça à Luke, s'il te plait ?

- Il est mort tué par quelqu'un de votre camps ?

- Non, au dernier moment, il s'est sacrifié.

- Tu le savais n'est ce pas, qu'il le ferait, tu le savais ?

- Comment peux tu en être aussi sure ?

- Je le sais c'est tout. Si tu avais pensé qu'il ne le ferait pas, tu l'aurais sauvé. Tu l'aurais piégé avec une voiture volée et tu l'aurais remis sur les rails. C'est quelque chose que tu fais.

- Déjà quand je t'ai rencontré, je savais comment il allait terminer, tu vois, tout savoir de ses enfants, ce n'est pas toujours bon. Ce tout petit. J'ai dû l'abandonner, parce que je savais ce qu'il allait donner. Sa vie. Pour nous tous, après ce qu'on a fait à sa mère, à Thalia et même à Percy, tiens. Je ne sais même pas où il a pu puiser tout son honneur. J'ai pensé, que peut-être, il aurait dû tous nous laisser brûler.

- Je crois que ça vous dépassait un peu ? Si j'ai bien compris ce que Connor m'a expliqué, si Luke et Cronos avaient gagné, c'est toute l'humanité qui aurait été éradiquée. Il a peut être réalisé que ça n'en valait pas la peine.

- Il est mort en pensant que je ne l'aimais pas.

Il a dit ça comme si c'était pire que tout, pire que le monde en flamme, que de combattre un ouragan, que d'avoir des fils qui mouraient, comme si crever sans amour, c'était pire que tout. Il fait ses trois mille ans. Tout pile.

- T'es vraiment qu'un gros bébé !

- Je te demande pardon ?

- T'es pas sensé avoir des chaussures qui volent et qui te permettent d'aller partout où tu veux ? J'ai vu Hercule, tu peux faire ça.

- Tu as vu quoi ?

- Oh c'est bon, c'est pas comme si j'avais l'argent pour aller à l'université, on prend la culture d'où elle vient. Remarque, t'avais des lunettes dans le dessin animé, c'était peut-être pas fidèle. Mais si tu peux descendre aux enfers et aller dire à ce gosse que son père l'aime, fais le. Arrête de venir te morfondre auprès de tes ex amantes, c'est pas du tout viril. En plus, tu en as tellement que tu n'auras juste pas le temps. Enfin, même si je comprends toujours pas le délire d'être à plusieurs endroits en même temps, ça se trouve tu es entrain de faire une petite soeur à Luke quelque part pendant que tu me parles !

Il explose de rire. Elle sent dans son regard qu'il est venu pour ça. Elle l'a toujours fait rire. Puis il redevient sérieux.

- Et s'il ne veut pas me voir, me parler, m'écouter ?

- Tu attends.

- Mais j'ai...

- Plein de choses à faire ? Tu as laissé ce gosse vingt et un ans. Tu peux lui accorder du temps.

- Tu as raison. Tu as toujours raison.

- Merci, dis ça à tes fils, s'il te plait.

- C'est aussi pour eux que je suis ici.

- Tu m'as dit que Connor allait bien !

- Bien sur qu'il va bien, je suis venu pour Travis, en fait.

- Qu'est ce qu'il a encore fait ?

Elle demande ça distraitement en remplissant le pot de moutarde.

- Il est amoureux.

Elle a pressé le pot tellement fort que toute la moutarde a aspergé Hermès. Elle se rend compte du ridicule de la situation. L'un des douze dieux de l'Olympe est dans une cuisine miteuse à l'aider à préparer des hamburgers rassis juste pour lui parler de la vie sentimentale d'un gosse de dix huit ans.

- Tu te fous de moi ? T'es là pour ça ?

Il essuie la moutarde nonchalamment en souriant.

