Titre : Actes manqués
Auteur : Mokoshna
Manga : Naruto
Crédits : Naruto est encore et toujours la propriété de Masashi Kishimoto.
Avertissements : Yaoi KakashiXIruka qui prend son temps, alors ne soyez pas pressés. J'ai aussi pris des libertés avec la trame du manga et certains éléments de la biographie des persos (notamment la scolarité d'Iruka), du coup ce sera sans doute aussi un UA (Univers Alternatif). Et tant qu'on y est, on n'a qu'à dire que les persos sont aussi OOC (Out Of Character) pour pas prendre de risques, et voilà ça donne un truc bizarre. À bon entendeur...
Commentaires artistiquement idiots de l'auteur : Dans ma quête effrénée des fics à commencer sans finir les autres (je les terminerai toutes un jour mais c'est vrai que j'ai la fâcheuse tendance à en commencer beaucoup et à les laisser en plan), j'ai décidé d'écrire pour rire un KakaIru bien fanon, c'est-à-dire sans les artifices que je mets d'habitude dans ce couple (que je considère bien plat pour ma part mais c'est un avis personnel). Donc exit les Iruka sadiques et instables, voici juste un Iruka normal, tel que le conçoivent les fans. Je ne sais pas combien de temps je vais tenir à ce rythme et s'il va rester comme ça mais bon...
Le titre de la fic est tiré de la chanson de Jean-Jacques Goldman, À nos actes manqués, dont je me suis un peu inspirée.
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Chapitre 1 :
Celui qui n'avait pas de nom
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Lorsque j'étais enfant, je jouais souvent seul dans la forêt. Mes parents étaient au service de Konoha et ne rentraient que très rarement ; ils m'avaient donc confié à la garde d'une vieille tante un peu sourde qui passait le plus clair de son temps chez elle, à confectionner divers vêtements qu'elle redistribuait généreusement dans son entourage. La famille n'avait plus à s'occuper de son habillement, le quartier lui-même était inondé de ses créations, et personne ne s'en plaignait. Elle disposait d'une rente confortable obtenue Dieu seul savait comment, et chaque jour était pour elle un moment à passer dans sa vie, qu'elle meublait avec ce qu'elle aimait le mieux faire.
Au milieu de l'océan de fils et de tissus qui composait sa maison, j'avais si peu ma place que je m'arrangeais pour être dehors le plus souvent possible, ne rentrant qu'à la nuit pour prendre un souper copieux qu'elle avait déposé sur le perron, bien en vue de la route. Personne ne se servait, sachant qu'il m'était destiné ; et sitôt mon repas fini, j'allais me réfugier dans une petite cabane au fin fond de son jardin qu'elle avait fait emménager pour moi, et où je trouvais tout ce qu'il fallait pour passer la nuit. Le lendemain à la première heure, j'étais reparti pour mes errances, et ne la voyais plus de la journée.
Cela se passa tant que je fus trop jeune pour entrer à l'académie. Mes parents étaient tous deux shinobi de leur état et je savais qu'ils me destinaient à cette fonction. Konoha était dans une passe difficile, d'après ce que j'avais entendu dire. Je ne me souciais guère de l'état de mon village, trop occupé que j'étais à surveiller mon minuscule royaume qui se composait au mieux d'un coin de forêt où je me rendais régulièrement et que j'avais donc appris à connaître comme ma poche. Les jours passaient, tous semblables aux précédents ; je me rendais en forêt, jouais tant que j'en avais la force, me nourrissant au besoin de ce que je pouvais trouver de comestible : baies, champignons, petits poissons que j'attrapais tant bien que mal avec mon maigre potentiel. J'en étais très fier à l'époque. Je pensais faire plus tard un ninja excellent, avec mes connaissances de survie et mes forces présumées, sans me douter que la petite portion de forêt que j'occupais était la plus paisible et la mieux fournie en ressources qui soit, et que n'importe quel autre enfant un tant soit peu débrouillard aurait tout aussi bien pu survivre là le restant de ses jours. J'étais jeune et ignorant, mais heureux, satisfait par cette vie loin des champs de bataille.
