26/VIII/11


Je crois que c'est la rentrée qui me booste comme ça. La tension doit tellement m'aplatir de partout que je me mets à écrire. J'en ai marre des longs trucs qui traînent et qui traînent et qui me prennent beaucoup trop d'énergie - même si je dois toujours terminer le monstrueux Lily/James. Depuis que je me suis mise à La guerre intestine, je me plais à écrire des OS courts. C'est plus direct, plus choc peut-être. Ca s'écrit d'une traite, c'est vraiment très agréable.

Celui-ci, je l'ai écrit cette nuit, en quelques minutes. Ca a fusé comme c'est pas permis. Il ne s'y passe pas grand chose mais je l'aime beaucoup.

Trois pages Word, c'est tip-top non ? (Ah oui et pardon pour le titre.)

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La fonte des glaces

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Ma mère me regarde. Elle a des yeux clairs et tristes, comme un nuage que le soleil n'arrive pas à percer. Sa main passe dans mes cheveux – elle sent la rose. « Tu me fais penser à quelqu'un que j'ai aimé » souffle-t-elle.

J'attends. Je suis curieux de savoir qui ma mère a aimé, elle qui n'aime personne.

Mais elle se contente de sourire doucement, de m'embrasser le front et de sortir.

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Je vis dans un monde où tout est froid. Et ce froid est si intense, si terrible que lentement, il enrobe mon cœur et le fait ralentir, ralentir, jusqu'à l'arrêter tout à fait, meurtri dans sa gaine de glace.

C'est ce qui est arrivé à ma mère.

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« C'était un garçon comme toi, Drago. Lui était tout en ténèbres et en rage quand toi tu es fait de lune et de peur. Mais il te ressemblait – ou plutôt tu lui ressembles. Avec ta soif de vivre et ta cruauté patente, et tes rêves de liberté et tes sanglots invisibles, tes hurlements silencieux. Il était courageux, lui, Drago. Il brillait de mille feux brûlants, incendiant ceux qui avaient le malheur de l'aimer. Je t'ai trop aimé Drago et ça m'a gelé le cœur. »

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Vous vous trompez, mère. Ce garçon et moi n'avons rien en commun.

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« Il vous a brûlé, ce garçon mère ? »

Elle me regarde. Elle a l'air étonné que je sois encore là, étonné aussi de la question. Elle papillonne des cils, se rappelle enfin.

Elle esquisse un sourire délicatement amer et secoue la tête. Ses boucles glissent sur ses épaules. « Bien sûr que non, Drago. J'aurais fondu, sinon. »

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Astoria n'est ni de glace ni de feu. Juste jolie. La première fois, ma mère l'a regardée de son air perpétuellement absent. « Elle fera l'affaire, Drago. » Elle a posé sa main sur la joue d'Astoria qui a frissonné et reculé, comme choquée.

Ma mère a souri. « Elle ne fondra pas, ta petite femme, Drago. »

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Astoria m'a aimé au début et je l'aimais aussi. Elle était charmante, un peu timide et régulièrement rosissante. Elle menait les elfes avec patience et douceur - tout ce que ma mère n'avait jamais été.

Elle s'occupait bien de Scorpius, l'enfant malicieux et paisible qu'elle m'avait donné. Scorpius aussi était tout ce que je n'avais jamais été. Dans un sens, j'avais réussi ce que je m'étais toujours promis : ne jamais reproduire le modèle détestable qu'avait été ma famille.

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Ma mère nous laissait dans une certaine tranquillité, vivant à l'opposé de nous. Astoria répugnait de la croiser. Moi je n'attendais que ça. Sentir la main de ma mère sur mon bras ou sur ma joue. J'étais de glace, comme elle, son toucher me renforçait et j'avais l'incroyable impression qu'elle m'aimait de toute son âme.

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Mais ça ne demeurait qu'une impression éphémère, cruellement fausse.

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« Vous vous souvenez de ce garçon dont vous me parliez, mère ? Celui auquel je ressemble ? »

Lentement, sa tête se tourne vers moi et elle acquiesce. « Vous disiez qu'il était tout en flammes. Vous disiez que vous l'aimiez. »

« C'était il y a longtemps Drago » soupire ma mère en posant son front contre la vitre gelée.

