Chapitre I

ARIZONA

On y est. C'est la rentrée. Un nouveau lycée. Pas comme si c'était vraiment nouveau, et pour ça je peux dire merci à mon militaire de père et ses déplacements professionnels tous les 2ans au minimum. Après avoir goûté à 8 établissements différents depuis mes 6ans, sans compter Franklin High School qui sera sans doute le dernier de cette longue liste.

On pourrait croire que l'habitude rendrait le fait de retourner au point de départ dans une nouvelle ville plus facile, mais c'est faux. Chaque fois, c'est la même anxiété, la même peur mêlée tout de même à une certaine excitation. Alors que j'arpente les couloirs de mon nouveau lycée, mon emploi du temps à la main, en quête de mon casier, je peux sentir mon cœur battre à tout rompre dans ma poitrine. Autour de moi, des garçons se serrent la main, des filles se sautent dans les bras, les bandes se reforment, se racontant leur vacances dans les Hamptons ou je ne sais où. Une tripotée d'inconnus, de visages à la fois hostile et sympathiques. De futurs amis, peut-être ?

Je trouve enfin mon casier et dépose les 1ers bouquins qui m'ont été prêté. Je m'apprête à le refermer et m'en aller quand j'entends des cris juste derrière moi.

« 3 semaines ! 3 semaines tu es parti en Italie et pas une seule fois tu m'as téléphoné, envoyé un sms ou même un putain d'e-mail »

« Addie… J'étais pas mal occupé, et tu sais, le réseau… »

« Me raconte pas des cracs avec le réseau Mark, t'étais en Italie, pas au Botswana ! »

La fameuse « Addie » ouvre violemment le casier voisin au mien, y jetant ses affaires avec rage tandis que ce « Mark » s'appuie d'un bras sur les casiers fermés, à côté d'elle. J'attends un peu avant de refermer le mien, écoutant et épiant du coin de l'œil.

« Babe, tu vas pas me faire la gueule pour ça… »

« Peut-être Mark, peut-être que je vais te faire la gueule, peut-être que je pourrais même te larguer pour que puisse recommencer à te taper tout le lycée et traîner avec tes putain de potes de merde. »

Woaw. Cette fille est définitivement en colère. Je tourne la tête brièvement afin de mieux les observer. La fille est tournée vers lui, et je ne vois que ses cheveux roux foncés tombant bien raides juste au dessus de ses épaules. Lui me fait face, mais de toute évidence il ne m'a pas remarqué. Sa beauté me frappe instantanément. Typiquement le genre de mec qui a tout le lycée à ses pieds. Grand, beau, plutôt baraqué. Je ne m'étonne absolument pas de le voir accoutré d'une veste de footballeur. C'en est presque le parfait cliché. Je sais que je devrais partir, mais je ne peux m'empêcher de rester encore un peu pour entendre la suite. Après tout, il faut bien que je me renseigne sur les gossips de mon nouveau lieu de travail, nan ? D'autant plus qu'à en juger leurs styles respectifs, j'ai probablement affaire ici à ce que je pourrai appeler la « jet set ».

« Addie… arrête… » dit-il en lui prenant le bras.

« Me touche pas Mark. »

« Addie, s'te plait… »

« Mark, juste… dégage ! » répond-elle alors que le ton hausse de plus en plus. Il tente de l'attirer vers elle une fois de plus, mais elle se débat toujours avec plus de force.

« Mark, lâche m-»

« Je pense qu'elle a vraiment envie que tu t'en ailles. » Je lance alors sur un ton neutre. La phrase est sortie toute seule. Peut-être pas une super idée de fourrer ton nez dans ce qui te regarde pas le jour de la rentrée, Arizona…

Tous deux se retournent alors vers moi, estomaqués. Il reste bouche bée, l'air totalement ahuri, tandis qu'elle fronce légèrement les sourcils, étonnée. Je découvre alors que cette « Addie » est physiquement largement à la hauteur de son petit-ami, si ce n'est pas encore plus belle. Ses traits sont si fins et réguliers… et ses yeux…d'un bleu gris profond encore mis en valeur pas sa couleur de cheveux. Je jette un coup d'œil furtif un peu plus bas et découvre des jambes sans fin, un corps sublime. Elle est certainement l'une des plus belle fille que j'ai pu rencontré au cours de ma scolarité, et Dieu sait si j'en ai rencontré du monde pendant toutes ces années…

Son regard est plongé dans le mien et je me sens rougir légèrement. De l'embarras dans lequel je me suis fourrée, ou du fait qu'une personne aussi belle et probablement aussi populaire prenne brièvement conscience de mon existence ? Je ne saurais dire.

Au bout de quelques instants durant lesquels j'aurai souhaité m'enfoncer six pieds sous terre, elle finit par me sourire et se retourner vers Mark, l'air satisfaite.

