Chapitre I :
- Kered Ann !
Le ton était si pressant que je me retournais, même si l'envie de partir rapidement m'avait vivement saisie. Alors que je faisais demi-tour, mes longs cheveux noirs corbeau volèrent derrière moi, comme les deux immenses ailes d'une chauve-souris.
Je ne pouvais m'empêcher de soupirer ... Malgré son air hautain de conquérant, il ne laissait personne indifférent ... Bien que je ne voulais pas me l'avouer. C'était vrai, il était plutôt beau garçon, mais je n'étais pas comme toutes ces pimbêches qui se pâmaient devant lui ... Il m'exaspérait plus qu'autre chose. Et puis cette manie de m'appeler toujours par mon nom de famille ... après tout, nous faisions partie de la même maison ...
Aujourd'hui encore, il était flanqué de ses deux molosses sans cervelle, Crabbe et Goyle.
- Que veux-tu, Malefoy ! Répliquais-je un peu sèchement.
Son sourire de victoire s'effaça vite en entendant le son de ma voix. Et voilà maintenant que j'allais m'aplatir encore une fois ! Qu'est-ce qu'il m'énervait, à me dévisager ainsi avec son regard glacé.
- J'ai encore un cours, moi, m'excusais-je presque.
- Je sais ... Je n'en aurais pas pour longtemps ... je voulais juste savoir si tu pouvais jeter un coup d'oeil sur mon devoir de sortilèges.
Je le dévisageais avec surprise. Elle était bien bonne celle-là. Je ne répondis rien ...
- Alors ? insista-t-il.
Je soupirais une nouvelle fois. Un rapide coup d'oeil à la grande horloge du hall me signalait que j'allais vraiment être en retard et bien que le cours ne soit nullement passionnant, je détestais ne pas arriver à l'heure.
- Soit ... Je serais à la bibliothèque vers 17h00 ... Si tu es là, je verrais ce que je peux faire.
Avec un peu de chance, il aurait un entraînement de Quidditch ou quelque chose dans le genre. Mais apparemment, son planning lui permettait de venir car il me sourit.
- A ce soir, donc, me lança-t-il avant de partir.
Pour ma part, je me hâtais de sortir du château. Mon cours n'allait plus tarder à commencer et j'avais encore un bon bout de chemin avant de rejoindre les bords du lac où la professeur de Soins aux Créatures Magiques nous attendait.
Un peu essoufflée, je me mêlais aux étudiants qui patientaient, tentant de cacher mon retard. Mais cela ne passa pas inaperçu. J'étais la seule à avoir encore entre les bras mes livres. Tous les autres avaient été déposés au pied d'un arbre. La prof s'en aperçut et me rappela à l'ordre.
- Bien, puisque Miss Kered Ann daigne enfin se joindre à nous, nous allons pouvoir enfin commencer. Si, toutefois, elle veut bien poser ses livres et se lancer un sort d'imperméabilité ...
Je la maudis en silence, sentant mes joues rosir. Un peu plus loin, la bande d'abrutis de Gryffondor, Potter et Black en tête, se tapait du coude et riait à mon encontre. Le cours ne pouvait pas mieux commencer ...
Je sortis ma baguette et fit léviter mes affaires jusqu'à l'arbre. Puis je me jetais le fameux sort exigé par la prof. Elle m'adressa un sourire froid et commença son cours.
Nous avions tous les pieds dans l'eau. Le lac était, la nuit, recouvert d'une fine couche de givre et malgré le soleil qui l'avait fait fondre, l'eau me paraissait gelée. Je jetais un rapide regard aux autres. Tous étaient dans le même cas que moi. Le blabla du prof ne pouvait me faire oublier la cuisante morsure de l'eau. Je commençais à grelotter. Pourquoi ne pouvions-nous pas nous jeter un sort pour nous réchauffer ...
