Je suis désolée pour ces quelques semaines de pause dans la publication de cette histoire pour ceux qui la suivaient et qui voulaient la suite, mais normalement je devrais être de retour pour de bon cette fois. Puisque certains passages ou chapitres ne me plaisaient plus ou ne collaient finalement pas avec mes idées pour plus tard, j'ai décidé de tous les reprendre ainsi qu'avancer l'écriture des autres pour un postage plus rapide ensuite.
Les six premiers, que vous avez peut-être déjà lus, seront republiés tous les deux jours à partir d'aujourd'hui, avec de légers changements ou ajouts dans à peu près tous – ce n'est donc pas forcément obligatoire de les relire pour la compréhension globale, sauf le cinquième qui est devenu plutôt différent de celui de base et un personnage dans le quatrième qui a été remplacé par un autre, ce qui aura un impact dans une scène future. Après j'essaierai de garder un rythme d'un chapitre par semaine si possible, toujours le dimanche.
Alors pour répondre à ta question, Guest, si tu repasses par ici : oui, il y aura bien une suite à cette histoire ;)
Sinon, pour ceux qui tomberaient sur cette fiction pour la première fois, sachez simplement que c'est un AU basé dans notre monde, c'est-à-dire sans aucune magie, et qu'elle ne sera pas forcément très joyeuse (même s'il y aura quand même bien sûr des moments heureux et remplis de fluffy).
Si vous n'avez pas reconnu, le titre est inspiré de la chanson You Found Me de The Fray parce que je trouve qu'elle colle bien avec la relation qui va se construire entre Emma et Killian ici, par rapport à ce qui leur est arrivé dans la vie.
Voilà, bonne lecture, j'espère !
C'était pourtant une belle journée.
Malgré quelques rafales de vent, le soleil se trouvait haut dans le ciel, et ses rayons venaient réchauffer la peau nue des bras de Killian. Mais cette chaleur estivale n'était pas assez importante pour atteindre son cœur complètement meurtri et le réchauffer lui aussi.
Il poussa un long soupir empli de douleur, ses yeux mouillés de larmes contenues rivés vers l'horizon, puis brisa enfin le silence pesant qui s'était installé entre sa fille et lui depuis qu'ils étaient arrivés au sommet des falaises de Moher – le lieu favori de sa défunte femme.
« Est-ce que tu es prête ? lui demanda-t-il. »
Il sentit une boule se former dans sa gorge, et la main de l'enfant resserrer son emprise sur la sienne à l'entente de cette question.
« Prête, répéta-t-elle après plusieurs secondes de réflexion, d'un ton qui paraissait assuré mais tremblotant tout de même légèrement. »
Elle voulait se montrer forte, comme les grands, comme sa mère surtout, qu'elle n'avait jamais vu pleurer en cinq années d'existence passées à ses côtés.
(En réalité, cependant, elle était tout simplement terrifiée.)
Le jeune homme la lâcha donc un instant, afin qu'il puisse ouvrir le couvercle de l'urne qu'il retenait contre sa poitrine à l'aide de son bras plâtré – triste souvenir de ce jour noir qui avait tout détruit – et laissa s'envoler les cendres de Milah dans les airs. Elles furent bientôt emportées par la brise.
Il ferma ensuite les paupières tout en entrecroisant à nouveau ses doigts à ceux de la brunette et c'est alors qu'une première larme roula le long de sa joue quand cette dernière prononça en un murmure ces quelques mots à l'intention de celle qui l'avait mise au monde tout en lui envoyant un baiser imaginaire :
« Au revoir, maman. Je t'aime. »
Il stoppa tout de même rapidement ses pleurs qui commençaient à lui brouiller la vue. Il n'avait pas le droit de craquer, pas maintenant, pas devant Sarah. Elle avait tant besoin de lui.
(Elle n'avait surtout plus que lui.)