Cela changea bientôt. L'année de mes six ans, je fus inscrit à l'académie par ma mère qui était revenue spécialement pour cela. Mon père était encore à l'étranger. Je contemplais longuement cette femme grande et digne me conduire sur le chemin, sa longue jupe claquant sur ses chevilles de manière solennelle. Elle s'était habillée pour l'occasion ; je ne l'avais jamais trouvée aussi belle, et je crois que je ne fus pas le seul au vu des hommes qui se retournaient sur son passage. Elle ne les remarqua même pas, regardant droit devant elle avec l'assurance d'une personne sûre de sa place dans la vie. Elle était si différente de ma tante qui attendait tant bien que mal la fin en s'occupant de son mieux ! Ses longs cheveux noirs battaient furieusement au vent ; je savais qu'ils étaient son unique coquetterie, qu'elle avait refusé avec la dernière énergie de les couper.
Elle me remit aux bons soins du professeur Sakaki ; une femme douce, jeune, au visage rond et timide. Le professeur me sourit en me prenant la main, serra celle de ma mère, et ce fut tout. Cette kunoichi, cette inconnue qui m'avait mis au monde, me fit un baiser froid et impersonnel en me disant d'être sage et de bien travailler, et je ne la revis plus de l'année.
Ma scolarité à l'académie se passa sans accroc notable. Comme je ne pouvais plus aller et venir comme je l'entendais, on me mit à l'internat où je fis la connaissance de certains de mes camarades, pas beaucoup. Nous n'étions guère qu'une dizaine. La plupart des autres rentraient chez eux à la fin des cours. Je ne les enviais pas, n'ayant jamais eu de maison à proprement parler ; juste un endroit où dormir à la fin de la journée, un gîte et un repas que m'avait cédé ma tante par pitié. Et mon enfance passa ainsi, tranquille, monotone, jusqu'à l'année fatidique de mes douze ans.
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Je m'éloignais autant que possible de la clairière d'entraînement dans laquelle notre professeur nous avait donné rendez-vous, les sens en alerte, cherchant désespérément à dissimuler ma présence et sachant que je n'y arrivais sans doute pas aussi bien que je l'aurais voulu. Mes deux camarades disparurent au détour d'un feuillage, et je restai seul, planqué derrière un buisson. Notre professeur restait bien en vue au milieu de l'espace dégagé, attendant un sourire aux lèvres que le premier d'entre nous daigne l'attaquer.
J'avais démarré ma première journée en tant que gennin. Le professeur des petites classes nous avait répartis la veille dans nos équipes. Je me retrouvais dans celle d'un shinobi répondant au nom de Takeshi Kanda, avec deux autres diplômés que je ne connaissais pas. Un garçon et une fille. Je leur avais à peine accordé un regard, trop nerveux moi-même par ma nouvelle affectation.
Takeshi Kanda était un homme de taille moyenne, un jônin expérimenté qui nous avait accueilli avec enthousiasme à sept heures sonnantes, comme il l'avait exigé la veille. Nous étions tous à l'heure. Je remarquai que Sanae, la fille de mon équipe, était habillée un peu court pour une séance d'entraînement ; Kei, le garçon, me chuchota tout bas au vu de ma gêne qu'elle avait toujours été comme ça... Elle était très jolie pour une gamine, j'étais sûr que même des adultes devaient adorer ses yeux clairs et brillants, ses longs cheveux blonds attachés en couettes friponnes. Kei était pour sa part tout l'antithèse de la fillette : grand pour son âge, les cheveux noirs et la peau brunie par le soleil, il parlait avec un fort accent des rues qu'il devait cultiver avec fierté. Je me sentais bien quelconque au milieu d'eux. Je n'avais pas la beauté de Sanae ou la virile assurance de Kei. Quelque part, je ressemblais à notre professeur : brun et bronzé sans l'être à l'excès, un visage ordinaire, une taille et une silhouette normale. Rien de bien passionnant, et mes notes étaient aussi très moyennes. J'avais passé de justesse cet examen, grâce sans doute à la gentillesse de Mlle Sakaki qui ne voulait pas me voir redoubler ma classe...
— Tu rêves ? fit la voix rude de Kei à mes côtés.
Je m'aperçus avec horreur qu'il avait réussi à se faufiler à portée de kunai sans que je m'en aperçoive. Quel piètre ninja je faisais, pour m'oublier ainsi en plein entraînement !
— Non, répondis-je un peu gauchement.
— On dirait pas. Tu devrais faire gaffe, ça peut te coûter la vie ces conneries.
— Désolé, répliquai-je machinalement.
Il hocha la tête et laissa de côté cet « incident » pour se concentrer sur notre cible.
— Ça va être dur de le toucher comme il nous as dit, grogna mon compagnon. Il n'a aucune ouverture.
— Ah ?
