Indications :

Lovino = Italie du Sud

Feliciano = Italie du Nord

Marcello = Seborga

Marco = Rome antique

Louise = Belgique

Henri = Luxembourg

Tim = Pays-Bas

Elizabetha = Hongrie

Ludwig = Allemagne

Ulrich = Germanie


Lovino s'y attendait. C'était encore arrivé. C'est tout ce qu'il pouvait dire de sa situation. Il pouvait aussi de dire que cela continuerait encore et encore, certainement jusqu'à sa mort. La sensation d'incomplétude qui s'emparait de lui l'étouffait, rendait l'atmosphère insupportable et toute sa pensée était focalisée sur une seule chose. C'était mal. Ses mains tremblaient sur la feuille dessinée, d'un surplus d'émotions qui brouillait les sens. Il ne devait pas ressentir autant de jalousie, surtout envers quelqu'un de sa famille. Ses rêves ressurgissaient de son subconscient. De noires paroles emplissaient ses nuits pendant lesquelles il somniloquait des plans fratricides, et il se réveillait avec un stratagème parfait qui lui retirerait toutes les aiguilles des pieds.

Ils ne pouvaient s'enlever de la tête le frère qu'il, à contrecœur, considérait meilleur que lui. Il allait avoir besoin de plus se rendre à l'église. Il s'y confessait régulièrement et cherchait un moyen de se nettoyer de la jalousie dévorante qui grouillait en lui. Celle qui lui susurrait la noirceur de la démence lors de ses temps de faiblesses.

Il avait un grand-père, tout aussi italien qu'il l'était, qu'il appelait affectueusement nonno. C'était un modèle pour lui. Au sens moral et physique. Ce nonno s'appelait Marco, et pour un grand-père de soixante-et-un ans, il était d'une beauté de jeune adulte, comme s'il se douchait dans la fontaine de jouvence. Il n'avait rien d'un sage, mais c'était un homme pieux avec des valeurs qu'il n'avait jamais transmises à ses descendants.

Voilà pourquoi Lovino se rendait à l'église. Il voulait ressembler à Marco, par tous les moyens, et être un pieux chrétien l'aiderait. Il en était certain. L'image qu'il tentait de se créer, il l'anéantissait dès qu'il s'énervait. Et il était irascible. Il était agréable avec ses amis, ses voisins, les inconnus, mais certaines personnes le poussaient à bout. Son jeune frère, Feliciano, était l'une d'elles.

Les bouts de la feuille qu'il déchirait lui enfonçaient un pieu dans le cœur. Personne ne le remarquait, ou n'osait ne serait-ce que tourner la tête dans sa direction. C'est pour ça qu'il s'était assuré de s'assoir au fond de la salle de classe. Il s'y attendait, ne s'était pas fait de faux espoirs, mais c'était tout comme. Il s'attendait à un dix-neuf sur vingt. Et malheureusement, il s'attendait à ce que Feliciano obtienne un vingt. Quand Feli n'obtenait pas un vingt, il avait un vingt-et-un ou un vingt-deux, points bonus accordés par le professeur pour le chef-d'œuvre qu'il rendait.

Les cours d'art. Son rêve cauchemardesque, sa passion lentement déchirée par la jalousie qu'il portait pour son frère.

« Les notes sont insignifiantes. Tu devrais te réjouir pour ton frère » lui dira son nonno d'un ton fatigué et déçu.

Feliciano était un rayon de Soleil. Il rayonnait de joie. Il était intelligent. Il pouvait dessiner presque n'importe quoi, si non tout ce qu'on pouvait imaginer. L'impensable pouvait être retranscrit sur le papier d'après lui. Il n'était pas quelque philosophe ou une sorte de génie incompris, mais son talent était présent. Nonno disait qu'il avait été élu par Dieu, qu'il avait un don. Un don, quel blague.

Feliciano s'habillait chiquement, quelque chose qu'il tenait de Francis. Aujourd'hui, il s'était décidé pour un teeshirt blanc sur lequel était écrit en doré « bonjour » dans de nombreuses langues. Il aimait mettre avec ce teeshirt une veste blanche rayée de tâches argentées et dorées, mais aujourd'hui, il avait opté pour un pullover blanc avec des messages de multiples écritures en noir dessus. Il avait reçu ce pullover quand il s'était cassé le bras gauche et que personne n'avait pu écrire sur le plâtre. Ses camarades et ses amis s'étaient rattrapés avec ce vêtement qu'il portait de temps à autre.

En pantalon, il avait jeté son dévolu sur un jean serré noir. Chaussé de vrai cuir que Francis lui avait offert, le contraste blanc-noir n'était pas ce qu'il appréciait le plus, mais il avait fait avec, les lessives n'ayant pas été faites depuis quelques temps à la maison.