Durant quelques minutes encore ils restèrent ainsi sans bouger à simplement regarder le vide et les vagues se mouvoir sous leurs pieds, Killian se remémorant le terrible accident qui avait ôté la vie de celle qu'il aimait tant, puis ils finirent par s'en aller quand la fillette se plaignit qu'elle avait froid.
Ils rentrèrent alors chez eux après un dernier coup d'œil en direction de l'endroit vers lequel avaient disparu ces grains de poussière, dans leur maison qui leur parut tout à coup bien trop grande maintenant qu'ils n'étaient plus que deux.
Un an plus tard…
Il pleuvait ce jour-là.
Sarah avait l'impression que les gouttes d'eau venues du ciel s'accordaient à celles qui roulaient à flots le long de ses petites joues rosies. Elle ne voulait pas quitter son père et suivre cette inconnue qui lui offrait pourtant le plus doux de ses sourires.
« Chérie, regarde-moi. »
L'intéressée leva ses irises océan en direction de celles de Killian, tout aussi bleues que les siennes – aucun doute qu'ils faisaient partie de la même famille. Il se tenait accroupi devant elle, caressant ses longs cheveux bouclés (héritage de sa mère, cette fois) afin de la rassurer du mieux qu'il le pouvait.
(En vain.)
« Tout va bien se passer, tenta-t-il de lui expliquer. Je ne serai pas loin, et l'on se retrouvera vite, d'accord ? »
C'était la première rentrée de l'enfant à l'école primaire, dans une ville qu'elle ne connaissait pas, qui plus est. Il était donc naturel qu'elle soit effrayée à l'idée de se retrouver à la charge d'autres personnes pendant plusieurs heures, sans lui à ses côtés.
De plus, la fatigue liée au décalage horaire – ils étaient partis d'Irlande pour s'installer dans le Maine, aux États-Unis – n'arrangeait pas vraiment les choses, bien au contraire, même.
L'irlandais ne savait plus quoi faire pour qu'elle cède et le laisse partir. Alors, tel un dernier espoir, il finit par lancer un regard désespéré à l'attention de l'institutrice qui se trouvait avec eux – une certaine Mary-Margaret, s'était-elle présentée à lui plus tôt – et qui observait la scène depuis le début pour qu'elle lui vienne en aide.
Elle se mit à la hauteur de la fillette et prit sa main dans la sienne qu'elle caressa de son pouce en un geste se voulant affectif et rassurant.
« Est-ce que si ton papa nous accompagne jusqu'à la porte de la classe, tu accepterais ensuite de venir avec moi ? proposa-t-elle. »
Sarah sembla réfléchir à la question un court moment, puis fit finalement mine d'être d'accord. Tous trois se dirigèrent donc vers la salle, les doigts de la brunette fermement accrochés à ceux de Killian. Néanmoins, il fallut à nouveau que ce dernier s'arme de patience, de baisers, de promesses et d'étreintes pour qu'elle se détache enfin définitivement de lui.
La jeune femme s'apprêta à rentrer à son tour dans la pièce pour (enfin) débuter son cours, mais fut arrêtée dans sa marche par le père de son élève, qui lui demanda s'il pouvait s'entretenir avec elle un moment. Il fallait qu'il lui explique le pourquoi du comportement de la petite fille.
Ils demeurèrent donc tous deux dans les couloirs de l'établissement.
« Ne vous inquiétez pas, entama directement la conversation la professeur – elle avait l'habitude des parents un peu trop stressés par la première rentrée de leur enfant –, tout ira pour le mieux. Je suis certaine que lorsque vous retrouverez Sarah tout à l'heure, elle aura un grand sourire sur le visage et plus qu'une idée à l'esprit : revenir demain matin.