Je ne voyais qu'un homme assis en train d'allumer lentement une pipe. On nous avait bien appris à l'académie à ne pas fumer ou mettre de parfum en mission, que cela pouvait attirer l'ennemi et nous brouiller les sens en cas d'embuscade. Kanda était-il donc si sûr de sa supériorité à notre égard ? Au lieu de me motiver, cette pensée me déprima. Je n'étais déjà pas très doué, il fallait en plus que cet homme me jette à la face son mépris ?
— Je peux savoir à quoi tu penses, avec ta drôle de grimace ? fit Kei en me prenant le bras.
— Rien. Je réfléchis, c'est tout.
— Faudrait qu'on l'attaque à trois, peut-être, continua-t-il sans faire attention à ma mauvaise humeur. Tu as vu où était Sanae ?
— Non.
— Hum...
Il secoua sa petite poche d'arme et en sortit trois shuriken et un kunai.
— Tant pis, j'en ai marre d'attendre. J'y vais, tu me couvres ? Si Sanae veut s'y mettre aussi, ce serait bien.
Et sans attendre ma réponse, il bondit dans la clairière en lançant ses shuriken. Ceux-ci se fichèrent dans du bois au lieu du visage de Kanda : un kawamiri simple mais efficace. Pas démonté, Kei jeta son kunai derrière lui, qui fut rattrapé par la main de notre professeur. J'attaquais à mon tour.
Tout se passa en un instant. Je n'avais pas vu Sanae me dépasser pour donner un coup de pied à Kanda ; un peu plus, et je lui transperçais l'oeil avec mon arme. Un peu décontenancé, je reculais tandis que la jeune fille partait sur un enchaînement de coups que je ne reconnus pas. Une experte en taijutsu ? Alors que je m'interrogeais, Kei vint en renfort se mêler au combat. J'étais complètement perdu.
Ils continuèrent leur danse à trois dans le désordre le plus complet. Abruti par la vitesse de leurs mouvements, je me contentais de suivre de loin, la main crispée sur mon kunai, ne sachant que faire. Ils ne faisaient déjà plus attention à moi.
Ce fut à ce moment que je me rendis compte à quel point j'étais bien en deça de mes camarades. Mlle Sakaki avait affirmé avoir réparti chaque groupe équitablement, avec un fort, un moyen et un faible. J'étais certain d'être le faible. Je ne valais pas mieux qu'un enfant entrant à l'académie.
Cela m'énerva. Je me précipitais vers mon équipe en hurlant.
Par la suite, Kei m'avoua en riant que je lui avais fait une peur bleue, en surgissant ainsi comme un sanglier qui charge. Il avait réellement pensé avoir affaire à un animal sauvage ou un démon qui, excédé par le bruit que les combattants avaient fait, avait voulu les chasser à coups de griffes et de crocs. J'avais ri en l'entendant, tout en étant extrêmement gêné. Ma conduite avait été idiote et motivée par mon seul sentiment d'abandon, sentiment qui ne me quitta jamais vraiment de toute ma vie. Personne n'avait jamais voulu de moi et cela me rendait amer au-delà de toute raison, même si je m'arrangeais pour ne pas le montrer afin de ne pas incommoder les êtres qui avaient quand même voulu me prendre à charge... Mais je n'avais réellement rien d'exceptionnel, et prompt aux conclusions comme je l'étais à l'époque, je m'imaginais que c'était pour cela que mes parents ne venaient jamais me voir et que ma tante n'avait pas plus réagi lorsque ma mère était venue me chercher pour m'amener à l'académie.
Quoi qu'il en soit, le combat s'arrêta aussi brusquement qu'il avait commencé. Mon intrusion surprit un peu notre maître qui laissa Sanae lui asséner un coup, et je l'égratignai du bout de mon kunai. Il avait dû être inquiet par mon emportement soudain, puisqu'en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, nous étions tous trois à terre, plaqués sous le corps du professeur. Ou plus exactement, Kei et moi étions allongés sur le ventre alors qu'il nous écrasais de son poids ; Sanae, du fait de son statut de fille, avait été mise à genoux et Kanda lui avait coincé les mains derrière le dos. Elle retenait une grimace de douleur ; pour ma part, je poussai un cri, pensant ma dernière heure venue. Nous en fûmes quittes pour une frayeur. Kanda nous releva un sourire aux lèvres, nous disant que nous avions passé son test. Je me demande encore aujourd'hui quels pouvaient bien être ses critères. Je ne me sentais pas très fier, avec mon dos endolori et l'avant recouvert de terre et d'herbe.
