Living in blood

Habit rouge – Azog

Frappes. Cognes. Tus. Déchiquettes. Tu aimes ça. Le sang te ravit. Qu'il coule à flot dans ta gorge. Marcher sur les cadavres et entendre les derniers agonisants supplier pour leur vie tandis que tu plantes ton arme dans leur corps. Ils crient, gémissent et c'est si bon que tu en réclames encore. Ce n'est jamais assez. Ce n'est jamais suffisant. Il te faut créer toujours plus de mort. Laisser des veuves et des orphelins pour mieux partir à leur recherche et les détruire à leur tour. Ce n'est que justice. Ce n'est que dans la nature des choses. Si les nains orgueilleux, les elfes vaniteux et les hommes insipides se plaisent à créer toujours plus d'objets, toujours plus de bâtiments de pierres ou de chaumes. Faibles personnes que tu te plais à passer sous le fil de ta lame. Que de bonheur à voir leurs yeux devenir vitreux, à entendre leur dernier râle d'agonie et à piétiner sur les corps refroidis, privés de chaleur et de vie. Tu te sens comme un dieu, créateur de mort et de souffrance. Créature blanche à l'aspect hideuse qui terrifie même les guerriers aguerris par ton regard d'un rouge sanguin. Orc albinos que tu es. L'orc pâle que l'on te surnomme. Azog, tel est ton nom.

Ton peuple est nommé de plusieurs façons. Orques pour les Hobbits, Yrch pour les Elfes, Rakhâs pour les nains. Mais cela ne change rien au fait que vous êtes haïs et craints de tous. Vous semez la mort et les cadavres. Les veuves et les orphelins pleurent tandis que les hommes hurlent leur désir de vengeance. Mais vous n'avez que faire de leur courroux. Qu'ils viennent, vous les attendez avec impatience et envie. Ils ne sont rien comparés à vous. Ils ne tiennent pas la route. Aveuglés par leur soif de représailles, leurs gestes deviennent aussi maladroits qu'un jeune orc en bas âge. Et tu te gausses à chaque fois que tu notes ça. A quel point ils peuvent se montrer aussi pathétique. Ils se prétendent être les meilleurs guerriers, les meilleurs soldats, les plus expérimentés, les plus aguerris. Mais voilà qu'ils tombent tous sous le poids de votre cruauté. Vous savez ce que vous êtes et vous êtes fiers de l'être. Il ne sert à rien de le renier, de ne pas l'accepter. Vous êtes des créatures de l'ombre, des êtres maléfiques créées par une vieille entité aussi noire que votre âme. Vous étiez déjà des elfes ou des hommes corrompues et dénaturée. Tes ancêtres ont subis milles souffrances, milles tortures. Voilà pourquoi votre sang est noir. Voilà pourquoi vous goûtez à la chair humaine et à la torture. Voilà pourquoi vous voulez la mort de toutes les créatures vivantes sur la Terre du Milieu.

Mais il ne faut pas croire que vous êtes toujours d'accord sur tout, car ceci est complètement faux. Vous obéissez par crainte. Vous obéissez parce que vous avez conscience qu'il vous faut un leader et ce dernier se doit d'être impitoyable s'il veut garder sa place de chef. Vous êtes un peuple qui change très souvent de guide. Aussi souvent que ce dernier se montrer faible. Vous abhorrez la faiblesse sous tous ses aspects. Les Peuples Libres sont persuadés que vous vous reproduisez avec un mélange de terre et d'eau à l'odeur nauséabonde, mais c'est totalement faux. Vous avez, vous aussi, des femelles. Elles ne se distinguent pas facilement tout comme vous ne parvenez pas toujours à différencier les nains des naines. Mais si ces courts sur pattes ont du mal à procréer, ce n'est pas votre problème. Toi, tu as déjà plusieurs enfants de plusieurs femmes. La fidélité n'est pas de mise entre vous. Vous êtes fidèle envers votre soif de sang et rien d'autre. Mais si vous avez une progéniture nombreuse, ces derniers sont précieux car ils représentent votre avenir. Les Elfes, les Hommes et les Nains mettent un point d'honneur à s'allier de temps à autres pour exterminer votre race, vous, vous mettez un point d'honneur à ne jamais disparaître. Vous devez survivre. Vous devez tout détruire. Vous êtes seul contre tous alors vous devez toujours être sur le qui-vive, toujours être prêt à occire.