- Ces créatures sont difficilement observables. Surtout l''été. C'est pourquoi novembre est un mois propice, d'autant plus que le mâle revêt à cette période des couleurs étincelantes qui le rendent parfaitement identifiable. Vous vous mettrez donc par groupe de deux, vous avez une heure pour capturer un spécimen, et si possible, un mâle et une femelle, les observer, les dessiner sur toutes leurs coutures avant de les relâcher. Je ramasserais vos travaux dans une heure ! Allez-y !
Je fouillais du regard les élèves. J'aperçus Severus tout seul. Je m'approchais de lui. Ses yeux noirs étaient comme à leur habitude toujours aussi chaleureux et accueillants. Mais je commençais à en avoir l'habitude.
Je lui souris avant de répliquer.
- C'est moi ou un abruti de Gryffondor ...
Il me marmonna une réponse que le vent emporta. De petites vagues naissaient à la surface du lac. Nous nous étions éparpillés sur les rives boueuses. Les pieds dans l'eau, le bas de la robe alourdi et mouillé, nous progressions en silence. Je décidais de faire la conversation toute seule.
- Tu sais, ça ne m'enchante pas plus que toi d'être ici à me geler ...
Il releva la tête, une mèche de cheveux lui retomba sur la figure.
- Pourquoi t'es arrivée en retard ? Me demanda-t-il soudain. T'étais pourtant une des premières à quitter le cours de Slughorn ...
Je m'arrêtais interdite. Entre Lucius qui demandait un coup de main et Severus qui s'intéressait tout à coup à mon retard ... je ne savais plus où donner de la tête.
- Malefoy m'a retenue ... expliquais-je.
- Qu'est-ce qu'il te voulait ?
Je n'en revenais pas ... L'interrogatoire continuait ... et moi, bêtement, prise au dépourvu sans doute, je lui répondis.
- Il avait besoin d'un coup de main en sortilèges. Pour le devoir.
Cette fois, ce fut Severus qui parut surpris.
- Malefoy ? Répéta-t-il.
- Oui, je sais ! Ca paraît étrange ...
Soudain, j'aperçus un éclair dans l'eau. Je me saisis de l'épuisette que la prof nous avait confiée et je la lançais avec force et violence dans l'eau.
Il y eut une gerbe d'éclaboussures qui nous recouvrit des pieds à la tête. Severus me maudit, moi et ma maladresse. Toute dégoulinante, mais ravie, je brandissais l'épuisette. Un petit poisson aux éclats bleutés se débattait à l'intérieur.
- Maladroite ? Tu disais ? Narguais-je Severus. Donne-moi vite le bocal !
Il s'exécuta de mauvaise humeur et de mauvaise grâce.
Je retournais le filet et le petit poisson retrouva l'eau, emprisonnée entre des parois de verre.
Du coin de l'oeil, j'observais Severus qui n'avait toujours pas desserré les dents. J'hésitais à pousser le bouchon un peu plus loin. Finalement, je décidais que oui, il était tellement exécrable.
Je lui balançais l'épuisette et sortis de l'eau.
- Qu'est-ce que tu fiches ? Grogna-t-il.
Il me rejoignit sur la rive et entreprit de se sécher.
- J'ai attrapé un mâle, à toi de trouver la femelle.
Il jeta l'épuisette à mes pieds.
- Dans tes rêves, cria-t-il.
Il allait me lancer une autre de ses répliques cinglantes dont il gardait jalousement le secret quand nous fumes interrompus par des éclats de voix.
- Tiens, tiens ... Qui avons-nous là ?
Nous bondîmes tous les deux, baguette à la main. Il ne manquait plus que ça ! Potter suivi de Black venait de faire son apparition.
- Alors, Snivellus ... Une querelle d'amoureux ?
Severus ne bougeait plus, moi non plus. Je ne sentais pas du toute cette altercation ... Ca allait encore se finir en retenue ... Quand soudain, le professeur apparut. Ce fut la seule fois où je fut ravie de la voir arriver. Ni Potter ni Black ne l'avaient vue. Severus et moi-même baissèrent nos baguettes et les rangèrent prestement. Un sourire de triomphe naquit sur les lèvres de Black. Il fit un pas.
