Note de l'auteur : Bonjour tout le monde ! Je ressuscite rapidement pour mettre en ligne ma dernière idée. Mes excuses au passage pour le vent phénoménal qui dure depuis Noël, mais j'ai été bien occupée avec mon année de P2. Dans tous les cas, je m'incline bien bas.
Pour ce qui est du texte qui suit. Pour ne pas changer les bonnes habitudes, c'est du Mystwalker, et c'est Gégé qui nous prête sa tête. Il faudra vraiment que j'essaye de squatter la tête d'Erza, histoire de varier. Ou de changer de couple, carrément. *réfléchit deux minutes* Non, je rectifie, cette dernière hypothèse est impossible. Droguée un jour, droguée toujours ! :D
I - Belle de nuit
Perché sur un tabouret de bar au cuir défraîchi, Gérard fixa son verre à la propreté douteuse, empli d'un liquide ambré, et se demanda se qu'il faisait là. Ou plutôt, se ravisa-t-il, pourquoi avait-il accepté de venir dans le quartier le plus insalubre de la ville ?
La réponse à cette question se trouvait quelques mètres derrière lui, en la personne de son ami Erik, grand habitué des lieux. Baissant à nouveau le regard sur sa boisson - une liqueur qui lui avait arraché la gorge quand il avait commis l'erreur d'y tremper les lèvres un peu plus tôt -, il prit une grande inspiration pour se calmer.
Mal lui en prit : il dut se retenir de ne pas cracher ses poumons à cause de la fumée qui y pénétra. Le barman, un colosse bardé de muscles et de tatouages, le gratifia d'un regard sceptique.
Gérard espéra qu'il ne détonnait pas trop avec sa chemise et son jean. Le style du coin était plutôt le cuir, les piercings et les tatouages. Heureusement pour lui, la marque rouge qui lui mangeait la moitié du visage et ses cheveux bleus - couleur naturelle mais qui pouvait aisément passer pour une teinture - semblaient rassurer ceux qui le regardaient sur sa condition de délinquant. Ce qu'il n'était pas, mais il n'allait pas se risquer à les détromper. C'était d'ailleurs bien la raison pour laquelle il était assis au bar depuis plus d'une heure, attendant désespérément qu'Erik vienne le sortir de cet enfer.
Un coup d'œil par-dessus son épaule lui apprit que son acolyte ne semblait absolument pas pressé de quitter sa table de poker. La raison principale était sûrement la plantureuse blonde qui déambulait autour de la table, exposant son décolleté avec un manque de pudeur qui choqua le jeune homme aux cheveux bleus.
Jetant un dernier coup d'œil à son verre plein, il sorti un billet de dix dollars, le glissa sous le récipient qu'il poussa en direction du barman, récupéra sa veste sur le tabouret à côté de lui et se glissa tant bien que mal vers la sortie.
L'air extérieur était bien meilleur et il inspira profondément à plusieurs reprises, tentant de vider ses bronches de toute la fumée qui s'y était incrustée. Ce fut en relevant la tête qu'il se rendit compte que la nuit était tombée depuis longtemps et qu'il ignorait totalement par où il devait aller pour rentrer chez lui. Maudissant Erik une énième fois, il se décida pour la rue la plus large, où se tenaient quelques réverbères grésillants, et tenta de faire disparaître le malaise qu'il éprouvait. C'était la première fois qu'il mettait les pieds dans les bas-quartiers et il se promit de ne plus jamais y revenir.
Un bruit de lutte dans une ruelle le fit s'arrêter net. Déglutissant, le fait qu'il était seul dans les parages lui noua l'estomac. Il tenta de minimiser le bruit de ses pas et osa un regard dans l'allée obscure. La faible lueur du réverbère le plus proche lui permit de distinguer deux personnes en pleine lutte. Un homme, à la carrure semblable au barman du cabaret mal famé, et une femme, qui paraissait en comparaison affreusement fragile, coincée entre un mur et l'individu baraqué.