- J'ai perdu un fils hier. Avant de mourir, il a regardé une fille dans les yeux et il lui a demandé si elle l'aimait. Elle a répondu que non, pas comme ça. Il n'était pas amoureux d'elle non plus. Il l'a compris à ce moment. Il aurait juste voulu l'être. Il l'a été une fois, mais on lui a enlevé. Et même dans les enfers il ne pourra pas la retrouver. Et d'un autre coté j'ai Travis. Cet idiot est amoureux et ne fera rien. Alors que lui il pourrait vivre.

- Tu n'as jamais eu dix-huit ans, tu ne sais pas ce que c'est que d'être effrayé de se faire rejeter.

- Ce n'est pas ça. Il sait au fond qu'elle l'aime tout autant. Il ne veut juste pas accepté qu'il est amoureux d'elle.

- Encore une fois, visiblement, tu n'as jamais eu dix-huit ans.

- Je t'en prie, j'ai dix-huit ans depuis toujours et pour toujours. Mais lui c'est différent. Il ne veut pas être amoureux à cause de toi.

- Je te demande pardon ?

- Tu lui as tellement répété que c'était une perte de temps, que c'est ce qui empêchait toujours le héros de sauver le monde, qu'il y avait des choses plus importantes, comme l'amitié, la fraternité, la loyauté, qu'il a finit par te croire.

- Et alors, ce n'est pas faux, c'est des valeurs tout aussi importantes !

- Puis il a vu comment les garçons te regardent, de tout age, ça le dégoute. Pour lui c'est ça l'amour et il ne veut rien avoir à faire avec ça. Hier, en pleine bataille, il a cru qu'il allait mourir alors il a pris le visage de cette fichue fille de Déméter et il l'a embrassé. On aurait dit qu'il allait jamais la lâcher. Elle lui a murmuré qu'elle l'aimait. Puis il l'a regardé, on aurait cru qu'il comprenait ce que ça signifiait. Il lui a fait un clin d'œil et est parti en courant couper en deux un cyclope qui terrorisait les passants. J'ai compris que c'était tout, pour lui c'était terminé. Il ne voulait pas plus s'impliquer. Il l'aime mais il ne veut pas se mouiller. Parfois, je te jure, je me dis qu'il est trop sérieux et réfléchi pour être mon fils.

- Oui c'est ça et la minute d'après, il vole une voiture, embrasse une fille tout en lui mettant du chewing-gum dans les cheveux et décide de faire le tour du monde, du coup tu te dis que c'est bien ton gamin.

- C'est à peu près ça.

- Très bien, très bien. Je lui dirais que l'amour c'est bien, c'est cool, on s'éclate, on a bon teint, tout ce que tu veux. J'ai envie d'avoir des petits enfants un jour. Je ne comprends pas comment ça se fait que ce gamin ne m'écoute que quand je suis amère, d'ailleurs. Et ne dis pas que je suis toujours amère !

- Sinon quoi, tu m'attaques avec le ketchup ?

- C'est une possibilité.

- Tu sais que tu vas devoir lui parler de nous deux.

- Je ne sais pas si j'en serais capable. Pourquoi tu le fais pas toi ?

- Parce que je sais que j'en suis incapable.

- Tu es pas sensé être sans limites, sans peurs, sans faiblesses et tout ça ?

- Ouais mais je ne suis pas sans cervelle. Ce gosse ne m'écoutera pas. Tu sais pas ce que c'est d'avoir les enfants les plus indisciplinés de l'Olympe. Poséidon se plaint de la fougue de Percy, mais les miens pour capter leur attention plus de deux minutes, tu dois t'accrocher.

- Pauvre petite divinité.

D'un coup de main magique il fait apparaitre une cinquantaine d'hamburgers sur la table. Elle sait que ça veut dire qu'il va bientôt partir.

- Tu vas le faire ? Tu vas lui parler ?

- Tu sais bien que oui, je n'ai jamais rien su te refuser.

- C'est un bon petit. Ce sont des bons petits.

- Merci. C'est les miens.

- On est pas obligé de se les approprier, on peut dire que c'est les nôtres.

- Excuse-moi, mais quand il t'arrive quelque chose de magnifique dans la vie, tu as juste envie que ça arrive qu'à toi. Tu n'as pas envie de partager.