Il lui ressemblait beaucoup physiquement. Des cheveux châtain clair, plus clairs que les siens, avec le même genre de mèche qui les faisait ressortir du lot. La raie au milieu ne lui donnait pas l'air stupide que les hommes se trimbalaient généralement avec ce genre de coiffure. Ses yeux comme des amandes ne le rendaient pas beau ou ne lui donnaient pas un air de beaugosse, on le décrivait plus comme étant mignon, attachant, adorable ou même à croquer.

Il avait le don de la drague, comme toute la famille. Il était sorti avec une vingtaine de filles en deux ans, mais depuis peu, il s'était calmé et est resté seul pendant quelques mois. Il faisait chavirer les cœurs, on aimait sa naïveté et sa candeur, un apollon enfantin qui n'avait encore jamais défloré.

Il s'entourait de gens de confiance. Dans la classe, il était aimé, mais son meilleur ami était un élève d'une autre partie de l'école, un dénommé Ludwig. Un grand blond aux yeux bleus, l'aryen type, qui était si bien foutu qu'il n'avait aucune conquête amoureuse. À trop s'occuper de son corps, on passe à côté du principal. Quel con.

Lovino arrêta le déchiquetage de son travail et se mit à hoqueter silencieusement, retenant ses sanglots avec rage. Le cours se déroula sous ses yeux endoloris de larmes. Son grand-père lui avait toujours répété que pleurer était naturel, autant pour un homme que pour une femme, et que jamais il ne devrait se sentir honteux de montrer ses émotions, mais il se sentait si pitoyable, si hideux derrière ce visage rougeoyant et humide, qu'il s'enfouit la tête dans les bras repliés sur la table. Feliciano n'aurait jamais fait ça.

Dans son désespoir, il s'humecta les lèvres et tenta de se calmer, prenant de douces et longues inspirations.

Il repensa à ce qu'il venait de se passer. Et rechuta. Il était tellement pitoyable.

Lovino avança à son casier pour y entreposer ses affaires. Le cadenas dévérouillé, il regarda les photos accrochées à la partie intérieure de la porte de son casier. Elles montraient toutes ses frères et lui, ses frères et lui avec nonno... Toute cette famille qui adorait ce petit frère mieux que lui. La jalousie qu'il entretenait le désespérait.

Il sortit de son sac des manuels qu'il jeta négligemment dans le casier, le refermant d'un coup de tête. Une voix le sortit de sa torpeur de désespérance. Il la reconnaissait, il la côtoyait depuis plus de vingt ans maintenant.

« Fratello ! J'ai oublié mon survêtement de sport ! Je peux avoir le tien s'il te plait ? »

Lovino soupira. S'il refusait, il serait décrié par nonno une fois rentré, mais en même temps, Feli devait apprendre à ne plus oublier ses affaires.

Au final, il choisit d'aider ce frère qui transformait sa vie en cauchemar. Nourrir le mal à la source était une sorte de masochisme, non ?

Et pourtant, il rouvrit le casier pour jeter à Feli ses affaires. Le plus jeune embrassa Lovino qui ne réussissait même pas à ressentir de la chaleur derrière cet acte de fraternité. Et il s'en alla, courant dans les couloirs comme un enfant qu'on avait autorisé à acheter des bonbons dans la boulangerie d'à côté.

Lovino regarda son emploi du temps. Il était l'heure de déjeuner maintenant. Il redoutait les déjeuners pour la solitude. Pour les reproches. Pour les accointances qu'il devait entretenir. Refermant son casier, il poussa quelques inconnus qui lui bloquaient le passage pour atteindre la cafétéria. Frayer son chemin dans cette foule d'idiots était fatigant, mais nécessaire.

Il paya son repas et s'installa avec une brunette appelée Louise. Elle était spécialisée en cuisine mais partageait certains de ses cours d'art avec lui. Elle avait un grand frère appelé Tim. C'était un malabar en études de commerce, et étrangement, Lovino eut plusieurs fois l'occasion de le rencontrer. Elle avait aussi un petit frère, Henri, qui avait l'âge du plus jeune de ses frères.

Le plus jeune de ses frères s'appelait Marcello, pour honorer Marco, le nom de nonno. Il était en cinquième et avait des notes assez basses. Marco ne comprenait pas ces résultats, mais ses seuls atouts étaient l'art et la chanson, pas les mathématiques ou les études de textes littéraires, ainsi, il n'avait aucun moyen de l'aider.

Marcello ressemblait plutôt à Feli, côté caractère. Lovino ne se l'avouerait jamais, mais il leur ressemblait beaucoup aussi. Ils étaient tous les trois lâches, peureux, dragueurs. La particularité de Feli et Marcello était leur négligence. Ils étaient tête en l'air, oublieurs et souvent rêvasseurs. S'il devait se définir objectivement, il était un branleur hargneux et agressif inutilement.

