Fandom : Kuroko no basuke
Titre : Enfer & Paradis
Disclaimer : Les personnages de Kuroko no basuke ne m'appartiennent pas et heureusement car si ça avait été le cas, Akashi se serait déhanché toutes les nuits comme une strip-teaseuse autour d'une barre de fer pour gagner sa vie. Aussi, je ne fais pas d'argent avec cette fanfic (même si les impôts m'ont tout pris).
Rating : M, comme bien souvent
Genre : Les fanfics de Vyvy quand son cerveau manque à l'appel (oui, ce genre existe car je viens de l'inventer)
Pairing : Midorima x Takao (pour changer)
Chapitre 1: L'Enfer, c'est les Autres
Un Enfer. Avec un "E" majuscule qui reflétait très bien le fond de sa pensée.
Vraiment, il n'y avait pas d'autre mot.
Midorima vivait un véritable Enfer depuis qu'il sortait avec Takao. Plus précisément, depuis le jour où il s'était rendu compte tout seul comme un grand, après la première Winter Cup, qu'il éprouvait des sentiments s'éloignant de la simple amitié virile et fraternelle envers le possesseur de l'œil de faucon.
Prendre conscience des émotions diverses et variées qui s'emparaient involontairement de son cœur à chaque fois qu'il était en présence du brun (à savoir, de huit heures à vingt heures tous les jours hors weekends, vacances scolaires et jours fériés, quoique…) n'avait pas été le pire, loin de là. Non, car ensuite, il avait fallu amorcer les grandes manœuvres menant à la déclaration en bonne et due forme.
Shintarô était quelqu'un possédant à la fois beaucoup de détermination et au moins autant de fierté (parfois bien mal placée). La première le poussait à avouer ses sentiments s'il voulait conquérir l'élu de son cœur, tandis que la seconde l'obligeait à ne pas afficher ouvertement son amour envers ledit élu. Le compromis qu'avait alors trouvé Shintarô avait été le suivant : ne rien dire oralement, mais se manifester par de petites attentions de-ci, de-là. Observateur comme il était, Takao aurait sans doute remarqué à la seconde que son Shin-chan était amoureux de lui, et lui aurait sauté dans les bras avec sa vigueur habituelle. Shintarô n'aurait eu alors qu'à le soulever et poser un baiser sur ses lèvres et tout aurait été parfait.
Midorima n'avait pas prévu que perdre une fois par mois au jakenpon (1) pour savoir qui des deux remorquerait l'autre, ou que partager deux takoyaki (2) et un peu de kimuchi (3) provenant de son bentô (4) maternel serait d'une telle subtilité que Takao lui-même n'y verrait que du feu. Et voilà comment cette comédie sentimentale s'était honteusement éternisée deux années pleines et entières, sous les regards désespérés du professeur Nakatani qui coachait l'équipe de basketball de Shûtoku; de Miyaji, Kimura et Ôtsubo, fidèles parmi les fidèles (après tout, ils suivaient la série depuis son tout premier épisode, quand les deux rookies d'alors avaient fait leur rentrée au lycée) qui, bien qu'étant déjà à l'université, ne rataient pas une miette des péripéties sans intérêt racontées par leurs frères cadets respectifs; mais également de Momoi, qui avait joué les Gazettes du dimanche grâce à ses capacités d'informatrice en rapportant le moindre non-rebondissement constaté (accompagné de ses propres déductions) à chaque membre de la Génération des Miracles.
Le nombre de fois que Midorima s'était réfréné à exploser son téléphone portable contre un mur, quand il recevait des commentaires sarcastiques ou des conseils faussement innocents à ce sujet de la part d'Akashi qui vivait pourtant à Kyôto, ou de Murasakibara qui résidait à Akita, dans le nord du Japon ! Inutile de préciser qu'il s'était acharné à éviter autant que possible Kise, Aomine et Kuroko, certainement le pire d'entre tous, à lui envoyer le top 10 des marques de préservatifs les plus utilisées, sérieusement... Qui ne pouvaient s'empêcher de lui jeter des coups d'œil moqueurs ou compatissants à chaque fois que leurs chemins se croisaient…
Néanmoins, il avait fallu attendre la remise des diplômes pour que Midorima, lassé de tourner en vain autour de ce Bakao de malheur qui, aussi surprenant que cela pût paraître, refusait de mordre à l'hameçon, ne se décide à prendre les choses en main de manière sérieuse : il avait proposé au brun, tout de go, de partager un appartement durant leurs études dans la capitale. Bien entendu, les arguments invoqués par Midorima étaient tout trouvés : division du loyer par deux (offre très alléchante quand on connaît le prix de l'immobilier à Tôkyô), partage des charges, des frais de bouche et des tâches ménagères, soutien mutuel dans les devoirs, et patati et patata. Jamais, mais alors jamais, il n'avait osé ne serait-ce qu'un instant, avouer à voix haute ses véritables motivations, à savoir créer un rapprochement encore plus tangible et ainsi propice à la mise en place d'une histoire romantique, à supposer que Takao y consentît.