Tu n'as pas toujours été le tueur que tu es actuellement et ton enfance – si on peut l'appeler ainsi – n'a pas été la plus facile. Déjà différent par ton albinisme, tu étais également le plus grand des petits orcs. Tu avais la taille d'une mauvaise pousse d'homme et tu étais souvent victimes de brimades à cause de ça. C'est ça qui t'a endurci. C'est ça qui t'a fait prendre la décision d'être le chef incontesté et le plus cruel des orcs. Tous craindraient ton courroux et ta sentence. Mais cette détermination n'aurait pu germer si les petits orcs n'étaient pas protéger comme s'il s'agissait de la prunelle des yeux. Seulement durant un temps. Car vous étiez nés pour être des tueurs, pour combattre et pour mourir au combat. Par e mort par la maladie ou pas la vieillesse. Dégradant. Pitoyable. Votre honneur s'en trouverait bafoué à jamais. Vous devez mourir lors d'un corps à corps sanglant, entraînant le plus de mort à votre suite. Tel est votre but. Tel est votre vie. Et c'est pour cela que l'on vous donne très tôt une arme. Épée ou hache. Il y a très peu d'archer ou d'arbalestier chez vous et c'est parfois dommage. Mais vous êtes fait pour le corps. Ceux qui restent à l'arrière sont de lâches pucelles. On ne vous laisse pas vous entre-tuer, mais les rixes sont rudes et certains d'entres vous perdent un doigt, un œil, le nez se brisent, le sang coule, mais personne n'en fait grand cas. Parce que c'est monnaie courante. Parce que c'est votre façon de vivre.

Ta femelle de mère a copulé avec un homme, morveux.

Tu n'as pas besoin de parler, d'ouvrir la bouche et de le couvrir d'injure. Ce n'est pas nécessaire. Un seul de tes regards sanguins est plus que suffisant pour faire comprendre que ton vis-à-vis va souffrir, va mourir. Il ricane, fier de son insulte. Il ne comprend pas. Il ne sait pas encore et son étonnement est total alors qu'il sent comme une vive douleur à son bras gauche. Il baisse ses yeux qui deviennent hagard quand la compréhension se fait enfin. Le sang coule. Le sang gicle. Liquide noir qui s'écrase sur le sol en une flaque épaisse et visqueuse. Il hurle, grogne sa douleur alors que tu lèches ta lame souillée avec un air satisfait peint sur ton faciès. Sans surprise, il cherche à se venger, à contre-attaquer et te faire regretter ton geste. Sans surprise, sa tête vole pour atterrir un peu plus loin, roulant jusqu'à un feu de camp où grillait de la viande de nain. Le corps étêté s'effondre lourdement après quelques secondes d'immobilisme tandis que la main lâche mollement l'arme. Personne n'est surprit. Personne n'est étonné. La mort est une chose très commune chez vous. Mais quelque chose change dans leur regard et dans leur comportement. Ils cessent de t'insulter. Tu as tué un orc plus vieux que toi, un bras droit. Tu as gagné leur respect. C'est maintenant à toi de seconder votre leader. C'est parfait.

C'est ce que tu veux. Ou presque.

On essaye de te tuer, on te provoque en duel, on se retourne contre toi. Rien n'est fait lâchement, rien n'est fait derrière ton dos. Il n'y a que les Elfes et les Hommes qui font cela. Agir à l'insu de tous, cachés dans leurs forêts ou dans leurs citadelles, les couards n'osent se montrer que s'ils n'ont pas le choix. Les Nains, eux, ont le mérite de ne pas avoir peur d'aller au corps à corps, de foncer dans le tas. On tente de t'atteindre, de t'évincer, mais l'échec est à chaque fois totale. Tu es le plus fort, le plus intelligent et même ton chef commence à te craindre, à se méfier de toi. A raison ou à tord. Même le temps est incapable de te le dire. Tu as toujours désiré la place de leader, la sienne, mais n'a pour l'instant cherché à le revendiquer. Tu es patient. Très patient. Il a voulu retourner sa veste comme les idiots d'Hommes disent, et t'a accusé d'une faute que tu n'as pas commise. Tu aurais lâchement tué un petiot. Le sien.

Faux.

Tu le sais, il aurait bien préféré envoyé d'autres orcs te tuer, mais la loi l'interdit. Le duel est toujours de mise. Surtout entre un chef et son bras droit, car c'est ce moment-là qui permet de définir qui est le chef et qui est le sous-fifre. Un cercle se forme entre vous deux et vous restez immobile, jaugeant l'autre, crachant des injures et grognant tandis que les autres vocifèrent et dressent les poings et les armes en l'air.