- Messieurs Potter et Black ? Que se passe-t-il ?
Il firent volte-face, totalement gênés et pris au dépourvu.
- Rien, répondit Potter.
La prof nous regarda, nous ne répondîmes rien. Elle vit alors notre prise.
- Félicitations, vous deux ! Allez donc rejoindre les autres sous le chêne et commençez vos dessins ! Nous ordonna-t-elle.
Puis elle se tourna vers les Gryffondors.
- Quant à vous, vous feriez bien de vous hâter ! Il ne vous reste plus beaucoup de temps et si je ne récupère pas vos devoirs, je pense qu'une retenue ne vous fera pas de mal.
Un sourire moqueur aux lèvres, je dépassais ces deux imbéciles et me dirigeais vers le chêne.
Severus s'assit près de moi et nous commençâmes à croquer le poisson. De lourds nuages s'étaient à présent massés au-dessus de nos têtes et quelques gouttes de pluie tombèrent. Je grognais tandis que l'encre coulait lentement sur ma feuille de parchemin.
- C'est pas vrai !
Je devais tout recommencer. J'allais froisser ma feuille quand Severus m'en empêcha.
- Attends !
Il avait sorti sa baguette et d'un sort, il réussit à sécher mon devoir, les larmes d'encre disparurent. Je le remerciais en souriant, mais il ne répondit rien.
Je jetais un coup d'oeil sur son travail. J'étais jalouse de son croquis ... A croire qu'il avait fait cela toute sa vie. Son poisson paraissait vivant. J'observais le mien à nouveau en soupirant. Même un enfant de quatre ans aurait mieux fait, un gribouillage raté en somme. Alors que le dessin de Severus semblait prêt à bondir de la feuille pour rejoindre son élément liquide.
- Comment fais-tu ? Finis-je par lui demander.
Je savais que je lui tendais la baguette. Il allait bien me sortir une riposte cinglante, mettre en avant mon manque total de talent ou quelque chose dans le genre. Au lieu de ça, il me dévisagea.
- Tu ne peux pas être douée partout, Calypso, dit-il doucement.
Décidément, il ne cesserait de me surprendre.
L'heure s'était écoulée. Nos parchemins s'envolèrent ; la prof les récupéra puis nous libéra. Sans omettre de nous donner un long devoir – 65 cm minimum de parchemin sur l'emploi des écailles de Kolpum dans les potions.
La pluie tombait avec force maintenant et trop heureux de pouvoir rentrer au château, nous nous dépêchâmes de regagner un abri sec.
J'en avais fini pour aujourd'hui avec les cours. Je descendis dans les cachots. Soulagée de retrouver un endroit sec, désireuse de me changer et de me réchauffer, je traversais rapidement notre Salle Commune toute de verte décorée. Mon dortoir était désert. Je filais à la salle de bain et profitais d'une douche bien brûlante ; le contraste était revigorant en comparaison avec les eaux boueuses du lac. Je savourais ce moment avec délice. Une pause avant de me replonger dans les devoirs. Cette année serait vraiment laborieuse ... je pensais que ce serait un peu plus serein que l'an passé ... mais non. L'obtention de nos BUSE ne servait à nos professeurs que de prétexte pour nous submerger sur les parchemin à rendre chaque semaine.
A regret je coupais le jet brûlant et retournais dans mon dortoir. Mes habits trempés avaient formé une petite mare au pied de mon lit. Je les laissai là ... Après tout, les elfes étaient chargés de cela ! Je passais rapidement une robe noire et ma cravate verte et argent.
Puis je soupirais ... Je devais me remettre au travail. Je repris mes livres sous le bras puis quittai, à regret, ma salle commune.