Un nouveau regard autour de lui confirma à Gérard qu'il était bien l'unique être humain aux alentours. Sa raison lui hurla de fuir. Il n'avait aucune chance contre le géant aux allures de motard. Il allait se faire tuer, purement et simplement. Mais sa conscience l'empêchait d'abandonner la jeune femme à son sort.
Ses jambes le portèrent en avant sans qu'il ne puisse y réfléchir davantage. Quelque chose grinça sous ses pieds, alertant les deux protagonistes qui tournèrent la tête vers lui. Il nota vaguement que c'était la femme qui agrippait le poignet de l'homme, et non l'inverse.
La gorge serrée, il ouvrit la bouche pour déclarer d'une voix bien moins assurée qu'il ne l'aurait voulu :
« Excusez-moi, monsieur, mais je pense que la demoiselle ici présente n'a pas donné son accord pour... ce qui se passe actuellement. »
Le titan gronda, se décollant de la jeune femme pour se tourner à demi vers lui.
« Dégage de là, le chevalier. Avant que je te démolisse. »
Refusant d'écouter ses genoux qui semblaient prêts à lâcher, le bleu fit un nouvel essai.
« Je pense que vraiment que vous devriez-
- Moi je pense que tu me les casses. », le coupa le motard en lâchant sa victime pour se diriger vers lui.
Deux enjambées suffirent au géant pour se tenir à un mètre de lui. Paralysé, Gérard regarda un poing armé de larges bagues métalliques se lever pour obliquer vers son visage.
Son adversaire se figea brutalement, les yeux écarquillés. Le jeune homme fit maladroitement un pas en arrière et trébucha, tombant sur les fesses. Un gargouillis sortit de la gorge du baraqué avant que ce dernier ne s'effondre sur le sol, aux pieds de celui qu'il comptait massacrer.
Le regard du garçon aux mèches azur remonta lentement vers la jeune femme qui se tenait debout, s'essuyant la bouche avec le dos de sa main, uniquement séparée de lui par la forme inconsciente étalée à dix centimètres de ses chaussures.
Clignant des yeux, Gérard se redressa comme il put, incapable de quitter des yeux la personne lui faisant face.
« Que... Que vient-il de se passer ? », chuchota-t-il, incapable de parler plus fort.
La demoiselle ne répondit pas, se contentant d'enjamber le colosse pour s'approcher de lui.
« Vous allez bien ? Je veux dire, vous... Vous n'êtes pas blessée ? », lui demanda-t-il, un peu plus fort cette fois-ci.
Elle était maintenant assez proche pour que la faible clarté émanant du réverbère lui permette de distinguer un sourire amusé. Il fronça les sourcils, la sensation de malaise se faisant plus poignante. Il avait l'intime conviction que quelque chose n'allait pas... Mais quoi ?
Elle portait un pantalon et une veste sombres et ses cheveux, foncés eux aussi, étaient décoiffés. Il était incapable de détacher ses yeux d'elle et il sentit vaguement sa respiration s'accélérer alors que la distance entre eux s'amoindrissait.
Finalement, elle se stoppa à quelques centimètres de lui. Sa main se posa sur son torse. Gérard cessa de respirer. Elle se colla contre lui, et il recula de plusieurs pas avant de retrouver un semblant d'équilibre. Un petit rire rauque parvint à ses oreilles alors que la lumière du réverbère désormais tout proche transformait la chevelure sombre en crinière rouge sang.
Un souffle chaud lui effleura le cou. Un chuchotement le paralysa.
« Qui a dit que j'étais la victime ? »
ooOoo
Les yeux de Gérard s'ouvrirent brusquement. Il était dans sa chambre, sur son lit. Une musique entraînante - très certainement la cause de son réveil - provenait de son portable, posé sur sa table de nuit. Jetant un œil à l'écran, il décrocha.