— En tout cas, il a l'air fiable, m'affirma Kei le soir même devant un bol de ramen, au restaurant Ichiraku dans lequel j'avais l'habitude d'aller. Pas très impressionnant comme prof, mais c'est pas plus mal pour un shinobi.
— Ah, répliquai-je un peu bêtement.
Il plongea dans son bol fumant sans remarquer mon incertitude. J'avais l'impression de m'être fait passer pour un parfait imbécile aux yeux du professeur et je le lui dis, naïvement.
— T'inquiète, dit-il. Il est pas du genre à se prendre la tête pour ça, enfin je crois pas.
— Tu le connais ?
— Pas des masses, mais mon père m'en parle un peu.
— Ton père ? m'étonnai-je.
Il me lança un regard surpris.
— Tiens c'est drôle, je pensais que tout le monde était au courant !
— Tu sais, moi, les potins...
— T'as tort. L'information, c'est important pour un ninja.
Sacré Kei. Il était obnubilé par son travail. Un bon ninja faisait ci, un bon ninja faisait ça, ne cessait-il de répéter. C'était sa vie ; je ne l'ai jamais connu autrement.
— Enfin bref, poursuivit-il, mon père, c'est Mamoru Sakaki.
— Sakaki... Comme la prof ?
— Ouais, c'est sa soeur.
— Mlle Sakaki était ta tante ?
Il se mit à rire.
— Enfin, tu percutes ! T'en trouveras beaucoup comme ça. Ma famille appartient à l'administration de Konoha depuis la création du village. Alors tu penses, qu'on sait des trucs sur les membres de l'armée !
Je hochais la tête. Kei Sakaki. Ça lui allait plutôt bien.
— Je me rends compte que je connaissais pas ton nom de famille, avouai-je un peu honteusement. Et celui de Sanae non plus.
— Katsuragi. Il paraît que ses parents tiennent un restaurant de cuisine étrangère dans le nord de Konoha.
— Ah ?
— Et toi, c'est Umino, non ?
Je me mordis la langue. Si son père le mettait effectivement au parfum sur ce qui se passait dans l'armée, le nom de mes parents ne devait pas lui être inconnu.
— Kujira et Kasumi Umino sont tes parents, non ?
— Oui.
Je baissai les yeux. Il dut voir ma gêne puisqu'il n'insista pas. J'en fus si reconnaissant que je lui proposais un autre bol de soupe, qu'il accepta en riant. Nous devînmes rapidement bons camarades, autour de ces ramen délicieux qui embaumaient à des mètres.
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La fonction de gennin était plus ennuyeuse que je ne l'aurais cru. Moi qui me faisais une joie de partir enfin en mission sur le terrain, je déchantais vite en voyant le contenu des petits boulots qu'on acceptait de nous confier.
Du baby-sitting le premier jour avec une classe de maternelle dont la maîtresse était subitement tombée malade. La recherche d'un roquet qu'une femme de la bourgeoisie de Konoha avait perdu un soir, et que l'on retrouva en compagnie d'un énorme molosse auprès duquel il s'était réfugié, en mal d'amour sans doute... Sanae pouffa en s'apercevant que tous deux étaient mâles et s'en portaient très bien. Sa maîtresse fut moins ravie mais accepta néanmoins de laisser son « petit chéri » de chien folâtrer avec son petit ami... Je me souviens d'avoir ri mon content avec mes amis en voyant la conclusion de cet épisode, à savoir la copulation des deux chiens, mais bon ce n'était guère encourageant pour la suite. Lorsqu'à la troisième mission nous dûmes nettoyer les toilettes publiques dans les quartiers sud du village, Sanae poussa de hauts cris et refusa tout net de s'y mettre.
— Ce n'est pas drôle ! dit-elle, les traits déformés par l'ennui. Je ne suis pas devenue ninja pour récurer les chiottes !
— C'est pourtant un aspect comme un autre de ce qu'un gennin a à faire, répliqua Takeshi sans se démonter (cela faisait deux jours qu'on ne l'appelait plus que par son prénom).
— Pas pour moi, merci ! On n'a rien de plus passionnant en stock ?
— C'était la seule de catégorie D disponible ce matin. Allez courage, après on va déjeuner !
— Tu veux encore manger après cette infection ? intervenai-je, quelque peu dégoûté. Ils nettoient jamais ici, ou quoi ? C'est atroce !
— C'est pour ça qu'elle est pas trop mal payée pour une mission de ce genre, rit Takeshi.