– J'espère que vous aurez raison, répliqua simplement l'autre. »
Il inspira un grand coup, se grattant machinalement le derrière de l'oreille en un tic nerveux, puis en vint au fait :
« Si je m'inquiète, c'est parce que… j'ai perdu ma femme l'année dernière. Vous devinerez donc que cet événement l'a beaucoup affectée, et nous a énormément rapprochés tous les deux. Elle a encore un peu de mal à me quitter, sans doute par peur de me perdre moi aussi. Et puis… nous venons seulement d'emménager ici – je suppose qu'il faut le temps qu'elle prenne ses marques dans cette nouvelle vie. Je pensais… je pensais donc qu'il serait préférable que vous soyez au courant de tout ceci, au cas où. »
Qu'il détestait se livrer ainsi à de parfaits inconnus sur son passé. Malheureusement, il n'en avait pas vraiment le choix ; il lui avait en effet semblé important que l'institutrice de la petite brune soit mise dans la confidence en ce qui concernait les malheurs qui avaient chamboulé sa pourtant si jeune existence.
(Qui avaient chamboulé leur existence, pour être exact…)
Mary-Margaret, elle, n'avait aucune idée de comment réagir face à ces paroles. Elle ne s'attendait clairement pas à de telles confidences, c'est pourquoi elle se décomposa quelque peu.
Que pouvait-elle, que devait-elle répondre ? Une seule et même phrase se répétait inlassablement à son esprit, qui ne l'aiderait toutefois certainement pas : les pauvres.
« Je suis… désolée, finit-elle tout de même par laisser s'échapper. Mais vous avez eu raison de m'en faire part.
– Ne le soyez pas. Vous n'y êtes pour rien, après tout, rétorqua l'irlandais accompagné d'un haussement d'épaules résigné. »
Puis, à ces mots, il s'excusa auprès de la jeune femme et s'en alla. Pourquoi fallait-il forcément que les gens se conduisent de la même manière lorsqu'ils apprenaient ce qui leur était arrivé ?
Il n'avait vraiment pas besoin de leur pitié et du malaise que cette révélation entraînait toujours. C'était bien trop oppressant et déchirant.
Tout de même, avant de partir, un lança un dernier coup d'œil à sa fille, qui se trouvait avec un petit châtain. En effet, ce dernier, quand il l'avait vue seule au fond de la classe s'était assis à ses côtés et s'était présenté comme étant Roland.
Elle ne lui avait prêté aucune attention en retour.
Même si elle avait fini par bien vouloir quitter Killian, elle n'avait toujours qu'un seul souhait : rentrer chez elle, et vite. C'est pourquoi, malgré les nombreux efforts mis en œuvre par sa maîtresse et ses camarades qui voulaient faire connaissance avec elle, elle ne prononça pas une parole de la matinée.
Du moins, jusqu'à ce que sonne l'heure de la récréation.
Alors que tous les élèves se précipitaient dehors pour s'amuser ensemble, Sarah, elle, partit à la recherche d'un coin isolé – le plus reculé de la cour – afin d'être tranquille loin de l'agitation. Une fois trouvé, elle s'assit contre le mur avec pour seule compagnie son cygne en peluche que sa mère lui avait offert plusieurs années auparavant et qu'elle ne lâchait plus désormais et attendit ainsi que le temps passe tout en regardant les autres rire et courir de partout.
On vint finalement l'arracher à sa solitude au bout de quelques minutes.
Elle dévisagea longuement l'intrus, les sourcils froncés. Comme elle, il avait des cheveux de jais et semblait plus vieux d'environ quatre ans. Il tenait précieusement entre ses bras un livre de contes de fée dont on pouvait lire Once Upon a Time en grosses lettres sur la couverture.
Il l'examina lui aussi, puis se plaça à ses côtés, et la questionna d'une voix bienveillante :
« Qu'est-ce que tu fais toute seule ici ? Pourquoi est-ce que tu ne vas pas rejoindre les autres et jouer avec eux ?
– Pourquoi est-ce que tu ne le fais pas, toi ?! répliqua sèchement la fillette en détournant le regard. »
Cette réponse dérouta quelque peu le garçon. Il resta muet, préférant garder la raison pour lui.