Le pari de Midorima s'était avéré payant au final, allant au-delà même de ses espérances le soir d'hiver où le brun aux yeux en amande était venu de sa propre volonté se nicher dans le creux de ses bras, sous un kotatsu (5) bon marché, épuisé par une journée de cours particulièrement stressante. Cette soirée avait marqué d'une pierre blanche l'éveil de leur relation amoureuse qui perdurait depuis plus d'un an maintenant.
Tout ça pour expliquer quoi, déjà ? Ah, oui : il vivait un Enfer.
« Mon fils, avait déclaré le père de famille d'un œil émeraude étincelant d'autorité, tu as bientôt dix-neuf ans et tu vis en couple avec Takao-kun.
-M… Mais non ! Avait spontanément nié Shintarô.
-Silence ! Tu es une honte ! Pour toute la famille Midorima !
-Ce n'est pas du tout ce que vous croyez, na no da yo ! Nous… Nous ne sommes pas ensemble !
-Vivre dans une union libre, comme disent les jeunes… Une telle infamie ne saurait être tolérée !
-Ce n'est que pour les études !
-Crois-tu ainsi pouvoir nous duper ? Vous sortez ensemble depuis le lycée !
-Mais c'est complètement faux, nous n'étions pas encore ensemble… Et nous ne le sommes toujours pas ! Avait piteusement tenté de rattraper le jeune homme, paniqué.
-Tout ceci n'est qu'un mensonge, tu ne nous as jamais ramené personne ici, encore moins la moindre fille alors que lui passait matin et soir à la maison, si j'en crois ta mère !
-Il m'amenait à l'école, na no da yo !
-Même le weekend ?
-Il y avait entraînement le samedi matin et souvent des matchs l'après-midi !
-Et le dimanche, alors ?
-Il… m'emmenait acheter mon porte-bonheur !
-Et les jours fériés ?
-Nous faisions nos devoirs !
-Mmm… Est-ce la vérité, Shiori ? Avait interrogé Midorima senior en s'adressant à son épouse.
-Il ne ment pas, du moins, sur les buts de leurs rencontres. Mais ils sortaient déjà ensemble assurément, depuis leur première année de lycée très précisément», avait affirmé sans ciller la maman.
Estomaqué par cet aplomb maternel (d'autant plus outrageux que les propos déclarés étaient objectivement faux), Shintarô n'avait rien pu répliquer d'autre qu'un faible :
« Mais nous n'étions pas ensem…
-Vous l'êtes aujourd'hui, l'avait coupé le père. Et toute cette comédie dure depuis trop longtemps maintenant sous notre nez à tous. Cette histoire parfaitement illégitime au sein de notre famille… Il est temps d'y mettre un terme !
-Mais… Père ! Attendez, écoutez-moi !
-Non ! S'était emporté Midorima senior en tapant du poing sur la table. Cette situation n'a que trop duré ! Un mariage doit être organisé le plus tôt possible ! Ta mère et moi n'accepterons jamais que notre fils aîné puisse vivre dans la débauche d'une union libre !
-Marier son fils est l'un des plus grands rêves d'une mère… S'était émue Midorima Shiori en portant la main à ses lèvres, les larmes au bord des yeux. J'ai toujours dit que le blanc t'allait à merveille, Shintarô…
-Qu… Quoi ? Avait bêtement bégayé le susnommé.
-Il ne pourra pas mettre un kimono de mariée, puisque c'est un homme, voyons… Avait fait remarquer le père de famille à sa femme en fronçant les sourcils.