Louise était gentille avec lui. Elle était un peu plus vieille que lui et se comportait comme une grande sœur, mais ça, elle le faisait avec tout le monde.

« Lovinou ! Comment vas-tu aujourd'hui ?

-Bien... et toi ?

-Très bien ! Cette journée est plutôt agréable. J'ai plein de choses prévues, mais dis-moi, ça te tente un ciné ce soir ?

-J'ai mon frère à surveiller, désolé...

-Oh, il peut venir aussi non ? Il est gentil Marcello ! Je peux demander à Henri de venir s'il redoute d'être mis à l'écart.

-Ah... bonne idée. Je lui proposerai. »

Louise se réjouit de cette réponse. Lovino réfléchit à comment organiser sa soirée. Tout d'abord, déposer Feliciano chez Ludwig. Feli avait le permis, mais nonno lui avait interdit de conduire sans sa présence tellement il était... dangereux. Très mauvais conducteur.

Ensuite, vérifier que nonno est bien parti à son rendez-vous. Ensuite, aller au cinéma du coup. Marcello accepterait certainement, il aimait beaucoup ses frères et a toujours exprimé son envie de passer plus de temps avec eux, eux qui l'oubliaient souvent.

« Encore un problème, Lovino ? demanda Louise. Si c'est à cause de ton frère, cligne deux fois des yeux.

-C'est pas un jeu...

-Et pourtant tu réagis comme un enfant. Ironique, non ? »

Touché. Elle marquait un point conséquent. Il savait pertinemment qu'elle avait raison, mais cela ne calmait pas ses émotions. Depuis longtemps ils avaient emporté la bataille sur sa raison qui se faisait toute petite derrière la rage explosive de ceux-ci.

Et ça aussi, il le savait. Que ne savait-il pas sur sa situation ?

La solution, assurément. Il pouvait céans partir dans des déblatérations insensées, cela ne changerait rien. Cela ne résoudrait rien. Il ne voyait chaque nuit qu'une seule chose qui pouvait régler ses soucis sans en causer d'autres. Le départ de l'un des deux frères. Que Feliciano se trouve une femme avec qui les jours de sa vie pourront couler tranquillement, comme le sable qu'on essaie de porter à hauteur du visage mais qui finit par retomber subrepticement. Ou que Lovino prenne les devants et s'éloigne à jamais de chez lui.

« Lovi, je suis désolée, mais tu dois grandir. Ce n'est pas comme ça que l'on traite un frère. »

Lovino aurait aimé se consoler en se disant qu'elle n'avait pas de fratrie à surveiller, mais elle en avait une. Une fratrie fonctionnelle. Une fratrie qu'elle rendait fonctionnelle.

Au final, il avala son repas distraitement, ne prêtant attention à personne. Cela finissait presque tout le temps comme ça. Toutes ses discussions avec Louise le menaient à cet état d'introspection pathétique. À prendre au sens courant comme au sens littéraire. Il tentait de discerner de l'amour dans ses sentiments pour ce frère, mais jamais rien ne lui venait. Sa disposition d'esprit ne lui permettait pas d'accepter cette situation.

Et sa journée se termina dans un état d'absence mentale. Il ne participa dans aucun de ses cours, ne répondit à aucune des questions posées et n'avaient, pour ainsi dire, pas foutu grand-chose.


La fin des cours était semblable à une illusion. Il se revoyait déambuler dans les couloirs surpeuplés, donnant des coups de coude à tout-va. Il ne disait rien, ne regardait rien d'autre que la sortie vers laquelle le troupeau scolaire se dirigeait. Il sentait la présence étouffante des autres autour de lui, et une fois libéré de cette atmosphère, sa conscience reprit le contrôle de son corps. Il s'installa sur un banc, l'endroit où il avait pour ordre d'attendre Feliciano pour rentrer. Cela lui donnait un certain avantage, puisqu'il pouvait menacer Feliciano de l'abandonner à l'école, mais il se ferait certainement massacrer de retour chez lui sans son frère, alors il s'installa patiemment, certain que son jeune frère mettrait quelques minutes à se séparer de son ami allemand qu'il côtoyait beaucoup trop au gout de Lovino.

Il sortit son téléphone mais le rangea vite fait. Il n'avait personne à qui parler de toute façon. Louise lui ferait encore la morale, et il n'avait pas beaucoup d'amis de toute façon. Louise... et c'était tout. Il avait des connaissances, certes, mais celles-ci préféraient Feli. Elizabetha était un bon exemple. Sa vie tournait autour des frères italiens. Elle agissait comme leur mère dès qu'elle le pouvait, mais ses actes bienveillants étaient plus souvent destinés à Feliciano. Elle n'avait jamais explicité de haine, mais Lovino sentait que c'était tout comme. Ou il analysait excessivement les choses, ce qui était tout aussi probable, mais il s'autoconvainquait qu'il était stupide et détesté, et il n'y avait que trop peu de gens pour le contredire.