C'était une habitude qu'il avait prise depuis plusieurs années déjà – lui qui n'avait pas beaucoup d'amis aimait se retrouver seul pour pouvoir lire sans être dérangé et s'évader dans un autre monde rempli de magie et d'aventures diverses. Il lui arrivait parfois même d'inventer que les habitants de la ville n'étaient autres que les personnages de son bouquin, retenus dans Storybrooke suite à une malédiction lancée par la Méchante Reine de la Forêt Enchantée qui leur aurait enlevé les souvenirs de leur ancienne existence.
Les autres ne semblaient pas adhérer à son imagination débordante puisqu'ils se moquaient souvent de lui, c'est pourquoi à présent il se taisait à ce sujet.
Comme la brunette ne semblait pas encline à la discussion, le plus vieux décida de l'ignorer et reprit sa lecture là où il s'était arrêté la fois précédente. Toutefois, au bout d'un certain temps, voyant qu'elle avait l'air de s'ennuyer, il se mit à raconter ses récits à haute voix pour en faire profiter Sarah.
(Peut-être serait-elle intéressée par ceux-ci, elle.)
La tête cachée entre ses jambes, elle fit d'abord mine de ne pas écouter mais devint petit à petit plus attentive aux dires de son compagnon. Il réussit même à faire apparaître un timide rictus sur sa mine jusqu'ici triste – chose pourtant inespérée, et une grande première depuis le départ de son père.
Elle se prêta finalement au jeu, et lui demanda de plus amples renseignements sur les différents protagonistes ainsi que leurs rôles, ce que l'autre enfant fut plus qu'heureux de lui expliquer dans les moindres détails – pour une fois qu'on lui posait de véritables questions là-dessus. Il lui montra aussi les illustrations qui accompagnaient chacune des histoires.
Tellement absorbés par ce qu'ils étaient en train de faire, ils manquèrent de peu d'entendre la sonnerie de fin de récréation. Ils se séparèrent alors presque à contrecœur ; tous deux devaient retourner dans leur classe respective. Cependant, avant de la quitter pour de bon, le garçon tendit une main à la fillette et lui fit :
« Au fait, je suis Henry. »
L'intéressée la serra après une courte hésitation, accompagné d'un vrai sourire.
Cette rencontre lui permit de mieux appréhender le restant de la journée, à tel point qu'elle passa beaucoup plus rapidement que ce qu'elle avait d'abord imaginé. Ce fut donc avec sa joie maintenant retrouvée qu'elle passa le portail de l'école et rejoignit son nouvel ami qui attendait sa mère.
Ils conversèrent gaiement ensemble pour patienter, jusqu'à ce que Killian n'apparaisse dans le champ de vision de l'irlandaise.
« Papa ! s'écria-t-elle tout en courant sans attendre vers lui. »
Une fois à sa hauteur, elle lui sauta au cou et l'embrassa bruyamment sur la joue. Ce dernier lui rendit son baiser sous le regard quelque peu envieux de Henry qui n'avait pas bougé et observait la scène de loin, alors qu'un nœud se formait au creux de son estomac.
Lui qui n'avait jamais connu son père – il avait abandonné sa petite-amie sans même savoir qu'il l'avait mise enceinte à seulement dix-huit ans –, il lui pesait parfois de ne pas savoir ce qu'était que d'en avoir un. Surtout devant de telles scènes qu'il ne vivrait jamais lui-même…
« Tu as l'air d'être en meilleure forme que ce matin, constata l'adulte en reposant Sarah sur le sol. Tout s'est bien passé ? »
La petite fille raconta sa journée dans les moindres détails, n'omettant bien évidemment pas sa rencontre avec son nouvel ami.