-Non, mais je l'imagine avec une tenue de cérémonie traditionnelle blanche…
-Cela se discute, en effet. Je te laisserai gérer l'organisation du mariage. Ma seule condition étant que ce doit être un mariage shintô, dans nos traditions.
-Mais quelles traditions ? Avait alors explosé Shintarô devant la béatitude rêveuse de ses parents. Ce n'est même pas légal de se marier entre hommes au Japon, na no da yo !
-Nous le rendrons légal », avait répliqué ses parents en haussant les épaules, comme s'il ne s'agissait que d'une simple formalité.
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Un Enfer, donc.
Comme ce grand déjeuner familial auquel il avait été sommé de participer et qui servait de prétexte pour discuter des modalités du futur mariage. Mais attention ! Chacun restait à sa place : les hommes parlaient politique et affutaient leurs arguments, recoupaient leur carnet d'adresse bien rempli pour réfléchir à la manière d'amener le sujet sur un terrain public afin de légaliser le mariage homosexuel au Japon; les femmes, elles, discutaient du temple approprié pour une telle cérémonie, des cadeaux à offrir et des vêtements qu'il faudrait porter en cette occasion unique.
Le jeune homme pensa à son petit ami, qui avait dû décliner l'invitation à cause, lui aussi, d'obligations familiales de son côté. Quelle chance il avait…
« Shintarô, tu sais où se trouve l'album de famille, tu sais, celui qui contient tes photos quand tu étais plus jeune ? »
La question de sa mère le sortit de sa brève, trop brève rêverie et il se redressa sur sa chaise :
« Il est dans votre chambre, d'ordinaire, non ? Répondit-il.
-Tu veux l'habiller tout de blanc, Shiori, mais je ne suis pas d'accord. Il faut faire ressortir l'éclat de ses yeux de jade, cette caractéristique de la famille Midorima, sortit de but en blanc sa tante, sœur aînée de son père, qui plongea ses yeux émeraude dans ceux, noirs, de la mère Midorima.
-C'est justement pour cela que le blanc est la couleur la plus appropriée ! Rétorqua Shiori, sans demander son avis au principal intéressé, en se levant pour aller chercher l'album photo.
-Il faut l'agrémenter de vert, répliqua la tante. Et il faudra mettre sur le kimono le blason de notre famille.
-Cela ne vous choque pas, ma tante, que la mariée ne soit pas tout en blanc ? Interrogea doucement la sœur cadette de Shintarô.
-Ce mariage ne sera pas conventionnel, de toutes les manières, alors un peu de fantaisie ne fera pas de mal !
-Et je ne serai certainement pas une mariée, tout le monde semble oublier que je suis un homme, ici ou quoi ? S'agaça Shintarô. Ma tante, vous ne dites rien ?
-Ça suffit, Shintarô ! S'exclama le père de famille, du bout de son coin de table. Tu n'as pas ton mot à dire dans ce mariage, contente-toi donc de suivre les conseils avisés de la famille. Estime-toi déjà chanceux d'avoir choisi ton futur mari !
-Vous vous rendez compte de que ce vous dites, un peu ? Je viens de rentrer à l'université !
-Shintarô ! Je ne le retrouve pas, lui dit sa mère en revenant s'asseoir à table.
-Quoi donc ? S'étonna Midorima senior ainsi que tous les membres masculins de sa famille et de celle de son épouse, réunis autour de lui dans une ambiance de complot hautement suspecte.
-L'album photo de Shintarô ! Il n'est plus là !
-Vous n'avez pas d'enfant en bas âge, ou un animal de compagnie qui pourrait déplacer un livre… Qui peut donc emprunter un tel album ? » S'interrogea à voix haute la tante en levant un sourcil circonspect.
Scrutée par son air sévère, l'assemblée se tut un instant.
« Ne l'as-tu pas montré à Takao-kun récemment ? Demanda diligemment, d'une voix un peu chevrotante, la grand-mère maternelle de Shintarô à Shiori.
-Eh bien… Oui, comme toutes les mères avec leur future belle-fille, non ? »
Le silence se fit de nouveau parmi l'assemblée.
Jusqu'à ce que, non pas un, pas deux, mais trois hurlements de rire ne résonnent dans le vaste salon de la maison familiale : deux de ses jeunes cousins du côté de sa mère, une cousine du côté de son père.