« T'as entendu Mark, je crois que c'est très clair pour tout le monde… »

Sans dire un mot, il commence à s'en aller, sans nous quitter du regard, toujours surpris, avant de tourner au bout du couloir.

« Désolée, pour ça… » je déblatère rapidement, « parfois j'ai pas ma langue dans ma poche mais je voulais pas me mêler de ce qui me regarde pas, enfin… »

« C'est pas grave, ça ma rendu service. » elle me répond avec un sourire et je sens une vague de soulagement me parcourir. Elle me scrute quelques instants, et finit par me dire :

« T'es nouvelle ici ? Parce que je crois pas t'avoir déjà vu…»

« Oui, c'est mon premier jour à Franklin. On déménage souvent à cause du travail de mon père… »

« Oh, ça craint… » me dit-elle avant de me tendre la main.

« Moi c'est Addison, et toi ? »

« Arizona, Arizona Robbins »

« Enchantée… Tu es en quelle année, chez les Senior ? » je hoche la tête en souriant timidement, intimidée par cette fille à la fois belle et sympathique.

« Ok, cool, on se verra peut-être en cours alors. A+ ! » Avec un dernier sourire à mon égard, elle continue son chemin le long du couloir. Je la suis du regard, troublée et intriguée. Je ne suis apparemment pas la seule car au moins la moitié des élèves se retournent lorsqu'elle passe auprès d'eux. C'est comme si une aura se dégageait d'elle, une classe décontractée, une beauté naturelle qui fait de cette fille un total ovni.

« Addison » je chuchote alors tout bas, en refermant mon casier avec un rictus, avant de rejoindre ma salle de classe.

ADDISON

Je pose mon plateau et m'assieds à côté de Naomi et Charlotte, à notre table habituelle, mélangeant généralement en majorité les footballeurs et les cheerleaders. Les 'belles personnes' se rassemblent, comme dans beaucoup de lycées, et comme partout, ces groupes ont aussi souvent des relations totalement superficielles. C'est par exemple pourquoi je me retrouve aujourd'hui à deux mètres à peine de mon imbécile de mec à qui je n'adresse pourtant pas la parole…,Je mange en silence, pas trop d'humeur à parler de mes fins de vacances ratées où je passait mon temps à attendre des nouvelles de Mark, laissant ainsi Charlotte et Naomi faire la conversation. Je lève les yeux de temps à autres, et c'est alors que j'aperçois Arizona, debout avec son plateau dans les mains, vacant comme une âme en peine dans la grande cafétéria. Sans plus attendre je lui fais un grand signe de la main, sous les regards étonnés de Naomi et Charlotte. Ce n'est en effet pas dans mes habitudes, mais un peu de nouveauté et d'air frais est exactement ce que je recherche à cet instant. Elle m'aperçoit et me sourit avant de rejoindre la table en vitesse et de s'asseoir à coté de moi.

« Les filles, je vous présente Arizona, c'est son 1er jour ici. Arizona, Charlotte, Naomi. »

« Salut. » lui disent-elles, sur un ton poli mais distant. C'est une des choses qui m'insupportent le plus dans ces équipes de cheerleaders et footballeurs, la capacité de rester en autarcie et se couper automatiquement du reste du monde, sans jamais chercher à faire de nouvelles rencontres. C'est alors que Mark, égal à lui-même, prend part à la conversation.

« Hey Blondie ! Encore là ? » lance-t-il alors avec un sourire charmeur en se rapprochant de notre coin de table.

« Ca fait beaucoup de fois en une journée, pour quelqu'un que j'ai jamais vu avant… »

« Laisse tomber, Mark » je rétorque froidement sans détourner le regard.

« Alors, que nous vaut ta venue à Franklin ? » continue-t-il sur le ton de la séduction.

« Peut-être que j'étais déjà à Franklin, peut-être que tu étais juste trop concentré sur le football pour m'avoir remarquée… »

Dire que la réponse assez sèche d'Arizona me transcende serait l'euphémisme de l'année. En général, lorsque Mark courtise une fille, celle-ci finira toujours par battre des cils et tomber dans ses filets. Et j'en suis malgré moi la preuve vivante…

« Impossible. Je remarque toujours les jolies filles. » finit-il par répondre avec assurance, faisant glousser et siffler ses imbéciles de copains en guise de victoire. Je ne peux m'empêcher de lever les yeux au ciel devant cette phrase signée Mark tout craché. Arizona ne répond rien, et au lieu de cela se retourne vers moi en levant les sourcils l'air un peu blasée. Je me réjouis du fait que le petit numéro de Mark ne l'atteigne pas. Cette Arizona n'a définitivement pas l'air d'être une fille comme les autres.

« Tu viens d'où ? » je lui demande alors, reprenant les rennes de la conversation.

« Houston, au Texas. »

« Ca va te changer au niveau température ! » je lui lance en rigolant avant de boire une gorgée de ma brique de lait.