« Quoi encore, Erik ?, demanda-t-il en étouffant un bâillement.
- Putain, mec, ça fait vingt fois que je t'appelle ! T'es où, bordel ?! »
Le bleu grimaça en éloignant le téléphone de son oreille. Il avait mal au crâne et se massa la tempe en percevant distraitement les vociférations de son ami à l'autre bout de la ligne. Il profita d'une pause dans la diatribe de son camarade pour prendre la parole.
« Je suis chez moi, et j'aurais bien dormi encore un peu, là, tu vois. »
Un silence suivit sa réponse avant que la voix d'Erik ne retentisse à nouveau, plus calme cette fois-ci.
« Hé, sérieux, mec. T'as vu l'heure qu'il est ?
- Non, pourquoi ?
- Il est sept heures, Faust.
- Et on est dimanche, Cobra, répliqua Gérard, agacé de se faire réveiller à l'aube un jour de repos.
- Pas sept heures du matin. Sept heures du soir. Dix neuf heures, quoi, mec ! », s'exclama son interlocuteur.
Sonné, le jeune homme baissa lentement son portable, laissant Erik vitupérer dans le vide. Son regard balaya la pièce pour aller se poser sur le vieux radioréveil placé sur la commode. L'écran indiquait dix-neuf heures douze.
Son acolyte continuait de s'égosiller au téléphone, apparemment inconscient du peu d'attention que lui portait le bleu.
« Putain, mec, mais t'as foutu quoi hier soir ?! »
Hier soir. La déesse à la chevelure purpurine lui revint soudainement à l'esprit. Il était totalement inapte à se rappeler se qui s'était passé après l'incident avec la montagne de muscles. Il avisa ses vêtements. C'était ceux de la veille. Que s'était-il passé ?
La réponse à cette question lui importait peu, en réalité. Il brûlait d'envie de revoir cette femme.
ooOoo
« T'es sûr que tu veux retourner là-bas ? »
Le ton d'Erik était clairement dubitatif.
« Ça fait trois fois que tu me poses la question, ça fait trois fois que je te réponds par l'affirmative. Tu n'en n'as pas assez ? »
Le brun lui envoya un regard sceptique, avant de hausser les épaules.
« Comme tu veux, mec. Mais évite de disparaître comme l'autre fois. J'ai cru qu'Ultear allait m'écharper. »
Ultear, ou la seule femme au monde capable de faire frémir d'effroi Erik Cobra. Gérard devait toutefois admettre que lui-même n'en menait pas large face à la colère de la jeune femme. Elle l'avait d'ailleurs copieusement incendié par téléphone, et il n'avait du qu'à la chance qu'elle soit à l'autre bout du pays pour qu'elle ne vienne pas lui sonner les cloches en personne.
Il dérogeait d'ailleurs à sa promesse de ne plus se laisser entraîner par Erik dans des lieux malfamés. Mais, argumenta-t-il face à sa conscience, il n'était actuellement pas en tort, puisqu'il ne se laissait pas entraîner. Il avait demandé à ce que son camarade lui montre le chemin, ce qui était différent.
La possibilité de revoir la nymphe aux boucles rubis le rendait fiévreux assez pour ne craindre personne.
ooOoo
Cela faisait deux semaines depuis le fameux soir. Allongé sur son lit, les yeux fixant le plafond, Gérard se demandait toujours ce qui avait bien pu se passer entre le moment où le motard s'était écroulé - que lui était-il arrivé, d'ailleurs ? - et celui où il s'était réveillé tout habillé dans sa chambre.
Le désir incendiaire qu'il ressentait en pensant à la jeune femme de ce soir-là s'était quelque peu apaisé, lui permettant de réfléchir. Il s'était rendu compte qu'elle lui rappelait quelqu'un.
Tournant la tête vers l'étagère qui occupait un pan de mur, l'étudiant en commerce avisa un ouvrage épais, qui prenait la poussière tout en haut du meuble.