« Ha ! Ha ! Ha ! C'est trop mignon ! On dirait que vous sortez tout droit d'un shôjô manga ! S'esclaffèrent les adolescents en s'étreignant mutuellement pour ne pas tomber de leur chaise tant la situation leur paraissait cocasse.
-Non, d'un yaoi manga ! Rétorqua la cousine, appuyée par le vigoureux hochement de tête de la sœur de Shintarô.
-C'est pareil ! Il ne manque plus que les petites fleurs et tout le tralala !
-Trop de guimauve, tu risques d'attraper le diabète, Shintarô-kun !
-Mais si Takao-kun est une belle-fille… Cela veut dire que Shintarô onii-san, tu seras bien l'homme dans le couple, n'est-ce pas ?
-Ça ne se passe pas comme ça ! Eructa le jeune homme.
-Mais tante Shiori disait que Shintarô-kun devait se vêtir en blanc pour son mariage… Comme les femmes, alors… Alors… Je ne comprends plus rien ! S'emmêla la cousine.
-Mais les hommes aussi peuvent être en blanc, rappela la grand-mère d'une voix sage.
-D'accord, alors soyons plus clairs : uke (6) ou seme (7) ? Interrogea Naru, la dernière sœur de sa mère, qui avait une petite trentaine, une lueur prédatrice et gourmande dans le regard alors qu'elle avait décidé de mettre son grain de sel dans la soupe.
-Ça veut dire quoi ? Demanda le plus jeune des deux cousins.
-Dans un cas, tu as très mal le lendemain matin, et dans l'autre… Tu as mal aussi, mais moins et pas au même endroit… Expliqua le grand frère.
-C'est ma vie privée, na no da yo ! Et ça ne vous regarde pas !
-C'est la raison pour laquelle ce mariage doit avoir lieu au plus vite, déclara le père Midorima, plus grave que jamais, en constatant le chahut entourant son fils.
-Je te l'ai dit, appuya son épouse d'une voix excitée, lui et Takao-kun sont faits l'un pour l'autre !
-Ça va ! C'est bon, j'ai compris ! Râla le futur marié qui sentait venir la migraine au grand galop. Et taisez-vous, vous deux ! Ajouta-t-il en direction de ses deux cousins qui, pour divertir les filles, s'amusaient à le parodier lui et Takao dans des scènes d'amour à deux balles. Je vous ai déjà dit que ça ne se passe pas du tout comme ça !
-Tu me ramèneras l'album photo la prochaine fois que tu repasseras, d'accord, Shintarô ?
-Oui, mère, capitula-t-il. Mais au fait… Pour quelle raison avez-vous besoin de le voir ?
-Je voulais montrer à ta tante les grenouillères que tu portais à l'époque, afin de se décider pour les couleurs de ta tenue de mariage…
-Mais quel rapport entre les deux ? »
La voix de Shintarô se fit presque suppliante, à genoux comme il l'était devant l'incohérence complètement folle de tous les membres de sa famille, sans exception.
« Tu étais déjà très mignon à l'époque… Et tu avais des tenues pleines de couleurs, mais aussi blanches, alors je voulais me prouver une dernière fois que oui, la couleur idéale pour ton mariage serait du blanc… »
Le jeune homme ne put rien répliquer à cela. Excepté un soupir de violent désespoir.
« Je te l'ai dit, mon grand, rappela alors le père d'une voix emplie de sagesse. Il ne faut jamais se mêler des sujets de femmes. Jamais. Contente-toi d'obéir. Regarde ta mère et moi, ça marche très bien depuis plus de vingt ans… »
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Ce fut un Midorima Shintarô à deux doigts de passer l'arme à gauche que ramassa Takao lorsque son petit ami rentra dans l'appartement qu'ils partageaient tous les deux.
« Ouah, Shin-chan… Ça n'a pas l'air d'aller fort… Qu'est-ce qu'il s'est passé ? » S'enquit le plus petit des deux en lui tapotant gentiment le dos tout en l'accompagnant vers le canapé.