J'avais pu me rendre compte que rien ou presque ne pouvait fâcher notre professeur. Quelle que fût la situation à laquelle il faisait face, il allait toujours de l'avant avec le sourire et un mot d'encouragement sur le bout des lèvres. Je l'admirais beaucoup pour cela, car je m'en croyais incapable. Pour donner l'exemple, il appuya plus fortement sur le balai-brosse qu'il avait empoigné et se mit à frotter vigoureusement le sol en sifflant. Kei le suivit bientôt, et nous les vîmes, Sanae et moi, continuer leur manège pendant un petit moment. La fillette fit une grimace dubitative et se tourna vers moi.
— C'est pas drôle.
— On devrait peut-être s'y remettre, quand même, fis-je un peu hésitant.
— Vas-y si tu veux, moi j'en ai ma claque de ces trucs débiles.
Je n'étais pas non plus très motivé, mais dans le souci de plaire, je me remettais à la tâche de mon mieux. Entre les efforts de notre professeur et de Kei et mon aide indécise, le nettoyage fut bientôt fini, les seaux remplis d'eau sale jetés, et nous dehors en train de pousser un soupir de soulagement.
— Sanae est partie, alors ? demanda Kei alors qu'il s'essuyait le visage.
— Je suppose... elle n'avait pas l'air super ravie d'être là, décrétai-je.
Nous vîmes Takeshi se pencher sur l'arrivée d'eau située à l'extérieur, qui menait directement à un ensemble de lavabos en plein air. Ceux-ci scintillaient au soleil en exhalant un parfum agréable de propre.
— Ça m'étonnerait, dit notre professeur avec un sourire. Ce coin était presque noir quand on est arrivés.
— Sanae ?
— Sans doute. Elle a beau faire sa princesse, c'est une gentille fille.
— Peut-être parce qu'elle s'est dit qu'elle serait pas payée sinon ? fis-je avec un haussement d'épaules.
Takeshi secoua la tête.
— Tu devrais apprendre à faire plus confiance aux gens, Iruka.
Je ne dis rien. À quoi bon ? J'aurais eu l'air de me plaindre, et rien que cette idée m'était insupportable. Kei me prit le bras et m'entraîna avec lui.
— Allez viens, on va manger !
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Sanae était la fille la plus solitaire et la plus entêtée que j'avais connue jusque-là, et pourtant elle jouissait d'une étonnante popularité auprès des gens de notre âge. Je la voyais souvent en compagnie d'autres enfants que Kei et moi, riant, faisant la fière, se pavanant dans son costume rose trop court, jouant son rôle de Sanae en somme. Les garçons étaient fous d'elle et ne manquaient pas une occasion de l'inviter à dîner ou de lui offrir des cadeaux. Elle n'en refusait aucun ; elle adorait par-dessus tout l'attention qu'on lui témoignait, et moi je la regardais, un peu jaloux moi-même, manger un mets d'empereur au restaurant chic du coin devant le pauvre type du moment sur lequel elle avait jeté son dévolu. L'emmener là avait dû coûter à chacun de ses prétendants un bon mois de travail ; pourtant, ils semblaient tous invariablement heureux. Kei aussi l'observait, mais en se renfrognant.
— Ce n'est pas très gentil de sa part, disait-il. Je sais bien que ça fait marcher le commerce de ses parents, mais quand même...
— Le commerce de ses parents ?
— Tu ne savais pas ? Le restaurant dans lequel elle va toujours est tenu par eux.
Non, je ne savais pas. Je ne savais jamais rien ; à chaque fois, Kei me reprenait sur mon ignorance et m'expliquait tout, avec la patience des professeurs qui s'adressent à de très jeunes enfants. Il aurait fait un excellent maître d'école. Je le lui dis un jour, et il me regarda avec de grands yeux rieurs.
— Moi, prof ? s'exclama-t-il, hilare. Jamais de la vie ! Je veux être Anbu.
Il disait cela d'une manière si naturelle, il était si sûr de lui, que j'étais à mon tour persuadé que cela ne lui poserait aucun problème. C'était mon idole, Kei. Mon meilleur ami et mon confident, celui à qui je rêvais de ressembler. Il avait des amis partout, ce n'étais pas dur de s'attacher à lui, comme Sanae, quoique ses relations avaient un côté moins superficiel qu'elle. Moi, à côté, je passais pour la troisième roue du vélo ; sans amis véritables à part ceux de mon équipe, sans parent pour s'occuper de moi, je n'avais pas le charme magnétique de Sanae ni l'assurance charismatique de Kei. Je n'étais qu'Iruka, le gars ordinaire, pas doué, pas nul non plus, mais situé pile au milieu, dans la tranche que tout le monde oubliait parce que tout le monde y était.