Il leva les yeux de son sac, dans lequel il avait cherché l'un de ses classeurs, à l'appel de son nom. Son frère courait vers lui, agitant les bras avec un enthousiasme enfantin, jusqu'à le prendre dans ses bras une fois arrivé assez près.

« Fratello, la journée est enfin finie !

-Merci, j'avais remarqué. Grouille maintenant, j'ai des choses à faire ce soir.

-Oh, t'as rendez-vous ? Avec qui ?

-Imbécile, j'emmène Marcello au cinéma, c'est tout.

-Oh... Quel cinéma ?

-Le plus proche, je suppose. Pourquoi ?

-Pour savoir quel film tu vas voir ! dit expressément Feliciano en évitant le regard de son frère. Marcello et nonno seront contents que vous passiez du temps ensemble !

-J'emmène pas le vieux, rêve pas. Magne-toi le cul, bordel, j'ai vraiment pas que ça à faire ! »

Il ne fit que rire bêtement aux jurons de son frères. Il s'installa dans sa voiture, jetant son sac comme si rien d'important se trouvait dedans, et tenta d'allumer la radio, avant que Lovino ne gifle sa main pour ne pas qu'elle atteigne le bouton.

« J'aimerais passer un petit moment de silence, désolé Feli.

-Oh, tu t'es excusé fratello !

-Ta gueule j'ai dit ! », hurla-t-il en démarrant la voiture.

Bon, au moins ça empêcherait une discussion pour les cinq prochaines minutes. Feliciano le regarda légèrement effrayé puis finalement attristé. Même ça, il ne pouvait pas le faire correctement.

Après réflexion, c'était quoi « ça » ? Plaire à Feli ? Pourquoi le voudrait-il ? Il n'était pas masochiste au point de vouloir être aimé de ce démon fraternel.

Et puis, finalement, il ne savait pas. Son esprit s'embrumait, ses pensées se mélangeaient les unes aux autres, et se concentrer sur la route devint soudainement un défi.

Sa conduite était hésitante, parfois maladroite, avec seulement la voix de Feliciano pour le sortir de sa rêverie. Feli était confiant avec Lovino mais s'assurait tout de même de son éveil. Ils traversèrent des rues moroses et monotones. Ils habitaient une maison éloignée de cette civilisation terne. Nonno avait fait construire une maison méditerranéenne typique, semblable à celles que l'on trouvait le long des côtes italiennes et françaises.

Lovino gara la voiture devant la demeure, sans se préoccuper de la place qu'il prenait, et sortit de la voiture. Il grogna en voyant Feli sautiller sur les pierres qui dallaient le chemin jusqu'à la porte d'entrée, mais le suivit tout de même.

Feliciano ouvrit la porte en déclarant leur arrivée. La réponse vint de Marcello qui, assis à la table de la cuisine, travaillait sur un devoir qu'on lui avait donné la veille. Il semblait très concentré, car même le simple « bonjour » que les ainés reçurent fut juste marmonné.

Lovino était fier de le voir travailler. Il hasarda un œil à sa feuille et lui demanda quel était son sujet.

« Je sais pas, dit-il. Mais j'écris.

-T'écris quoi du coup, ducon ?

-Bah, j'ai paniqué donc j'ai demandé à nonno une histoire et je la retranscris ! »

La claque que s'infligea lui-même Lovino fit sursauter le plus jeune qui, la main sur le cœur, le regarda, hébété.

« Pourquoi t'as fait ça ? s'écria-t-il. Ta joue doit te bruler...

-Pas autant que ta connerie, je suppose, marmonna Lovino en jetant son sac sur la table, abimant la feuille sur laquelle travaillait Marcello.

-Hé, nonno vous a demandé de m'aider mais vous avez refusé !

-Parce que tu crois que je m'installe à côté de toi pour passer le temps ? Heureusement que la technologie moderne nous permet de vérifier les devoirs qui te sont donnés... »

Marcello eut le souffle coupé un instant, se souvenant soudainement de cette méthode. Il sourit bêtement, de la même façon que Feliciano, pendant que Lovino se connectait.

« Ton thème c'est : "narrer des passages importants de votre enfance qui vous ont construit". Et bah, on est mal barrés... t'as des souvenirs de ton enfance toi ?

-Mais je suis dans mon enfance... J'ai rien fait de conséquent dans ma vie moi !