« Il m'a montré ses histoires, et tu sais ce qu'il m'a dit ? C'est un secret, tu ne dois pas le répéter, hein ! Mais ma maîtresse, c'est Blanche-Neige en fait. Tu imagines ?! s'enthousiasma-t-elle. »
Véritablement heureux et surtout soulagé de la retrouver ainsi, telle l'enfant pleine de vie qu'elle était habituellement, Killian laissa s'échapper un petit rire tout en lui caressant tendrement la joue. Il s'approcha ensuite de Henry et, quand il fut posté devant lui, il s'adressa à lui d'un ton des plus reconnaissants :
« Merci d'avoir pris soin de ma fille, jeune homme. »
Ce dernier voulut répliquer quelque chose, un peu gêné, mais il fut coupé dans son élan par l'arrivée de sa mère. Un vent de panique s'empara de tout son corps quand elle aperçut son enfant en compagnie d'un parfait inconnu – pourtant, la bourgade dans laquelle ils vivaient était si petite qu'elle était persuadée d'avoir croisé au moins une fois chacun de ses habitants.
Elle accourut donc vers lui le plus vite possible.
« Henry ! le réprimanda-t-elle. Ne t'ai-je donc rien appris ? Tu ne dois pas parler aux personnes que tu ne connais pas ! »
Tout en éloignant son fils de l'irlandais d'un geste protecteur, elle lui lança un regard noir. Lui la contempla silencieusement, sa main grattant distraitement le derrière de sa tête, mal-à-l'aise.
Elle avait de longs cheveux dorés qui encadraient son visage dont les traits étaient tirés par la colère. Ses irises émeraude le perçaient de part en part, à en faire frissonner même le plus valeureux des hommes.
Pourtant, ce ne fut pas ce qui attira l'attention de Killian en premier. Ce fut autre chose, une lueur – ou plutôt, une absence de lueur – qu'il ne connaissait que trop bien.
Elle paraissait éteinte, au fond d'elle.
(Tout comme lui depuis la disparition de sa femme…)
Elle aussi, de son côté, l'examina de la tête aux pieds, méfiante. Puis, quand elle eut terminé son inspection, elle brisa enfin le lourd silence qui s'était installé entre eux d'un ton des plus froids :
« Qui êtes-vous ? Je ne vous avais encore jamais aperçu avant.
– Killian Jones, se présenta l'intéressé en tendant un bras vers elle. Nous sommes arrivés ce week-end avec ma fille, nous venons d'emménager ici. Et vous, vous êtes ? »
La blonde, sur la défensive, regarda longuement cette main qu'il attendait qu'elle serre. Au fond d'elle une voix lui répétait de s'enfuir et de se tenir le plus éloigné possible de cette personne.
Néanmoins, elle ne pouvait pas se montrer malpolie, c'est pourquoi elle finit par la prendre dans la sienne du bout des doigts. Elle aperçut par la même occasion une cicatrice au beau milieu de sa paume mais n'y prêta pas davantage attention. Elle rétorqua simplement :
« Emma. »
Elle n'ajouta rien d'autre, prit son fils par les épaules puis fit mine de s'en aller. Toutefois avant de partir elle eut le temps d'entendre la voix de l'irlandais s'adresser à elle :
« Au plaisir de se recroiser bientôt, alors, Emma. »
La façon presque provocatrice dont il prononça son prénom la fit frissonner malgré elle. Elle pressa davantage le pas et hâta Henry pour qu'ils quittent ces inconnus au plus vite.
Ce dernier se retourna tout de même pour faire un signe d'au revoir à la plus jeune de tous auquel elle répondit avec bonheur puis suivit sagement sa mère jusqu'à chez eux.
Killian les regarda s'éloigner sans jamais quitter cette dénommée Emma des yeux, la tête penchée et les sourcils relevés en signe d'incompréhension, jusqu'à ce qu'ils ne disparaissent de son champ de vision. Il ne voyait pas pourquoi elle s'était montrée de cette façon sur ses gardes avec lui, ne lui laissant même pas la possibilité de s'expliquer.
Elle paraissait vouloir se protéger, elle ainsi que son enfant. Mais de quoi ? Ce n'était pas comme s'il avait été sur le point de l'enlever ou de lui faire quelconque mal.