Celui-ci ne dit rien et préféra s'affaler sans aucune dignité en poussant un lourd soupir déprimé. Le brun s'assit près de lui, une jambe sur sa cuisse et de l'inquiétude tintant ses yeux bleus métallisés. Après quelques instants à attendre une explication qui ne venait pas, Kazunari décida de prendre les devants à sa manière :
« Eh ben, je ne sais pas ce qu'ils t'ont fait subir, mais viens par ici, mon gros bébé et laisse-moi te consoler, d'accord ? »
Le surnom affectueux fit bondir Midorima qui se redressa, alors que Takao était en train de lui monter dessus. Leurs deux fronts entrèrent en collision, de sorte qu'ils gémirent de concert en se frottant la tête comme des enfants de trois ans.
« Hé, préviens la prochaine fois ! Geignit le brun… Avant de reprendre bien vite sa formidable ascension sur les genoux de Shin-chan.
Tellement, mais tellement las, Midorima ne répliqua rien à tout cela, préférant retomber mollement sur le dossier du fauteuil. Il se laissa passivement faire lorsque son petit ami l'embrassa avant de lui grignoter le lobe d'une oreille.
« Kazunari, appela-t-il finalement, tandis que ce dernier s'attaquait au creux de son cou.
-Oui ?
-Où as-tu mis l'album photo ?
-De quoi tu parles, Shin-chan ?
-Ce n'est pas la peine de mentir, ça ne peut être que toi.
-Mais… Mais non !
-C'est la sixième fois, na no da yo. En cinq mois. Sauf que cette fois-ci, ma mère l'a découvert.
-Ah… Ah bon ? Vraiment ?
-Oui. Alors tu vas immédiatement le mettre dans ma chambre et tu n'y toucheras plus jusqu'à ce que je le ramène là-bas. J'espère avoir été clair.
-Hé... D'accord, d'accord, Shin-chan… C'est ce qui te perturbe tant ? Voulut savoir le brun, alors qu'il sortait à regret de sa position dominante pour se rendre dans sa chambre où, parmi les classeurs de cours et les magazines spécialisés dans les jeux vidéos, se planquait effectivement un album photo à l'épaisse couverture rose pastel.
-La journée a été… compliquée, admit à demi-mots le grand jeune homme en fermant ses yeux verts de jade.
-A ce point-là ?
-Oui.
-Eh ben… Tu peux être plus précis ?
-Je n'ai pas envie d'en parler.
-Ah… D'accord, alors, tu le feras quand tu seras prêt », lui dit Kazunari depuis sa chambre.
Midorima n'avait absolument pas envie d'évoquer la journée folle avec sa famille, de peur de replonger dans cette frénésie délirante que suscitait son mariage chez les siens. Puis il se souvint que du côté des Takao, la joie était… complètement partagée. D'ailleurs, sa mère ne devait pas faire un compte-rendu de cette réunion en bonne et due forme à celle de Kazunari ?
Y penser lui donnait le vertige. En réalité, au plus profond de lui, ce n'était pas qu'il était contre, ni même qu'il ne l'avait jamais envisagé, mais… C'était trop tôt, pour eux qui faisaient encore leurs études. Et précipité. Si jamais Kazunari se lassait de lui et décidait de s'en aller ? Ou l'inverse, même si cela lui paraissait hautement improbable tant il l'aimait?
Les pas du brun qui traversait le couloir pour se rendre, de toute évidence, dans la chambre qu'occupait d'ordinaire Shintarô, ramena ce dernier à la réalité et à des problématiques plus concrètes :
« Kazunari…
-Oui ?
-Fais voir l'album.
-Tout de suite, pourquoi ? »
Le possesseur de l'œil de faucon trottina joyeusement jusqu'au salon où, dans le dos de Midorima, il donna le précieux album photo à ce dernier.
« Qu'est-ce que tu veux voir dedans ?
-Les clichés que tu as retirés de l'album pour les garder pour toi, répondit laconiquement le jeune homme à lunettes.
-Mais… Commença Takao en battant des cils comme une actrice hollywoodienne.
-Pas de ça avec moi… Et ça, c'est quoi ? » Lui montra-t-il en désignant d'un doigt bandé un emplacement vide sur une page de l'album censée contenir cinq photos, mais qui n'en avait au final que quatre.