- Je sais, c'est pour ça que je suis content que tu ne te sois jamais remariée.

Elle fuit son regard. Il n'a pas pu s'empêcher. Il adore l'embarrasser, il adorerait l'embrasser, mais il sait qu'elle le repousserait. Il ne doit pas tout gâcher, pour Travis. Ce gamin a intérêt à faire de grandes choses, je vous jure.

- Hermès, attends. Je... Mon Dieu. Je n'arrive pas à croire que je veux faire ça. Je sais que Travis n'ira pas, il ne voudra pas. Il sait déjà ce qu'il veut faire de sa vie. Mais si Connor veut aller à l'université est-ce que tu pourras l'aider ?

- Tu veux dire à faire ses devoirs ?

- Non. A payer les frais d'inscription. Il a toujours été bon, malgré sa dyslexie et le temps passé à la colonie, il a réussi à être diplômé avec deux ans d'avance. Je crois qu'il aimerait y aller, mais comme il sait que je ne peux pas payer, il n'ose pas demander.

Elle s'est arrêté de parler, elle se mord la lèvre inférieure et replace une mèche imaginaire derrière son oreille. Il sait combien ça lui coute de demander de l'aide, surtout ça, surtout à lui.

- Oui, bien sur, j'ai un fond pour ce genre de choses.

- Un fond ?

- J'ai un droit de prélèvement sur tout l'argent volé dans le monde. Je payerais.

- Je savais que j'avais raison et que tout cet argent était de l'argent volé !

Elle le pointe du doigt, accusatrice. Puis se reprend. Il faut penser aux enfants. Connor, c'est réglé. Reste Travis. Comment elle va pouvoir lui raconter tout ça ? Elle n'a pas vu Hermès se glisser derrière elle, il dépose un baiser sur la joue, tout doucement. Elle se sent rougir.

- Merci.

- De quoi ?

- D'être toujours aussi belle, toujours aussi folle, toujours aussi forte, d'aussi bien t'occuper de nos enfants, de m'avoir écouté, de te souvenir de May, de m'avoir aidé. Merci.

- Juste un instant.

- Oui ?

- Cette May, elle a perdu son unique enfant, elle n'avait pas de parents ?

- Non.

- On ira la voir avec les petits, si elle n'habite pas trop loin.

- Tu sais, elle est...

- Folle ? Et alors moi aussi, tu l'as dit toi même. Il ne faut pas qu'elle tombe dans l'oubli, ce n'est pas de sa faute si elle est tombé amoureuse de toi.

- Merci.

- Prend soin de toi, mon chéri.

- C'est moi qui devrait dire ça, je suis l'immortel aux supers pouvoirs, j'ai pas vraiment besoin de prendre soin de moi.

- J'ai toujours été plus forte que toi."

Elle a fermé ses yeux et il n'était plus là. Travis était amoureux. Connor était en vie. Tout allait au mieux.


Travis la secoue un peu. Elle a l'air de sortir de sa transe. Il se demande à quoi elle pensait.

"Tu sais, mon petit, j'étais vraiment amoureuse de ton père et je crois qu'à sa manière à lui, il m'aimait.

- Ça ne vous a pas sauvé.

- C'est vrai. Mais ça nous a rendu heureux.

- Tu étais heureuse avec papa ?

- Bien sur. Surtout quand vous êtes arrivés ton frère et toi. Il y a tellement de lui en vous que c'est comme s'il était resté pour toujours avec moi. Quand je vous vois, je vois tout l'amour que j'avais.

- Et ça ne te rend pas triste ?

- Pourquoi ça me rendrait triste ? Mes fils sont des héros et en plus ils mangent des légumes. Je n'ai jamais eu de raison d'être triste.

- Tu ne te dis pas que si tu n'étais pas tombée amoureuse de papa, tu aurais pu, je ne sais pas moi, te marier avec un homme que tu appréciais, avoir une douche qui fonctionne tout le temps, trois bons repas par jour, des extras, des sorties au cinéma, des vacances à la plage, je ne sais pas moi. Une vraie vie. Pas trois jobs et un petit appartement.