(Lui aussi se protégeait, pourtant. A jouer de ses charmes pour cacher un mal-être plus profond derrière des sous-entendus…)
Il n'eut cependant pas le temps de s'attarder davantage sur la question puisque la voix de sa propre fille le sortit de ses pensées :
« J'ai faim… Est-ce qu'on peut aller manger un gâteau au chocolat, dis, s'il-te-plaît ? »
Le brun, qui ne pouvait rien refuser à Sarah quand elle lui lançait son regard suppliant avec lequel elle le fixait présentement (elle l'avait hérité de lui, au grand dam de Milah quand tous deux se mettaient à l'utiliser pour la faire céder), accepta donc sa requête et l'emmena au Granny's, la petite auberge-restaurant dans laquelle ils s'étaient installés le temps que le jeune homme ne trouve un travail lui permettant de leur payer un véritable appartement.
Ils furent accueillis par Ruby et sa grand-mère, les deux gérantes de l'endroit, qui les saluèrent chaleureusement avant de prendre leur commande. Ils échangèrent encore quelques banalités avec elles puis partirent s'asseoir autour d'une table en attendant qu'on les serve.
Alors qu'il se trouvait en pleine conversation avec son enfant, l'attention de l'irlandais fut subitement détournée par l'entrée d'Emma et Henry dans le bâtiment. Dès lors que leurs irises se rencontrèrent, la blonde baissa les siennes puis accéléra le pas jusqu'au comptoir où elle salua les personnes présentes, préférant ignorer sa présence dans la pièce.
C'était malheureusement sans compter sur l'une des ses plus proches amies, une certaine Elsa, qui la lui rappela très vite.
« Eh bien, s'exclama-t-elle discrètement, de façon à ce que seules les personnes en sa compangie puissent l'entendre. Je crois que tu as tapé dans l'œil du nouvel arrivant. Il ne t'a pas lâchée du regard depuis que tu es là ! »
En effet, Killian se trouvait toujours à dévisager la jeune femme lorsqu'elle se tourna dans sa direction pour vérifier les dires de sa camarade – non pas qu'un inconnu ait jeté son dévolu sur elle l'intéressait réellement, surtout quand il avait parlé avec son fils plus tôt dans la journée, mais elle voulait se rendre compte par elle-même si ce que lui affirmait l'autre blonde était bien vrai.
Elle ne put donc que constater que c'était le cas.
Se pouvait-il qu'il soit un genre de psychopathe qui en avait après elle et sa famille, venu exprès à Storybrooke dans le seul but de leur nuire ?
Ne sois pas idiote, se réprimanda-t-elle intérieurement. Il n'a rien fait de mal, c'est toi qui es trop protectrice et réagis au quart de tour quand il est question de Henry.
Elle voulut tout de même répliquer quelque chose, mais n'en eut pas l'occasion puisque Ruby s'ajouta à la conversation des deux amies. Elle dévorait littéralement l'irlandais du regard quand elle fit remarquer à son tour :
« Il est plutôt mignon, n'est-ce pas ?
– Il était surtout en train de parler à Henry quand je suis arrivée à l'école tout à l'heure… »
Devant l'air interrogateur des deux autres, Emma raconta sa rencontre avec le brun tout en buvant son chocolat chaud à la cannelle – leur boisson favorite, à son fils et elle. Elles parlèrent encore de lui un moment, se demandant ce qui avait bien pu le pousser à quitter son île natale pour cette petite ville si peu connue et seul avec son enfant, qui plus est, jusqu'à ce que Ruby ne finisse par poser le torchon de vaisselle qu'elle avait entre les mains sur le bar.
« Bon, fit-elle d'une voix se voulant sérieuse en s'adressant à la mère de famille. Puisqu'il n'a pas l'air de t'intéresser, moi, je vais tenter ma chance. »
Puis, à ces mots, elle se dirigea vers la table de Killian, un grand sourire charmeur au bord des lèvres auquel personne ne restait insensible. Il lui répondit par un timide rictus.