« J'ai passé une année en Alaska alors crois moi, niveau température, plus rien de me fait peur… »

La suite du repas me redonne le sourire alors que je continue de faire connaissance avec Arizona. On parle de tout et de rien, mais le courant semble passer entre nous. Je suis une personne qui parle facilement aux autres, mais je trouve en Arizona quelque chose d'unique qui la rend intéressante. Naomi et Charlotte ne participe que peu à la conversation, discutant de leur côté des garçons qu'elles ont rencontré pendant les vacances. Inutile de dire que ce n'est pas ce que j'ai envie d'écouter aujourd'hui. Alors que la sonnerie va bientôt retentir, Mark nous lance :

« Hey les filles ! Je fais une soirée chez moi Vendredi, je compte sur vous ! » Il quitte la table avec ses copains, avant de se retourner vers moi et Arizona :

« Blondie, je compte sur toi aussi, demande l'adresse à Addison. » et avec un clin d'œil, il repart de sa démarche cool qui se veut tout à fait Sloanienne. Parfois je me demande pourquoi je sors avec lui. J'aurai préféré ne jamais craqué pour lui, mais maintenant le mal est fait…

Sortant de mes pensées, je me rend compte qu'Arizona me fixe, l'air mal à l'aise.

« Qu'est ce qu'il y a ? » je demande en fronçant les sourcils.

« Ca te dérange pas que j'y aille ? Parce que je veux pas que tu crois que j'y vais parce que je suis intéressée par Mark ou quoi que ce soit, parce que vraiment c'est pas le cas et-»

« Arizona, t'inquiètes pas pour ça. On est un peu en froid alors il fait du gringue à toutes les filles pour attirer mon attention, enfin encore plus que d'habitude je veux dire. Et viens, ça sera cool ça te fera rencontrer du monde. Et puis ça me ferait plaisir. »

« C'est vrai ? » me dit-elle avec un air indéchiffrable, comme intimidée. Je souris alors pour la rassurée.

« Bien sur. »

Elle me rend mon sourire et nos regards se fixent un instant. Son regard est honnête et doux, et pour la première fois depuis longtemps j'ai le sentiment que quelqu'un s'intéresse vraiment à moi pour ce que je suis et non ce que je représente au sein du lycée.

« Viens, » je finis par lui dire, « je vais t'accompagner à ta salle avant que ça sonne. »

« C'est gentil, tu sais mais t'es pas obligée, je peux demander mon chemin… »

« Si si, ça me fait plaisir. » je répète en la tirant par le bras, contente de rendre service à cette fille qui je pense pourrait devenir une très bonne amie.

ARIZONA

La suite de la journée se déroula sans heurt. Je revis même Addison de 15 à 16, lors de notre cours de littérature en commun. Je ne pus m'empêcher de prêter davantage attention à elle qu'aux instructions de Mr. Lincoln, le vieux binoclard obèse et aigri qui nous sert de professeur. Même en essayant de me concentrer sur ce qu'il écrivait au tableau, mon regard finissait toujours par dévier inéluctablement vers ma voisine de droite.

A la fin des cours, nous nous dirigeons vers le parking, et alors que je m'apprête à faire un signe de la main en guise d'au revoir, elle me serre dans ses bras au même titre que le reste de ses amis, avant que je rejoigne Daniel, mon frère, venu me chercher en voiture.

« A demain ! » me lance-t-elle de l'autre bout du parking avant que je ne rentre dans le 4x4.

« Alors cette première journée ? » me demande-t-il sur le chemin de la maison.

« Super ! » je réponds, le sourire jusqu'aux oreilles, et le souvenir d'une certaine rousse ancré dans mon esprit.

ADDISON

Lorsque je me dirige enfin vers ma voiture après avoir dis au revoir à tout le monde, j'aperçois Mark qui m'attend, appuyé contre la carrosserie. Je soupire un grand coup avant de m'arrêter devant un poing sur la hanche, le regard noir.

« Mark, qu'est ce que tu veux … »

« M'excuser. » me répond-t-il en faisant un pas vers moi. « Je sais que parfois je suis un connard, et je t'assure j'essaye de faire des efforts, mais c'est plus fort que moi… »

Je baisse les yeux, ne sachant que répondre, alors qu'il se rapproche encore davantage.

« Je veux pas te perdre Addie, je suis désolée. Tu sais que t'es la seule qui compte pour moi. » ajoute-il en remettant une mèche de cheveux derrière mon oreille. J'ai entendu son discours une bonne centaine de fois. Je devrais savoir que ses excuses ne dureront que quelques jours et que bientôt tout sera exactement pareil, que je lui en voudrai à mort une fois de plus. Mais je l'aime. Et quand je le vois aussi tendre et gentil, j'ai toujours un espoir qu'il puisse réussir à changer pour moi. Je finis par céder et enrouler mes bras autour de sa taille, me blottissant contre lui, en espérant que cette rentrée puisse m'apporter un 'nouveau' petit ami, et une nouvelle amie.