-Parle de la fois où tu es tombé du bateau de nonno, plaisanta Feliciano qui revenait de sa chambre. Ah non on a failli être arrêtés pour ça... Raconte plutôt comment tu t'es retrouvé avec un pistolet et... non c'est pas une bonne idée, attendez, je réfléchis ! »

Lovino rit amèrement à ces souvenirs. Si tout ce qu'ils avaient fait enfants était illégal, la dissertation de Marcello n'allait pas été très travaillée...

Finalement, ils en vinrent jusqu'à inventer des souvenirs, pour s'assurer que Marcello ait une bonne note tout en tentant de lui apprendre comment rédiger une dissertation.

« Mais, Lovi, t'as toujours été mauvais en français...

-Oui mais j'ai pas ton âge, j'ai appris de mes erreurs.

-C'est pas toi qui as eu le prix du pire littéraire de ton établissement ?

-Ta gueule avec tes mensonges, j'allais t'annoncer une bonne nouvelle, commence pas à me faire chier !

Honnêtement, Lovino trouvait Marcello plus supportable que Feliciano. Le seul point commun que les trois partageaient était le o final de leurs prénoms, mais ils étaient des opposés. Le visage de Marcello s'ensoleilla brusquement.

« On va au cinéma ? s'exclama-t-il. Oh ouais, Lovi ! Merci !

-Louise et Henri seront là. Ça te dérange ?

-Tu rigoles, on va trop s'amuser, merci fratello ! Merci ! »

La tête brune qu'il était sentait son cœur de glace se réchauffer sous le visage de Marcello garni d'un sourire. Il aimait le voir heureux, le voir rebondir de joie pour quelque chose qu'il avait fait. Enfin, pas trop, parce que ça deviendrait rapidement énervant, mais assez pour estimer la valeur de sa bonne action.

Il aida réellement Marcello pour son devoir, y mettant sang et larme (littéralement, Marcello a trébuché et a saigné du genou, plutôt abondamment, ayant une légère hémophilie. Et évidemment, il a pleuré toutes les larmes de son corps, suivant l'exemple de Feliciano), et fut ravi de lui annoncer la fin de ce long devoir. Marcello l'entoura de ses bras plutôt petits et le remercia encore. Lovino prendrait bien gout à cette affection fraternelle, mais la voix de Feliciano atteint ses oreilles et il repoussa presque instinctivement Marcello et son étreinte.

« Mon frère, nonno est rentré ! » s'écria Feliciano. Quelle idée de l'appeler « mon frère » ? C'était ridicule...

Marco s'avança effectivement du sas d'entrée, retirant son chapeau qui le vieillissait beaucoup, et que ses petits-fils parfois cachaient pour éviter qu'il sorte avec.

« Les garçons, me voilà !

-T'es pas censé repartir maintenant ? Pourquoi tu te déshabilles ? demanda Marcello après que son nonno eut ébouriffé ses cheveux.

-Ah, annulé. J'ai ma soirée de libre, c'est la bonne nouvelle.

-Bah tu vas la passer seul, plaisanta le benjamin de la fratrie. Lovi m'emmène au cinéma et Feli est chez Ludwig !

-Oh... ah, vous savez, il y a beaucoup de moyens de s'amuser seul quand on est le grand-père encore actif de trois garnements », clama-t-il avec vivacité.

Marcello eut un « beurk » qui résonna dans la cuisine, tandis que Lovino eut une grimace de dégout. Feliciano n'avait pas entendu, mais il n'aurait pas compris de toute façon.

Lovino se leva de sa chaise et embrassa Marco, en guise de bonjour et d'aurevoir en même temps alors que Marcello débarrassait la table de ses cahiers et des pelures de gomme qui salissaient la nappe orangée. Il remballa ses affaires dans son sac, qui semblait plus servir de fourretout qu'autre chose. Il prit le sac sur l'épaule gauche et le monta jusque dans sa chambre.

Il avait la chance et la joie de ne partager sa chambre avec personne. Elle était exigüe et il avait parfois du mal à se tenir debout dedans (il faut dire que malgré son âge, il était très grand, au dam de Lovino qui finirait le plus petit en taille bien qu'étant l'ainé), mais il appréciait la solitude qu'elle lui procurait lorsqu'il en avait besoin.

Lovino toqua sur la porte violemment, tirant Marcello de sa rêverie avec un sursaut.

Comparé à lui, le brunet partageait sa chambre avec son puiné, malgré les plaintes qu'il répétait à Marco. Feliciano était très embêtant et ennuyeux à avoir en colocataire. Premier problème, il n'était pas maniaque du rangement. Cela signifiait qu'aucun des deux ne rangeait la chambre, pourtant, ils adoraient la transformer en capharnaüm. Ils auraient pu se faire punir par nonno s'il s'intéressait à leur chambre, mais ça lui était bien égal. Il leur avait clairement dit que même si ça commençait à pourrir, il ne ferait absolument rien, et qu'ils devaient prendre leurs responsabilités, en tant que jeunes hommes bientôt livrés à eux-mêmes dans la nature sauvage.