Le ricanement un poil gêné de Takao ne lui fit ni chaud, ni froid. En temps normal, il se serait énervé, aurait crié et tout cela se serait dissipé dans une chamaillerie suivie d'une partie de jambes en l'air dont eux seuls connaissaient le secret, mais le tohu-bohu familial auquel il avait miraculeusement réchappé l'avait complètement lessivé et rendu aussi amorphe qu'un escargot sous Tranxène 20.
« Mais il est tout à fait normal que ta future épouse s'extasie devant des vieilles photos de toi, mon grand ! Lui avait dit sa mère dans la journée. Je lui rendrai l'album au mariage, qu'en dis-tu ? Ainsi, il pourra le garder aussi longtemps qu'il le souhaite !
-Non ! Cet album n'a pas vocation à se balader par monts et par vaux, c'est hors de question ! Et ce ne sont que des photos de moi, sans aucun intérêt ! Et Kazunari est un homme, na no da yo !
-Et si tu les numérisais ? Tu les lui mets sur clé USB, ce serait une bonne idée, non ? En plus, ton père a pour projet de faire cela à toutes nos photos de famille, afin d'être sûr de les conserver. Car le papier, ça s'abîme avec le temps… En plus, grâce à Internet, ou pourra les partager plus facilement si besoin avec d'autres membres de la famille ! »
Midorima soupira à cette brève réminiscence.
Il n'y avait pas à dire, sa vie était un Enfer.
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Les hivers pouvaient être froids et rigoureux à Tôkyô, comme les étés étouffaient la population et les touristes, nombreux dans la capitale quelle que soit la saison, d'ailleurs.
Et tous les jours entre Novembre et Mars, Takao et Midorima bénissaient l'idée qu'ils avaient eue d'acheter ce kotatsu électrique à petit prix qui servait de radiateur d'appoint. Ils avaient glissé chacun un futon sous la couverture chauffante et révisaient paisiblement, les pieds au chaud. En prime, le brun sirotait un thé vert face à l'écran de son ordinateur portable sur lequel il relisait ses notes de cours alors que Shin-chan buvait par à-coups une canette de shiruko (8) en tournant, de temps à autre, des pages de son livre d'anatomie.
Evidemment, il fallait que cette paisible scène prît fin.
« Shin-chan…
-Oui ?
-Tes parents doivent me donner la recette.
-De quoi donc ?
-Comment ont-ils fait pour avoir un bébé aussi craquant que toi ? Il y a un loup, c'est évident !
-Tu n'as pas fini avec ça ? » Râla Midorima en se déplaçant pour venir se poster près de son petit ami.
Il put ainsi constater, sans surprise, que Takao était en pâmoison devant une photo numérisée de lui quand il avait un an, des joues rebondies et des bras encore potelés. Sur le cliché, il ne regardait pas du tout l'objectif, mais un petit canard en plastique jaune qui semblait l'intriguer par-dessus tout.
« Regarde-moi cette moue adorable ! S'extasia le brun comme une fangirl en folie. Tu es trop, mais alors trop choupinet !
-Je savais que c'était une très mauvaise idée de suivre les conseils de ma mère et de scanner ces photos, na no da yo…
-Mais non, tu fais de moi l'homme le plus heureux !
-N'importe quoi… C'est d'une stupidité sans nom ! Déclara-t-il en remontant sa monture sur son nez, prêt à s'en retourner à des sujets hautement plus intellectuels que ça.
-Reste, regarde celle-là ! »
Parce que bien sûr, Bakao avait mis toutes les photos d'enfance dans un répertoire dédié et avait paramétré le système d'exploitation de son ordinateur pour que celui-ci fasse défiler automatiquement les clichés dès la mise en veille…
Et comme par hasard, la photo suivante le montrait bébé, sur le dos dans un berceau, en train de s'agiter vainement pour tenter d'attraper les petits éléphants suspendus par le mobile au-dessus des barreaux…
« Oh, mon Dieu… Shin-chan, c'est trop pour moi, je ne peux pas le supporter… Hé ! Attends, je plaisantais ! »
Exaspéré, Midorima avait tout simplement éteint l'ordinateur en appuyant sur le bouton marche/arrêt se trouvant sur le côté. Takao lui donna une légère tape sur le dos de la main afin de la dégager de là, pour qu'il puisse remettre en route son engin fissa et admirer de nouveau les images magnifiques qu'il contenait.