La bibliothèque était bondée. Cependant, je réussis à trouver une petite table de libre, coincée entre deux monumentales étagères. Je déposais mon chargement avant de partir à la quête de livres dans les rayonnages. Madame Pince ne savait pas où donner de la tête : un groupe de premières ou deuxièmes années la harcelait pour trouver certains volumes.
J'eus la chance de trouver ce que je cherchais, soufflant même au passage la politesse à une Poufsouffle qui allait s'emparer de l'ouvrage que je voulais.
Je retournais à la table et commençais à travailler sur ce maudit devoir de Soins aux Créatures magiques.
Un sac tomba lourdement sur la table, faisant trembler ma tour de livre peu stable. Bien entendu, tous les volumes s'écrasèrent sur mon parchemin. J'entendis dans mon dos la toux sèche de madame Pince, sans doute outrée par un tel traitement de ses précieux livres. Mais je n'en avais que faire.
- Malefoy, m'écriais-je. Je vois que tu n'as pas oublié ...
Il prit place près de moi, me regardant, les bras croisés, réparer ses dégâts. Qu'est-ce qui m'avait pris d'accepter ...
Une fois les livres remis en ordre, je me tournais vers lui.
- Ton devoir !
Il ouvrit son sac et sortit un rouleau de parchemin qu'il déroula.
- Je te préviens, je veux bien te relire ... t'aider ... mais pas question de tout faire à ta place !
- Je sais ! Je veux juste avoir ton avis ... Tu es la meilleure après tout !
- Ta flatterie marche sans doute sur les autres, mais pas sur moi !
- Ce n'était pas un compliment, juste un fait ...
Il m'énervait lorsqu'il se comportait ainsi.
Je pris son parchemin.
- Depuis quand as-tu besoin d'aide ... Tu n'es pas mauvais non plus ...
Sa requête m'intriguait au plus haut point.
- Disons que mes résultats ne sont pas à la hauteur des espérances de mes parents ... et que je subis un odieux chantage ...
- Pas à la hauteur ? Tu es pourtant très loin du Troll ! M'étonnais-je. Et cet odieux chantage, qu'est-ce que c'est ?
Il y avait une trace de moquerie de ma voix, je me doutais de quel chantage il s'agissait : le Quidditch sans aucun doute.
- Le Quidditch, m'avoua Lucius.
J'avais eu raison !
- - Si je n'obtiens pas un optimal à chaque matière, adieu le Quidditch.
- Te connaissant, je suis sûre que tu pourrais contourner cela, ris-je.
- Détrompe-toi ... Mon père a le bras long ...
Il soupira.
La bibliothécaire surgit soudain et nous rappela à l'ordre. Lucius la toisa avec superbe et elle finit par courir après un malheureux qui avait osé sortir un gâteau.
Je parcourus le devoir de Lucius. Il était vrai bon. Du moins pour les idées. Je n'aurais pas mieux fait. Cependant certaines choses me sautèrent aux yeux, quelques fautes, des idées mal agencées. Je lui montrai les passages qui posaient problème.
Nous étions vraiment proches l'un de l'autre. Je pouvais sentir son souffle sur ma main qui lui montrait les fautes, son odeur presque enivrante m'envahissait. Un trouble étrange me saisit.
Il allait corriger ses fautes quand prétextant une information à vérifier, je l'envoyai chercher un livre. Je voulais l'éloigner pour vérifier quelque chose.
Il se leva de bonne grâce. Dès qu'il eut tourné le dos, je sortis ma baguette ... Le surveillant régulièrement du coin de l'oeil ... De ma baguette, je lançai un sortilège à son travail. Un grand sourire m'illumina. J'avais eu raison. Lucius avait délibérément changé son devoir ... Pour quelles raisons ... Je ne parvenais pas à comprendre ... Je fis disparaître mon sort et son devoir revint tel qu'il était : un peu bancal et agrémenté de fautes.
Lucius revint rapidement. Et jouant le jeu, je poursuivis mes corrections.
Ce fut madame Pince qui nous chassa pour fermer la bibliothèque.