Lovino donna à Marcello un sourire en le voyant rayonner de bonne humeur à l'idée de cette soirée. Lovino appela ensuite Feliciano et lui annonça qu'ils partaient, et que s'il n'était pas là dans une minute, il passerait sa soirée ici.

On entendit des bruits de pas frénétiques dans les escaliers, et finalement apparut Feliciano, ses cheveux brun rougeâtre décoiffés par la vitesse qu'il a prise pour se changer.

Ils saluèrent Marco et s'ensuivit une course entre Marcello et Feli pour savoir lequel atteindrait la voiture au plus vite pour monter à l'avant. À vrai dire, Lovino retint Feliciano par l'arrière du col et le repoussa légèrement en arrière pour le faire perdre. Il fit la moue, mais eut l'autorisation de s'assoir sur le siège avant quand même et donc en profita pour tirer la langue à son cadet de sept années.

Lovino démarra le moteur et partit en direction de chez le bouffeur de patates.

« Ce serait bien que tu viennes avec nous au cinéma, fratello... fit innocemment Marcello en s'adressant à Feli qui chantonnait joyeusement.

-Ah, euh... bonne idée, fit brusquement le jeune artiste. Oui, c'est une très bonne idée, j'appelle Ludwig ! »

Marcello eut un autre sourire chaleureux. Il allait passer une soirée incroyable avec ses deux grands frères et leurs amis ! Il aimait tellement être en compagnie de gens aussi gentils...

Pour ponctuer son propos, Lovino frappa son puiné derrière le crâne pour une raison certainement stupide.

Après quelques minutes, Feli raccrocha et affirma qu'ils allaient bien au cinéma, mais que Ludwig venait, évidemment.

Lovino n'aimait pas Ludwig, qu'on se fasse comprendre. Pour de multiples raisons, mais la première et la plus raciste était le fait qu'il était allemand. Il n'aimait pas les Allemands, et il n'y avait pas de vraie raison derrière cette germanophobie. Peut-être Ulrich, le meilleur ami allemand de nonno qui l'effrayait constamment, volontairement ou pas d'ailleurs. La deuxième raison était l'air de suffisance qu'il se trimbalait constamment. Fier d'avoir le corps d'un culturiste et certainement le cerveau qui va avec. Mais la plus grande raison, celle qu'il se gardait à lui-même lorsqu'il voulait insulter Ludwig' c'était le temps qu'il passait avec Feliciano. Il convertissait cet imbécile aux traditions allemandes, alors que Feli devrait s'occuper de retrouver ses racines italiennes, pas devenir un bouffeur de patates à la mords-moi-l'nœud.

Lovino arrêta le moteur devant l'immeuble que les Beilschmidt habitaient. Ils attendirent quelques minutes avant de voir Ludwig ouvrir à porte principale, marchant nonchalamment et même militairement jusqu'à la petite voiture italienne. Il s'installa à côté de Marcello, sur le siège arrière, zieutant Lovino avec suspicion. Il n'avait rien contre l'ainé de la fratrie, mais il était conscient de la détestation passionnelle qu'il lui portait. Cela s'entendait surtout dans les insultes fleuries que ce petit corps pouvait contenir et qu'il balançait à tout-va à l'Allemand qui n'avait jamais rien demandé.

« Ludwiiig ! Ça va ? s'enquit Feliciano en se retournant, tirant sur sa ceinture.

-Oui, merci Feli. Bonjour, salua-t-il les deux autres Vargas. Merci de m'emmener avec vous. »

Feliciano affirma que ce n'était rien, pendant que Marcello observait envieusement les muscles de l'homme à côté d lui. Comment pouvait-on être aussi musclé ? Ce n'était pas possible.

Lovino remarqua l'envie dans les yeux du benjamin qu'il insulta de baver sur leur invité (mais même ce mot tonnait comme une insulte).

Finalement, après quelques minutes de circulation sur des routes vides, ils arrivèrent devant le cinéma. Lovino se gara sur le trottoir opposé, occupant désormais la seule place restante.

Il voyait Marcello bondir de joie à côté de lui, si pressé d'être déjà dans la salle. C'était mignon, il aurait aimé avoir un grand frère qui l'aurait emmené au cinéma de son plein gré.

Ils traversèrent la route déserte et entrèrent dans l'établissement plutôt imposant. Derrière les portes transparentes, Lovino discernait la silhouette de Louise qui racontait certainement des frivolités à son frère qui écoutait, stature baissée et globalement l'air soumis. Lovino rit à lui-même, il connaissait les capacités de bavardages de Louise.