L'album photo était ancien. La vue de sa mère, jeune, souriante, et surtout vivante, le plongea dans une profonde nostalgie. Envoyant voler le livre sur le matelas, il se laissa retomber sur le dos, les mains derrière la nuque, se refusant à penser au passé.
« Maman ! Maman, j'ai peur ! Où est-ce que tu es ? Maman ! »
La fumée piquait ses yeux trop secs pour pleurer et le fit tousser. Le feu était partout. Coincé dans sa chambre, Gérard se recroquevilla contre le seul mur qui n'avait pas encore été atteint, regardant avec terreur les flammes qui dévastaient son lit, son bureau, son coffre à jouets.
Les photographies noircirent et disparurent alors que ses voitures en plastiques fondaient sur le sol. Il regarda son ours en peluche brûler jusqu'à ce qu'il ne reste que des morceaux de tissu calcinés.
Il toussa à nouveau. Les flammes se rapprochèrent, l'encerclant.
« Maman... », gémit-il en sanglotant, terrifié.
Une présence nouvelle dans la pièce lui fit relever la tête. Une femme se tenait devant lui, une femme aux cheveux couleur de feu .Ils échangèrent un long regard muet avant qu'elle ne bouge, l'attrapant sous les aisselles pour le soulever. Il s'accrocha à sa sauveuse inespérée et resta blotti dans son giron, inspirant le doux parfum de la peau féminine.
Gérard se réveilla en sursaut, haletant. La pièce où il se trouvait était exempte de feu et il se calma en comprenant qu'il avait rêvé. Il se laissa glisser sur le matelas, son regard dérivant sur l'album photo toujours présent sur le lit.
Il n'avait jamais revu la femme de cette nuit-là, celle qui l'avait sauvé, seize ans auparavant. Parfois, il se demandait s'il n'avait pas tout bêtement été victime d'hallucinations. C'était possible, avec toute la fumée qu'il avait avalée. Il voulait tellement voir sa mère qu'il l'avait sûrement amalgamée avec un pompier qui l'avait sorti du sinistre.
Sa mère qui, elle, n'y avait pas survécu.
Le bleu soupira. Il fallait qu'il se change les idées. Attrapant sa veste, il quitta son appartement et se dirigea vers les bas-quartiers. Comme tous les soirs depuis deux semaines.
Le cabaret était bondé, et la fumée de cigarette plus épaisse encore que d'habitude. S'asseyant au même tabouret que le premier soir, Gérard fit un signe de tête au barman qui déposa devant lui un verre empli d'alcool doré. Il était désormais un habitué et personne ne le regarda bizarrement.
Après avoir bu la moitié de sa boisson, la fumée l'indisposa trop et il préféra sortir. Il ne comptait pas rester là toute la nuit, de toute façon. Ses pieds l'entraînèrent sur le chemin du retour, qu'il connaissait désormais par cœur. Les allées sombres continuaient de le mettre un peu mal à l'aise, mais cela n'égalait pas les sentiments de sa première venue en ces lieux.
Les rues mal entretenues étaient quasiment désertées et il progressa sans problème le long de l'artère éclairée de loin en loin par les réverbères. Arrivé à la venelle où il avait rencontré la jeune femme rousse, il s'arrêta et y fit quelques pas. Le corps du motard n'y était plus, à son grand soulagement. Il fixa le sol un moment avant de se retourner pour rentrer chez lui.
Elle était là.
La même tenue, la même chevelure, et le même sourire. Comme si les deux semaines qui venaient de s'écouler n'avait jamais eu lieu.
Elle s'approcha de lui avec la même démarche chaloupée que la dernière fois et son cœur rata un battement. Sa mémoire ne lui avait pas rendu justice et il restait coi devant une muse pareille.
« Je ne pensais pas te revoir ici, Monsieur le Chevalier. »
Sa voix rauque intensifia le brasier qu'il avait cru éteint alors qu'elle s'arrêtait à nouveau à quelques centimètres de lui. Une impression de déjà-vu titilla son subconscient. Comme la dernière fois, elle se colla à lui et un doux parfum emplit ses narines.