« Tout se passe pour le mieux pour vous ? ne se démonta-t-elle pas pour autant, tout en diminuant davantage l'espace qui les séparaient l'un de l'autre.
– Euh… oui, merci, répondit poliment l'intéressé, bien que légèrement gêné par cette soudaine proximité.
– Il est trop bon votre gâteau madame ! ajouta Sarah, enthousiasmée.
– Tu peux m'appeler Ruby, tu sais.
– D'accord Ruby. »
La brune, qui allait tenter d'engager la conversation pour en savoir plus sur cet étranger qui avait pris ses quartiers chez eux, se stoppa quand elle comprit qu'il ne faisait déjà plus attention à elle et qu'il s'était remis à contempler Emma. Celle-ci s'apprêtait à quitter les lieux.
Il ne pouvait pas la laisser partir sans avoir pris le temps de lui parler, c'est pourquoi il se tourna à nouveau vers son interlocutrice et lui demanda en se grattant le derrière de l'oreille, gêné :
« Est-ce que je peux vous demander un service ? »
Il fallait absolument qu'il s'excuse auprès de la jeune femme, qu'il lui explique pourquoi elle l'avait trouvé en compagnie de son enfant. Il n'avait aucune idée de ce qu'elle avait bien pu imaginer en les voyant ensemble, mais elle n'avait pas eu l'air d'apprécier et se faire des ennemis dès son installation n'était décemment pas la meilleure façon de reprendre sa vie de zéro.
« Oui, bien sûr, accepta la serveuse. »
Soulagé, il lui offrit un sourire des plus sincères, avant de continuer :
« Pourriez-vous surveiller ma fille quelques minutes ? J'ai quelque chose d'important à faire.
– Pas de problème. »
Elle eut à peine le temps de lui répondre que déjà, il se précipitait à la poursuite de la blonde vers la sortie, avant qu'il ne soit trop tard. Il lui cria un « attendez » qui la fit s'arrêter dans sa marche et se retourner…
… Juste à temps pour recevoir Killian entre ses bras, qui avait lamentablement trébuché en voulant aller trop vite.
Il se rattrapa à elle du mieux qu'il put afin de garder l'équilibre. Quand il se rendit compte de la posture dans laquelle il se trouvait, il ne bougea d'abord pas, tentant de reprendre contenance.
Et, à sa grande surprise, elle non plus.
Elle se contenta de le regarder longuement, prenant cette fois réellement le temps de l'inspecter en détails. La voix de son amie vint alors résonner à son cerveau.
Il est plutôt mignon, n'est-ce pas ?
Oh que oui, il l'était.
Elle ne l'avait pas remarqué précédemment, bien trop occupée à lui en vouloir et se méfier de lui pour s'attarder sur son physique, mais maintenant qu'ils se trouvaient si proches l'un de l'autre, elle ne pouvait que le constater par elle-même. Ses bras et son torse musclé, ses cheveux aussi noirs que la nuit, sa barbe de quelques jours, et même la cicatrice qui coupait sa joue… tout chez lui semblait absolument charmant. Sans parler de son accent.
Pire encore, il possédait les yeux les plus bleus, les plus beaux qu'elle n'avait vus jusqu'alors. Elle s'y serait noyée dedans si elle n'avait pas aperçu à l'intérieur de ceux-ci quelque chose qui la ramena vivement à la réalité et l'obligea à se détacher de lui.
Comment un simple regard pouvait-il porter tant de tristesse en lui, comme s'il avait connu tous les malheurs du monde ? C'en était presque effrayant.
(Elle avait sa réponse, pourtant, puisque le sien lui était étrangement semblable.)
« Qu'est-ce que vous me voulez ?! finit-elle par demander froidement une fois ses esprits repris.