Lorsque les nouveaux arrivants s'annoncèrent, Louise les accueillit chaleureusement, en profitant pour faire du pince-joue aux trois Vargas. Elle les appréciait ces trois frères, mais à ses yeux, aucun n'avait plus de cinq ans, ce qui avait le don d'agacer Lovino parfois. Non, tout le temps.

« Ludwig, ça fait longtemps. J'espère que tu vas bien !

-Bien sûr, merci Louise. Toi aussi, ça va ? »

Ludwig commençait à suer, et Lovino ne manqua pas de le remarquer. Monsieur Muscles aurait un problème avec la gente féminine en plus ? Mais quelle idiot...

Henri rappela sa présence aux autres, vainement. Seul Marcello le remarqua, et ils firent amiami avant le début du film, s'amusant de la gêne du grand blond et des insultes que Lovino laissaient sortir de sa bouche. Elles avaient le don d'être... jolies.

Le début du film ne se fit pas prier. Un silence de mort tomba dans la salle, interrompu par une musique orchestrale tonitruante. La main de Feliciano se crispa sur l'accoudoir, et son grand frère s'en amusa mentalement. Son frère Lovino était tellement faible.

Les minutes passaient assez rapidement, tellement vite que Lovino fut surpris de voir les lumières s'allumer pour l'entracte. Feliciano bondit de son siège, courant en direction des toilettes. Pas très surprenant. Ludwig se leva également, rejoignant également les WC.

Lovino entendit un rire soudain, détournant son attention de l'Allemand pour se concentrer sur Marcello qui riait devant un Henri qui semblait ne pas comprendre une telle façon de s'exprimer dans ses émotions. Le pauvre avait reçu l'éducation d'un riche, il ne s'exprimait pas comme les traîne-savates qu'il côtoyait ce soir.

« J'en ai marre des lèche-culs, marmonna-t-il en regardant l'écran sur lequel défilait des pubs diverses.

-C'est quoi encore ton problème, Lovi ? soupira Louise. Tes frères se sont bien comportés, tu n'as pas intérêt à les blâmer de quoi que ce soit.

-T'inquiète pas, j'ai rien dit de toute façon.

-Pff, Lovinou... tu profites même pas de la soirée ? Détends-toi !

-Ta gueule... me prends pas pour un gosse... »

La seule réponse qu'il reçut fut un rire sciemment niais, juste pour l'agacer. Heureusement, le film recommençait.

Feli et Ludwig, n'étaient, en revanche, toujours pas revenus, et cela commençait à l'inquiéter. Ce suce-boules d'Allemand aurait-il inhumainement assassiné son frère dans ces toilettes ?

Il se leva, sous le regard fatigué de Louise qui commença à agir comme un personnage de théâtre, jusqu'à ce qu'on lui lance des chuts de colère. Elle se tut et renonça à ramener Lovino. Elle ne savait pas de quoi il voulait s'assurer, mais c'était assurément stupide et inutile. Mais se le répéter ne changerait rien, alors elle se focalisa simplement sur la suite du film.

Lovino ouvrit la porte des toilettes des hommes avec violence. Il n'avait pas l'air spécialement en colère, il était juste curieux, mais son visage se transforma soudainement en voyant ce qu'il voyait. Et il ne le croyait même pas. Il poussa un hurlement qu'il retint juste après, puis il se enta sur Ludwig avec rage.

Ludwig, dont les bras enlaçaient Feliciano au niveau de la taille, le lâcha soudainement pour se protéger de l'assaut. Lovino allait pour un coup de pied circulaire, avant de se souvenir qui il essayait de faire tomber.

La masse de muscle à laquelle il se frotta fit trembler tout son être. Sa jambe fit un crac étrange, et il se releva, sonné par le coup qu'il venait lui même de donner. Ludwig le regarda, le visage cramoisi.

Feliciano était agité, inquiété par et pour Lovino.

« Fratello ! Ça va ? » s'écria-t-il en remettant en place la veste de Lovino et en le regardant avec des yeux de chien battu.

« Toi... ! s'exclama Lovino. Vous... vous vous embrassiez !

-Lovino, je suis... commença Ludwig pour être interrompu par son compagnon.

-Lovi, je suis désolé de pas te l'avoir dit, je suis désolé ! S'il te plait ne dis rien à nonno, je t'en supplie ! »

Lovino hésitait. Il pourrait tirer beaucoup en dénonçant son frère. En tant que chrétien traditionnel, nonno serait certainement outré de savoir l'un de ses descendants homosexuel. Et Lovino aurait sa vengeance face au talent brillantissime de Feliciano...

Puis il sentit un poids sur sa poitrine. Baissant la tête, il vit Feli, en larmes, secouant la tête contre sa veste propre, suppliant de ne rien révéler à leur grand-père. Ce fut décisif. Lovino décida de ne rien dire. De garder cette information si jamais il avait besoin de faire du chantage. C'était un bon plan.