Gérard ouvrit brutalement les yeux qu'il avait à moitié fermés.
Elle était la femme de ses cauchemars.
ooOoo
« Franchement, Faust, je comprends plus, là. Y'a pas un mois, je devais te traîner par la ceinture pour te faire sortir un peu le soir, et maintenant, c'est toi qui me dérange à point d'heure pour une virée nocturne ?!
- Si tu es occupé, Erik, c'est pas grave. J'irai tout seul.
- Mais qu'est-ce que t'as bien pu trouver là-bas pour être devenu accro à ce point ?, s'enquit son interlocuteur d'un ton perplexe.
- ... Pas quoi, mon vieux. Qui, rectifia le bleu en souriant.
- Attends, me dis pas que tu te tapes une call-girl ?!
- Non. Arrête de t'exciter, tu veux ? Et ne vas pas raconter n'importe quoi à Ultear, je tiens à ma peau. »
Éloignant le portable de son oreille, Gérard coupa la communication. Avisant l'heure, il s'empara de sa veste et se prépara à se rendre une nouvelle fois là où il avait croisé la femme de ses rêves.
Dix jours s'étaient écoulés et il n'avait toujours pas réussi à lui remettre la main dessus. A croire qu'elle s'était volatilisée. Il avait essayé d'interroger les gens du bas-quartier, mais les rares qui avaient accepté de lui répondre n'avaient jamais entendu parler d'une belle jeune femme à la chevelure incarnat.
Il était certain qu'elle était celle qui l'avait sauvé enfant. Ce qui posait évidemment un problème majeur. Car l'apparence de sa sauveuse était strictement la même qu'il y a seize ans. Ce qui était inconcevable.
Pour l'instant, il préférait éviter d'y penser.
ooOoo
Un son étouffé tira le bleu du sommeil. Un doux parfum lui effleura les narines alors qu'il réalisait que quelqu'un se tenait à quatre pattes au-dessus de lui.
C'était elle.
Un souffle chaud lui effleura la mâchoire et il se figea en sentant le nez de la jeune femme caresser son cou. Ses cheveux lui chatouillèrent la trachée et il entreprit de lever la main, mû par le désir de sentir la douceur des boucles rousses entre ses doigts.
Une fine menotte le cloua au lit, l'empêchant de bouger. Il eut beau tenter de se délivrer, il ne put que gigoter misérablement dans la poigne de la demoiselle. Les lèvres de cette dernière frôlèrent son oreille et il s'immobilisa, la respiration coupée.
« Je n'aurais jamais pensé devoir en arriver là. », chuchota-t-elle d'une voix plus rauque que dans son souvenir, avant de remettre son visage dans le creux de son cou. « Mais qu'est-ce que tu m'as fait ? »
« Ce... C'est plutôt à moi de dire ça, non ? », articula-t-il difficilement, haletant.
L'ironie vaguement présente dans sa voix fit pouffer sa geôlière. Une main saisit gentiment son menton avant de lui faire renverser la tête en arrière. Le souffle de la jeune femme se déplaça le long de sa gorge pour se stopper au niveau de sa jugulaire.
« Grand Dieu, tu sens affreusement bon. », gémit-elle contre son cou.
Ces paroles firent battre le cœur déjà palpitant de Gérard à un rythme plus effréné encore.
« Tu... Tu es... Un vampire ? », murmura-t-il, croyant à moitié à ses propres paroles.
La main qui enserrait son poignet raffermit sa prise alors que sa propriétaire se redressait au-dessus de lui. Un grognement irrité parvint à ses oreilles.
« S'il y a bien une chose que je déteste, c'est d'être assimilée à ces vautours. Je ne suis pas une Vampyre mais une Succube. », déclara-t-elle d'un ton courroucé.