« Tu es censé réviser, Kazunari !
-Mais je révisais ! J'avais juste décidé de faire une petite pause !
-Je n'appelle pas ça faire une pause, na no da yo ! Tu salives juste bêtement sur de vieilles photos comme un grand-père gâteux !
-Oui, et je l'assume complètement ! Ce n'est pas de ma faute si tu étais tellement à croquer à l'époque ! Rétorqua le brun sans battre un cil tandis qu'il guettait la remise en marche de son ordinateur.
-Ça veut dire quoi, ça ? Que tu préfères ces reliques à moi, en chair et en os ?
-Oh… »
Kazunari, qui n'avait toujours pas quitté des yeux l'écran, tomba en arrêt devant le fond d'écran du bureau qui apparaissait vide de toute icône, tandis que les différents programmes de lancement de son ordinateur s'exécutaient.
Etait-il seulement nécessaire de préciser que ce fond d'écran représentait Shintarô qui tentait ses premiers pas en se cramponnant à un pied de table, dans la salle à manger de ses parents ? Sa bouche se refermait sur une tétine rouge et ses grands yeux verts exprimaient à la fois une crainte et une excitation qui firent littéralement chavirer le brun qui chuta à la renverse dans son futon en poussant un gémissement que Shintarô n'aurait pas renié dans un tout autre contexte…
Remonté comme une pendule, vexé de voir sa plainte ignorée, vulgairement balayée par l'extase de son petit ami qui fermait les yeux d'émotion tout ça parce qu'un jour, l'un de ses parents avaient eu l'idée géniale de le photographier alors qu'il tentait innocemment de se maintenir debout, Shintarô se décida à se lever pour aller s'enfermer dans sa chambre et avoir enfin la paix avec tout ça. Ce fut sans compter sur le brun qui se jeta avec souplesse de tout son poids sur lui, le taclant à moitié sur le futon, à moitié sur le sol, puis qui rampa sur son corps jusqu'à arriver à sa hauteur.
Un peu sonné par cette brutalité qu'il n'avait pas vue venir, le grand jeune homme ne rouvrit ses yeux sinople que pour les poser sur une paire de lèvres proches des siennes à l'en embrasser et c'est ce qui se passa, tout simplement.
« Ce n'est pas bien d'être jaloux de soi-même, Shin-chan… »
Cette voix chantante ne lui disait rien qui vaille, surtout quand elle était suivie d'une langue sur sa joue. Mais alors rien qui vaille du tout et Shintarô détourna le visage, ouvrant sans le vouloir (consciemment) un boulevard sur son cou et son épaule que la bouche de Takao emprunta à cent à l'heure…
« Je… Je ne suis pas jaloux, na no da yo ! Se débattit ce dernier. Je trouve juste stupide que tu accordes autant d'attention à de telles antiquités !
-Shin-chan… Je n'ai jamais rien vu de plus mignon que toi… Mon bébé…
-Arrête !
-Quand tu lâcheras mes hanches… Mais ne te sens pas obligé, surtout ! »
Roublard, Takao termina sa phrase en glissant un genou entre les jambes de Midorima pour le presser juste là où il fallait et ce dernier serra les dents pour ne pas exprimer (tout de suite) l'effet que ça lui faisait…
Bon sang, depuis quand Kazunari avait appris à le soumettre à ses désirs aussi rapidement ?
« Ne te sens pas obligé du tout… Et si tu faisais toi aussi une petite pause avec moi, hein, mon Shin-chan adoré ? »
Le Shin-chan en question préféra ne pas répondre, c'était plus prudent au vu des mouvements de genou contre son entrejambe…
L'Enfer, ce n'était pas seulement les Autres, c'était Kazunari aussi…
(1) Jeu du pierre-papier-ciseaux
(2) Boulettes de pâte fourrées à la chair de poulpe
(3) Met traditionnel coréen composé de piment et de légumes fermentés, à l'acidité assez forte. C'est le plat préféré de Takao
(4) Panier-repas japonais
(5) Table basse chauffante, munie d'une couverture et parfois assortie de futon ou d'un tapis.
(6) Supposé passif dans une relation homosexuelle
(7) Supposé actif dans une relation homosexuelle
(8) Boisson sucrée à base de pâte de haricots rouges