- Écoute moi bien, mon petit. Tout ce que je fais pour ton frère et toi ne te regarde pas. Ce n'est pas un sacrifice, c'est être une mère. Si tu veux me mettre en colère, si tu veux me rendre triste, alors demande moi de me justifier. Pour moi, le bonheur, c'est ça, parler avec toi. Mais en un sens tu as raison, j'aurais peut-être pu être plus heureuse si j'avais pu vous avoir ton petit frère et toi avec en prime un compagnon dont j'aurais été amoureuse. Le ciel ne m'a pas donné cette chance, mais il m'avait déjà assez gâté avec vous deux.

Il s'enfonce un peu plus dans le canapé et pose sa tête sur son épaule. Comme quand il était enfant. Elle n'a pas grandi. Il a l'air d'un géant. Ça ne les dérange pas.

- Donc... papa t'a parlé de Katie ?

- Mouais, je l'ai vu aussi. Joli brin de fille. Un peu maigrichonne. Elle a l'air d'avoir une bouche encore plus pulpeuse que la tienne, je ne sais pas quel genre d'enfants vous allez nous faire. J'aurais dû demander à ton père de voir ça avec Apollon. Ils vont avoir des bouches tellement immenses qu'on pourra enfoncer des ballons de rugby dedans. Il faudra que je demande à Connor d'essayer, tu vois moi, en tant que grand mère, bien sur je ne pourrais pas.

- Je ne sors même pas avec elle, je l'ai juste embrassé, heu, quelques fois, j'ai pas encore passé la seconde base, tu pourrais éviter de parler d'enfant, s'il te plait ?

- Si ça te plait à toi. Mais bon maintenant que tu sais que l'amour c'est méga-cool et tout tu vas te lancer ?

Il la regarde incrédule.

- Tu es la dernière personne avec qui j'ai envie de parler de ça.

- C'est dommage, je suis la seule avec qui tu peux en parler !

- Alors on n'en parle pas.

- C'est ça oui. Allonge.

- Ok. Si je me lance et que j'ai envie de tenter un truc, comment je sais qu'elle va pas me rembarrer ?

- Déjà elle a accepté de t'embrasser et elle a dit qu'elle t'aimait...

- Elle croyait que j'allais mourir, c'était je sais pas, de la charité !

- C'est ça oui et moi je suis Angelina Jolie.

- Tu sais que tu lui ressembles un peu ? En modèle de poche. Plus petite et plus large.

- T'as beau être un héros de l'Olympe, je peux toujours t'étrangler, gamin. Bah voilà ! Pourquoi tu n'y vas pas en roulant des mécaniques, ambiance, hello, je suis un demi-dieu et un héros, tu veux aller prendre un verre ?

- Très bonne idée maman, sauf, que pour elle y a rien d'extraordinaire. C'est juste son quotidien. Des demi-dieux. Des héros. J'ai même vu Apollon la draguer à la soirée de victoire, c'est dire.

- C'était qui sa mère à Apollon déjà ?

- Léto. Déesse de la modestie, de l'accouchement et des mères.

- Ah ouais, je l'aime bien elle. Elle est cool.

- Heu, d'accord.

- Tu serais pas aussi dubitatif si tu te souvenais de la taille de la tête de Connor à sa naissance. Elle m'a rendu un grand service ta déesse en me faisant pas mourir de douleurs. Juste, toi tu es demi-dieu et demi-Alatir. Tu as peut-être la vitesse, la beauté et les dons de ton père mais tu as mon charme. Personne ne résiste à un Alatir. Il te suffit de sourire et de lui rappeler qui tu es, de te rappeler qui tu es.

- Je ne sais même pas où elle habite, elle a quitté la colonie.

- Alors retrouve là, ton père, il m'a bien trouvé alors que j'étais perdue à moi même."