– Je… euh… je… »
L'irlandais, quelque peu chamboulé par ce qui venait de se passer entre eux – il avait bien senti qu'Emma avait su lire dans ses irises toute la peine qu'il tentait pourtant tant bien que mal de cacher aux autres –, soupira et se racla la gorge, à la recherche des bons mots.
« Je voulais vous demander pardon, commença-t-il de façon simple ses excuses. Pour tout à l'heure. Je n'aurais pas dû parler à votre fils, mais…
– Non, effectivement, vous n'auriez pas dû, le coupa la jeune femme. Sur ce, si vous voulez bien me laisser tranquille, j'ai des choses à faire. Au revoir. »
Elle fit ensuite mine de s'en aller, mais Killian la retint avant qu'elle ne passe la porte. Il ne pourrait pas attendre un autre moment pour s'expliquer.
C'est pourquoi il planta son regard dans le sien et continua sans faire de pause :
« Je comprends parfaitement que vous m'en vouliez. Moi-même, si j'avais aperçu un inconnu seul en compagnie de Sarah, j'aurais paniqué et me serais imaginé les pires scénarios – et si c'était un psychopathe qui lui veut du mal, par exemple ? Elle est tout ce que j'ai de plus cher au monde. C'est pour cette raison justement que j'ai parlé à votre fils. Parce que lorsque je l'ai quittée ce matin, elle était en larmes et que si je l'ai retrouvée avec le sourire cet après-midi, c'est en grande partie grâce à Henry. Je voulais donc le remercier. Je suppose qu'en tant que mère, vous serez d'accord avec moi pour affirmer que rien n'est plus beau et précieux que le sourire de notre enfant, n'est-ce pas ? »
La blonde resta muette suite à ce discours, à le dévisager sans prononcer le moindre mot. Toute colère avait à présent disparu, laissant place à un sentiment au fond d'elle qui lui comprima le cœur. Un timide rictus étira même ses lèvres quand il lui fit part de son exemple du psychopathe.
Il comprenait ses doutes.
C'était si rare, pourtant. Même ses propres amies lui avaient reproché d'être trop dure avec lui, de l'avoir jugé trop vite. Mais elle n'y pouvait rien, c'était dans sa nature que de se protéger, après avoir tant de fois été malmenée par la vie.
C'est pourquoi, même si elle lui accorda son pardon, elle le quitta bien rapidement et rentra chez elle en compagnie de son fils. Car après tout, fuir, c'était ce qu'elle savait faire de mieux.
Comme lors de leur premier échange, le jeune homme la regarda s'en aller sans bouger. Cette femme ne le laissait clairement pas indifférent – pas un attirance pour elle, non, car même s'il ne pouvait nier qu'elle était tout à fait séduisante, il n'avait aucune envie de penser à l'éventualité de rencontrer quelqu'un d'autre depuis la mort de Milah. Il souhaitait simplement en apprendre davantage sur elle et ces murs qu'elle semblait avoir érigé bien haut tout autour d'elle.
Elle l'intriguait franchement.
Quand il retourna en direction de sa table et que ses irises rencontrèrent celles de Ruby, il comprit que cette dernière avait suivi toute la scène de loin. Elle l'informa donc, après qu'il l'eut remerciée d'avoir surveillé la brunette, lui offrant même un verre de jus d'orange pour patienter :
« Vous savez, si vous êtes intéressé par Emma… Je préfère vous prévenir, elle n'est pas vraiment du genre à vouloir s'embarrasser d'un homme dans sa vie. »
(Elle voulut ajouter un « moi, en revanche » mais se retint de peu, par peur de paraître trop directe – même si, habituellement, la subtilité n'était pas son fort, une enfant les écoutait, tout de même.)
« Ça tombe bien, puisque moi non plus, répliqua Killian avec un simple sourire. Merci encore, et bonne soirée. »
Puis, à ces mots, il prit Sarah par la main et se rendit dans leur chambre à l'arrière du restaurant, laissant la serveuse seule au beau milieu de la pièce, quelque peu déçue par cet aveu.