Leur léger éloignement permit au jeune homme de rassembler lentement ses esprits.
« Ce n'est pas la même chose ?, questionna-t-il, un peu perplexe.
- Certainement pas ! », s'exclama la demoiselle, visiblement offensée.
Le bleu prit soudainement la mesure de ce qu'impliquait la présence de son obsession dans sa chambre.
« Tu... Tu es venue boire mon sang ? », hésita-t-il en déglutissant malgré lui, l'estomac soudain noué.
Deux doigts vinrent s'échouer avec douceur sur sa pomme d'Adam, traçant paresseusement des arabesques sur sa gorge. Il sentit la Vampyre - non, la Succube - s'asseoir sur ses abdominaux. La poigne de fer qui maintenait son poignet se desserra, lui permettant de bouger plus librement.
Ses yeux s'étaient adaptés à l'obscurité et il distinguait sa silhouette au-dessus de lui, ombre mouvante et séductrice. Il s'appuya sur ses coudes pour se redresser mais une main se posa sur son torse, le faisant frissonner malgré son t-shirt et le plaquant au matelas.
Elle se pencha sur lui une nouvelle fois et ses cils balayèrent sa joue.
« Je ne vais pas pouvoir tenir encore trop longtemps, souffla-t-elle sous son oreille. Surtout que j'ai déjà goûté deux fois à ton sang.
- Pourquoi tu ne bois pas, alors ?, demanda Gérard en fronçant les sourcils. Pas que je veuille te servir d'en-cas, précisa-t-il rapidement. Mais ce n'est pas comme si je pouvais t'en empêcher. »
Il tenta de se relever à nouveau à titre d'exemple, mais la paume appuyée sur son torse semblait faite d'acier.
« Disons que j'ai un léger... problème. »
La façon dont elle formula le mot laissait entendre qu'elle n'appréciait pas du tout ledit problème.
« Généralement, j'évite de m'abreuver deux fois chez la même personne, continua-t-elle. Toujours, en fait. Tu es l'unique exception.
- Ah ? Pourquoi ?, s'interrogea le bleu à voix haute, soudain bigrement intéressé.
- J'avais soif. Et tu sentais bien trop bon, avoua-t-elle avec réticence. Ce qui nous ramène à mon... problème.
- Qui est ? »
Il y eut un silence, et le jeune Faust se demanda brusquement s'il n'avait pas franchi une ligne invisible. Il était après tout en train de discuter avec une créature surnaturelle, et sûrement capable de le tuer sans difficulté. Ladite créature changea légèrement de position au-dessus de lui. Il avait l'impression qu'elle était mal à l'aise.
« Je pensais que tu sentais simplement meilleur que tous ceux que j'avais croisé auparavant, murmura-t-elle, si bas qu'il faillit ne pas l'entendre. Tous les sangs auxquels j'ai goûté après le tien me semblaient fades. Et c'est allé de mal en pis au fil des jours. J'ai réessayé ce matin, mais j'ai tout recraché. »
La voix de la Succube laissait entrevoir le mélange de stupéfaction et d'incompréhension qu'elle avait du ressentir sur le moment. Gérard essaya de reformuler ce qu'il avait saisi avec ses propres mots.
« Donc, en gros, tu es... accro ? Accro à mon sang ?
- J'imagine qu'on peut dire ça comme ça, répondit-elle sèchement. Ce qui nous amène à pourquoi je n'y ai pas encore touché. Ce que je ne vais pas tarder à faire, cependant. », ajouta-t-elle d'une voix tendue.
Il sentit les ongles de la demoiselle s'enfoncer dans son torse à travers le tissu de son haut. Les muscles de ses cuisses, de chaque côté de ses hanches, étaient contractés à l'extrême. Elle avait tout l'air de se retenir de lui sauter dessus.
« Si je te laisse boire mon sang, commença-t-il lentement, est-ce que tu vas me tuer ?