Je la dévisage. Astoria ne m'aime plus. Elle m'a dit que c'était parce que j'aimais trop ma mère et ses secrets.

« Je vous ai gelé le cœur » je murmure. Elle ferme les yeux. En guise d'acquiescement ? Merlin, cette conversation remontait à il y a tellement longtemps. « Il vous a brûlée, n'est-ce pas ? »

Elle rit. C'est un petit son de cloche qui me fait vibrer la tête. « Non, Drago, j'aurais fondu sinon. » La même réponse incontournable.

Je secoue la tête. J'ai la nausée. Sur le guéridon, une photo de mon père nous écoute sévèrement - c'est à lui que je ressemble plutôt, nos physiques ne diffèrent presque pas. Ce garçon n'est qu'une chimère, je ne lui ressemble pas. « Bien sûr que vous l'aimiez mère et que l'aimer vous a brûlée. Il vous a brûlé l'âme. Il n'a jamais cessé de vous brûler l'âme, vous fondez de l'intérieur depuis des années. »

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Avec ma mère, le silence a toujours été lourd et cinglant, comme un pic de glace qui vous déchiquette la gorge au moindre faux pas, toujours un trop plein de vacarme. Celui-ci était fait de coton et de silence.

« C'est une maladie lente et douloureuse, Drago » finit-elle par chuchoter. Elle me sourit, m'attrape la nuque. Je me laisse faire, les yeux clos. Lentement, doucement, ses lèvres de glace se posent sur mon front.

Elles y restent si longtemps que j'ai la marque de leurs brûlures.

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J'espère que Scorpius ne sera ni de glace ni de feu, qu'il sera comme sa mère et que l'aimer ne reviendra pas à être maudit.

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Le Manoir est retombé dans sa morosité habituelle. L'absence de Scorpius donne le champs libre au silence qui revient au grand galop. Astoria m'a quitté – officieusement, en société, nous sommes toujours un couple parfait et amoureux.

J'ai froid. Chaque jour qui passe me donne l'impression d'être le jour le plus froid du monde et puis le lendemain est plus froid que le précédent. Ma mère est une ombre que je ne croise plus guère.

Elle est trop occupée à se consumer.

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J'ai fait un rêve. J'ai rêvé que ma mère était immortelle et que le jour de mon enterrement, elle jetterait la première poignée de terre et qu'elle s'en irait, éthérée et aérienne et que la brume l'envelopperait toute entière. J'ai rêvé de sa jeunesse éternelle, de son visage lisse comme au premier jour, de ses yeux immenses qui dévoraient le vent et de ses cheveux de soleil.

J'ai rêvé qu'elle dansait, toujours à tournoyer, au bras d'un homme habité de ténèbres et de rage. Leur danse semait des flammes qui rongeaient la neige et ma mère était la plus belle dans les bras de cet homme, le garçon qu'elle avait aimé. Son sourire me coupait le souffle.

Son immortalité la préservait. Elle ne fondait pas.

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Et je me suis réveillé, tout en sueur. J'ai cherché le corps tiède d'Astoria à côté de moi, parce que j'avais froid, plus cruellement froid que tous les autres jours réunis. J'ai songé un bref instant que j'aurais préféré aimer une femme de feu et qui aurait empêché le maléfice de la glace de totalement m'engloutir – une femme comme Granger tiens.

Et puis, j'ai pensé que c'était absurde, que je devenais fou et je me suis levé.

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Au petit déjeuner, l'elfe m'a annoncé que ma mère était morte.

J'ai été affreusement soulagé qu'elle ne me mette pas en terre.


Woala. Simple, sans beaucoup de fioritures, avec Drago et Narcissa - deux personnes que j'adore complètement. Le garçon n'a pas de nom comme vous pouvez le constater. Mais en écrivant, je pensais à Sirius. Libre à vous de choisir qui vous voulez ou de ne pas choisir du tout.

Je n'ai pas grand chose d'autres à vous dire. Juste que ça m'a fait un bien fou d'écrire ce truc :)

Bonne journée, moi je vais prendre mon goûter o/