— Je ne serai jamais comme toi, chuchotai-je un jour à Kei, désespéré.
— Pourquoi diable voudrais-tu être comme moi ?
— Je ne sais pas.
Il m'observa d'un air curieux. Je m'en voulus d'avoir dit ces mots. Il devait penser que je n'étais qu'un pleurnicheur, incapable de se faire sa place au soleil. Mais comment aurais-je pu réagir ? Mes notes et mes performances en mission étaient tout juste satisfaisantes, tandis que Kei et Sanae faisaient le gros du travail. Kei était une force de la nature à lui seul et Sanae avait l'agilité et la beauté d'un chat ; moi, je ne faisais que ramasser les maigres bénéfices qui restaient. Kei parut réfléchir.
— Il en faut, quand même, des types comme toi ou ce gars qui a offert un collier de perles à Sanae.
— Des pigeons ?
— Des gens sincères qui font leur boulot, simplement.
— Tu me compares à un type qui se fait avoir par Sanae ?
— Non, non, c'est pas ce que je voulais dire... Arrgh, m'écoute pas, je sais pas parler aussi bien que Takeshi. Lui, il saurait quoi dire pour te rassurer.
Il se gratta la tête d'un air d'excuse. Je ris ; c'était gentil de sa part.
— Bah. C'est pas grave.
Son visage s'illumina.
— Non. Et puis on a besoin de toi, Iruka ! T'es un peu comme euh... comment ils disaient déjà à la télé ? Ah oui, le ciment du groupe. C'est ça.
— Merci.
Mais je n'y croyais qu'à moitié, pour lui faire plaisir. Ma réponse sembla néanmoins le satisfaire, et il partit d'un pas alerte, détaché de toute ombre de regret ou de jalousie.
J'aurais voulu pouvoir en dire autant.
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Cela faisait trois mois que nous étions en équipe, Takeshi, Kei, Sanae et moi. Mon niveau général avait un peu progressé, fort heureusement, mais je n'étais pas le seul. Je savais que Takeshi pensait à présenter Kei à l'examen chûnin. J'étais encore loin de là ; des années en arrière. Je n'avais tout simplement pas le potentiel, et je m'y étais fait depuis longtemps. Sans doute, mes parents avaient dû fonder de gros espoirs en moi à ma naissance, ainsi que tout leur entourage ; après tout, ils étaient assez connus dans le milieu, au point que Kei en entende parler par le biais de son père. Personnellement, j'évitais le plus possible de me renseigner à leur sujet. Mes parents étaient des étrangers que je voyais furtivement une fois par an, à l'occasion de mon anniversaire, et encore ce n'était souvent que ma mère qui prenait sur elle pour venir me rendre visite. Je connaissais à peine le visage de mon père ; on me dit que je lui ressemblais, mais que j'avais les yeux doux de ma mère. Je n'avais jamais su voir en quoi ils étaient « doux ». Pour moi, ils étaient surtout calculateurs. Elle jaugeait mes capacités, ce que j'avais appris en un an, et repartait déçue. C'était ainsi que je voyais ma mère. Mes parents avaient perdus tout espoir en ma promotion rapide dans l'armée. J'étais leur rejeton raté qui savait à peine tenir un kunai. Je crus longtemps que les soupirs de soulagement que poussaient ma mère après m'avoir examiné étaient un signe d'exaspération. Humilié par le peu de cas qu'elle faisait des nouvelles techniques que j'avais apprises, je m'étais peu à peu terré dans une froide indifférence vis-à-vis de mes parents, et je crus qu'ils en avaient fait de même. L'un dans l'autre, nous entretenions une bonne relation, puisque nous ne nous voyions pas.
Puis vint le jour où Takeshi fut en retard à nos rendez-vous quotidiens. Cela n'arrivait jamais. S'il y avait une chose que l'on pouvait dire de Takeshi, c'était qu'il était horriblement ponctuel.
Il apparut une heure plus tard, et nous vîmes qu'il n'était pas seul. Un petit garçon de notre âge l'accompagnait, le visage grave, portant une tenue des plus simples : T-shirt et bermuda noirs, des sandales bleues réglementaires ainsi que tout l'attirail du bon ninja. Ses cheveux étaient pâles, presque blancs, ses yeux noirs, et n'eût été l'air grave qui lui collait à la peau, il eût pu passer pour mignon. Je le regardais avec des yeux agrandis par la curiosité, et je crois que je fus un peu impoli... Je n'avais jamais vu quelqu'un comme lui. Kei me cogna du coude en me disant de remettre mon menton tombant en place. J'en fus horriblement gêné, et Sanae rit en voyant l'expression horrifiée que j'eus à ce moment-là.