- Grand Dieu, bien sûr que non !, s'exclama-t-elle aussitôt, l'air horrifiée. Non, reprit-elle plus posément. Je te l'ai dit : je ne suis pas un de ces cochons de Vampyrs. »
La voix rauque suintait le mépris en parlant de cette autre espèce. Le mot fut d'ailleurs quasiment craché.
« Je bois certes contre la volonté de mes proies, mais je ne leur fait pas mal, je ne les tue pas, et j'efface les traces derrière moi. Rien à voir avec ces rapaces ! »
Le bleu aurait presque souri devant l'animosité de l'être mythique en face de lui, s'il n'avait pas été, littéralement, au cœur du débat. La jeune femme se colla soudainement contre lui, enfouissant son visage dans son cou, lui arrachant une exclamation de surprise.
Son t-shirt émit un inquiétant son de déchirure. La respiration de la Succube, contre son cou, se fit plus forte, plus rapide. Son corps fin tremblait contre le sien. Elle était à bout, comprit-il.
« Je peux ? »
La demande, bien que formulée d'une voix neutre, avait des allures de supplique.
« D'accord. », souffla-t-il sans réfléchir.
Il n'eut pas le temps de regretter ses paroles. Des crocs percèrent sa peau et son cœur se mit à résonner entre ses tempes. Il se rasséréna toutefois en se rendant compte qu'il n'éprouvait aucune douleur. Son corps se détendit et il se laissa aller sur le matelas, accueillant sans opposition la langueur qui s'emparait lentement de ses membres.
Au bout de ce qui lui sembla être une éternité à voguer dans du coton, la demoiselle se détacha de lui. Il sentit vaguement ses lèvres redescendre quelques instants dans son cou. Il voulut tourner la tête pour la distinguer, mais l'effort sembla trop grand pour ses membres qui lui parurent soudain faits de plomb.
Une main vint gentiment écarter les mèches qui lui tombaient sur le front.
« Ça va mieux, souffla la jeune femme. Merci. Il faut que tu dormes, maintenant, Monsieur le Chevalier. Je t'en ai pris pas mal. »
Bercé par sa voix, Gérard s'enfonça à nouveau dans le coton.
« A bientôt. »
Note de l'auteur : Quelques précisions sur les éléments mythologiques (j'aurais bien fait un chapitre rien que pour ça, mais l'expérience m'a appris que certaines personnes recevant des notifications par mail vont directement au dernier chapitre en date, ce qui fait qu'ils savent tout d'avance - non, ceci ne vise personne en particulier ;-p ).
L'orthographe "Vampyr" : apparemment (ou d'après ce que dit Internet), l'orthographe correcte dans nos pays usant de langues latines est "Vampire", écrit de la même façon au masculin et au féminin. J'avais envie de changer un peu, donc j'ai pris parti de changer. "Vampyr" est l'orthographe utilisée, entre autres, par Sophie Audouin-Mamikonian dans sa saga Tara Duncan (dont le 12ème tome git actuellement sur mon lit quelque part derrière moi). C'est aussi le nom d'un film sorti en 1932, Vampyr, ou l'étrange aventure d'Allan Gray. Pour ma propre version du mot, j'ai décidé de dire "Vampyr" au masculin et "Vampyre" au féminin.
La Succube : Dans la grande famille des Vampires (ou Vampyrs), sont souvent cités la Succube, démon prenant l'apparence d'une belle femme pour séduire les hommes afin de boire leur sang, ainsi que l'Incube, son pendant masculin, à savoir un démon prenant l'apparence d'un beau jeune homme pour séduire les femmes. Dans cette histoire, Vampyrs et Succubes sont deux espèces différentes, uniquement liées par un mode d'alimentation semblable. Exemple : Vache et mouton sont tous deux herbivores, mais ils sont bien évidemment de deux espèces différentes. C'est la même chose ici. (Mes excuses à ceux qui pourraient penser que je les prends pour des idiots.)