Il repoussa Feliciano en époussetant sa veste, l'insultant pour l'avoir sali, pour être gay, mais promit de ne rien dire.

Son puiné eut un regard attristé. Il devrait pourtant se réjouir, Lovino aurait pu tout dévoiler à nonno immédiatement.

Ce qu'il ne savait pas, ne connaissait pas, c'était le sentiment de rejet et d'inacceptation que ressentait ce membre de sa famille. Mais même s'il avait été courant, il s'en branlait pas mal, comme il aurait dit.

Finalement, ils ressortirent des toilettes en même temps, Lovino arborant un léger sourire narquois, presque diabolique. Louise sembla s'en inquiéter, mais n'exprima aucune complainte. Finalement, c'est lorsqu'elle vit le visage et les yeux rouges de Feliciano qu'elle vit elle-même rouge. Elle donna un violent coup de coude à Lovino qui gémit bruyamment sous la douleur.

« Pourquoi t'as fait ça, connasse ?! chuchota-t-il, tu vas pas bien ?!

-Tu le mérites. Et arrête un peu de m'insulter, ou tu rentreras pas avec toutes tes dents chez toi. »

Généralement, il ne savait pas quand s'arrêter et continuait jusqu'à la bagarre, mais Louise était son amie. Sa seule amie, pour être précis, alors il n'allait pas tout gâcher. Enfin, pas maintenant.

Le film se termina, mais Lovino n'y avait porté aucune attention. Son altercation avec Louise se rejouait dans sa tête, mais surtout, il avait mentalement photographié cette image de Feliciano, jeune artiste parfait aux yeux de son grand-père, meilleur que tout le monde, joyeux, adorable, rebondissant de bonne humeur, embrassant Ludwig, étudiant en on-ne-sait-quoi, musclé, droit, ordonné et travailleur. Nonno serait tellement déçu de cette nouvelle, lui qui fantasmait sur la vie parfaite de Feliciano avec minimum une femme.

En se levant de son siège, Lovino porta son regard sur sa fratrie. Marcello riait avec Henri. Après réflexion, ce gosse devait certainement avoir un balai dans le cul, vu ses manières et son langage. Étrange que Louise n'ait pas terminé comme ça aussi.

Feliciano ne souriait plus vraiment, gardant seulement une crispation des lèvres. Ludwig était encore plus gêné dans ses mouvements, malgré ses efforts pour le cacher. Lovino trouvait cela très amusant, mais il n'avait pas besoin de passer pour un plus gros fils de pute ce soir, il l'avait déjà assez montré.

Le trajet retour se déroula dans un calme dérangeant, même Lovino ne l'appréciait pas. Il sentit que quelque chose venait de faire clic. Que ce soit chez son frère ou en lui-même. Il venait d'enclencher une machine à désespoir, et le pire, c'était qu'il n'était pas la victime. Il était le monstre. Celui qui torture inlassablement et avec plaisir. Il avait deux options : ne rien dire, jamais. Ne pas se servir de cette découverte pour gagner encore plus de contrôle sur la vie et le comportement de son frère, ou bien... le faire. Être certain que plus jamais Feliciano ne se moque de lui.

Sa raison, si peu utilisée jusque-là, tiqua, mais il n'y avait plus personne pour l'écouter.


Boooon... Premier chapitre de cette histoire... Le titre, je suis pas sûr. "Hais-moi moins" j'aime bien, c'est ambivalent, ça se réfère à plusieurs relations futures, maaaaais voilà. Je verrai au fil de l'écriture.

Alors, le nom de Belgique (Louise) ne devait pas être celui-là au départ. Normalement je l'appelle Laura ou Belle, mais j'ai lu d'autres s, et Louise s'est imposé, je trouve que ça lui va plutôt bien, et que ça fait un bon lien entre les différentes langues nationales de la Belgique (français, allemand et néerlandais), puisque Louise est un nom d'origine germanique.

Henri pour Luxembourg, pareil. Disons que je n'avais même pas de nom pour lui au départ, et à la lecture d'une , j'ai adopté ce nom.

Pour "Tim", euh... Je sais pas, mais, c'est mignon... et ça fait un bon contraste avec l'apparence de Pays-Bas.

Je voulais aussi appeler Seborga "Sebastian" au départ, mais j'ai renoncé pour faire une référence à Rome antique. Ces deux-là ne se sont jamais vus dans le canon mais Seborga est bien l'un des frères d'Italie.

Le prochain chapitre sera dans un ou deux mois en fonction de ce que je préfère écrire. J'ai envie de finir l'écriture de celle-ci avant tout, alors elle risque de se terminer rapidement, mais on verra bien. Bonne journée/soirée !