— Aujourd'hui, exceptionnellement, on va avoir un nouveau membre, dit Takeshi sans faire attention à ma rougeur. Voici euh...
Il examina attentivement le nouvel arrivant. Je retenais mon souffle.
— On va dire Nanaki, fit-il en riant. Oui, Nanaki, c'est parfait.
Comme prévu, Sanae explosa.
— « Sans nom » ? Mais c'est pas un nom, ça !
— Bah, pourquoi pas ?
— Takeshi, c'est ridicule ! Pourquoi on devrait appeler ce type Nanaki alors que ce n'est manifestement pas son vrai nom ?
— Parce que c'est un ordre, et qu'en tant que ninja de Konoha, vous devez obéir aux ordres. C'est comme ça.
Sanae se tut, visiblement vexée. Ni Kei ni moi n'osions intervenir. Lorsque Takeshi prenait cette voix, ce n'était pas la peine de discuter.
— Bien, continua-t-il en voyant que nous écoutions, en plus de notre nouveau membre, nous avons droit à une mission un peu spéciale cette fois. Une mission de rang B.
Nous échangeâmes des regards surpris.
— Nous n'avons pas le niveau pour ce genre de mission, non ? demandai-je d'une voix incertaine.
— En principe, non. C'est pourquoi nous avons Nanaki ici-présent, il va nous aider.
— Mais pourquoi nous ? Pourquoi ne pas envoyer une équipe plus compétente ?
— Parce que nous avons besoin d'enfants de votre âge, et la plupart de ceux-ci ne sont malheureusement pas chûnin comme Nanaki. Et ils ont d'autres choses à faire.
Il était donc déjà chûnin ? Je l'observais plus attentivement. À part son maintien et ses cheveux blancs, il n'avait rien d'exceptionnel à première vue. Taille moyenne, un peu maigre peut-être... Ses yeux croisèrent les miens et je me détournai, tremblant et craintif comme un agneau. Un instant, j'avais aperçu un éclat familier dans ses iris qui m'avait fait frémir. J'avais eu affaire au même genre un jour d'hiver, dans mon enfance. Un loup affamé était soudain apparu devant moi et avait voulu me dévorer. Paniqué, j'avais eu le réflexe de grimper rapidement à un arbre, ce qui me sauva probablement la vie. J'attendis presque une journée qu'un adulte vienne me chercher, et fus secouru par un ninja qui rentrait de mission. Le loup s'enfuit, et on me ramena chez ma tante qui me gronda et oublia bien vite l'incident. Mais moi je n'avais jamais pu occulter le souvenir des yeux remplis de malice, incroyablement intelligents et calculateurs du loup. Je retrouvais ces mêmes yeux en face de moi, sur le visage impassible et lisse de ce garçon sans nom.
Je frissonnai et me rapprochai de Kei, me cachant dans son sillage. Il fut sans doute surpris, mais me laissa faire sans protester. Les yeux de Nanaki me hantèrent durant toute la matinée, si bien que je n'entendis pas l'explication de Takeshi au sujet de notre mission. Kei dut me les répéter après que nous fûmes repartis chez nous nous préparer. Nous devions nous rendre aux portes de Konoha, et je retrouvai mon meilleur ami en chemin.
— C'est une mission d'espionnage, dit-il. On doit se faire passer pour un moine et ses pages. Takeshi fait le moine, bien sûr, et nous les pages.
— Tous les quatre ?
— Il n'en a besoin que de trois. C'est assez courant chez eux. Sanae jouera le rôle de sa fille.
— Ça aussi, c'est courant ?
— Apparemment. C'est une religion bizarre qui tient un peu de la secte. On doit se rendre dans un de leurs monastères pour quelques jours et enquêter. D'après ce qu'a dit Takeshi, une princesse et sa suite auraient disparus subitement alors qu'elle devait rejoindre son fiancé pour l'épouser.
— Une princesse ?
— Du pays de l'Eau. Elle devait se marier avec un neveu du seigneur du Feu.
— C'est moche, sifflai-je. Mais pourquoi le monastère ?
— C'est là qu'on l'aurait vue pour la dernière fois. Mais ces gens sont un peu bizarres, et en plus ils seraient au-delà de la juridiction du Shôgun.
— C'est bizarre, ouais.