Vous ne suivez pas l'un d'entre vous parce que vous l'appréciez ou parce que c'est le rejeton de votre précédent chef. Non. Vous le suivez parce qu'il le mérite, parce qu'il est le plus fort et invaincu. Parce que vous avez compris que, sans chef, tout ne serait qu'anarchie et vous ne gagneriez aucune bataille. Sans leader, votre race se serait éteinte depuis bien longtemps. Le guide n'a pas le droit d'être faible, de douter, d'avoir peur. Même lorsque ses sbires s'enfuient et glapissent de terreur, lui n'en a pas le droit. Il doit faire face, leur ordonner de revenir combattre et de mourir au combat. Dès qu'il se montre vulnérable, il est aussitôt éliminé et remplacé. Et le nouveau guide n'a pas intérêt à traîner à trouver de la nourriture et de nouvelles armes. Vous ne créez pas d'armes. Jamais. Ceux que vous possédez proviennent des cadavres ou des villes ou villages que vous avez mis à sac. Parfois, il vous prend l'envie d'en fabriquer vous-mêmes, mais c'est tellement plus simple de les ramasser sur les corps sans vie des soldats.

R'gardez, c'lui-là. Il a qu'la peau sur les os !

Il f'ra qu'une bouchée !

Il tremble. Il gémit. Il pleure. Jeune garçon apeuré. Jeune fermier seulement armé d'une pauvre fourche. Il a les pieds rouges, trempés par le sang de sa famille massacrée devant ses yeux. Ses mains sont également sanguinolentes, mais c'est parce que tes guerriers ont décidé de jouer avec lui. Tu ne dis rien, tu ne leur empêches pas d'agir à leur guise. Après tout, ils ont bien le droit de s'amuser un peu. Toi-même tu t'es pris la liberté de déguster un nourrisson devant les yeux horrifiés et apeurés de sa génitrice. Cette dernière n'a pas vécu longtemps. Décapité par les des tiens alors qu'elle hurlait, te suppliant ne pas te repaître de son enfant. Vulgaire et faible femelle humaine. Misérable insecte.

Allez, bats-toi, mon gars ! Montr' nous qu' t'es pas un p'tit puceau.

Le garçon a du mal à tenir son outil de travail. Il a mal, tu peux le voir. Il faut dire que tes gars n'ont pas été dans la dentelle. Les ongles arrachés un par un par des pinces rouillés. Un orc s'avance devant lui et tu peux voir à la mine effrayée du gamin que ton guerrier en impose. Ou qu'il fait peur. La fourche tremble devant le cimeterre. Les autres ricanent, le mioche pleure. Et heureusement que c'est juste pour se marrer un peu qu'ils font ça, car il n'y aura pas de grands spectacle. Un coup, puis deux et l'enfant se retrouve avec un bras en moins. Il hurle de douleurs. Tes gars s'esclaffent à gueule bec et toi aussi. Il recule, être rampant sur le sol, bafouillant des « pitié ! » que vous n'aurez jamais. Et ça manque pas. Le combattant, la bave aux lèvres et le sourire sadique, s'approche de la victime et l'empoigne par la gorge, serrant de plus en plus tandis que l'humain tente de se débattre de sa main restante, la bouche grande ouverte en quête d'oxygène. Les yeux sont exorbités, les jambes bougent dans le vide. Il veut se libérer, mais ce n'est pas possible. Il veut respirer, mais on ne le laisse pas faire. Il hoquette, tressaute. Ses yeux finissent par se révulser, ses pieds par prendre mollement. Ce n'est plus qu'une vulgaire marionnette sans vie qui se vide goutte à goutte de son sang de son bras sectionné. Les tiens se marre avant de se lécher les babines. L'heure du repas à sonner.

Tu regardes ton bras mutilé d'un air pensif. On y a planté une broche acérée au niveau de ton coude. Le temps et ta chair ont fait qu'il ne s'agit plus qu'une partie de toi. Elle ne te dérange pas, elle te permet tout de même de tuer et tu as appris à composer avec. Bon nombre de tes sbires ont tenté de se débarrasser de toi, persuadés de ta faiblesse, mais ils l'ont amèrement regretté. Ils ont voulu répandre ton sang, c'est le leur qui a coulé. Nourrissant le sol fertile que vos pas foulent à la recherche d'innocent à massacrer. Tu es un orc. Un orc pâle. Un albinos et tes yeux sont rouges. Rouge comme la passion. Rouge comme le sang de tes victimes. C'est pour cela que tu es né. C'est pour cela que tu vis et c'est pour cela que tu mourras. Pour la guerre et le sang.