— Je suis d'accord, concéda mon ami. Mais une mission est une mission. On doit juste rester là-bas incognito et fouiller un peu. Personne ne se méfie d'enfants innocents, c'est pourquoi nous devons y aller.
Je soupirai. Des enfants innocents, vraiment... Je savais que nous étions plutôt protégés dans notre village. À douze ans, je n'avais encore jamais tué d'être humain, et je doute que cela fût le cas pour Sanae et pour Kei. Cette mission serait un grand dépaysement.
— Ça sera dangereux, tu crois ? demandai-je, la voix tremblante.
J'avais peur pour ma vie. Quelque chose me disait que nous trouverions là-bas des choses insoupçonnées, un terrible secret peut-être, et je ne voulais pas y aller, pas encore, pas tant que je n'étais qu'un gennin maladroit aux compétences mal exploitées, quand il y en avait.
— Je ne sais pas, fit Kei. Je suppose que ça dépendra s'ils ont oui ou non un rapport avec la disparition de la princesse. Si ça se trouve, ce sont juste quelques moines illuminés et on aura perdu notre temps.
J'en doutais, et je sus en voyant la manière dont il triturait sa poche à kunai qu'il n'en pensait pas un mot. Cette mission serait notre première de rang B, et nous n'avions pas le niveau. Mais il nous faudrait quand même y aller.
Je levai les yeux vers Kei pour lui demander un autre point de détail, et vit qu'il s'était raidi et fixait l'espace derrière moi.
— Vous en avez mis du temps, fit une voix grave que je ne reconnus pas.
Nous étions arrivés à notre lieu de rendez-vous. La voix grave qui nous avait accostée était celle de Nanaki, que je n'avais pas entendue auparavant. Je la trouvais trop dure pour celle d'un enfant.
— Vous êtes prêts ?
Kei hocha la tête.
— Ouais.
Nanaki ne faisait pas attention à lui. Il s'était attardé sur moi et me dévisageai comme si j'avais fait une bêtise. Je m'empourprai, un peu énervé par son attitude.
— Je suis prêt ! m'écriai-je.
Il se détourna sans un mot et se dirigea vers Takeshi qui attendait depuis un moment. Sanae n'était pas encore arrivée.
— Pour qui il se prend, celui-là ? fulminai-je. Tout ça parce qu'il est chûnin, il se prend pour le chef !
Kei se mit à rire.
— Allons, allons ! Je suis sûr qu'il est juste timide. Et puis il va pas nous faire la tête de toute la mission, ce serait trop louche, surtout dans le monastère ! Après tout, on est censés être camarades.
— Tous les coéquipiers ne s'entendent pas, tu sais.
— Mais c'est quand même mieux, non ?
— Mouais.
Mais je n'y croyais guère. Ce type avait quelque chose de froid et de mesquin qui me rappelait ma mère, en plus dangereux. Ma mère ne m'aurait pas fait de mal ; je n'en étais pas si sûr au sujet de Nanaki.
— Et pourquoi garder l'anonymat ?
— Il doit avoir ses raisons. Je préfère ne pas m'en faire pour l'instant. On avisera bien le moment venu !
Sacré Kei. Si droit, si prompt à voir le bien dans ses camarades de Konoha. Je n'étais pas comme lui ; je me méfiais de tous ceux que je ne connaissais pas, et plus encore de ceux que je connaissais, car je savais alors de quoi ils étaient capables. Non pas que je n'eus pas confiance en mes amis ; seulement, je préférais avoir ma propre porte de sortie en cas de problème. J'étais un couard, je le savais, et je l'assumais pleinement en mon fort intérieur, tout en le gardant caché de mes amis (du moins, autant que possible. Je me demandais quelquefois si Takeshi ne m'avait pas percé à jour).
— Youhou ! fit alors la voix de Sanae alors qu'elle s'approchait, un sac énorme sur le dos.
Il était temps d'y aller. Nanaki amorçait déjà un mouvement de marche, auquel répondirent mes deux autres compagnons. Sanae nous rejoignit bien vite. Je contemplai une dernière fois les murailles de Konoha et me mis à suivre le cortège.
À suivre...
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Le chapitre 1 est fini, youpi ! Cela aura été plus facile que je ne le croyais. Les mots coulaient tous seuls, c'était bizarre. J'espère que vous avez apprécié jusque-là. La trame est lente, mais je voulais suivre la relation Iruka/Kakashi plutôt que de les précipiter bêtement dans les bras l'un de l'autre comme je l'ai vu si souvent dans les fics qui s'intéressaient à ce couple.
Surtout, n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, j'en serai ravie !
